Droits des Artisans : 1 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/03136

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Droits des Artisans : 1 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/03136

PC/PR

ARRET N°

N° RG 20/03136

N° Portalis DBV5-V-B7E-GE7A

[I]

C/

Société [12]

CPAM DE LA CHARENTE- MARITIME

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de SAINTES

APPELANT :

Monsieur [T] [I]

Né le 24 août 1966 à [Localité 8](42)

[Adresse 4]

[Localité 15]

Ayant pour avocat postulant Me Thomas DROUINEAU de la SCP DROUINEAU 1927, avocat au barreau de POITIERS

Représenté par Me Elise BENISTI de la SELARL BENISTI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Société [12]

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 3]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 5]

Représentée par Me Juliette BARRÉ substituée par Me Elisa SAURON de la SELARL NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

CPAM DE LA CHARENTE MARITIME

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par M. [X] [Y], muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 04 avril 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 10 septembre 2015, la S.A.R.L. Société [12] a établi une déclaration au titre d’un accident du travail dont a été victime, le 9 septembre 2015 à 4h45, l’un de ses salariés, M. [T] [I], directeur de son établissement de Saintes dans des circonstances ainsi décrites :

Lieu de l’accident : lieu de travail, dans la cuisine du Campanile de [Localité 15].

Circonstances : a effectué l’ouverture du Campanile, lors de la préparation du petit-déjeuner, a glissé sur une flaque d’eau à côté du lave-vaisselle et a chuté au sol ;

Siège des lésions : main droite et poignet droit, douleur, contusion.

La CPAM de Charente-Maritime a notifié le 17 septembre 2015 sa décision de prise en charge de l’accident ainsi déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels.

L’état de santé de M. [I] (par ailleurs licencié pour inaptitude le 3 juillet 2018) a été déclaré consolidé au 31 août 2018 avec séquelles indemnisables induisant un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 17 % dont 5 % au titre de l’incidence professionnelle.

Par acte du 2 novembre 2019, M. [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Charente-Maritime, section de Saintes, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 14 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes a :

– déclaré recevable mais mal fondé le recours de M. [T] [I],

– débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [I] aux dépens.

Au soutien de sa décision, le tribunal a considéré, pour l’essentiel :

– que les circonstances de l’accident sont indéterminées et ne reposent que sur les déclarations de M. [I], rien n’établissant que la chute soit imputable à la présence d’une flaque d’eau alors qu’il n’existe aucun témoin, qu’aucune explication n’a été fournie sur la présence de la flaque d’eau et que deux salariés attestent que le 9 juillet 2015 le nettoyage de la cuisine avait été effectué en toute sécurité,

– que l’existence d’un devis de travaux en vue de la pose d’un carrelage antidérapant ne signifie pas que le sol existant présentait un danger et notamment un risque de glissade auquel le personnel était exposé,

– que M. [I], directeur de l’hôtel depuis 2012, n’avait jamais attiré l’attention de son employeur sur cette prétendue dangerosité alors qu’il bénéficiait d’une délégation de pouvoirs et de responsabilité en matière d’hygiène et de sécurité, qu’il n’a pas profité de l’établissement du devis pour attirer l’attention de son employeur sur l’urgence de ces travaux ou sur la dangerosité du sol,

– qu’il n’est justifié d’aucune plainte de salarié à propos du sol ni d’aucun incident,

– que le fait que M. [I] aurait glissé sur le sol de la cuisine ne signifie pas pour autant que ce sol présentait un danger alors que les circonstances de l’accident ne sont pas établies et qu’aucune infraction à des normes réglementaires n’est caractérisée.

M. [I] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 29 décembre 2020.

L’affaire a été fixée à l’audience du 4 avril 2023 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions transmises les 23 mars 2023 (M. [I]), 8 mars 2023 (S.A.R.L. Société [12]) et 24 février 2023 (CPAM de Charente-Maritime).

M. [I] demande à la cour, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

– de juger que la S.A.R.L. Société [12] s’est rendue responsable d’une faute inexcusable à son égard,

– de fixer ainsi qu’il suit le montant de ses préjudices en résultant :

> pretium doloris : 30 000 €

> préjudice d’agrément : 10 000€

> préjudice professionnel : 100 000 €

> préjudice physique : 3 000 €,

– de condamner la S.A.R.L. Société [12] à la réparation des préjudices,

– de dire qu’en application de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, les sommes allouées en réparation de ces différents chefs de préjudice personnel, soit un total de 143 000 € seront versées directement par la CPAM qui en récupérera le montant auprès de la S.A.R.L. Société [12],

– de rejeter les demandes de la S.A.R.L. Société [12],

– de condamner la S.A.R.L. Société [12] à lui payer la somme de 3 600 € au titre de l’article 700 du C.P.C., outre les dépens.

Après rappel du droit positif en matière de faute inexcusable, M. [I] soutient, en substance :

– s’agissant de la matérialité même de l’accident du travail :

> que les circonstances de l’accident ont été décrites dan la déclaration d’accident du travail qui n’a fait l’objet d’aucune contestation par l’employeur, étant précisé qu’il n’est pas reproché à l’employeur la présence d’eau sur le sol (fait récurrent dans une cuisine) mais l’état du carrelage dont le caractère glissant est confirmé par deux attestations de salariées (pièces 16 et17) et le fait qu’il soit inadapté à une cuisine,

> que sa présence sur site à l’heure de survenance de l’accident était motivée par la nécessité d’assurer la permanence de nuit, en l’absence du veilleur de nuit, en arrêt-maladie, qu’il était impossible de remplacer et par les contraintes matérielles de pousse et cuisson des pains et viennoiseries,

> que l’employeur conteste sans aucun fondement l’hypothèse d’une fuite d’eau du lave-vaisselle qui avait été démarré la veille de l’accident,

> qu’aucune disposition contractuelle ou réglementaire ne lui imposait le port de chaussures de sécurité, obligatoire pour le seul personnel de cuisine,

– s’agissant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat :

> que l’employeur n’a pas respecté son obligation de prévention, étant considéré que le sol d’une cuisine professionnelle doit impérativement être antidérapant, que la direction ne prouve pas que le sol était adapté, que le pouvoir décisionnel en la matière appartenait au directeur régional et non au directeur de l’établissement, que ses demandes de réfection des sols et ses alertes sur leur caractère glissant ont été adressées par messagerie sécurisée interne dont il ne peut disposer mais qu’il prouve avoir sollicité son supérieur hiérarchique en vue d’une réfection du sol (devis de travaux, pièce 4), que celui-ci a rencontré les entrepreneurs sur site mais n’a pas validé le devis (pièces 15 et 15-1), qu’ainsi, l’employeur, à travers l’inaction de son directeur régional n’a pas respecté son obligation de sécurité en ne procédant pas aux travaux de réfection des sols alors qu’ils étaient glissants et inadaptés à une cuisine,

> que l’absence, alléguée mais non démontrée, de tout incident antérieur n’établit pas que le sol n’était pas glissant, que les rapports d’audit produits par l’employeur ne concernent que les risques relatifs à la sécurité sanitaire et alimentaire et non la sécurité des biens et des personnes, spécialement la sécurité des carrelages au sol, que les photographies produites par l’employeur ne sont pas probantes dès lors qu’elles ne sont pas datées et ne révèlent pas la qualité du carrelage, que la conformité de la signalétique est inopérante, le grief tenant non d’un défaut d’affichage mais d’une absence de travaux indispensables,

– s’agissant de la conscience du danger par l’employeur : qu’elle s’évince tant du déplacement sur site, à sa demande, du directeur régional pour rencontrer les artisans et discutes du devis que des alertes par lui effectuées auprès du service qualité du groupe, confirmées par les attestations de deux salariées,

– qu’en définitive, le carrelage était glissant, que si le sol avait été adapté et en bon état, il n’aurait pas glissé, que dès lors qu’il avait alerté le directeur régional , seul compétent pour engager des travaux, c’est l’employeur qui est fautif de ne pas y avoir procédé, que l’employeur a commis une faute inexcusable,

– sur l’indemnisation : qu’ensuite de l’accident, il est atteint de souffrances tant physiques (objectivées par les éléments médicaux versés aux débats) que morales, qu’il subit également un préjudice d’agrément (confirmé par diverses attestations) mais également un préjudice professionnel en ce qu’il ne peut plus, du fait des séquelles de l’accident du travail, occuper un poste dans l’hôtellerie/restauration et qu’il n’a pas de perspectives de reconversion.

Au soutien de ses allégations, il verse aux débats :

– une attestation de M. [J] [D], technico-commercial (pièce 15) ainsi rédigée : Le 19/03/2015, à la demande de Monsieur [I] [T], Directeur de l’Hôtel ‘ Restaurant Campanile de [Localité 15] ([Adresse 1]) j’ai établi un devis N° D150301586 pour la réfection d’une partie des cuisines de l’établissement comprenant entre autres, les sols carrelés vétustes et non antidérapants. Lors de la visite des locaux en vue de l’établissement de ce devis, étaient présents Mr [T] [I], et son supérieur Mr [K] [A], ainsi que Mr [X] [F], représentant de l’EURL [9] (devis N°010 établi le 25/02/2015). Plusieurs personnels de l’entreprise étaient présents. »,

– une attestation de M. [X] [F], artisan (pièce 15-1) « A la demande de Monsieur [I] [T] Directeur de l’hôtel [14] ([Adresse 1]), j’ai établi un devis N°010 le 25/02/2015 pour le remplacement des carrelages de la cuisine vétustes par des carrelages antidérapants.

Lors de la visite des locaux en vue de l’établissement de ce devis, étaient présents Mr [I] et son supérieur Mr [A] ainsi que Mr [D] de l’entreprise [10] (devis n°D150301586 du 19/03/2015). Plusieurs personnels du Campanile étaient également présent ce jour là. Mr [A] nous a signalé qu’il nous donnera rapidement sa réponse. Il n’y a jamais eu de suite. » ,

– une attestation de Mme [S] [E], demandeur d’emploi (pièce 16) «Je suis passé à la réception comme chaque jour rendre mon passe de chambre. J’ai dû attendre un moment, car Mr [I], notre directeur était en rendez-vous avec des entrepreneurs. J’ai reconnu le commercial de la sté [11], il venait souvent pour les réparations de l’hôtel. Comme ils discutaient devant la réception, j’ai pu entendre qu’ils parlaient de rénovation de la cuisine et d’urgence de refaire les carrelages des sols manquants par endroits et glissants. Je n’ai pas entendu la suite car le sous directeur est arrivé ‘ Ce n’étaient pas la première fois que j’entendais parler de la cuisine à refaire. En 2014, lors de 2 contrôle d’hygiène au moins, par la société [7], la dame a fait des photos des sols et de la cuisine à la demande de Monsieur [I] pour les envoyer à Mr [O], patron de notre directeur et au service qualité du groupe. Je n’ai jamais vu la réalisation de ces travaux fin 2014. Monsieur [I], lors d’un retour de réunion avec ses patrons nous a expliqué, à toute l’équipe que le dossier pour la remise aux normes de notre cuisine était entre les mains du service qualité qu’il avait rencontré et que les « choses devraient avancer » ».

– une attestation de Mme [G] [B], adjoint de direction (pièce 17) : En février 2015, j’étais de service au campanile de [Localité 15], lorsque des entrepreneurs ont établi, à la demande de Monsieur [I], Directeur, un devis quant à la réfection de la cuisine et notamment des carrelages des sols qui n’étaient pas en conformité et glissants, manquants ou cassés par endroits. Etaient présents ce jour-là, Mr [A], responsable de Mr [I], Madame [P], membre du CHSCT et d’autres membres du personnel en 2014. Au moins à 2 reprises, la personne des services de contrôle d’hygiène faits par [7] a pris des photos de la cuisine pour dénoncer son état de non-conformité et les a fait parvenir au service qualité de [13]. Par la suite, Mr [I] nous a informé que les devis pour la rénovation de la cuisine et des sols n’avaient pas été validé par ses supérieurs. »

– un mail du 5 janvier 2015 adressé à M. [A] (pièce 32) Je te prie de trouver en PJ une demande d’embauche pour remplacement de l’employé de nuit en arrêt maladie longue durée. A priori, il ne reviendra pas. Je te fais cette demande car je suis HS avec 4 nuits d’astreinte par semaine même quand je suis en vacances… Donc là, je baisse les bras. Et la réponse de M. [A] du 6 janvier 2015 OK Je valide,

– copie du guide d’engagements de dépenses d’immobilisation,

– un ‘guide de classement de carrelage’ (pièce 37 d’origine indéterminée et indéterminable.

La S.A.R.L. Société [12], formant appel incident, demande à la cour :

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [I] de toutes ses demandes,

– l’infirmant en ce qu’il a recherché sa responsabilité après avoir conclu que les circonstances de l’accident dont M. [I] soutient avoir été victime le 9 septembre 2015 étaient indéterminées,

– statuant à nouveau, de juger que les circonstances de l’accident étant indéterminées, l’accident du travail de M. [I] n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur,

– très subsidiairement, d’ordonner une expertise avant dire droit,

– de condamner M. [I] à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du C.P.C.

Elle soutient, pour l’essentiel :

– que nonobstant les déclarations de M. [I], non étayées par le moindre élément probant, les circonstances de l’accident demeurent indéterminées et ne peuvent engager la responsabilité de l’employeur au titre d’une faute inexcusable, étant considéré que rien ne justifiait que M. [I] prépare le petit-déjeuner à une heure aussi matinale alors que le service du petit-déjeuner débute à partir de 6h30, que M. [I] ne précise pas qu’elle était son activité au moment de la chute, que l’hypothèse d’une fuite du lave-vaisselle invoquée pour la première fois en cause d’appel n’est étayée par aucun élément,

– qu’en toute hypothèse, que la dangerosité du carrelage et la connaissance de cette situation par l’employeur ne sont pas établies étant considéré :

> que le projet, temporairement envisagé, de modification du sol n’induit pas ipso facto que le revêtement existant devait être impérativement modifié ni qu’il était impropre à son usage,

> qu’aucun des salariés affectés au restaurant n’atteste que le sol de la cuisine était particulièrement glissant et qu’aucun d’entre eux n’a été victime de glissade,

> que les rapports d’audit qualité/sécurité en restauration et hébergement, hygiène et analyse des risques et maîtrise des points critiques qu’elle a fait réaliser contemporainement à l’accident ne comportent aucune remarque sur l’état du sol, son caractère glissant, sa non-conformité aux normes en vigueur, son caractère inadapté, alors que la société auditrice est compétente et fondée dans le cadre de son contrôle des installations, à relever l’inadaptation d’un revêtement de sol soit à raison de son caractère glissant soit à raison de son caractère non hygiénique,

> que des photographies versées aux débats (pièce 3) ne révèlent aucune anomalie particulière, qu’étaient mis à la disposition des salariés les équipements de protection individuelle destinés à éviter les risques de chute, qu’aucun défaut d’entretien du sol de la cuisine n’est établi, que le guide des normes de l’hôtel impose le port des chaussures de sécurité en cuisine et qu’il appartenait à M. [I], en vertu de la délégation de pouvoir dont il bénéficiait, de faire l’acquisition, pour son propre usage, d’équipement de protection individuelle,

– que M. [I] en qualité de directeur d’hôtel n’avait pas vocation à préparer les petits-déjeuners de sorte qu’il ne peut faire grief à son employeur de l’avoir exposé à des conditions de travail ne garantissant pas sa sécurité,

– que M. [I] a, pour une raison inexpliquée, décidé de remplacer le veilleur de nuit en arrêt de travail depuis le 27 août 2015, alors même que l’établissement disposait d’un second veilleur de nuit et qu’il incombait à M. [I], en sa qualité de directeur d’établissement, de prendre toute mesure adaptée pour pallier l’absence du salarié,

– qu’aucun manquement ne peut donc être reproché à l’employeur alors même qu’il n’y avait aucune urgence à préparer le petit-déjeuner à une heure si matinale, pouvant justifier que M. [I] n’ait pas eu le temps de s’équiper avant d’entrer dans la cuisine,

– subsidiairement, sur les demandes indemnitaires : que le rapport d’expertise médicale sur lequel M. [I] fonde ses prétentions a été établi antérieurement à la consolidation de son état de santé intervenue le 1er septembre 2018 et que les préjudices pour lesquels il est demandé une indemnisation n’ont pas fait l’objet d’une évaluation médicale, réalisée de façon contradictoire.

La CPAM de Charente-Maritime demande à la cour :

– de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur le point de savoir si l’accident du travail dont a été victime M. [I] le 9 septembre 2015 est dû ou non à une faute inexcusable de son employeur,

– le cas échéant, de fixer le montant de la majoration de rentes susceptibles d’être dues à la victime, en application de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale,

– de constater qu’elle fera l’avance de cette majoration et qu’elle en récupérera immédiatement le montant auprès de l’employeur, conformément aux articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,

– de constater que si une somme est allouée à M. [I] sur le fondement de l’article 700 du C.P.C., elle n’aura pas à en faire l’avance, celle-ci devant être réglée directement par l’employeur.

MOTIFS

Il résulte de l’application combinée des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié, il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

Il incombe néanmoins au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur dont il se prévaut ; il lui appartient en conséquence de prouver, d’une part que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d’autre part que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l’employeur est une cause certaine (et non simplement possible) de l’accident.

La conscience du danger, dont la preuve incombe à la victime, ne vise pas une connaissance effective du danger que devait en avoir son auteur. Elle s’apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d’activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.

En l’espèce, l’employeur conteste, à titre principal et liminaire, l’existence d’un quelconque lien de causalité entre le danger invoqué par M. [I] (soit le caractère glissant du sol des cuisines de l’établissement) et l’accident dont le salarié a été victime le 9 septembre 2015, en soutenant que M. [I] n’établit pas que ses blessures sont imputables à une glissade sur un sol humidifié.

Il doit ici être considéré :

– que l’absence de réserves formulées par l’employeur dans le cadre de l’instruction du dossier de reconnaissance d’accident du travail par l’organisme social ne le prive pas du droit de contester, dans le cadre d’une procédure de reconnaissance de faute inexcusable, tant la matérialité de l’accident que la description des circonstances et des causes qui en est faite par le salarié victime,

– qu’en l’espèce, aucun élément n’établit que les blessures de M. [I] sont la conséquence d’une glissade provoquée par une flaque d’eau stagnant sur le sol en carrelage de la cuisine, voire plus généralement par le mauvais état d’entretien de celui-ci, alors qu’il n’existe aucun témoin de l’accident et que l’allégation d’une fuite ayant affecté le lave-vaisselle n’est étayée par aucun élément objectif et vérifiable.

Dans ces conditions, les circonstances de l’accident demeurant indéterminées, l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur ne peut être caractérisée.

Le jugement déféré sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a débouté M. [I] de ses demandes.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du C.P.C. ne faveur de l’une quelconque des parties, s’agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance que de ceux exposés en cause d’appel.

M. [I] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saintes en date du 14 décembre 2020,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du C.P.C. en faveur de l’une quelconque des parties,

– Condamne M. [I] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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