Droits des Artisans : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/10130

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Droits des Artisans : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/10130

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/10130 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCC3J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2020 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 13/8846

APPELANTE

S.C.I. LES VIOLETTES, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée à l’audience de Me Guillaume NORMAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G770

INTIMÉES

S.A.S. JANNEAU MENUISERIES , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Jérôme WIEHN de la SELARL CVS, avocat au barreau de NANTES, toque : 38

S.A.S. TELLIER G, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et et assistée par Me Marie CORNELIE-WEIL de la SELARL CABINET CORNELIE-WEIL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201, substituée à l’audience par Me Mame Ndiaga WADE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

M. Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Laurent NAJEM, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

 

Le 31 mars 2010, la SCI LES VIOLETTES a passé commande de quatre baies vitrées pour un montant TTC de 20 906,32 euros auprès de la SAS JANNEAU MENUISERIES, laquelle les a commandées à la SAS TELLIER G suivant commande en date du 20 avril 2010 pour un montant TTC de 14 352 euros.

 

Les menuiseries ont été livrées à la SCI LES VIOLETTES qui les a posées en juillet 2010.

 

Invoquant un manque de rigidité des baies rendant difficile leur ouverture, cette dernière a fait citer la SAS JANNEAU MENUISERIES, devant le tribunal de grande instance de Créteil, par acte du 11 octobre 2013.

 

La SAS JANNEAU MENUISERIES a appelé en garantie son fournisseur par acte du 12 mai 2014 et les deux procédures ont été jointes.

 

Par un jugement du 30 juin 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a, avant-dire droit sur les demandes, ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [W] [H].

 

Ce dernier a déposé son rapport en l’état le 25 juin 2018.

 

Il relève un défaut de conception des ensembles menuisés (problème de rigidité) et un défaut de pose pour trois des quatre ensembles. Il retient que la SCI LES VIOLETTES est « partiellement concernée » puisque le défaut de pose est une des causes des désordres et la société TELLIER G est principalement concernée, s’agissant de la souplesse des ouvrages, cause principale des désordres.  

 

Le 20 mars 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a, par jugement contradictoire :

 

Débouté la SCI LES VIOLETTES de l’ensemble de ses demandes.

 

Débouté la SAS JANNEAU MENUISERIES de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Débouté la SAS TELLIER G de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Ordonné l’exécution provisoire de la décision,

 

Condamné la SCI LES VIOLETTES aux dépens de la présente instance comprenant le coût de l’expertise judiciaire.

 

Accordé à la SELARL MODERE TOURNILLON et à la SELARL CORNELIE-WEIL, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

 

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

 

Le 21 juillet 2020, la SCI LES VIOLETTES a interjeté appel, intimant la société JANNEAU MENUISERIES (20/10130). 

 

Le 24 juillet 2020, la SCI LES VIOLETTES a intimé la société JANNEAU MENUISERIES et la société TELLIER G (20/10768).

 

La jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros RG 20/10130 et RG 20/10768 a été prononcée le 14 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 octobre 2020, la SCI LES VIOLETTES demande à la cour de :

 

Vu les articles 1134, 1135, et 1142 anciens du code civil 

Vu l’article 700 du code de procédure civile

 

Condamner in solidum la société JANNEAU et la société TELLIER au paiement de la somme de 84 808 Euros au titre de réparation des préjudices subis par la SCI LES VIOLETTES

 

Condamner in solidum la société JANNEAU et la société TELLIER au paiement de la somme de 5.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

 

Condamner in solidum la société JANNEAU et la société TELLIER aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’expertise.

 

La SCI LES VIOLETTES fait valoir qu’il est constant que la société JANNEAU MENUISERIES est la seule en lien contractuel avec elle et que la société TELLIER est le sous-traitant de la société JANNEAU MENUISERIES ; qu’il appartient à cette dernière de répondre des désordres même si elle n’en est pas à l’origine selon le rapport d’expertise.

 

Elle allègue que la société TELLIER a été appelée en garantie non sur le fondement des dispositions de l’article 1648 du code de procédure civile mais sur le fondement de la responsabilité contractuelle de sorte qu’aucune prescription n’est acquise. Elle souligne que ce n’est qu’aux termes de longs et fastidieux échanges qu’elle a été contrainte d’attraire la société JANNEAU MENUISERIES qui n’apportait aucune solution satisfaisante aux désordres constatés et que de vaines interventions ont eu lieu de 2011 à 2013. Elle considère qu’il appartient à la société JANNEAU MENUISERIES de procéder à la mise en cause de la société TELLIER G.

 

Elle détaille les préjudices réclamés, indiquant produire un devis comportant un dossier technique détaillant précisément les opérations à réaliser.

 

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 janvier 2021, la SAS JANNEAU MENUISERIES demande à la cour de :

 

Vu l’article 367 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1135, 1142, 1147, 1648 du code civil dans leurs dispositions antérieures l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations :

 

Ordonner la jonction des instances RG : 20/10130 et RG : 20/10768 ;

 

A titre principal : 

 

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

 

Débouter la SCI LES VIOLETTES de toutes demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SAS JANNEAU MENUISERIES ;

 

A titre subsidiaire : 

 

Condamner la SAS TELLIER G à garantir et relever indemne la SAS JANNEAU MENUISERIES de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, frais et accessoires ;

 

A titre très subsidiaire, en cas d’irrecevabilité de l’appel en garantie formé contre la SAS TELLIER G ;

 

Déclarer irrecevable pour cause de forclusion l’action de la SCI LES VIOLETTES à l’encontre de la SAS JANNEAU MENUISERIES et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse :

 

Condamner toute partie succombante à verser à la SAS JANNEAU MENUISERIES la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

 

La société JANNEAU MENUISERIES souligne que la cour dispose des éléments suffisants pour déterminer l’origine des désordres et fixer les responsabilités. Elle relève qu’il résulte du rapport d’expertise que le défaut de pose des menuiseries est imputable à la SCI LES VIOLETTES et le défaut de conception (problème de rigidité) est reprochée à la société TELLIER G.

 

Elle fait valoir qu’elle n’a commis aucun manquement et doit être mise hors de cause.

 

Subsidiairement, elle rappelle qu’en première instance la SCI LES VIOLETTES n’avait produit aucun devis chiffré de remise en état contemporain ou postérieur aux opérations d’expertise et qu’elle ne justifiait pas de ses autres préjudices. Elle fait valoir qu’à l’exception du coût du remplacement des baies, objet d’un devis désormais versé, aucun des autres postes de préjudice n’est davantage justifié alors que ceux-ci pris ensemble s’élèvent à un montant largement supérieur au simple remplacement.

 

Elle conteste toute résistance abusive de sa part et considère que le trouble de jouissance n’est pas justifié. 

 

Au visa de l’article 1787 du code civil, elle soutient que la société TELLIER G était tenue d’une obligation de résultat tenant à la livraison d’un ouvrage exempt de vices et conforme à l’usage auquel il est destiné ; que les menuiseries commandées devaient répondre à un besoin spécifique de sorte qu’il s’agissait d’un contrat d’entreprise et non de simple vente, peu important qu’il y ait ou non sous-traitance. Elle invoque une responsabilité contractuelle et non la garantie des vices cachés. 

 

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 8 janvier 2021, la SAS TELLIER G demande à la cour de :

 

Vu les articles 1603, 1641, 1648 et 1787 du code civil,

Vu le rapport d’expertise,

Vu les pièces versées aux débats,

 

Dire et juger irrecevables les moyens de la SCI LES VIOLETTES fondés sur le rapport d’expertise, ces moyens étant nouveaux ;

 

Dire et juger que le contrat qui lie la SAS TELLIER G à la SAS JANNEAU MENUISERIES est un contrat de vente et non un contrat de sous-traitance ;

 

Constater l’acquisition de la prescription en application de l’article 1648 du code civil ;

 

Déclarer irrecevable l’appel en garantie de la SAS JANNEAU MENUISERIES à l’encontre de la SAS TELLIER G et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

 

Débouter la SCI LES VIOLETTES et la SAS JANNEAU MENUISERIES de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la SAS TELLIER G ;

 

En tout état de cause,

 

Confirmer le jugement qui a été rendu.

 

Enfin,

 

Condamner toute partie succombante à payer à la SAS TELLIER G la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL CORNELIE-WEIL.  

 

La SAS TELLIER G expose que la société JANNEAU MENUISERIES, spécialiste de la menuiserie, lui a acheté les ensembles cintrés qui, exceptée leur grande dimension, font partie de menuiseries qualifiées de « standard ». Elle précise qu’elle a fabriqué et fourni les ensembles cintrés sans intervenir sur le chantier et a reçu paiement sans réserve.

Elle rappelle que le contrat est une vente si la matière a plus de valeur que le travail fourni et que c’est une entreprise dans l’hypothèse inverse. Elle soutient qu’en l’espèce, le contrat ne fait état que de fournitures ; qu’il y a sous-traitance quand le fournisseur de matériaux participe sur le site à la mise en ‘uvre des matériaux. Elle fait valoir qu’elle n’est jamais intervenue sur le site lors de l’installation ; que les quelques interventions ultérieures l’ont été dans le cadre du service après-vente et des bonnes relations commerciales entretenues avec la société JANNEAU MENUISERIES.

Elle souligne qu’il est de jurisprudence constante que le fournisseur qui n’intervient pas sur le site et ne fait que fournir des marchandises sans en réaliser la pose est un sous-traitant. Elle considère que le contrat qui la liait à la société JANNEAU MENUISERIES est bien un contrat de vente et qu’il ne serait pas raisonnable de requalifier le contrat au seul motif qu’elle est intervenue après-vente dans le cadre de son service commercial.

Elle invoque le fait que l’acceptation de la marchandise libère le vendeur de son obligation de délivrance, sans réserve en l’espèce, puisque l’acheteur a été en mesure de contrôler la conformité de la marchandise remise.

Elle fait état de la sévérité de la jurisprudence s’agissant des acheteurs professionnels au titre de la garantie des vices cachés.

Elle se prévaut la prescription de l’action sur le fondement de l’article 1648 du code civil dans l’hypothèse où le vice caché serait retenu.

Elle souligne que l’expert qui a déposé son rapport en l’état ne donne aucune solution réparatoire ou chiffrage et que la SCI LES VIOLETTES est partiellement concernée pour avoir posé les baies, car le défaut de pose selon l’expert est une des causes des défauts allégués.

Elle demande que sa qualité de vendeur soit dès lors retenue et que toute mission de sous-traitance soit écartée comme contraire au contrat signé et exécuté.  

 

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT

 

Sur la responsabilité

 

Aux termes de l’article 1787 du code civil :

« Lorsqu’on charge quelqu’un de faire un ouvrage, on peut convenir qu’il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu’il fournira aussi la matière. »

 

Aux termes de l’article 1134 (ancien) du code civil, dans sa version applicable au présent litige :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.»

 

L’article 1147 du même code, dans cette même rédaction :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

 

En outre, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le tiers à un contrat peut se prévaloir d’un manquement contractuel pour obtenir réparation du préjudice causé par ce manquement sans avoir à prouver une faute distincte à son égard.

 

En l’espèce, l’expert judiciaire, dans un rapport déposé en l’état, a constaté que les quatre baies en aluminium laqué, présentes en vis-à-vis, équipent quatre arcades appareillées en pierres de 3,91 m de large et 3,11 m de hauteur sous face de la clé de voûte. Elles sont chacune composées de deux vantaux centraux vitrés et de six éléments fixes vitrés en plein cintre.

 

S’agissant de la première arcade, suivant des constatations du 11 février 2016, l’expert expose que la solidité et la rigidité du châssis ne sont pas affectées, les deux ouvrants fonctionnent mais un défaut de réglage affecte l’ouvrant gauche et un important défaut de verticalité a été détecté correspondant à un devers de 8 mm pour 60 cm de long (longueur du niveau utilisé).

 

Pour la deuxième arcade :  la solidité et la rigidité du châssis ne sont pas affectées, l’ouvrant frotte au sol, les deux ouvrants sont décalés et un peu trop haut et ne sont pas non plus à l’horizontale. L’expert constate également un important défaut de verticalité.

 

Pour la troisième arcade : la solidité et la rigidité du châssis ne sont pas affectées, les deux ouvrants frottent au sol. Un important défaut de verticalité correspondant à un fruit de 5 à 6 mm pour 60 cm de long est aussi noté ainsi que la présence d’une paumelle de fixation cassée.

 

Pour la quatrième arcade : la solidité et la rigidité du châssis ne sont pas affectées, les deux ouvrants se débattent correctement tout en étant très légèrement affaissés. L’expert note un défaut de verticalité de 2mm visible sur le châssis fixé.

 

De nouvelles vérifications sont intervenues le 27 juin 2016, avec un artisan muni d’un laser, confirmant les défauts de verticalité.

 

L’expert rappelle que le propriétaire des lieux a commandé les ensembles menuisés mais les a posés et réglés lui-même. Il conclut que le défaut de pose est l’une des causes des défauts allégués et qu’à ce titre, la SCI LES VIOLETTES lui paraît « partiellement concernée ». L’expert considère que le vendeur des menuiseries extérieures ne lui parait pas du tout « concerné » par les griefs.

 

Au contraire, la société TELLIER G, selon l’expert, fabricant des menuiseries extérieures et qui a procédé à l’étude technique (calcul d’inertie) des ensembles est « principalement concernée ». Il conclut en effet que la souplesse des ouvrages est principalement la cause des défauts allégués.

 

Le rapport a été rendu en l’état, faute pour l’expert d’obtenir des documents demandés au titre du chiffrage, malgré relance. L’expert relève ainsi (point 3.6 du rapport) qu’aucun chiffrage n’a été communiqué suite à l’analyse technique de M. [V], ingénieur expert dont l’intervention était sollicitée pour analyser les pièces techniques.

 

La société TELLIER G sollicite sa mise « hors de cause » : elle conteste l’existence d’une « sous-traitance », estimant qu’il n’y a eu en l’espèce, qu’un contrat de vente. Elle relève qu’elle n’est pas intervenue sur le chantier et que les ensembles cintrés, bien que de grande dimension, ressortent de menuiseries « standards ». 

 

Cependant, la confirmation de commande émise de la société TELLIER G en date du 20 avril 2010 comprend des éléments particulièrement détaillés sur trois pages, des spécifications techniques, notamment de dimensions, pour les cintres, qui ne peuvent pas recevoir la qualification d’éléments standardisés. La commande de la société JEANNEAU MENUISERIES confirme la spécificité de la commande et elle comprend notamment un dessin correspondant à la forme des arcades en cause, qui induit un travail important et spécifique de la société TELLIER G.

 

La SCI LES VIOLETTES verse un document à en-tête de la société TELLIER G intitulé « suggestion renforts supplémentaires SCI les violettes », et qui détaille au moyen de schémas la solution proposée. Ce document s’apparente à une étude technique.  

 

Les échanges de courriels entre les parties confirment que la société TELLIER G n’est pas intervenue uniquement en qualité de vendeur mais a fourni des conseils et proposé des solutions techniques spécifiques. Ainsi, dans un courriel du 21 novembre 2011, M. [J] représentant cette société adresse un plan de principe de la solution proposée pour répondre à des points techniques mais également esthétiques et évoque les dimensions et particularités du renfort technique proposé pour respecter les choix esthétiques du client (pièce 10, société JANNEAU MENUISERIE).

 

C’est donc légitimement que la société JANNEAU MENUISERIE se prévaut, dans les liens avec la société TELLIER G d’un contrat d’entreprise et non d’un simple contrat de vente et qu’elle se fonde sur une responsabilité contractuelle et non sur la garantie des vices cachés. La prescription de l’article 1648 du code civil n’est donc pas encourue.

 

Il est constant qu’il n’existe aucun lien contractuel entre la SCI LES VIOLETTES et la société TELLIER G. Cependant, en qualité de tiers de contrat, l’appelante peut se prévaloir d’un manquement contractuel de la société TELLIER G à l’égard de la société JANNEAU MENUISERIES pour obtenir réparation du préjudice causé par ce manquement sans avoir à prouver une faute distincte à son égard.

 

Dès lors, la SCI LES VIOLETTES est fondée dans son action :

– Sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l’encontre de la société JANNEAU MENUISERIES pour la mauvaise exécution de la commande, tenant pour l’essentiel à la souplesse des ouvrages installés qui en limite l’usage ;

– Sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l’encontre de la société TELLIER G  qui est à l’origine de ses désordres et a, dans sa relation avec la société JANNEAU MENUISERIES, mal exécuté le travail qui lui avait été confié.

 

En revanche, comme relevé précédemment, l’expert a noté que la SCI LES VIOLETTES était partiellement « concernée » (responsable) des désordres, du fait d’un défaut de pose qui a nécessairement accentué les désordres intrinsèques des éléments livrés.

 

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour retiendra une responsabilité partagée dans les proportions suivantes : 80 % pour les intimées et 20 % restant à la charge de la SCI LES VIOLETTES qui a concouru à son préjudice par une pose défaillante. 

 

Les société JANNEAU MENUISERIES et TELLIER G seront par conséquent condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la SCI LES VIOLETTES, dans la limite de 80 % ainsi retenus.  

 

Sur les préjudices

 

Sur le coût de remplacement des baies

 

L’expert avait rendu son rapport en l’état, n’ayant pu analyser les pièces techniques.

 

A hauteur d’appel, la SCI LES VIOLETTES produit un devis N°2020/ 611 en date du 19 octobre 2020 de la société CEINTRALU pour un montant TTC de 37 008 euros.

 

Ce devis porte sur la fourniture de quatre châssis comprenant une porte à deux vantaux (cintrée) avec une partie fixe (cintrée) autour en aluminium, les références et dimensions sont précisées, outre la livraison.

 

La SCI LES VIOLETTES justifie suffisamment avec cette pièce du coût du remplacement des baies. Au vu de l’expertise, il ne peut être sérieusement soutenu que les éléments posés puissent faire l’objet de reprise, 10 ans plus tard.

 

Sur les frais de dépose et de repose

 

La SCI LES VIOLETTES sollicite l’octroi des sommes de 3 000 euros au titre des frais de dépose et 4 800 euros au titre de repose.

 

Il a été relevé que c’est la SCI LES VIOLETTES qui avait posé elle-même les baies et que, surtout, cette pose, défaillante, était partiellement la cause des désordres relevés. Elle ne peut donc faire supporter aux intimés les conséquences de la mauvaise exécution sur ce point qui l’aurait obligée à y remédier, même si les baies avaient été par ailleurs exemptes de vices.

 

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre. 

 

Sur le préjudice de jouissance

 

La SCI LES VIOLETTES réclame une somme de 10 000 euros par an, soit 30 000 euros au titre d’un trouble de jouissance paisible des locaux. Elle relève les frottements et le défaut de verticalité notés par l’expert, sans donner d’autres éléments sur les conséquences concrètes de ces désordres.

 

La cour allouera la somme de 1 500 euros (3 X 500) au titre de ce préjudice, la SCI LES VIOLETTES ne justifiant pas suffisamment de sa demande à hauteur de 30 000 euros.

 

Le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a débouté la SCI LES VIOLETTES de l’ensemble de ses demandes. Statuant de nouveau, la société JANNEAU MENUISERIES et la société TELLIER G seront condamnées in solidum à payer à la SCI LES VIOLETTES la somme de (37 008+1500* 80%) = 30 806,40 euros.

 

La SCI LES VIOLETTES sera déboutée pour le surplus.

 

Sur l’appel en garantie

 

Il résulte des développements précédents que les menuiseries commandées à la société TELLIER G étaient destinées à répondre à des besoins spécifiques.

 

La société TELLIER G a été défaillante dans l’obligation de réaliser ce travail d’analyse et d’exécution de manière conforme et sans vice.

 

Dès lors, l’appel en garantie de la société JANNEAU MENUISERIES à l’encontre la société TELLIER G sera accueilli. La société JEANNEAU MENSUISERIES sera intégralement relevée et garantie par la société TELLIER G, sans conserver de part de responsabilité. 

 

Sur les demandes accessoires  

 

Le sens de la présente décision conduit à infirmer les dispositions de la décision déférée au titre des frais répétibles et irrépétibles.

 

Statuant à nouveau, la société TELLIER G et la société JANNEAU MENUISERIES seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ainsi qu’à payer la somme de 2 000 euros à la SCI LES VIOLETTES au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’appel en garantie de la société JANNEAU MENUISERIES à l’encontre de la société TELLIER G est également accueilli s’agissant de ses demandes accessoires.

PAR CES MOTIFS

 

Infirme la décision déférée ;

 

Statuant de nouveau et y ajoutant,

 

Dit que la société JANNEAU MENUISERIES et la société TELLIER G sont responsables à hauteur de 80 % du préjudice subi par la SCI LES VIOLETTES à raison du défaut affectant les baies vitrées cintrées ;

 

Condamne in solidum la société JANNEAU MENUISERIES et la société TELLIER G à payer à la SCI LES VIOLETTES la somme de 30 806,40 euros de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, compte tenu du partage de responsabilité ;

 

Condamne in solidum la société JANNEAU MENUISERIES et la société TELLIER G à payer à la SCI LES VIOLETTES la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

 

Déboute la SCI LES VIOLETTES du surplus de ses demandes indemnitaires ;

 

Condamne in solidum la société JANNEAU MENUISERIES et la société TELLIER G aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

 

Condamne la société TELLIER G à relever et garantir la société JANNEAU MENUISERIES de l’ensemble des condamnations, y compris au titre des frais répétibles et irrépétibles ; 

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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