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Tribunal administratif de Toulouse, 3ème Chambre, 24 mars 2023, 2106161
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 octobre 2021 et le 25 novembre 2021, M. I H et Mme A D, représentés par Me Jung, demandent au tribunal :
1°) d’annuler le permis de construire accordé à M. F G et Mme J G le 16 juin 2021 par le maire de Toulouse portant extension de leur maison individuelle d’habitation par création d’un logement d’une surface de 41,37 m2 comportant un étage, ensemble la décision explicite de rejet de leur recours gracieux en date du 6 septembre 2021 ;
2°) de mettre à la charge de M. et de Mme G la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. H et Mme D soutiennent que :
– l’arrêté du 16 juin 2021 est entaché d’incompétence ;
– les plans accompagnant le dossier de permis de construire étaient insuffisants pour que la commune de Toulouse apprécie la distance d’implantation des vues créées par le projet ;
– l’emprise au sol du projet excède celle prévue au plan local d’urbanisme.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre 2021 et 17 janvier 2022, M. et Mme G, représentés par Me Bracq, concluent, à titre principal, à l’irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire, à son rejet, et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise respectivement à la charge de M. H et de Mme D sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme G font valoir que :
– à titre principal, M. H et Mme D ne justifient pas d’un intérêt à agir au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;
– leur requête est irrecevable en raison de la production d’une attestation de propriété postérieure à l’introduction de leur recours et de l’absence de production de la décision attaquée ;
– leur demande indemnitaire est irrecevable dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir ;
– à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. H et Mme D ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2021, la commune de Toulouse conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. H et de Mme D sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le maire de Toulouse fait valoir qu’aucun des moyens n’est fondé.
Par une ordonnance en date du 27 janvier 2023, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 février 2023.
Par lettre datée du 26 octobre 2021, en application des dispositions de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, Me Jung a été invité à communiquer au tribunal le nom du requérant qui devra être rendu destinataire de la notification de la décision à venir. L’avocat a également été informé qu’à défaut de réception de cette information avant la clôture de l’instruction, la décision rendue sera uniquement adressée au premier dénommé, M. H.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Quessette, rapporteur,
– les conclusions de Mme Matteaccioli, rapporteure publique,
– et les observations de Me Jung, représentant M. H et Mme D, et de Mme E, représentant la commune de Toulouse.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté en date du 16 juin 2021, le maire de la commune de Toulouse a accordé à M. et Mme G un permis de construire un logement d’une surface de 41,37 m2 par extension de leur maison individuelle d’habitation, comportant un étage sans création de stationnement, sur une parcelle cadastrée BH 346, sise 21, rue du Fenoul à Toulouse. Par un recours gracieux du 27 juillet 2021, M. H et Mme D, voisins du projet, ont sollicité auprès du maire de la commune le retrait de cet arrêté. Par courrier du 6 septembre 2021, le Maire de Toulouse a rejeté leur recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En application de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : » Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. () « .
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté ARVT-20-0625 en date du 3 novembre 2020, affiché en mairie et régulièrement transmis aux services de la préfecture de la Haute-Garonne le même jour, le maire de la commune de Toulouse a donné délégation à son adjointe, Mme K C, pour la délivrance des autorisations en matière de droits du sol, au nombre desquelles figurent les arrêtés de permis de construire. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteure de l’arrêté du 16 juin 2021 ne peut qu’être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme : » Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L’état initial du terrain et de ses abords indiquant, s’il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l’insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L’aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L’implantation, l’organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L’organisation et l’aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement « . Aux termes de l’article R. 431-9 de ce code : » Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. () « . En outre, l’article R. 431-10 du même code précise que » Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d’un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l’état initial et l’état futur ; b) Un plan en coupe précisant l’implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l’état initial et l’état futur ; c) Un document graphique permettant d’apprécier l’insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu’aucune photographie de loin n’est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse « . Enfin, l’article A. 424-8 du même code précise que » Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d’urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d’urbanisme « .
5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
6. M. H et Mme D soutiennent que le dossier de demande de permis de construire déposé par M. et Mme G n’était pas complet, les plans n’étant pas assortis de précisions permettant à l’administration d’apprécier à quelle distance de la limite de propriété les projections visuelles accompagnant le projet étaient implantées, ni de cotes permettant d’apprécier l’insertion globale du projet dans son environnement, au regard notamment des possibilités d’atteinte aux dispositions de l’article 678 du code civil. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire déposé par M. et Mme G comporte notamment un plan de situation (PCMI 01), un plan de masse (PCMI 02), un plan des façades (PCMI 05) et un plan d’intégration dans le site ou d’insertion paysagère (PCMI 06). Ainsi, les plans ont permis au service instructeur de la commune de Toulouse de pouvoir apprécier l’insertion du projet immobilier dans son environnement et notamment la distance d’implantation des projections visuelles par rapport à la limite de propriété. Par conséquent, ces éléments, exacts et suffisants, ont permis au service instructeur de la commune de Toulouse d’apprécier l’insertion du projet dans l’environnement bâti. Si les vues susceptibles d’être créées par l’extension projetée sur la propriété de M. H et Mme D n’apparaissent pas sur ces plans, cette circonstance est sans incidence sur le caractère complet du dossier dès lors que le permis de construire, qui ne sanctionne que les règles d’urbanisme qui s’imposent aux constructeurs, n’a pas pour objet de vérifier la régularité de la construction par rapport aux règles du code civil.
7. En deuxième lieu et en tout état de cause, il résulte notamment des dispositions précitées de l’article A. 424-8 du code de l’urbanisme que toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé peut faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si l’autorisation contestée respecte les règles d’urbanisme. Les autorisations d’urbanisme étant délivrées sous réserve des droits des tiers, le moyen tiré de ce que les travaux autorisés créeraient une vue directe sur la propriété des requérants en méconnaissance de l’article 678 du code civil est inopérant à l’encontre de la décision attaquée, un tel moyen n’étant pas de ceux qui peuvent être utilement invoqués à l’encontre d’un permis de construire.
8. En troisième lieu, selon les dispositions de l’article 9.1.1 UL du règlement du plan local d’urbanisme de Toulouse : » L’emprise au sol, (exprimée par le coefficient d’emprise au sol), des constructions existantes et futures situées sur une même unité foncière ne peut excéder 50% de la superficie totale de cette unité foncière « .
9. Il ressort des pièces du dossier que l’unité foncière support de la construction à édifier mesure 217,36 m², de telle sorte que l’emprise au sol des constructions ne peut excéder, conformément aux dispositions précitées du plan local d’urbanisme, 108,68 m². Or, il ressort de ces mêmes pièces, que l’emprise au sol, qu’il appartient au juge de contrôler dès lors qu’est sérieusement contestée la conformité du permis de construire au document d’urbanisme imposant un plafond d’emprise au sol, s’élève au total, avec la construction projetée à 93,37 m2. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet méconnaît sur ce point le plan local d’urbanisme de la commune de Toulouse.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. H et Mme D ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 16 juin 2021. Leur requête doit donc être rejetée.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Aux termes de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, » Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : » Art. 41, alinéas 3 à 5. – Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. () « .
12. Il ne ressort pas des mémoires en défense produits par M. et Mme G que les termes employés présenteraient un caractère diffamatoire et excédant ainsi les limites de la controverse entre parties dans le cadre d’une procédure contentieuse, ce qui justifierait qu’ils soient supprimés en application des dispositions précitées. Il n’y a donc pas lieu de faire application des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l’article L. 741-2 du code de justice administrative, ni de condamner M. et Mme G à verser aux requérants des dommages et intérêts.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme G, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. H et Mme D demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. H et Mme D une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme G et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. H et Mme D la somme demandée par la commune de Toulouse au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. H et de Mme D est rejetée.
Article 2: M. H et Mme D verseront 1 500 (mille cinq cents) euros à M. et Mme G en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme G est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Toulouse tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. I H, à M. F G et Mme J G et à la commune de Toulouse.
Délibéré après l’audience du 6 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Grimaud, président,
M. Bernos, premier conseiller,
M. Quessette, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.
Le rapporteur,
L. QUESSETTE
Le président,
P. GRIMAUD La greffière,
M. B
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme :
La greffière en chef,