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Tribunal administratif de Melun, 4ème chambre, 14 avril 2023, 2102090
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 mars 2021, le 6 juin 2022, le 12 juillet 2022, le 4 août 2022 et le 20 mars 2023, M. et Mme B A doivent être regardés comme demandant au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d’annuler l’arrêté du 27 octobre 2020 par lequel le maire de Crécy-la-Chapelle s’est opposé à la déclaration préalable de travaux pour la réhabilitation d’une construction existante sur la parcelle cadastrée 142 B 180 située 9 rue Serret à Crécy-la-Chapelle ;
2°) d’annuler l’arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le maire de Crécy-la-Chapelle les a mis en demeure dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêté de mettre fin durablement à l’état de péril du bâtiment séparant les fonds B 180 et B 182, à y soustraire les éventuels occupants et en procédant à la mise en œuvre de la démolition complète de ce bâtiment annexe, dans les règles de l’art et dans des conditions garantissant la sécurité des personnes et des biens ;
3°) d’ordonner une contre-expertise judiciaire sur l’état actuel de solidité et d’intégrité de chaque mur et fondations non encore trouvées du bâtiment et du mur séparatif mitoyen sinistrés, l’origine et la cause de leurs désordres depuis le sinistre du 24 décembre 2010, et les moyens économiquement viables et soutenables d’y remédier ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Crécy-la-Chapelle la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– ils ont intérêt à agir contre l’arrêté attaqué dès lors qu’un compromis de vente a été conclu le 7 août 2020 et qu’il a été donné mandat à Mme C pour agir en leur nom notamment pour déposer une déclaration de travaux ;
– la requête a été envoyée depuis l’étranger le 25 février 2021, soit dans le délai de quatre mois, conformément à l’article R. 421-7 du code de justice administrative, et a été réceptionnée le 4 mars 2021 ;
– l’arrêté attaqué du 15 juillet 2019 est illégal du fait de l’illégalité de l’arrêté de péril imminent du 7 avril 2016 ;
– il a été édicté sur la base du rapport d’expert judiciaire du 7 mars 2016 qui est non contradictoire et l’expert judiciaire architecte ne peut être considéré comme impartial ;
– l’arrêté attaqué du 27 octobre 2020 est insuffisamment motivé ;
– il est illégal dès lors qu’il ne mentionne pas les délais et voies de recours en méconnaissance de l’article R. 421-5 du code de justice administrative ;
– il est illégal dès lors que les personnes consultées ont rendu un avis favorable sur le projet, objet de la demande de déclaration préalable litigieuse ;
– il est entaché d’erreur d’appréciation dès lors que ce bâtiment annexe ne donne pas sur la voie publique et ne menace en aucun cas la sécurité publique, ni les voisins ni la famille A ;
– il constitue une atteinte au droit de propriété ;
– il est entaché de discrimination raciale et religieuse.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mai 2022, le 24 juin 2022 et le 19 juillet 2022, la commune de Crécy-la-Chapelle, représentée par Me Dokhan, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la suppression, en application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, de propos injurieux, outrageants ou diffamatoires ;
3°) à la condamnation des requérants à lui verser une somme d’un euro à titre de réparation pour ces propos ;
4°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la requête est irrecevable dès lors qu’elle est tardive ;
– la requête est irrecevable dès lors qu’elle n’est pas motivée en méconnaissance de l’article R. 411-1 du code de justice administrative ;
– la requête est irrecevable dès lors que M. et Mme A n’ont pas d’intérêt à agir à l’encontre de cet arrêté portant opposition à la déclaration préalable déposée par Mme C ;
– les conclusions qui ne tendent pas à l’annulation de l’arrêté attaqué du 27 octobre 2020 sont irrecevables ;
– les conclusions tendant à l’indemnisation des prétendus préjudices liés à la décision attaquée sont irrecevables ;
– le maire de Crécy-la-Chapelle était tenu de s’opposer à la demande de déclaration préalable concernant une construction frappée d’un arrêté de péril du 15 juillet 2019 qui nécessitait le dépôt d’une demande de permis de construire en application de l’article R. 421-1 du code de justice administrative ;
– le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêté attaqué est irrecevable dès lors qu’aucun moyen de légalité externe n’a été invoqué dans le délai de recours contentieux.
Par une lettre du 3 juin 2022, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il était envisagé d’appeler l’affaire à une audience et que l’instruction pourrait être close à partir du 27 juin 2022 sans information préalable.
Une ordonnance portant clôture immédiate de l’instruction a été émise le 30 décembre 2022.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des conclusions dirigées contre l’arrêté n°191/2019 du 15 juillet 2019 du maire de Crécy-la-Chapelle dès lors qu’un recours juridictionnel a été formé à l’encontre de cet arrêté par une requête n° 1911603, ce qui révèle la connaissance de cet arrêté au plus tard à la date de ce recours.
Des observations ont été enregistrées pour M. et Mme A et communiquées le 1er mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Blanc, conseillère,
– et les conclusions de M. Grand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté du 7 avril 2016, le maire de Crécy-la-Chapelle a édicté un arrêté de péril imminent à l’encontre des requérants concernant l’immeuble situé 9 rue Serret à Crécy-la-Chapelle. Par un arrêté du 15 juillet 2019, le maire de Crécy-la-Chapelle a mis en demeure les requérants dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêté de mettre fin durablement à l’état de péril du bâtiment séparant les fonds B 180 et B 182, à y soustraire les éventuels occupants et en procédant à la mise en œuvre de la démolition complète de ce bâtiment annexe, dans les règles de l’art et dans des conditions garantissant la sécurité des personnes et des biens. Par une demande déposée le 14 septembre 2020, Mme A épouse C, fille des requérants et bénéficiaire d’un compromis de vente, a sollicité le bénéfice d’une déclaration préalable en vue de réhabiliter l’annexe située 9 rue Serret à Crécy-la-Chapelle. Par un arrêté du 27 octobre 2020, le maire de Crécy-la-Chapelle s’est opposé à cette déclaration préalable de travaux au motif qu’un arrêté de péril du 15 juillet 2019 a ordonné la démolition complète de ce bâtiment.
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 15 juillet 2019 :
2. Aux termes de l’article R. 421-5 du code de justice administrative : » Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision « . L’auteur d’un recours juridictionnel tendant à l’annulation d’une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu’il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours. Si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d’enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie.
3. Les requérants ont contesté l’arrêté du 15 juillet 2019 du maire de Crécy-la-Chapelle par la voie d’un recours en annulation enregistré le 26 décembre 2019 au greffe du tribunal administratif de Melun, lequel a été rejeté par un jugement du 14 décembre 2022. Il en résulte que les conclusions présentées le 6 mars 2021 et dirigées contre l’arrêté du 15 juillet 2019 du maire de Crécy-la-Chapelle sont tardives et, par suite, irrecevables. Elles ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées.
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 27 octobre 2020 :
4. Aux termes de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme : » Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire. / Un décret en Conseil d’État arrête la liste des travaux exécutés sur des constructions existantes ainsi que des changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent également être précédés de la délivrance d’un tel permis « .
5. Lorsqu’il est constaté que des travaux sont, en vertu des dispositions du code de l’urbanisme, soumis à l’obligation d’obtenir un permis de construire mais n’ont fait l’objet que d’une simple déclaration, le maire est tenu de s’opposer aux travaux déclarés et d’inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire.
6. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable déposée par Mme A épouse C, fille du requérant et bénéficiaire d’un compromis de vente, avait pour objet la réhabilitation de l’annexe sinistrée située sur 9 rue Serret à Crécy-la-Chapelle afin de créer une ouverture provisoire dans le mur de clôture, poser des barrières de fermeture du chantier lors des travaux, enlever le pan Ouest restant de la charpente et poser une nouvelle charpente, réaliser du gros œuvre en maçonnerie tel que la réalisation de nouvelle fondation et l’élévation d’un nouveau mur en limite de propriété Est, la reprise du mur pignon Nord, la réhabilitation de la façade Ouest incluant le remplacement des linteaux vétustes, le remplacement des portes et fenêtres. Or, la commune se prévaut de l’arrêté du 15 juillet 2019 du maire de Crécy-la-Chapelle ayant mis en demeure dans un délai d’un mois à compter de la notification de cet arrêté les requérants de mettre fin durablement à l’état de péril du bâtiment séparant les fonds B180 et B182, à y soustraire les éventuels occupants et en procédant à la mise en demeure des mesures suivantes, à savoir la démolition complète de ce bâtiment annexe, dans les règles de l’art et dans des conditions garantissant la sécurité des personnes et des biens. Si les requérants produisent les observations de Mme A épouse C, pétitionnaire, ces observations ne sont pas de nature à remettre en cause l’état de ruine dans lequel se trouve l’annexe en litige, tel que cela ressort de l’arrêté du 15 juillet 2019 du maire de la commune, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il ne serait pas exécutoire. En outre, si les requérants se prévalent de ce que le bâtiment annexe ne donne pas sur la voie publique et ne menace en aucun cas la sécurité publique ni le voisin ou leur famille, ils ne remettent pas utilement en cause le caractère de construction nouvelle que visent les travaux à réaliser. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que les travaux portent sur une construction qui ne peut être qualifiée d’existante et le maire de la commune de Crécy-la-Chapelle est fondé à soutenir qu’il était tenu de s’opposer à la demande de déclaration préalable aux fins de réhabiliter un bâtiment qui doit être démoli et à exiger le dépôt d’un permis de construire.
7. Ainsi qu’il a été dit, le maire de Crécy-la-Chapelle était tenu de s’opposer aux travaux déclarés, lesquels devaient faire l’objet d’une demande de permis de construire. Par suite, les moyens soulevés par les requérants à l’appui des conclusions à fin d’annulation formées contre l’arrêté du maire de la commune ne peuvent qu’être écartés comme inopérants.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense et la recevabilité de la requête ni d’ordonner une expertise, que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 27 octobre 2020 du maire de Crécy-la-Chapelle doivent être rejetées.
Sur les conclusions de la commune de Crécy-la-Chapelle tendant à la suppression des passages injurieux :
9. Aux termes de l’article L. 741-2 du code de justice administrative : » Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : » Art. 41, alinéas 3 à 5. – Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. () « .
10. Les passages commençant par les mots » que le maire abuse une fois de plus « , à la page 7 de la requête, et par les mots » qu’il est permis de s’interroger sur le véritable « , à la page 6 et 7 du mémoire enregistré le 6 juin 2022, présentent un caractère injurieux, outrageants ou diffamatoires et doivent être supprimés.
11. Si la commune de Crécy-la-Chapelle demande au tribunal de condamner M. et Mme A au versement d’un euro à titre de réparation pour les propos susvisés, elle n’établit pas le préjudice allégué. Dès lors, à les supposer recevables, ses conclusions doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Crécy-la-Chapelle, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la commune de Crécy-la-Chapelle au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Les passages des écritures des requérants mentionnés ci-dessus au point 10 sont supprimés. Le surplus des conclusions de la commune de Crécy-la-Chapelle présenté sur le fondement de l’article L. 741-2 du code de justice administrative est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Crécy-la-Chapelle au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme B A et à la commune de Crécy-la-Chapelle.
Délibéré après l’audience du 24 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Mullié, présidente,
Mme Jeannot, première conseillère,
Mme Blanc, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.
La rapporteure,
T. BLANCLa présidente,
N. MULLIE
La greffière,
C. ROUILLARD
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière