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Cour de cassation, Première chambre civile, 29 mars 2023, 22-12.306
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 mars 2023
Rejet
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 227 F-D
Pourvoi n° F 22-12.306
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 MARS 2023
Mme [T] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-12.306 contre l’arrêt rendu le 24 novembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 7), dans le litige l’opposant à Mme [K] [D], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [D], et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2021), soutenant qu’un message publié sur la page Facebook de la ville de [Localité 3] par Mme [D] présentait un caractère diffamatoire à son égard, Mme [C] l’a assignée en réparation de son préjudice.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [C] fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que les propos poursuivis, tenus par Mme [D], étaient relatifs aux circonstances, quatre ans auparavant, de la restitution d’un ordinateur portable mis par la commune à la disposition de Mme [C], ancienne élue municipale ; qu’ils répondaient à une intervention de Mme [C] sur le Facebook de la ville de [Localité 3] dont Mme [D] est le maire, à la suite d’une publication relative à des voyages organisés pour les seniors par le Centre Communal des OEuvres sociales de la ville, et dans le cadre d’une polémique relative à leur coût et leur subvention ; qu’en se fondant, pour faire bénéficier Mme [D] de l’excuse de bonne foi, sur la circonstance que « l’honnêteté des élus municipaux est un sujet d’intérêt général intéressant au premier chef les administrés d’une commune », ce qui n’était pas l’objet du débat légitime en cours sur le Facebook de la ville de [Localité 3], de sorte que les propos ne s’inscrivaient pas dans le contexte d’un débat public sur l’honnêteté des élus municipaux, la cour d’appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu’en retenant encore, pour faire bénéficier Mme [D] de l’excuse de bonne foi nonobstant l’ancienneté des faits qu’elle prétendait rappeler, que le contexte politique tolère une plus grande liberté d’expression « s’agissant d’une élue et d’une ancienne élue municipale » « ouvertement adversaires politiques », en l’absence pourtant de toute compétition électorale constatée à la date des propos poursuivis susceptible de légitimer le but poursuivi, la cour d’appel a derechef violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que les propos poursuivis imputent à Mme [C] des faits de nature pénale, en visant le code pénal et la qualification de vol, et ce, pour avoir prétendument refusé la restitution de matériel électronique appartenant à la collectivité après une défaite électorale ; que l’arrêt retient que « les propos poursuivis reposent sur une base factuelle suffisante constituée par les courriels échangés entre Mme [C] et la mairie de [Localité 3] faisant état du retard pris par l’intimée pour restituer les objets de la collectivité qui lui avaient été remis. La mairie a été dans l’obligation d’adresser un courriel de relance puis de mise en demeure mais le matériel n’a été restitué que deux mois après cette mise en demeure et, en tout cas, au-delà du délai imparti » ; qu’il résulte ainsi des constatations des juges du fond que dans les correspondances échangées, Mme [C] n’a pas refusé de restituer le matériel, mais, après avoir exposé ne pas être disponible aux heures de bureau, a proposé sa restitution, suivant des modalités pratiques qui ont été refusées par la commune ; qu’il est constant que le matériel a bien été restitué, fut-ce après mise en demeure et avec retard ; que, comme l’avait relevé le jugement, dont la confirmation était demandé, « les échanges de correspondance établissent seulement qu’elle ne s’est pas montrée de bonne composition pour l’organisation de la restitution du matériel qui avait été mis à sa disposition par la commune, songeant même à en faire supporter les frais par la collectivité et qu’elle a pris du temps à le restituer, ce qu’elle explique par la nécessité de purger l’ordinateur de ses données personnelles » ; que l’accusation de vol, c’est-à-dire de l’appropriation frauduleuse de la chose d’autrui n’avait aucune base factuelle ; que la cour d’appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que pour faire bénéficier Mme [D] de l’excuse de bonne foi nonobstant un manque caractérisé de prudence et de mesure dans l’expression, l’arrêt retient que le contexte politique tolère une plus grande liberté d’expression « s’agissant d’une élue et d’une ancienne élue municipale » ; que cependant, en l’absence de toute compétition électorale constatée à la date des propos poursuivis, seule Mme [D], en sa qualité d’élue, devait faire preuve d’une plus grande tolérance au regard des commentaires critiques postés par Mme [C] concernant la politique sociale de la ville, la règle ne pouvant être inversée au détriment de Mme [C] à la date des propos ; que la cour d’appel a derechef violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
5°/ qu’en s’abstenant de tenir compte, comme elle y était invitée, des précédents messages que Mme [D] avait antérieurement publiés sur cette même question ancienne de la restitution du matériel informatique par Mme [C], et déjà, sans que son propos soit en rapport avec le sujet initial, ce qui était de nature à caractériser une attaque personnelle sans aucun lien avec le contexte de publication, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
3. Après avoir retenu que les propos incriminés, qui émanaient de la maire de la commune et imputaient à Mme [C], ancienne conseillère municipale, d’avoir voulu conserver du matériel informatique appartenant à la commune, étaient diffamatoires, la cour d’appel a estimé que ceux-ci répondaient à une publication de Mme [C] sur la page Facebook de la mairie, que l’honnêteté des élus municipaux était un sujet d’intérêt général intéressant au premier chef les habitants d’une commune, que les courriels échangés entre Mme [C] et la mairie faisaient état du retard pris par Mme [C] pour restituer le matériel appartenant à la municipalité, la restitution n’ayant eu lieu que deux mois après une mise en demeure, et que l’animosité personnelle entre les parties n’était pas démontrée, les parties étant ouvertement des adversaires politiques.
4. La cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a déduit, à bon droit, que les propos incriminés s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général, reposaient sur une base factuelle suffisante et que, compte tenu du contexte dans lequel ils avaient été tenus, le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à Mme [D].
5. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.