Conditions du coemploi dans l’audiovisuel

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Conditions du coemploi dans l’audiovisuel
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Pour dire que la société TGA News et la société TGA Production ont la qualité de coemployeurs de M. [I], l’arrêt retient que ces deux sociétés ont le même dirigeant social et ont le même siège social, que la société TGA Production exerce une activité de production audiovisuelle tandis que la société TGA News a, selon son extrait K bis, une activité « d’agence de presse, fourniture aux journaux et périodiques, radio diffusion, télévision et de manière générale à tous organes de communication des articles, informations, reportages, photographies, films et tous autres éléments de rédaction », et qu’au regard de la nature de leurs activités respectives, il apparaît que l’une produit ce que l’autre va fournir aux journaux ou aux chaînes de radio ou de télévision.

L’arrêt relève également que dans un courrier du 9 mai 2014, le gérant de la société TGA News évoque les difficultés économiques de sa société en faisant état d’un déficit global de 271 000 euros incluant le déficit en compte courant de la société TGA Production, que dans un courrier électronique du 2 novembre 2016, adressé indistinctement aux salariés des deux sociétés, il évoque la situation des deux sociétés, l’intitulé de l’objet de ce courrier étant « Situations TGA », et que dans leurs écritures, les deux sociétés reconnaissent que la société TGA Production a aidé financièrement la société TGA News.

La cour d’appel en déduit qu’il existait une confusion des intérêts, de la gestion et du fonctionnement des deux sociétés, ce qui caractérise l’existence d’un seul et unique employeur de M. [I].

En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société TGA Production dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie et d’action de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 2023, 21-16.904

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 avril 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 441 F-D

Pourvoi n° G 21-16.904

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023

1°/ La société TGA production, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ la société [Z]-Florek, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [B] [Z], agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société TGA production,

ont formé le pourvoi n° G 21-16.904 contre l’arrêt rendu le 15 mars 2021 par la cour d’appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 2],

2°/ au Syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société TGA News, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société [Z]-Florek, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [B] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire de la société TGA News,

défendeurs à la cassation.

M. [I] et le Syndicat national des journalistes ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés TGA production et [Z]-Florek, ès qualités, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [I] et du Syndicat national des journalistes, après débats en l’audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Limoges, 15 mars 2021), M. [I] a été engagé en qualité de journaliste rédacteur le 20 septembre 2008 par la société Alligator infos, devenue TGA News.

2. M. [I] a conclu le 28 juillet 2014 avec la société TGA Production un contrat d’auteur/réalisateur documentaire portant sur une oeuvre intitulée « de la parole aux actes ».

3. Le salarié a été licencié pour motif économique par la société TGA News le 9 mai 2017.

4. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de la société TGA News le 12 décembre 2017, la société [Z]-Florek étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La société TGA Production a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 3 janvier 2017, un plan de continuation étant adopté le 3 avril 2018 et la société [Z]-Florek désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement.

5. Soutenant l’existence d’un coemploi, le salarié et le Syndicat national des journalistes (SNJ) ont saisi la juridiction prud’homale le 27 novembre 2017 de demandes à l’encontre des sociétés TGA News et TGA Production en contestation de son licenciement. Le salarié a également sollicité le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi incident

6. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société TGA Production et la société [Z]-Florek, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de cette société, font grief à l’arrêt de dire que la société TGA News et la société TGA Production ont la qualité de coemployeurs de M. [I], qu’elles sont débitrices in solidum envers lui de diverses sommes, que la société TGA Production est débitrice de certaines sommes envers M. [I], d’ordonner la fixation de certaines créances de M. [I] envers la société TGA Production au passif du redressement judiciaire de cette société et de la condamner à payer diverses sommes à M. [I], alors « que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ; qu’en se bornant à relever, pour dire que les sociétés TGA News et TGA Production étaient coemployeurs de M. [I], qu’elles ont le même dirigeant social et le même siège social, que leurs activités sont complémentaires, que le gérant de ces deux sociétés a évoqué la situation économique des deux sociétés dans deux courriers et que la société TGA Production a aidé financièrement la société TGA News, la cour d’appel n’a pas caractérisé une immixtion permanente de la société TGA Production dans la gestion économique et sociale de la société TGA News faisant perdre à cette dernière tout autonomie d’action ; qu’elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail :

8. Il résulte de ce texte que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

9. Pour dire que la société TGA News et la société TGA Production ont la qualité de coemployeurs de M. [I], l’arrêt retient que ces deux sociétés ont le même dirigeant social et ont le même siège social, que la société TGA Production exerce une activité de production audiovisuelle tandis que la société TGA News a, selon son extrait K bis, une activité « d’agence de presse, fourniture aux journaux et périodiques, radio diffusion, télévision et de manière générale à tous organes de communication des articles, informations, reportages, photographies, films et tous autres éléments de rédaction », et qu’au regard de la nature de leurs activités respectives, il apparaît que l’une produit ce que l’autre va fournir aux journaux ou aux chaînes de radio ou de télévision.

10. L’arrêt relève également que dans un courrier du 9 mai 2014, le gérant de la société TGA News évoque les difficultés économiques de sa société en faisant état d’un déficit global de 271 000 euros incluant le déficit en compte courant de la société TGA Production, que dans un courrier électronique du 2 novembre 2016, adressé indistinctement aux salariés des deux sociétés, il évoque la situation des deux sociétés, l’intitulé de l’objet de ce courrier étant « Situations TGA », et que dans leurs écritures, les deux sociétés reconnaissent que la société TGA Production a aidé financièrement la société TGA News.

11. La cour d’appel en déduit qu’il existait une confusion des intérêts, de la gestion et du fonctionnement des deux sociétés, ce qui caractérise l’existence d’un seul et unique employeur de M. [I].

12. En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société TGA Production dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie et d’action de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la société TGA News et la société TGA Production ont la qualité de coemployeurs de M. [I], dit que la société TGA Production est débitrice in solidum envers M. [I] des sommes de 3 262,50 euros brut au titre des heures supplémentaires et 326,25 euros brut au titre des congés payés afférents, 381,74 euros brut de rappel de salaire au titre des temps de trajets inhabituels, 28 858 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement prévu par l’article L. 7112-3 du code du travail, 28 908 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail relatif au licenciement sans cause réelle et sérieuse, 300 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la délivrance tardive du solde de tout compte, dit que la société TGA Production est débitrice envers M. [I] de la somme de 190,87 euros brut de rappel de salaire au titre des temps de trajets inhabituels, dit que la société TGA Production est tenue in solidum au paiement du rappel de salaire au titre des temps de trajets inhabituels dans la limite de 190,87 euros brut, ordonne la fixation au passif du redressement judiciaire de la société TGA Production des créances de M. [I] de 3 262,50 euros brut au titre des heures supplémentaires et 326,25 euros brut au titre des congés payés afférents, 190,87 euros brut de rappel de salaire au titre des temps de trajets inhabituels, condamne la société TGA Production à payer à M. [I] les sommes de 28 858 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement prévu par l’article L. 7112-3 du code du travail, 28 908 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail relatif au licenciement sans cause réelle et sérieuse, 300 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la délivrance tardive du solde de tout compte, dit que les créances ci-dessus, à l’exception des dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice résultant de la délivrance tardive du solde de tout compte, sont couvertes par l’AGS dans le cadre du redressement judiciaire de la société TGA Production, condamne in solidum la société TGA Production à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamne in solidum la société TGA Production aux dépens de première instance et d’appel, l’arrêt rendu le 15 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers ;

Condamne M. [I] et le Syndicat national des journalistes aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.

 


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