Votre panier est actuellement vide !
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Au cas présent, c’est à juste titre et par des motifs pertinents que le premier juge a constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite lié à l’installation, par la SCI l’Aigle, d’un tuyau métallique de grande taille en provenance de sa propriété et traversant la clôture séparative vers la propriété voisine, tuyau posé en pente vers le bassin de rétention d’eau de la société Wipelec.
Le procès-verbal de constat du 1er mars 2022 et les photographies qui l’accompagnent ne laissent subsister aucun doute sur la provenance de ce tuyau, à savoir le chantier en cours au sein de la propriété de la SCI l’Aigle, et sur la création, pour permettre son passage, d’un trou cimenté dans le mur de terre séparant les deux propriétés, sous le muret en béton supportant la clôture grillagée.
L’huissier relève également, sur la bâche du bassin de rétention d’eau de la société Wipelec, la présence de traces blanchâtres, lesquelles sont nettement visibles sur les photographies.
Selon le procès-verbal du 12 avril 2022 que produit la SCI l’Aigle, le tuyau a une longueur de 5,5 mètres et un diamètre de 30 centimètres. Les photographies annexées au procès-verbal de constat produit par l’appelante elle-même démontrent qu’un appareil de chantier doté d’une grue a été nécessaire pour procéder au retrait de ce tuyau, d’une dimension importante.
Il résulte également du rapport de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Ile-de-France du 30 mars 2022 versé aux débats que, lors de sa visite, l’inspecteur a « constaté la présence d’une canalisation passant sous le muret d’enceinte pour déverser illégalement des substances (eaux pluviales contenant du ciment ‘) dans le bassin de rétention des eaux incendie de Wipelec » et que « le dispositif d’obturation permettait la rétention des effluents de couleur blanchâtre, provenant du site voisin, dans le bassin des eaux incendie ; les traces blanchâtres [étant] visibles uniquement au niveau de la canalisation mise en place par la société voisine ».
* * *
Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – Chambre 8, 24 mars 2023, 22/09778
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 24 MARS 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09778 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3DG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Mai 2022 -Président du TJ de MEAUX – RG n° 22/00373
APPELANTE
S.C.I. L’AIGLE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440
Assistée par Me Georges DEMIDOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : L143
INTIMEE
S.A.R.L. WIPELEC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et assistée par Me Safine HADRI de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, Rachel LE COTTY, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La société Wipelec exerce une activité de traitement de surface et de traitement mécanique des métaux, en vue de la réalisation de pièces fines à destination d’appareils essentiellement électroniques. Elle exploite, depuis 2012, une installation classée pour la protection de l’environnement sur un site localisé dans la zone industrielle Nord, [Adresse 1]), dont elle est locataire.
Afin d’assurer la sécurité des installations qu’elle exploite, conformément aux prescriptions administratives, elle dispose d’un bassin de rétention des eaux d’extinction incendie.
Les équipes de surveillance du site ont constaté, le 1er mars 2022, la présence, au niveau d’un muret, d’un gros tuyau sortant du terrain voisin, propriété de la SCI l’Aigle, et débouchant au-dessus du bassin de rétention.
Les faits ont été constatés par huissier le jour même et une plainte déposée. Une mise en demeure a été adressée à la SCI l’Aigle le 2 mars 2022 et ces éléments ont été transmis à la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Ile-de-France par courriels des 2 et 14 mars 2022.
Invoquant l’absence de retrait du tuyau en dépit de la mise en demeure adressée à la SCI L’Aigle, la société Wipelec l’a assignée, par acte du 25 mars 2022, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux afin d’obtenir sa condamnation à procéder au retrait immédiat de l’installation litigieuse comprenant le tuyau pénétrant illégalement sur son terrain et déversant des substances dans son bassin de rétention, à faire procéder à une analyse des eaux du bassin et à l’évacuation de celles-ci vers un centre de destruction agréé si elles s’avéraient polluées, ainsi qu’à toutes mesures de remise en état visant à sécuriser le mur séparant les deux propriétés, détérioré par la SCI l’Aigle pour faire pénétrer illégalement un tuyau sur son terrain et remettre en état les murs, sols et bassin de rétention.
Par ordonnance du 4 mai 2022, le juge des référés a :
condamné la SCI l’Aigle à faire procéder à une analyse des eaux du bassin de rétention des eaux incendie de la société Wipelec et à l’évacuation de celles-ci vers un centre de destruction agréé si elles s’avéraient polluées ;
condamné la SCI l’Aigle à toutes mesures de remise en état, visant à sécuriser le mur séparant les deux propriétés, détérioré volontairement par elle pour faire pénétrer illégalement un tuyau sur le terrain exploité par la société Wipelec et à remettre en état les murs, sols et bassin de rétention, dégradés par elle ;
condamné la SCI l’Aigle à payer à la société Wipelec la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en ce inclus les frais de constat d’huissier du 1er mars 2022 ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 18 mai 2022, la SCI l’Aigle a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.
Par conclusions remises au greffe et notifiées le 19 août 2022, elle a soulevé l’irrecevabilité de l’appel incident formé par la société Wipelec en application des articles 542, 546 et 122 du code de procédure civile au motif que celle-ci avait obtenu gain de cause sur l’intégralité de ses demandes en première instance.
Par ordonnance sur incident du 12 octobre 2022, le magistrat désigné par le premier président a déclaré recevable l’appel incident formé par la société Wipelec et condamné la SCI l’Aigle aux dépens de l’incident.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 2 février 2023, la SCI L’Aigle demande à la cour de :
la dire recevable en son appel et y faisant droit,
infirmer l’ordonnance de référé entreprise en ce qu’elle :
l’a condamnée à faire procéder à une analyse des eaux du bassin de rétention des eaux incendie de la société Wipelec et à l’évacuation de celles-ci vers un centre de destruction agréé si elles s’avéraient polluées ;
l’a condamnée à toutes mesures de remise en état, visant à sécuriser le mur séparant les deux propriétés, détérioré volontairement par elle pour faire pénétrer illégalement un tuyau sur le terrain exploité par la société Wipelec et à remettre en état les murs, sols et bassin de rétention, dégradés par elle ;
l’a condamnée à payer à la société Wipelec la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en ce inclus les frais de constat d’huissier du 1er mars 2022 ;
statuant à nouveau,
débouter la société Wipelec de sa demande tendant à la voir condamner à toutes mesures de remise en état, visant à sécuriser le mur séparant les deux propriétés, détérioré volontairement par elle pour faire pénétrer illégalement un tuyau sur le terrain exploité par la société Wipelec et à remettre en état les murs, sols et bassin de rétention, dégradés par elle ;
débouter la société Wipelec de sa demande tendant à la voir condamner à procéder à l’évacuation des eaux contenues dans le bassin de rétention de la société Wipelec, en tout état de cause et indépendamment de leur caractère pollué ou non ;
déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la société Wipelec en ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive et atteinte à l’image et à la réputation ;
débouter la société Wipelec de ses autres demandes ;
y ajoutant,
condamner la société Wipelec à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Wipelec aux dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Domain dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 janvier 2023, la société Wipelec demande à la cour de :
rejeter dans leur intégralité les prétentions de la SCI l’Aigle ;
confirmer partiellement l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la SCI l’Aigle :
à toutes mesures de remise en état, visant à sécuriser le mur séparant les deux propriétés, détérioré volontairement pour faire pénétrer illégalement un tuyau sur le terrain exploité par elle et à remettre en état les murs, sols et bassin de rétention dégradés par elle ;
à lui payer la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en ce inclus les frais de constat d’huissier du 1er mars 2022 ;
en conséquence,
condamner la SCI l’Aigle à toutes mesures de remise en état, visant à sécuriser le mur séparant les deux propriétés, détérioré volontairement par elle pour faire pénétrer illégalement un tuyau sur son terrain et à remettre en état les murs, sols et bassin de rétention, dégradés par elle ;
la juger bien fondée en son appel incident ;
en conséquence,
infirmer partiellement l’ordonnance de référé entreprise en ce qu’elle condamne la SCI l’Aigle à évacuer les eaux du bassin de rétention si elles s’avéraient polluées ;
en conséquence,
condamner la SCI l’Aigle à procéder à l’évacuation des eaux contenues dans son bassin de rétention, en tout état de cause et indépendamment de leur caractère pollué ;
juger que la SCI l’Aigle a mis en ‘uvre une procédure abusive à son encontre ;
en conséquence,
condamner la SCI l’Aigle à lui payer la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la procédure abusive entreprise à son encontre ;
juger que la SCI l’Aigle a commis une faute en tenant des propos dénigrants à son encontre et à l’encontre de son dirigeant, M. [S] ;
en tout état de cause,
condamner la SCI l’Aigle au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Sur le trouble manifestement illicite
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Au cas présent, c’est à juste titre et par des motifs pertinents que le premier juge a constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite lié à l’installation, par la SCI l’Aigle, d’un tuyau métallique de grande taille en provenance de sa propriété et traversant la clôture séparative vers la propriété voisine, tuyau posé en pente vers le bassin de rétention d’eau de la société Wipelec.
Le procès-verbal de constat du 1er mars 2022 et les photographies qui l’accompagnent ne laissent subsister aucun doute sur la provenance de ce tuyau, à savoir le chantier en cours au sein de la propriété de la SCI l’Aigle, et sur la création, pour permettre son passage, d’un trou cimenté dans le mur de terre séparant les deux propriétés, sous le muret en béton supportant la clôture grillagée.
L’huissier relève également, sur la bâche du bassin de rétention d’eau de la société Wipelec, la présence de traces blanchâtres, lesquelles sont nettement visibles sur les photographies.
Selon le procès-verbal du 12 avril 2022 que produit la SCI l’Aigle, le tuyau a une longueur de 5,5 mètres et un diamètre de 30 centimètres. Les photographies annexées au procès-verbal de constat produit par l’appelante elle-même démontrent qu’un appareil de chantier doté d’une grue a été nécessaire pour procéder au retrait de ce tuyau, d’une dimension importante.
Il résulte également du rapport de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Ile-de-France du 30 mars 2022 versé aux débats que, lors de sa visite, l’inspecteur a « constaté la présence d’une canalisation passant sous le muret d’enceinte pour déverser illégalement des substances (eaux pluviales contenant du ciment ‘) dans le bassin de rétention des eaux incendie de Wipelec » et que « le dispositif d’obturation permettait la rétention des effluents de couleur blanchâtre, provenant du site voisin, dans le bassin des eaux incendie ; les traces blanchâtres [étant] visibles uniquement au niveau de la canalisation mise en place par la société voisine ».
Cette intrusion sur le terrain d’autrui, accompagnée de dégradations des lieux, qui plus est pour permettre l’évacuation sauvage des gravats ou autres déchets en provenance du chantier de la SCI l’Aigle, caractérise non seulement une violation du droit de propriété de la société Wipelec mais également une atteinte aux dispositions de l’article 7.6.5.1 (« bassin de confinement ») de l’arrêté préfectoral n°12/DCSEI/IC/055 du 29 juin 2012 régissant l’activité de la société Wipelec, installation classée pour la protection de l’environnement.
Cet article stipule en effet que le bassin de confinement doit « recueillir l’ensemble des eaux et écoulements susceptibles d’être pollués lors d’un sinistre, y compris les eaux d’extinction d’un incendie, afin que celles-ci soient récupérées ou traitées en vue de prévenir toute pollution des sols, égouts, des cours d’eau ou du milieu naturel ». Il précise qu’ « avant saturation du volume de confinement, l’exploitant recourt à des sociétés spécialisées chargées de pomper les effluents ».
Ce bassin ne peut donc être encombré de résidus ou d’effluents provenant d’autres sources, au risque de ne pouvoir ensuite remplir son office en cas d’incendie.
S’agissant des mesures de remise en état, il est constant que la SCI l’Aigle a fait procéder au retrait du tuyau le 12 avril 2022, en présence d’un huissier.
Celle-ci soutient que le muret séparatif des deux fonds n’a pas été touché, la canalisation ayant été introduite sur le terrain de la société Wipele sous le muret en béton, directement à travers le talus.
Cependant, si le muret en béton n’a pas été touché, il résulte des photographies et constats précités qu’un trou a été fait dans le talus en terre séparant les propriétés et que ce trou a été cimenté, de sorte qu’il y a bien eu une dégradation de la limite séparative des propriétés. En tout état de cause, la SCI l’Aigle a elle-même, le 12 avril 2022, en présence de l’huissier, rebouché le trou qu’elle avait creusé, ce qui atteste bien d’une dégradation.
L’appelante soutient également que, s’agissant de la demande de remise en état des « sols et bassins dégradés », la société Wipelec ne rapporte la preuve d’aucune dégradation du bassin de rétention qui lui serait imputable. Elle ajoute que l’intimée dispose de plusieurs bassins et que le lien avec le bassin litigieux n’est pas établi.
Néanmoins, l’intimée produit une photographie montrant un accroc dans le revêtement du bassin de rétention. La SCI l’Aigle ne peut sérieusement prétendre que cette dégradation ne lui est pas imputable, alors qu’il est constant qu’elle a entrepris des travaux illégaux en posant un tuyau donnant sur ce bassin, puis en procédant à son retrait, aucune autre circonstance ou intervention n’étant susceptible de justifier cet accroc dans le revêtement.
Au demeurant, ainsi que l’expose l’intimée, la comparaison des différentes photographies prises par elle et l’huissier permet de constater que le bassin perforé est bien celui sur lequel le tuyau avait été installé (on retrouve en effet, sans aucun doute possible, la présence des traces blanches, de traces marrons, ainsi que de feuilles dans le bassin, au niveau du tuyau, tant sur les photographies annexées au constat d’huissier que sur celle de la bâche endommagée).
La contestation est d’autant plus injustifiée que l’appelante, qui a procédé à la réparation, en exécution de l’ordonnance entreprise, ainsi qu’en atteste sa facture du 29 juillet 2022, a eu parfaitement connaissance du bassin en cause et aurait pu, le cas échéant, démontrer qu’il ne s’agissait pas du bassin litigieux.
La SCI l’Aigle fait encore valoir, s’agissant de l’analyse et de l’évacuation des eaux du bassin, qu’il n’a jamais été constaté d’écoulement à travers le tuyau et que les traces blanchâtres constatées auraient donc une autre origine. Elle expose à cet égard que les précipitations locales ont été très faibles sur la période de présence du tuyau sur le terrain de la société Wipelec (entre le 17 février et le 12 avril 2022) et que, lors de son constat du 12 avril 2022, l’huissier a relevé que le tuyau ne présentait aucune trace d’humidité et que la tranchée sur sa propriété, à partir de laquelle les eaux auraient pu s’écouler, était sèche.
Elle ajoute que les analyses qu’elle a fait réaliser le 22 juillet 2022 par une entreprise spécialisée, en exécution de l’ordonnance de référé, ont révélé l’absence de pollution.
Cependant, les traces blanchâtres constatées sous le tuyau témoignent à l’évidence d’un écoulement depuis celui-ci, peu important que cet écoulement ait été abondant ou non et que les précipitations aient été nombreuses ou non sur la période considérée. De même, la circonstance que la tranchée située sur le terrain de la SCI l’Aigle ait été sèche le 12 avril 2022 ne permet pas de conclure à l’absence de tout écoulement depuis cette tranchée au cours des deux mois précédents.
En présence d’un trouble manifestement illicite constitué par la pose illégale d’un tuyau sur le terrain d’autrui afin d’y déverser des eaux de pluie ou tout autre effluent, il appartient à la cour, avec les pouvoirs du juge des référés, de prescrire les mesures de remise en état. Or, la SCI l’Aigle ne conteste pas la présence d’effluents dans le bassin de rétention de la société Wipelec.
Dès lors, quelle que soit l’importance de ceux-ci, il lui appartient de les faire pomper, ainsi que le prescrit le rapport de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Ile-de-France du 30 mars 2022, qui énonce que « les faits s’étant produits sur le site d’une installation classée pour la protection de l’environnement, l’exploitant devra justifier que les effluents seront pompés par des sociétés spécialisées et traités dans des installations agréées à cet effet. Il devra s’assurer, d’une part, que les effluents provenant du site voisin ne transitent plus par cette canalisation et, d’autre part, de disposer du volume de rétention des eaux incendie prévu par son arrêté préfectoral. »
Si le traitement des effluents par des sociétés spécialisées n’est à ce jour plus nécessaire puisqu’il est établi – et non contesté par la société Wipelec – qu’ils ne sont pas pollués, il appartient néanmoins à la SCI l’Aigle de les faire pomper, cette obligation ne pouvant incomber à la société Wipelec qui n’a en rien contribué au trouble manifestement illicite.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a ordonné la remise en état des lieux et l’analyse des eaux du bassin par la SCI l’Aigle, la cour constatant toutefois qu’à ce jour, le trouble manifestement illicite a cessé sur ce point puisque ces mesures ont été exécutées par la société Wipelec (remise en état du mur, réparation du bassin et analyse des eaux). En conséquence, au regard de l’évolution du litige depuis la décision du premier juge, il n’y a plus lieu à référé de ces chefs pour l’avenir.
L’ordonnance sera, pour le surplus, partiellement infirmée, la SCI l’Aigle étant condamnée à procéder à l’évacuation des eaux du bassin en dépit de l’absence de pollution constatée.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
La société Wipele demande une provision de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Mais l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituent, en principe, un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts qu’en cas de faute caractérisée, étant rappelé que l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute.
Au cas présent, l’appel interjeté par la SCI l’Aigle ne revêt pas de caractère abusif, en l’absence de faute caractérisée de sa part.
La demande de provision pour procédure abusive sera donc rejetée.
Sur la demande de « juger que la SCI l’Aigle a commis une faute en tenant des propos dénigrants » à l’encontre de la société Wipelec et de son dirigeant
Dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour, la société Wipelec demande de « juger que la SCI l’Aigle a commis une faute en tenant des propos dénigrants à son encontre et à l’encontre de son dirigeant, M. [S] ».
Elle ne tire cependant aucune conséquence juridique de cette faute qu’elle demande de constater et ne formule aucune prétention de ce chef, qu’il s’agisse d’un éventuel retrait des écrits litigieux, en application de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ou d’une demande de provision en réparation du préjudice subi.
La cour n’est donc saisie d’aucune prétention de ce chef, qui ne donnera pas lieu à mention au dispositif.
Sur les frais et dépens
La SCI l’Aigle, partie perdante, sera tenue aux dépens d’appel et condamnée à payer à la société Wipelec la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a condamné la SCI l’Aigle à faire procéder à l’évacuation des eaux du bassin de rétention des eaux incendie de la société Wipelec « si elles s’avéraient polluées » ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la SCI l’Aigle à faire procéder à l’évacuation des eaux contenues dans le bassin de rétention des eaux incendie de la société Wipelec en dépit de l’absence de pollution constatée ;
Vu l’évolution du litige,
Constate l’absence de trouble manifestement illicite à ce jour s’agissant des mesures de remise en état des murs, sols et bassin de rétention dégradés par la SCI l’Aigle, ces mesures de remise en état ayant été exécutées, ainsi que s’agissant de l’analyse des eaux du bassin, cette analyse ayant été faite ;
En conséquence,
Dit n’y avoir plus lieu à référé pour l’avenir de ces chefs ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Wipelec ;
Condamne la SCI l’Aigle aux dépens d’appel ;
La condamne à payer à la société Wipelec la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,