Critiquer les compétences d’un dirigeant

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Critiquer les compétences d’un dirigeant
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Les critiques sur la compétence d’un dirigeant sont sans rapport avec celles du groupe qu’il dirige. Des articles de   presse qui lui imputent une incompétence et des déficiences dans la gestion de ses structures, ne peuvent s’inscrire dans le cadre d’une concurrence déloyale et d’un dénigrement de produits et services en matière de presse, s’agissant de propos de nature à porter atteinte à la réputation professionnelle.

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil qui prévoit que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, le dénigrement qui consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits ou les services d’un concurrent pour en tirer un profit, engage la responsabilité civile de droit commun de son auteur si la critique porte, non pas sur la personne physique ou morale concernée, mais sur les produits ou services d’un concurrent, dans un but de détournement de clientèle.

La diffamation quant à elle, délit de presse prévu et réprimé par la loi du 29 juillet 1881, vise toute allégation ou imputation d’un fait précis qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne physique ou morale.

 

*      *      *

Cour d’appel de Bordeaux, 1ère CHAMBRE CIVILE, 28 mars 2023, 22/04073

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 28 MARS 2023

RP

N° RG 22/04073 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3SE

S.A. DE PRESSE ET D’EDITION DU SUD OUEST (SAPESO)

c/

[B] [M]

S.A.S. NA EDITION

S.A.S.U NA MEDIA

S.A.S. NA PRODUCTIONS

S.A.S.U. NA RADIO

S.A.S. NA TELEVISION

Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 09 août 2022 par le Président du Tribunal de Commerce de BORDEAUX (RG : 2022R00221) suivant déclaration d’appel du 25 août 2022

APPELANTE :

S.A. DE PRESSE ET D’EDITION DU SUD OUEST (SAPESO), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Valérie SEMPE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[B] [M]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

S.A.S. NA EDITIONS, prise en la personne de son Président, M. [B] [M], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

S.A.S.U. NA MEDIA, prise en la personne de son Président, M. [B] [M], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

S.A.S. NA PRODUCTIONS, prise en la personne de son Président, M. [B] [M], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

S.A.S.U. NA RADIO, prise en la personne de son Président, M. [B] [M], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

S.A.S. NA TELEVISION, prise en la personne de son Président, M. [B] [M], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentées par Maître Fabien DREY DAUBECHIES de la SARL RECLEX, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] [M] a créé un groupe de média comprenant les sociétés NA Media SASU, NA Radio SASU, NA Editions SAS, NA Télévision SAS et NA Productions SAS dont l’objectif est la diffusion d’information dans la région Nouvelle Aquitaine.

Soutenant que plusieurs publications du groupe de presse Sud-Ouest le concernant ont été éditées à charge et auraient pour but de le dénigrer, M. [M], ainsi que les sociétés dont il a la gestion, ont, par assignation du 23 mars 2022, fait citer à comparaître la Société de Presse et d’Edition du Sud-Ouest (SAPESO SA) devant le tribunal de commerce de Bordeaux, aux fins notamment de voir ordonner sous astreinte le retrait des articles publiés sur le site internet www.sudouest.fr/, le déréférencement desdits articles sur les moteurs de recherche internet, la publication de la décision sur le compte Twitter du journal Sud-Ouest, la publication d’un communiqué judiciaire faisant état de la condamnation dans les éditions papiers du quotidien Sud-Ouest, ainsi que la condamnation de la société SAPESO au paiement de la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance de référé du 9 août 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– retenu sa compétence,

– ordonné à la SAPESO SA de faire disparaître, par tous moyens appropriés et sur tous ses supports numériques, toute possibilité pour quiconque d’avoir désormais accès aux articles publiés en date des 4 et 5 février et 3 mars 2022 considérés comme dénigrant volontairement et indûment des entreprises commerciales,

– dit que cette suppression devra intervenir au plus tard 2 jours francs après la signification de l’ordonnance et ce, sous une astreinte de 1.000 € par jour de retard. Cette astreinte sera valable durant deux mois à l’issu desquels il pourra être à nouveau fait droit, le juge des référés se réservant le droit de liquider l’astreinte,

– ordonné à la SAPESO SA de publier tant dans ses éditions de Charente Maritime et de Dordogne et sur tous ses supports numériques un communiqué explicite de la décision,

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts de M. [B] [M], la SAS NA Média, la SAS NA Radio, la SAS NA Editions, la SAS NA Télévision et la SAS NA Productions,

– invité M. [B] [M], la SAS NA Média, la SAS NA Radio, la SAS NA Editions, la SAS NA Télévision et la SAS NA Productions à mieux se pourvoir,

– condamné la SAPESO SA à payer à M. [B] [M], la société NA Média SASU, la société NA Radio SASU, la société NA Editions SAS, la société NA Télévision SAS et à la société NA Productions SAS la somme de 1.250 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAPESO SA aux dépens.

La Société de Presse et d’Edition du Sud-Ouest SA (SAPESO) a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 25 août 2022 et par conclusions déposées le 28 octobre 2022, elle demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts de M. [M], la SAS NA Media, la SAS NA Radio, la SAS NA Editions, la SAS NA Télévision et la SAS NA Productions,

Statuant à nouveau,

In limine litis

– requalifier, en application de l’article 12 du code de procédure civile, l’action engagée par les intimés par assignation du 23 mars 2022 sur le fondement de l’article 1240 du code civil en action en diffamation publique envers un particulier prévue par l’article 29 alinéa 1er et réprimée par l’article 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et en conséquence :

– juger que le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux aurait dû se déclarer incompétent, en application de l’article R.211-3-26 du code de l’organisation judiciaire, au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux seul compétent pour connaitre des actions en diffamation,

– annuler l’assignation sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour non-respect du formalisme prescrit par ce texte et annuler l’ensemble de la procédure,

Subsidiairement

– débouter M. [B] [M], la SAS NA Media, la SAS NA Radio, la SAS NA Editions, la SAS NA Télévision et la SAS NA Productions de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Encore plus subsidiairement

– se déclarer incompétent en raison de contestations sérieuses au fond,

En toute hypothèse

– condamner in solidum M. [M], la SAS NA Media, la SAS NA Radio, la SAS NA Editions, la SAS NA Télévision et la SAS NA Productions au paiement d’une indemnité de 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions déposées le 8 février 2023, M. [B] [M] et les sociétés NA Média, NA Radio, Na Editions, NA Télévision et NA Productions demandent à la cour de :

– confirmer l’ordonnance de référé en date du 9 août 2022 en toute ses dispositions,

– condamner la SAPESO SA à la somme de 3.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance et frais nécessaires à l’exécution des présentes.

Par conclusions de procédure du 21 février 2023, la société appelante sollicite que soit prononcée l’irrecevabilité des conclusions déposées par les intimés le 8 février 2023, comme ne respectant pas le délai d’un mois à compter de la notification de celles de l’appelante.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 21 février 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions des intimés

L’article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que: ‘ L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. ‘

Le dernier alinéa de l’article 911 du même code énonce que:’La notification de conclusions au sens de l’article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu’à l’alinéa 1er du présent article , constitue le point de départ du délai dont dispose cette partie pour remettre ses conclusions au greffe.’

Le présent litige portant sur l’appel d’une ordonnance de référé, l’affaire a été fixée à bref délai par une ordonnance du 28 septembre 2022 à une audience à conseiller rapporteur du 23 février 2023, puis, sur demande de collégialité de l’appelante, à l’audience collégiale du 21 février 2023 par un avis de nouvelle fixation du 30 septembre 2022.

Les conclusions d’appelant ont été déposées au greffe le 28 octobre 2022.

Les intimés ont constitué avocat le 28 novembre 2022.

Sur avis de caducité de la déclaration d’appel adressé au conseil de l’appelante le 7 décembre 2022, il a été justifié le 30 décembre 2022, de la signification par acte des 22 et 23 novembre 2022, des conclusions de l’appelante aux intimés alors non constitués.

Il appartenait ainsi aux intimés de remettre leurs conclusions au greffe dans le délai de l’article 905-2, soit au plus tard les 22 et 23 décembre 2022 de sorte que les conclusions remises le 8 février 2023 sont irrecevables de plein droit, la circonstance, évoquée par le conseil des intimés dans ses messages RPVA adressés au greffe les 2 et 3 février 2023, que ses clients ne lui auraient pas communiqué les conclusions signifiées par l’appelante étant sans conséquence procédurale sur l’irrecevabilité encourue.

Sur le fond

L’appelante fait grief au premier juge d’avoir rejeté les exceptions de procédure qu’elle a soulevées in limine litis en refusant de requalifier l’action en dénigrement engagée par les intimés en une action en diffamation qu’elle constitue en réalité puisque les intimés se plaignent de faits attentatoires à leur réputation c’est-à-dire à leur honneur et à leur considération, susceptibles de constituer le délit de diffamation publique au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La SAPESO fait essentiellement valoir à cet effet que les propos qualifiés de dénigrants ne visent pas un produit ou un service mais une personne physique ou morale et qu’en conséquence, l’action doit être requalifiée en action en diffamation et respecter le formalisme de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Elle estime que le juge des référés commerciaux devait donc se déclarer incompétent pour connaître de la procédure qui relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire en application de l’article R.211-3-26 du code de l’organisation judiciaire et que la procédure est nulle en en application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dont elle ne respecte pas le formalisme prescrit par ce texte à peine de nullité.

Dans son assignation en référé délivrée le 23 mars 2022 sur le fondement de l’article 1240 du code civil, M.[M] et les sociétés qu’il dirige considèrent avoir été dénigrés dans plusieurs articles publiés dans le journal Sud Ouest et sur le site internet du journal à savoir :

1- Un article publié le 4 février 2022 sur le site internet du journal Sud Ouest et le 5 février 2022 dans le journal papier édition Charente-Maritime intitulé : ‘Charente-Maritime: le parcours controversé de [B] [M], créateur de NA Radio’,

2- Un article publié sur le site internet du journal Sud-Ouest le 4 janvier 2022 intitulé : « [Localité 10]: NA TV, une chaine web régionale en chantier» comportant un lien renvoyant à l’article précédent,

3- Un article publié le 3 mars 2022 dans le journal papier édition Charente et Charente-Martitime et sur le site internet du journal intitulé:« [B] [M] débouté par la cour d’appel».

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil qui prévoit que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, le dénigrement qui consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits ou les services d’un concurrent pour en tirer un profit, engage la responsabilité civile de droit commun de son auteur si la critique porte, non pas sur la personne physique ou morale concernée, mais sur les produits ou services d’un concurrent, dans un but de détournement de clientèle.

La diffamation quant à elle, délit de presse prévu et réprimé par la loi du 29 juillet 1881, vise toute allégation ou imputation d’un fait précis qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne physique ou morale.

M. [M] étant à la tête d’un groupe de presse concurrent de celui de l’appelante, il y a lieu d’examiner si les articles litigieux mettent en cause les produits et services proposés par les intimés, directement ou à travers la personnalité du dirigeant du groupe ou bien si ces articles tendent à porter atteinte à leur réputation et par la même, à leur honneur ou à leur considération.

En l’espèce, à la lecture des articles visés, il apparaît d’abord qu’un certain nombre de critiques portent sur la gestion par M.[M] :

– des clubs sportifs qu’il a dirigés

( article n°1 : [M.[M]] n’est resté que 14 mois à la direction du [8], le club de rugby de [Localité 13] relégué de deux divisions en 2014 du fait d’une dette trop importante et il n’a pas fait plus d’une saison à la tête de l’équipe féminine de handball de l’Union [Localité 7]-[Localité 5]-[Localité 12] qui a déposé le bilan en 2015),

– d’une association [9] dont il a été nommé directeur en 2017

( article n°1: le divorce a été rapide avec un licenciement pour ‘inaptitude’ du directeur. Le conseil des prud’hommes de Rochefort a donné raison à l’association en 2020.La cour d’appel de Poitiers se prononcera à son tour le 24 février prochain.’En seulement 7 mois, l’association s’est retrouvée en péril, avec un déficit de 80.000€ et une vingtaine de postes salariés menacée’, témoigne [P] [N], première adjointe au maire de [Localité 14]…’ et article n°3 consacré à la décision de la cour d’appel de Poitiers déboutant M.[M] de son appel et indiquant que celui ci était ‘visé par plusieurs procédures’.)

Compte tenu de l’objet de ces critiques portant sur les activités de dirigeant sportif et associatif de M.[M] qui sont sans rapport avec celles de son groupe de presse et qui lui imputent une incompétence et des déficiences dans la gestion de ces structures, ces écrits ne peuvent s’inscrire dans le cadre d’une concurrence déloyale et d’un dénigrement de produits et services en matière de presse, s’agissant de propos de nature à porter atteinte à la réputation professionnelle de M.[M].

Il en est de même pour les critiques portant cette fois sur les activités de presse de M.[M]. Dans l’articles n°1 auquel renvoie l’article n°2, sont ainsi décrites les relations dégradées de M.[M] en sa qualité de patron de NA Radio avec [L] [G], président de la communauté de communes de l’Île de Ré qui ‘ se dit encore choqué par ‘l’attaque’ menée par les médias de [B] [M], convoqué à l’époque à la gendarmerie pour des ‘appels malveillants’ dénoncés par l’élu rétais ‘et qui ‘évoque aussi une ‘ardoise’ laissée par le patron de presse à Destination Île de Ré, l’office de tourisme rétais.’

De la même manière, cet article fait état des loyers impayés pour les locaux hébergeant NA Radio, de dettes non réglées par M.[M] qui ont failli provoquer la saisie en 2020 de la table de mixage et de matériel technique de NA Radio et d’une procédure engagée par une société BBI Foncier pour récupérer 6 mois de loyers non versés pour un espace loué à [Localité 11], une partie en ayant été réglée ‘ au forceps, notamment sur saisie’.

Ces écrits imputent ainsi à M.[M] une attitude malveillante à l’égard d’un élu et le décrivent comme un mauvais payeur, toutes critiques qui sont de nature à porter atteinte à sa réputation personnelle ce qu’indiquaient d’ailleurs eux mêmes les intimés dans leur assignation (« il est indéniable de constater que l’objet principal et unique de ces articles est de nuire à la réputation et aux intérêts de Monsieur [B] [M] et du groupe NA Média » ).

En l’absence de mise en cause des produits ou des services commercialisés par les intimés, les écrits incriminés ne peuvent donc constituer un dénigrement et doivent ainsi être examinés sous le seul angle de la diffamation publique envers un particulier.

Il y a ainsi lieu, en application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, de requalifier l’action engagée par les intimés en une action en diffamation publique envers un particulier prévue et réprimée par la loi du 29 juillet 1881 puisque les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par cette loi ne peuvent être réparés que sur son fondement et non sur celui de l’article 1382 du code civil (devenu 1240) (Civ. 1ère 29-10-2014, n° 13-22.038).

Par voie de conséquence, seul le tribunal judiciaire de Bordeaux était compétent pour en connaître en vertu de l’article R 211-3-26 du code de l’organisation judiciaire et l’ordonnance déférée à la cour doit ainsi être annulée.

En application des dispositions de l’article 90 du code de procédure civile, la cour étant juridiction d’appel du tribunal judiciaire compétent, il lui revient de statuer sur le fond du litige.

Comme le fait valoir l’appelante, l’assignation et la procédure engagée par les intimées doivent être annulées en raison de la violation des règles d’ordre public de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 qui sont applicables tant devant les juridictions pénales que civiles ( Cass pleinière 15 février 2013 n° 11-14.637 ) et qui disposent :

‘La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite’.

Sur les demandes annexes

Les intimés supporteront les dépens et verseront à l’appelante une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR

Déclare irrecevables les conclusions des intimés remises au greffe le 8 février 2023;

Requalifie l’action engagée par les intimés sur le fondement de l’article 1240 du code civil en une action en diffamation publique envers un particulier prévue par l’article 29 alinéa 1er et réprimée par l’article 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Déclare incompétent pour en connaître le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux,

Annule l’ordonnance déférée à la cour et, statuant au fond;

Annule l’assignation délivrée le 23 mars 2022 en application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l’ensemble de la procédure,

Condamne in solidum les intimés à verser à l’appelante la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum les intimés aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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