Série noire pour le site francesoir.fr : refus d’inscription comme service de presse en ligne
Série noire pour le site francesoir.fr : refus d’inscription comme service de presse en ligne
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Série noire pour le site francesoir.fr : après le déréférencement de Google et de sa chaîne Youtube, la commission mixte paritaire des publications et agences de presse lui a refusé le renouvellement de l’inscription dans ses registres du site francesoir.fr en qualité de service de presse en ligne.

Le titre de presse a soulevé sans succès des questions prioritaires de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 1er de la loi du 1er août 1986. 

Or, en définissant les services de presse en ligne au deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 1er août 1986, le législateur a énoncé les critères conduisant à reconnaître un tel service, notamment celui tenant au contenu d’intérêt général mis à disposition du public, qui repose, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, sur une appréciation des caractéristiques objectives de la publication telles que le contenu informatif du service, la nature des sujets et la manière dont ils sont traités. Ayant ainsi défini les conditions de reconnaissance d’un service de presse en ligne, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant à un décret, notamment, la désignation de l’autorité compétente pour prendre cette décision.

 

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Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 7 avril 2023, 469186 Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 469186, par un mémoire distinct, présenté en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 10 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société RL Mags Limited demande au Conseil d’Etat, à l’appui de sa requête contre la décision implicite du Premier ministre refusant d’abroger le décret n° 2021-1746 du 21 décembre 2021, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du troisième alinéa de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse modifiée.

2° Sous le n° 470660, la société Shopper Union France, à l’appui de sa demande tendant à la suspension en référé de l’exécution de la décision en date du 5 décembre 2022 de la commission mixte paritaire des publications et agences de presse lui refusant le renouvellement de l’inscription dans ses registres du site francesoir.fr en qualité de service de presse en ligne, a produit un mémoire distinct devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, en application de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– la Constitution, notamment son article 61-1 ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– le code général des impôts ;

– le code des postes et des communications électroniques ;

– la loi n° 86-897 du 1er août 1986, modifiée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 ;

– le décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997 ;

– le décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la Société Shopper Union France ;

Considérant ce qui suit

:

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les sociétés RL MAG Limited et Shopper Union France mettent en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : ” Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l’article 23-2 ou au dernier alinéa de l’article 23-1, le Conseil d’État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel “. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de la même ordonnance : ” Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) “. Il résulte des dispositions de ces articles que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l’article 1er de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juin 2009 : ” Au sens de la présente loi, l’expression ” publication de presse ” désigne tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers. / On entend par service de presse en ligne tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale. / Un décret précise les conditions dans lesquelles un service de presse en ligne peut être reconnu, en vue notamment de bénéficier des avantages qui s’y attachent. Pour les services de presse en ligne présentant un caractère d’information politique et générale, cette reconnaissance implique l’emploi, à titre régulier, d’au moins un journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail “.

4. Les sociétés requérantes soutiennent qu’en renvoyant à un décret, par le dernier alinéa de l’article 1er de la loi du 1er août 1986, le soin de préciser les conditions de reconnaissance d’un service de presse en ligne, le législateur a méconnu sa propre compétence et affecté la liberté de communication, la liberté d’expression et le pluralisme de la presse, la liberté d’entreprendre, le principe d’égalité ainsi que la garantie des droits et la séparation des pouvoirs, dès lors que pour bénéficier du régime d’aide à la presse, un service de presse en ligne doit être reconnu par la commission paritaire des publications et agences de presse régie par le décret du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et agences de presse.

5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

6. En l’espèce, en définissant les services de presse en ligne au deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 1er août 1986, le législateur a énoncé les critères conduisant à reconnaître un tel service, notamment celui tenant au contenu d’intérêt général mis à disposition du public, qui repose, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, sur une appréciation des caractéristiques objectives de la publication telles que le contenu informatif du service, la nature des sujets et la manière dont ils sont traités. Ayant ainsi défini les conditions de reconnaissance d’un service de presse en ligne, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant à un décret, notamment, la désignation de l’autorité compétente pour prendre cette décision.

7. Il résulte de ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Il n’y a, dès lors, pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les sociétés RL Mags Limited et Shopper Union France.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société RL Mags Limited, à la société Shopper Union France et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au tribunal administratif de Paris.

Délibéré à l’issue de la séance du 27 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, conseillers d’Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 7 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana  


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