Droits de la partie civile : 8 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/06069

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Droits de la partie civile : 8 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/06069
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8 novembre 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/06069

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/06069 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZ7I

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 NOVEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2019 3177

APPELANTS :

Madame [N] [D]

née le 15 Février 1971 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [O] [K] [V] [H]

né le 29 Mars 1971 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. MERCOM TRANSACTIONS SARL à associé unique, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE

S.N.C. LA ROYALE représentée par son représentant légal au siège sis

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 25 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 25 août 2016, [O] [H] et [N] [D] son épouse ont vendu sous diverses conditions suspensives à la SNC la Royale un fonds de commerce de bimbeloterie, photographie, librairie, papeterie, bazar, téléphonie, épicerie, dépôt de pain, point d’accès Internet, y compris la gérance d’un débit de tabac, d’un dépôt de presse et des jeux de la Française des jeux, connu sous le nom commercial « la Tabatière », exploité [Adresse 2] au [Localité 12] (Hérault).

La réalisation de la vente a été notamment subordonnée à la condition suspensive « que le chiffre d’affaires hors-taxes réalisé par le vendeur apparaissant dans une situation comptable arrêtée à ses frais au 31 octobre 2016 (sur 6 mois) ne soit pas inférieure à la somme de 189 230 euros hors-taxes (moyenne sur 6 mois du chiffre d’affaires sur l’exercice clos le 31 mars 2016 minoré de 10 %). »

En page 13 de l’acte il est également précisé : « Le vendeur déclare également à l’acquéreur qui le reconnaît que le fonds de commerce de tabac situé [Adresse 5] au [Localité 12] a été récemment déplacé d’environ 100 m à l’angle de l'[Adresse 7] et de l'[Adresse 11] au [Localité 12] ».

La vente de ce fonds de commerce, réalisée par l’intermédiaire de la SARL Mercom transactions, agence immobilière sous l’enseigne « Century 21 », a été réitérée, après réalisation des conditions suspensives, par acte du 5 janvier 2017, moyennant le prix de 447 500 euros, soit 427 500 euros pour les éléments incorporels et 20 000 euros pour les agencements, le matériel et le mobilier, l’acte prévoyant que « L’acquéreur sera propriétaire du fonds présentement cédé et en aura la jouissance à compter du 7 janvier 2017 ».

Il est indiqué dans l’acte que l’exploitation du fonds a généré :

‘du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 un chiffre d’affaires de 371 573 euros pour un résultat d’exploitation de + 122 457 euros,

‘du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 un chiffre d’affaires de 393 365 euros pour un résultat d’exploitation de + 95 889 euros,

‘du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 un chiffre d’affaires de 407 608 euros pour un résultat d’exploitation de + 100 401 euros,

‘du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 un chiffre d’affaires de 420 514 euros pour un résultat d’exploitation de + 125 032 euros.

‘du 1er avril 2016 au 31 octobre 2016 un chiffre d’affaires de 225 488,91 euros hors-taxes selon l’attestation de l’expert-comptable annexée à l’acte,

‘du 1er novembre 2016 au 31 décembre 2016 un chiffre d’affaires, selon estimation, de 50 000 euros hors-taxes.

Invoquant la dissimulation, lors de la vente, d’informations déterminantes, telles l’augmentation du chiffre d’affaires du fonds vendu d’octobre 2015 à avril 2016 due à la fermeture du fonds concurrent situé quai [K] [M], la reprise en avril 2016 par l’exploitant de ce fonds transféré [Adresse 7] de l’activité « Française des jeux » qu’il n’exerçait pas auparavant et la revente par celui-ci de tabacs aux établissements de nuit (les discothèques de l’Ile des loisirs et le Casino Barrière) qu’il ne pratiquait pas, non plus, antérieurement, ce dont il était résulté une baisse de chiffre d’affaires en raison d’un report de clientèle, la société la Royale a, par exploit du 25 juin 2019, fait assigner M. et Mme [H] et la société Mercom transactions devant le tribunal de commerce de Béziers en vue d’obtenir, sur le fondement de l’article 1137 du code civil, leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 157 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal a notamment :

‘dit qu’il existe un dol lors de la vente du 5 janvier 2017,

‘fixé le préjudice causé à la société la Royale à la somme de 76 377 euros,

‘condamné in solidum M. et Mme [H] et la société Mercom transactions à payer à la société la Royale, en réparation du préjudice causé, la somme de 76 377 euros,

‘ordonné l’exécution provisoire,

‘condamné M. et Mme [H] et la société Mercom transactions à payer à la société la Royale la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘condamné in solidum les mêmes aux dépens.

M. et Mme [H] et la société Mercom transactions ont régulièrement relevé appel, le 29 décembre 2020, de ce jugement.

Par ordonnance rendue le 10 mars 2021, le délégataire du premier président les a autorisés à consigner à la caisse des dépôts et consignations, instituée comme séquestre, la somme de 79 877 euros résultant des condamnations prononcées par le jugement du 30 novembre 2020.

Ils demandent la cour, dans leurs dernières conclusions déposées le 8 août 2022 via le RPVA, d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter la société la Royale de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions, de juger qu’il n’y a pas eu dol lors de la vente du 5 janvier 2017 et qu’il n’y a pas lieu à indemnisation d’un dol inexistant et de condamner la société la Royale à leur payer la somme de 5000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, ils font valoir pour l’essentiel que :

‘le jugement, qui expose les faits, moyens et prétentions des parties de manière partiale sans même préciser les conclusions des parties qui y sont visées, encourt l’infirmation en application de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble des articles 455 et 458 du code de procédure civile,

‘le jugement encourt également l’infirmation en application des articles 4, 5, 13 et 16 du même code, dès lors que le tribunal a calculé le préjudice de la demanderesse selon sa propre méthode, en s’affranchissant des moyens et prétentions de cette dernière et sans respect du principe du contradictoire,

‘la société la Royale, qui exploitait depuis plusieurs années à [Localité 13] un fonds de commerce de même nature, aurait dû, en tant que professionnel averti et expérimenté, se renseigner elle-même sur l’environnement du fonds qu’elle projetait d’acquérir, ce dont il se déduit que l’existence d’un dol imputable aux vendeurs n’est pas caractérisée,

‘elle a d’ailleurs été informée, dans le compromis de vente du 25 août 2016, du déménagement du fonds concurrent (à l’enseigne Tabac « le Saint Clair ») et tenue de s’informer, il n’a pu lui échapper que ce dernier avait ré-ouvert le 2 avril 2016, après une période de fermeture, et qu’il en était donc résulté un report de clientèle et une augmentation du chiffre d’affaires durant cette période,

‘ de même, la société la Royale ne pouvait ignorer que son concurrent, avant comme après le déplacement de son fonds, bénéficiait d’un monopole pour la revente de tabacs aux discothèques, aux bars et au casino en tant que géographiquement le plus proche de ces établissements,

‘il n’a pu, non plus, lui échapper, lors de sa visite de l’environnement en juillet 2016, la présence sur l’établissement concurrent du logo de la Française des jeux,

‘les dispositions de l’ancien article L. 141-1 du code de commerce ont été scrupuleusement respectées relativement à l’indication des chiffres d’affaires et résultats d’exploitation réalisés au cours des quatre derniers exercices en distinguant même, s’agissant des chiffres d’affaires, les ventes de marchandises et les commissions, diverses attestations du cabinet d’expertise comptable Cécosud ayant, en outre, été fournies s’agissant de la période postérieure au 1er avril 2016,

‘ aucune faute dolosive n’est démontrée à l’encontre de la société Mercom transactions, par l’entremise de laquelle la vente du fonds a été conclue,

‘en toute hypothèse, le préjudice allégué n’est pas justifié, alors que le fonds de commerce a été revendu en 2021 pour le prix de 410 000 euros hors frais d’agence, que les méthodes comptables, proposées par la société la Royale, sont contestables et que celle-ci se garde bien de produire les éléments comptables depuis l’achat du fonds jusqu’à sa revente en 2021, permettant de connaître les conditions de son exploitation.

La société la Royale, dont les dernières conclusions ont été déposées par le RPVA le 5 août 2022, sollicite de voir confirmer le jugement entrepris et condamner les appelants in solidum à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; elle estime que l’existence d’un dol par réticence d’informations, imputable à M. et Mme [H], est caractérisée, puisque lui ont été dissimulées la fermeture du fonds concurrent, déplacé du quai [K] [M] à l'[Adresse 7], d’octobre 2015 à avril 2016, à l’origine d’un report de clientèle et d’une augmentation du chiffre d’affaires durant cette période, l’exploitation dans ce fonds à compter d’avril 2016 de l’activité « Française des jeux », qui n’y était pas développée auparavant, et la reprise par son concurrent lors de la réouverture du fonds, de la revente des tabacs aux établissements de nuit, qu’il ne pratiquait pas antérieurement ; elle indique que les vendeurs ont tu que les chiffres présentés étaient artificiellement gonflés par le report de clientèle, situation exceptionnelle et transitoire le temps de fermeture du fonds concurrent, et qu’il lui a été impossible, lors de sa visite en juillet et août 2016, de connaître que son concurrent avait repris l’activité « Française des jeux » et la revente de tabac aux bars, aux discothèques et au casino ; elle ajoute qu’ayant été alertée par son expert-comptable d’une forte baisse du chiffre d’affaires en avril, mai et juin 2016, elle avait interrogé l’agence immobilière (M. [X]) laquelle avait alors prétendu, le 5 août 2016, que cette baisse était due à la météo, à la coupe d’Europe et à la conjoncture générale (sic), lui cachant ainsi qu’elle était due en réalité à la réouverture du fonds concurrent en avril 2016 ; elle en déduit que l’agence immobilière, qui ne pouvait ignorer que l’accroissement temporaire d’activité du fonds vendu était dû à la fermeture temporaire du fonds concurrent, a également engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de conseil et d’information.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 25 août 2022.

MOTIFS de la DECISION :

S’ils invoquent un exposé qualifié de partial par le tribunal des faits, moyens et prétentions des parties hors toute précision, dans le jugement, des conclusions visées et un calcul du préjudice prétendument subi par la société la Royale selon sa propre méthode, en s’affranchissant des prétentions formulées par celle-ci et sans respect du principe du contradictoire, M. et Mme [H] ne sollicitent pas l’annulation du jugement rendu par le tribunal de commerce, ne tirant pas ainsi les conséquences de leurs propres constatations ; les moyens qu’ils développent à cet égard ne sont pas en effet de nature à entraîner l’infirmation du jugement.

Aux termes de l’article 1137 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie (‘) »

Lorsqu’elle a acquis, par acte du 25 août 2016 réitéré le 5 janvier 2017, le fonds de commerce à l’enseigne « la Tabatière », que M. et Mme [H] exploitaient [Adresse 2], la société la Royale a eu connaissance des chiffres d’affaires et résultats d’exploitation réalisés au cours des quatre exercices précédents, faisant notamment apparaître un chiffre d’affaires de 420 514 euros au 31 mars 2016, en augmentation de 3 % par rapport au chiffre d’affaires de l’exercice précédent clos le 31 mars 2015, qui était de 407 608 euros ; il a également été fourni à l’acquéreur des attestations du cabinet expertise comptable Cécosud relativement aux chiffres d’affaires réalisés postérieurement au 1er avril 2016, sur la période du 1er avril au 31 juillet 2016 et sur la période du 1er avril au 31 octobre 2016, mettant en évidence sur la première période de quatre mois des commissions jeux pour 11 996 euros et des commissions tabac pour 25 123 euros et sur la seconde période de sept mois des commissions jeux pour 23 990 euros et des commissions tabac pour 71 972 euros.

Il résulte des pièces produites, notamment des attestations des propriétaires successifs du fonds de commerce concurrent à l’enseigne « le Saint-Clair », que ce fonds, précédemment exploité [Adresse 5], a été déplacé au [Adresse 7] et qu’avant de ré-ouvrir à cette adresse, il est resté fermé de fin décembre 2015 jusqu’au 2 avril 2016 pour cause de travaux et en raison du changement d’exploitant ; l’ancien exploitant (M. [W]) indique qu’il refusait de fournir divers revendeurs rattachés à son point de vente et l’actuel exploitant (M. [T]) atteste que la revente de tabac au casino Barrière est intervenue après la réouverture du fonds de commerce, l’activité « Française des jeux » ayant démarré le 7 juillet 2016 ; l’attestation d’un fonctionnaire de l’administration des douanes (Mme [Z]) confirme que le précédent buraliste (exploitant le tabac à l’enseigne « le Saint-Clair ») était en droit de réclamer à différents revendeurs (le casino, les discothèques de l’Ile des loisirs) de s’approvisionner chez lui, son implantation étant géographiquement la plus proche du lieu de revente, et qu’à l’occasion du changement de gérance, le nouvel exploitant (M. [T]) a effectué les démarches nécessaires pour récupérer ces revendeurs, lesquels s’approvisionnaient auparavant chez M. et Mme [H] ; d’anciens salariés de ces derniers (M. et Mme [L]) affirment, en effet, que le casino Barrière et la discothèque « l’Amnésia » s’approvisionnaient en cigarettes au bureau de tabac « la Tabatière », ce qui générait un chiffre d’affaires d’environ 30 000 euros par an, et que l’ouverture du tabac « le Saint-Clair » au mois d’avril 2016 a entraîné une baisse d’activité.

Lors de la vente du fonds de commerce à l’enseigne « la Tabatière », en août 2016, le fonds concurrent, déplacé au [Adresse 7], avait ré-ouvert depuis le 2 avril 2016 ; il est expressément indiqué, en page 13, de l’acte de vente que « le vendeur déclare également à l’acquéreur qui le reconnaît que le fonds de commerce de tabac situé [Adresse 5] au [Localité 12] a été récemment déplacé d’environ 100 m à l’angle de l'[Adresse 7] et de l'[Adresse 11] au [Localité 12] » ; le cabinet Semène, qui avait été précédemment chargé par M. et Mme [H] de la vente de leur fonds de commerce, atteste avoir cessé de s’occuper de cette vente après avoir appris le déplacement du fonds concurrent ; cette agence immobilière, spécialiste en transactions de fonds de commerce, ajoute : « nous avons en effet estimé que ce déplacement entraînerait une baisse de fréquentation du débit de Mme [H], le nouveau local étant beaucoup plus visible et plus accessible tant à pied qu’en voiture et disposant en outre de facilités de stationnement qu’il n’avait pas sur le quai [K] [M] ; par ailleurs, nous savions par le repreneur qu’il avait sollicité de la Française des jeux son agrément loto, ce qui allait forcément entraîner en cas d’obtention une perte de clientèle pour le débit de Mme [H] ».

Il ne peut, en premier lieu, être considéré que M. et Mme [H] ont dissimulé intentionnellement, en vue de tromper la société la Royale et l’amener à contracter, le fait que le fonds de commerce concurrent avait été fermé durant trois mois, de janvier à mars 2016, alors qu’ils avaient expressément informé leur contractant du déplacement de ce fonds du quai [K] [M] à l'[Adresse 7] ; la société la Royale à laquelle avait été communiqué les chiffres d’affaires réalisés postérieurement au 1er avril 2016, soit après la réouverture du fonds concurrent, était à même de mesurer l’incidence du déplacement de ce fonds, mieux situé géographiquement selon l’attestation du cabinet Semène, sur l’activité du fonds qu’elle projetait alors d’acheter et, informée du déplacement du fonds concurrent, pouvait raisonnablement penser que celui-ci avait été fermé un certain temps, à l’occasion de son déplacement, ce qui s’était traduit par un report temporaire de clientèle et donc, de chiffre d’affaires.

La société la Royale, dont le dirigeant venait de vendre un fonds de commerce de tabac situé à [Localité 13] (Drôme), était, par ailleurs, un professionnel du même secteur d’activité, tenue à ce titre de s’informer sur l’environnement commercial et les conditions d’exploitation du fonds proposé à la vente ; elle ne pouvait ignorer que le fonds de commerce concurrent à l’enseigne « le Saint-Clair », qui auparavant ne revendait pas de tabac aux établissements de nuit, était susceptible de reprendre cette activité à l’occasion d’un changement d’exploitant, alors qu’eu égard à la réglementation douanière, ce fonds bénéficiait, avant comme après son déplacement, d’un monopole compte tenu de sa situation, la plus proche des établissements de nuit, monopole que son nouvel exploitant était en droit de mettre en ‘uvre ; le dirigeant de la société la Royale ne conteste pas s’être rendu au [Localité 12] dans le courant de l’été 2016, avant la signature de l’acte de vente, et pouvait alors, en tant que professionnel du secteur d’activité, vérifier sur place les modifications apportées par son concurrent direct aux conditions d’exploitation de son fonds, ouvert depuis début avril 2016, d’autant que lors de la vente, le chiffre d’affaires correspondant aux commissions tabac, de la période d’avril à juillet 2016, lui avait été communiqué.

Elle ne peut, non plus, prétendre que la reprise par son concurrent direct de l’activité « Française des jeux » lui a été dissimulée intentionnellement pour l’inciter à contracter, alors que selon l’attestation de l’intéressé (M. [T]) cette activité a été reprise le 7 juillet 2016, avant la signature de l’acte de vente, qu’elle était donc en mesure, lors du déplacement de son dirigeant au [Localité 12] dans le courant de l’été 2016, de s’en apercevoir, d’autant que M. et Mme [H] affirment que le logo de la Française des jeux était présent sur la devanture de l’établissement, et qu’en toute hypothèse, elle pouvait raisonnablement imaginer que le nouvel exploitant du fonds concurrent était susceptible de reprendre l’activité « Française des jeux » que son prédécesseur n’exploitait pas.

La preuve d’un dol par réticence n’est donc pas caractérisée au point de justifier que des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice, allégué, lié à la baisse d’activité du fonds vendu, soient alloués à la société la Royale ; celle-ci ne peut dès lors qu’être déboutée de l’ensemble de ses prétentions dirigées à l’encontre tant de M. et Mme [H] que de la société Mercom transactions ; le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé dans toutes ses dispositions.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société la Royale doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. et Mme [H] et à la société Mercom transactions, ensemble, la somme de 4000 euros en remboursement des frais non taxables qu’ils ont dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 30 novembre 2020 et statuant à nouveau,

Déboute la société la Royale de l’ensemble de ses prétentions dirigées à l’encontre tant de M. et Mme [H] que de la société Mercom transactions,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société la Royale aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. et Mme [H] et à la société Mercom transactions, ensemble, la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,

 


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