Droits de la partie civile : 8 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04838

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Droits de la partie civile : 8 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04838
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8 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/04838

N° RG 19/04838 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPEQ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 13 mai 2019

RG : 2017j1258

SNC OTH

C/

[D]

SAS ACORA LYON-EST ISERE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 juin 2023

APPELANTE :

SNC OTH prise en la personne de son gérant M. [R] [S]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée et plaidant par Me Julie DANIEL de la SELARL CASTANCE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1641

INTIMES :

M. [H] [D]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 9] (ESPAGNE)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470

SAS ACORA LYON EST ISERE représentée par ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée et plaidant par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD – TALLENT, avocat au barreau de LYON, toque : 730

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 19 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Février 2023

Date de mise à disposition : 08 juin 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Marianne LA-MESTA, conseillère

– Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La Snc Oth exploite un débit de tabac. La Sas Acora Lyon Est Isère (ci-après « la société Acora ») exploite une entreprise d’expertise comptable. Entre 2010 et 2013, M. [H] [D] a exercé la profession d’expert-comptable dans cette société.

La société Acora était le cabinet d’expertise comptable de la société Oth jusqu’en octobre 2013 sans qu’aucune lettre de mission n’ait été établie par écrit.

Par jugement du 15 octobre 2012, le conseil de prud’hommes de Lyon a condamné la société Oth à payer la somme de 12.800 euros suite au licenciement économique de son employée Mme [P] [I] alors qu’elle était en arrêt médical pour accident du travail.

Par courrier du 5 décembre 2013, la société Oth a reçu une proposition de rectification par la Direction générale des finances publiques au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2010 et 2011 suite notamment à un dépôt tardif des déclarations fiscales. Elle a ensuite reçu un avis de recouvrement en date du 17 mars 2014 d’un montant total de 17.951 euros.

Par courrier recommandé du 30 mars 2014, la société Oth a mis en demeure la société Acora de lui rembourser cette somme. Par courrier du même jour, elle s’est adressée à l’assurance responsabilité civile professionnelle de la société Acora. En l’absence de paiement, la société Oth a réglé la somme demandée à la Direction générale des finances publiques.

Par courrier du 16 janvier 2015, la société Oth a demandé à la société Acora de mettre en ‘uvre son assurance responsabilité professionnelle suite à la décision du Conseil des prud’hommes.

Par courrier recommandé du 27 mars 2017, la société Oth a mis en demeure la société Acora de lui régler la somme de 33.751 euros suite à diverses fautes professionnelles. Elle estime que la société Acora a commis une faute professionnelle en déposant tardivement les déclarations fiscales des années 2010 et 2011 et l’a mal conseillée dans le cadre du licenciement de M. [I].

Cette mise en demeure étant restée sans effet, par acte d’huissier du 6 juillet 2017, la société Oth a assigné la société Acora devant le tribunal de commerce de Lyon. Par acte d’huissier du 20 décembre 2017, la société Oth a appelé en cause M. [D]. Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la jonction des instances.

Par jugement contradictoire du 13 mai 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

– dit recevable l’action de la société Oth à l’encontre de la société Acora,

– dit irrecevable la demande d’appel en cause de M. [D] formée par la société Acora,

– condamné la société Acora à payer à la société Oth la somme de 17.951 euros correspondant au montant du redressement fiscal,

– débouté la société Oth de sa demande de remboursement de la condamnation prud’homale relative au licenciement de Mme [I],

– débouté la société Oth de sa demande de condamnation au titre de la résistance abusive,

– rejeté toute autre demande des parties,

– condamné la société Acora à payer la somme de 2.000 euros à la société Oth en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Acora à payer la somme de 2.000 euros à M. [D] en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcé l’exécution provisoire,

– dit que les dépens sont supportés par la société Acora.

La société Oth a interjeté appel par acte du 9 juillet 2019.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 décembre 2020 fondées sur les articles 1134, 1315 (anciens) et 2224 et suivants du code civil ainsi que sur l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 et le décret n°2012-432 du 30 mars 2012, la société Oth demande à la cour de :

– rejeter l’ensemble des fins, moyens et conclusions de la société Acora,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que son assignation introductive d’instance délivrée le 6 juillet 2017 était intervenue avant l’expiration du délai de prescription quinquennal et que le moyen de prescription invoqué par la société Acora devait être rejeté,

en revanche,

– réformer partiellement le jugement dont appel en ce qu’il l’a débouté de ses demandes indemnitaires contre la société Acora au titre du licenciement de sa salariée Mme [I],

– lui donner acte qu’il est fait par les présentes sommation à la société Acora de produire les feuilles de temps des intervenants du dossier permettant de justifier les diligences précises accomplies par ses collaborateurs à son bénéfice pour les années 2010, 2011 et 2012,

– juger que la société Acora a manqué à ses obligations professionnelles d’informations et de conseil dans le cadre de son suivi social qu’elle assurait et qu’elle a commis une faute à son égard lui ayant causé un préjudice,

– juger que la société Acora engage sa responsabilité civile professionnelle à son égard,

ce faisant,

– condamner la société Acora à lui remboursement intégralement le montant de la condamnation prud’homale qu’elle a dû supporter du fait de l’infraction à la législation sociale commise, soit un montant de 12.800 euros, outre les frais d’avocat exposés pour sa défense dans le cadre de l’instance prud’homale engagée par Mme [I], soit 1.315,60 euros TTC,

– condamner la société Agora au paiement d’une somme supplémentaire de 15.000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de la résistance abusive de la société Acora à s’exécuter conformément à ses obligations déontologiques et de la particulière déloyauté de ce professionnel expert-comptable qui a fautivement et délibérément persisté à nier pendant 3 ans avoir assuré le suivi social de son client pour se dédouaner de ses fautes professionnelles,

ce faisant,

– réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a débouté de sa demande indemnitaire en réparation de la résistance abusive de la société Acora à lui rembourser les sommes dues du fait de ses fautes professionnelles,

en tout état de cause,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– constater que la société Acora a manqué à ses obligations professionnelles de dépôt à temps de sa liasse fiscale de 2010 et 2011 et a de ce fait commis une faute à son égard,

– condamner la société Acora à lui rembourser le montant du recouvrement fiscal qu’elle a dû supporter du fait de l’infraction à la législation fiscale commise, soit un montant total de 17.951 euros,

y ajoutant,

– condamner la société Acora à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– outre les entiers frais et dépens de la procédure.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 janvier 2020 fondées sur les articles 9, 31 et 331 du code de procédure civile, les anciens articles 1384 et 1315 du code civil et l’article 12 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945, M. [D] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

jugé irrecevable la demande d’appel en cause formé par la société Acora à son égard,

condamné la société Acora à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

– condamner la société Acora à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 mai 2020 fondées sur les articles 1134 et 1147 anciens et l’article 2224 du code civil ainsi que l’article 331 du code de procédure civile, la société Acora demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a dit recevable l’action de la société Oth,

en conséquence,

– dire irrecevable comme prescrite l’action de la société Oth,

subsidiairement,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Oth de sa demande au titre de la procédure de licenciement de Mme [I] et au titre de la prétendue résistance abusive,

pour le surplus,

– le réformer,

– rejeter les demandes de la société Oth à son encontre au titre du redressement fiscal,

plus subsidiairement encore,

– juger que le préjudice indemnisable ne peut être retenu qu’au titre de la perte des chances,

– débouter la société Oth de l’ensemble de ses demandes,

– dire recevable et bien fondé l’appel en cause de M. [D] en sa qualité de responsable ordinal et responsable du suivi du dossier de la société Oth,

– condamner M. [D] à la relever et garantir en toute condamnation qui sera éventuellement prononcée à son encontre,

en toute hypothèse,

– condamner la société Oth au paiement de la somme de 3.000 euros selon l’article 700 du code de procédure civile,

– ainsi qu’en tous les dépens de l’instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 23 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire, la cour relève qu’il n’y a pas lieu de répondre à la demande de donné acte d’une sommation de production de pièces, ne s’agissant pas d’une prétention qui saisit le juge.

Il convient de reprendre successivement chaque demande en paiement.

* Sur le dépôt hors délai des déclarations fiscales

La société Oth fait valoir que :

– l’expert comptable a en l’espèce une obligation de résultat s’agissant d’une tâche déterminée, et il devait y avoir une déclaration de sinistre à l’assureur,

– le moyen de prescription doit être rejeté, le point de départ du délai de 5 ans est la date à laquelle le dommage s’est révélé, soit la date de la condamnation définitive, et ici, c’est à minima le 5 décembre 2013 (proposition de rectification) car elle ne pouvait connaître l’étendue de son préjudice avant cette date,

– la société Oth était bien chargée de l’établissement des comptes annuels, ce qui résulte des factures en l’absence de lettre de mission, ce n’est pas contesté,

– l’expert-comptable a en conséquence l’obligation de respecter le dépôt de la liasse fiscale dans les délais alors que les documents avaient été remis dans les délais impartis ; l’oubli est dû à la négligence de la société Acora et le retard s’est produit deux années de suite,

– la société Acora n’a justifié d’aucune relance écrite particulière notamment en rappelant les conséquences encourues,

– le préjudice est certain et direct, la trésorerie de la société reste grevée.

La société Acora affirme que :

– le suivi était assuré par M. [D] et ayant quitté la société concluante, la société Oth l’a suivi dans sa nouvelle structure,

– la juridiction n’a pas été saisie dans le délai de 5 ans, la société Oth connaissait le dépôt tardif des déclarations et les conséquences juridiques attachées aux faits dont elle avait connaissance,

– le retard est imputable à la société Oth qui avait égaré de nombreuses pièces comptables, elle a dû solliciter un délai supplémentaire et des duplicata,

– le montant réclamé ne peut être retenu, l’action en responsabilité ne peut transférer la charge de l’imposition sur l’expert-comptable, il n’y a qu’une perte de chance.

M. [D] soutient que :

– l’obligation soit de moyen ou de résultat, la société Oth a causé son propre dommage, étant la cause du retard, les difficultés lui ont été exposées dans un courrier sollicitant un délai supplémentaire, la société Oth ne justifiant pas avoir remis les documents dans les délais.

Sur ce,

S’agissant de la prescription de l’action, l’article 2224 du code civil dispose que ‘ les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.

En matière contractuelle, le point de départ de la prescription est retardé au jour où le créancier a été en mesure d’agir, soit celui de la réalisation du dommage.

S’agissant de l’action en responsabilité contre l’expert comptable, l’action en responsabilité pour manquement à la mission d’établissement des déclarations fiscales est reporté au jour où le dommage est définitivement réalisé, soit à compter du jour où le recours contentieux est définitivement rejeté en cas d’un tel recours où à compter du jour où la société connaît la sanction financière du manquement infligée par l’administration fiscale à défaut.

En l’espèce, la société Oth produit une proposition de rectification DGFIP du 5 décembre 2013.

La prescription de cinq ans contre l’expert-comptable court donc au plus tôt à compter de cette date puisque le dommage s’est révélé dans son étendue par cette proposition. En effet, elle ne pouvait courir à compter d’une date antérieure, aucune pièce n’établissant que la société Oth aurait pu connaître à une date antérieure l’exacte étendue de son préjudice, peu important le fait qu’elle ait pu être avisée du retard de remise des déclarations fiscales.

L’assignation a été délivrée ensuite le 6 juillet 2023, soit dans le délai de prescription quinquennale. Il en découle que la demande n’est pas prescrite et le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur les manquements imputés à l’expert-comptable, la société Acora, qui ne conteste pas nonobstant l’absence de lettre de mission, qu’elle avait à charge l’établissement de la liasse fiscale, produit un courrier du 20 mai 2011, relatif à la déclaration de résultat au 31 décembre 2010 et adressé aux services fiscaux, indiquant ‘nous vous informons du dépôt tardif de la déclaration de résultat de notre client… nous rencontrons actuellement des difficultés dans la collecte des documents et informations; …notre client, novice, a égaré certaines pièces. Nous avons demandé des duplicata. A l’heure actuelle, nous n’avons pas reçu l’intégralité de ces documents….retard indépendant de notre volonté…’.

Il ne s’agit cependant que des dires de l’expert-comptable devant les services fiscaux qui ne font pas la preuve des carences fautives du client. Il n’est donc nullement établi que l’expert-comptable ait sollicité en vain des pièces et il ne justifie pas en tout état de cause de rappels adressés à la société Oth ni de rappels des incidences d’une non déclaration dans les délais.

S’agissant du bilan au 31 décembre 2011, il résulte des productions que la société Acora a indiqué par mail du 9 mars 2012, que pour terminer le bilan au 31 décembre 2012, elle demandait des documents et renseignements manquants (avec liste jointe), précisant pouvant aller les chercher. Par télécopie du12 mars 2012, la société Acora accusait réception des documents par fax ; elle rappelait ‘un mail envoyé la semaine dernière concernant des questions sur le bilan, merci de vérifier si vous l’avez reçu, j’attends ces éléments pour terminer votre bilan’. Ce mail n’est pas produit. Il ne résulte pas non plus de ce mail que l’expert comptable ait alerté son client sur une date butoir ni sur le risque en découlant.

Enfin, il ne peut être reproché à la société Oth de ne pas avoir contesté le redressement alors que le retard de déclaration était patent.

En conséquence, le non-respect des délais est bien imputable à l’expert comptable et le jugement est confirmé de ce chef.

S’agissant du préjudice, il est constant que la société Oth ne peut obtenir le remboursement de sommes qu’elle aurait dû acquitter normalement au titre de l’impôt. Elle est par contre fondée à obtenir le remboursement de l’intégralité des majorations et pénalités découlant de l’omission fautive de l’expert-comptable.

La somme accordée en première instance correspond, au vu de la proposition de rectification, à l’impôt supplémentaire, aux intérêts, majorations et amendes. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de remboursement de ce montant au titre de l’indemnisation du préjudice subi du fait des carences de l’expert-comptable.

Sur le licenciement économique

La société Oth fait valoir que :

– la décision du conseil de prud’hommes est du 15 octobre 2012 et le niveau de l’indemnité était inconnu avant cette date, l’action n’est donc pas non plus prescrite,

– la salariée a contesté le licenciement dans la mesure où elle était en arrêt de travail pour accident de travail ; en raison du litige, la société Acora l’a dirigée vers son conseil habituel qui l’a immédiatement prévenu que le licenciement allait être considéré comme abusif, ce qui a été le cas,

– la société Acora avait une mission de conseil et à tout le moins un devoir d’alerte ; en l’absence de lettre de mission, il ya lieu de se référer notamment aux factures pour déterminer les travaux confiés, ces missions incluaient le suivi social depuis la création de la société concluante,

– parmi les honoraires facturés on trouve ‘création du dossier social et procédures’ et ‘remise exceptionnelle sur mission sociale’,

– le jugement du conseil de prud’hommes vise les projets et modèles de courriers envoyés par l’expert-comptable que la concluante était bien incapable de formaliser, c’est donc l’expert-comptable qui a piloté le licenciement, ce qui a été plaidé par le conseil,

– la société Acora ne l’a pas avisée du risque de licenciement économique d’une salariée en arrêt pour accident de travail, il y a eu faute professionnelle,

– elle subit un préjudice matériel et elle a subi un préjudice également du fait de la résistance abusive de son adversaire (pas de déclaration de sinistre) et de sa mauvaise foi.

La société Acora affirme que :

– sur la prescription, la société Oth était avisée dès 2011 de ce que la réclamation de la salariée aboutirait et qu’elle serait condamnée, et l’impossibilité d’agir n’est pas démontrée,

– en l’absence de mission de conseil en droit du travail démontrée à l’époque de la procédure de licenciement, il ne peut lui être reproché une faute professionnelle, aucune somme à ce titre n’a été facturée en 2010, les fiches de temps ne sont qu’un document de travail,

– la société Oth n’aurait pas suivi M. [D] en cas de manquement de ce dernier.

M. [D] affirme que :

– il n’a pas été chargé du licenciement et la note d’honoraires au contenu obscur ne l’établit pas, il faut des factures détaillées pour établir l’obligation,

– la facture est postérieure de 10 mois aux prestations supposées.

Sur ce,

Le dommage résultant d’une condamnation ne se manifeste qu’à compter de la décision de condamnation et, en l’espèce, la responsabilité de la société Acora est recherchée à raison de la condamnation intervenue devant le conseil de prud’hommes de sorte que la demande n’est pas prescrite. Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de prescription.

Ensuite, à défaut de lettre de mission, il appartient à la société Oth de prouver que la société Acora avait une mission d’accompagnement en droit social et donc d’information et de conseil sur le licenciement intervenu en février 2011, la preuve étant libre.

Pour ce faire, la société Oth produit une note d’honoraires de la société Acora datée du 30 novembre 2011 correspondant à un solde d’honoraires sur travaux réalisés pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 et précisant ‘compris création dossier social et procédures’ et mentionnant une ‘remise exceptionnelle sur mission sociale’.

Elle fait également valoir les termes du jugement du conseil de prud’hommes reproduisant ses dires sur la convocation à entretien préalable et le courrier de licenciement sur des projets de courriers adressés par son expert-comptable. Les modèles de courriers à reproduire sont versés aux débats.

Aucune explication n’est donnée par l’intimée sur les termes de la mission visée par la note d’honoraires ni sur les raisons de la remise exceptionnelle qui a été accordée ; il n’est justifié d’aucune prestation correspondante.

Or, il résulte à l’évidence de cette note d’honoraires que la société Acora avait bien une mission sociale. Même si ses termes sont elliptiques, ils ne peuvent se rapporter qu’à la mission se rapportant au licenciement qui a été enclenché en fin de l’exercice 2010, et à la date de la note d’honoraires, il avait déjà été fait état d’une procédure prud’homale, ce qui explique la remise exceptionnelle et le fait que la facture n’ait pas été adressée plus tôt dans ce contexte n’introduit aucun doute sur l’exécution de la prestation.

Il apparaît dès lors établi que la société Acora avait été chargée d’une mission de conseil dans le cadre du licenciement et a dressé les courriers litigieux du licenciement.

Il est manifeste, ce qui résulte de la décision prud’homale, qu’elle a failli à sa mission puisque le licenciement n’était pas possible au regard de la situation de la salariée, ce qui a engendré un préjudice à la société Oth, intégralement indemnisable puisque découlant uniquement de ce seul comportement fautif.

En conséquence, la société Acora remboursement à la société Oth les sommes exposées par cette dernière dans le cadre de la procédure prud’homale soit les sommes de 12.800 euros et 1.315,60 euros Ttc dont il est justifié.

Sur les dommages intérêts supplémentaires

La société Oth qui n’a pas agi elle-même avec célérité ne rapporte aucune preuve d’avoir subi un préjudice distinct de celui indemnisable au titre de l’indemnisation des préjudices et des intérêts moratoires.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages intérêts.

Sur l’appel en cause de M. [D]

La société Acora affirme avoir intérêt de le mettre en cause en qualité de responsable ordinal de l’établissement de [Localité 8] pour qu’il formule toutes observations utiles sur les faits reprochés, en soulignant que M. Oth assurait le suivi de la mission comptable de la société, qu’elle a intérêt à ce que le jugement lui soit déclaré commun, que les indications de M. [D] contredisent celles de l’appelante et éclairent la cour, que si la cour constatait des carences et manquements, ils relèveraient d’une carence particulière de sorte que M. [D] se serait placé au delà des limites et cadres de sa mission.

M. [D] fait valoir que :

– la demande d’intervention forcée est irrecevable alors que seul l’article 331 est visé dans la demande, et qu’il lui était seulement demandé de faire toutes observations utiles sur les faits reprochés,

– il s’agit au contraire de démontrer en quoi la société Acora pourrait agir contre son ancien salarié, mais aucun fait ne lui est imputé, elle demande garantie sans faire valoir aucun fondement,

– la société Oth ne l’a pas assigné, la société Acora étant le seul co-contractant, et il bénéficie en tout état de cause de l’immunité civile profitant aux préposés puisqu’il n’a pas excédé les limites de sa mission ; un litige (prise d’acte) est pendant devant la chambre sociale de la présente cour et les litiges entre eux ne sont pas étrangers à la présente mise en cause,

– la société Oth n’a pas contesté la proposition de rectification et s’est au contraire acquittée de la créance,

– il n’est pas démontré qu’il s’est occupé du présent dossier,

– subsidiairement, sa responsabilité se limite aux travaux qu’il a lui-même exécutés, il n’est pas démontré que le cabinet ait été chargé d’un licenciement, et il ne peut s’agir sinon que du service social du cabinet Acora.

Sur ce,

La société Acora appuie sa demande sur l’article 12 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 qui dispose que :

Il est relevé de manière liminaire que la société Acora avait bien appelé M. [D] en garantie dans le cadre de la première instance, ce qui répond à l’article 331 du code de procédure civile.

Il est constant que M. [D] était salarié de la société Acora lors des faits litigieux.

L’article 12 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 invoqué par la société Acora dispose que la responsabilité propre des sociétés membres de l’ordre et des associations de gestion et de comptabilité laisse subsister la responsabilité personnelle de chaque expert-comptable ou salarié mentionné à l’article 83 ter et à l’article 83 quater à raison des travaux qu’il exécute lui-même pour le compte de ces sociétés ou associations.

Rien n’établit en premier lieu qu’il ait été chargé du licenciement litigieux de sorte qu’il ne peut rien lui être demandé à ce titre.

Mais en tout état de cause, si l’article 12 susvisé permet au client ayant subi un préjudice de se retourner vers l’expert-comptable prestataire, il ne déroge pas au rapport salarié employeur liant la société Acora à M. [D] lors des faits litigieux alors qu’aucun dépassement de mission n’est soutenu par la société Acora qui n’invoque aucun fondement particulier à l’encontre de son salarié. La société Acora ne justifie en conséquence d’aucune action récursoire.

Le jugement est en conséquence confirme en ce qu’il déclaré l’appel en garantie irrecevable.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les condamnations aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance sont confirmées.

La Sas Acora supportera les dépens d’appel et versera à la Snc Oth la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il est équitable de ne pas faire droit à la demande de M. [D] sur le même fondement en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la Snc Oth de sa demande de remboursement de la condamnation prud’homale relative au licenciement de Mme [I].

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la Sas Acora Lyon est Isère a manqué à ses obligations professionnelles d’informations et de conseil dans le cadre du suivi social de la Snc Oth, ce qui causé à cette dernière un préjudice indemnisable.

Condamne en conséquence la Sas Acora Lyon est Isère à payer à la société Oth les sommes de 12.800 euros et 1.315,60 euros Ttc en indemnisation de ce préjudice.

Condamne la Sas Acora Lyon est Isère aux dépens d’appel.

Condamne la Sas Acora Lyon est Isère à verser à la Snc Oth une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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