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8 juin 1999
Cour de cassation
Pourvoi n°
98-83.661
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Y… Liliane, épouse X…,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 mars 1998, qui, pour vol, l’a condamnée à 1 an d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé ;
“en ce que l’arrêt attaqué a condamné Liliane Y…, épouse X…, coupable de vol, courant 1994 à 1995, à Nérac, à la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis assorti d’un délai d’épreuve de deux années avec obligation de rembourser les victimes, et de l’avoir condamnée à verser à celles-ci la somme de 268 579 francs à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 3 000 francs au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;
“aux motifs qu’il résulte du dossier, des débats ainsi que des documents régulièrement versés à la procédure et contradictoirement discutés entre les parties, les faits suivants : Jacqueline Z…, gérante d’un bureau de tabac à Nérac, a déposé plainte avec constitution de partie civile en exposant que, lors de l’arrêt de bilan afférent à la période comprise entre le 31 mars 1994 et le 31 mars 1995, il avait été constaté un manque flagrant de recettes enregistrées à la caisse et a dirigé, ensuite, ses soupçons vers l’une de ses deux employées, Liliane Y…, épouse X…, qui a contesté les accusations dont elle faisait l’objet ;
qu’il est cependant constant que cette dernière a été surprise alors qu’elle venait de soustraire frauduleusement une somme de 600 francs en numéraire ; que plusieurs clients réguliers du bureau de tabac, également, ont constaté que Liliane Y…, épouse X…, n’inscrivait pas toujours le montant des achats qu’ils effectuaient ; que l’examen des comptes bancaires de la prévenue a fait apparaître que celle-ci faisait des faibles retraits d’argent en espèces (soit environ 400 francs par mois) alors pourtant que l’enquête d’environnement qui a été effectuée auprès des commerçants de Nérac a permis d’établir que Liliane Y… a réglé, dans la majorité des cas, ses nombreuses et conséquentes dépenses personnelles en espèces ; qu’il ne saurait encore être pertinemment dénié que la situation financière du couple Moga-Micheletti (pour le moins obérée au moment des faits), en état de surendettement, n’était pas de nature à permettre à la prévenue d’engager les dépenses qui ont été constatées ; qu’enfin, il n’est pas formellement contesté que 90 % des recettes du bureau de tabac étaient réalisés en espèces, circonstance qui facilitait la commission des soustractions frauduleuses dont il est fait état ; que sous le bénéfice de ces énonciations et constatations, il y a lieu de considérer que Liliane Y…, épouse X…, s’est bien rendue coupable des faits qui lui sont reprochés et qu’en la retenant dans les liens de la prévention, les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de la loi pénale ;
“alors qu’en se fondant, en l’absence de preuve directe de la soustraction frauduleuse – hors la somme de 600 francs sur la somme de 268 579 francs alléguée et retenue par les juges du fond -, sur l’examen des comptes bancaires de l’intéressée, sur son train de vie et la facilité de procéder à une telle soustraction, la cour d’appel a méconnu la présomption d’innocence et renversé la charge de la preuve ;
“alors, surtout, que, dans ses conclusions, Liliane X… faisait valoir qu’outre ses ressources propres et celles de son mari figurant sur les comptes bancaires, elle disposait des frais de déplacement versés en liquide à son conjoint par son employeur, d’une aide financière de sa mère et de la contribution aux dépenses du père de son mari vivant au foyer ; qu’en outre, le détournement qui lui était reproché était impossible à réaliser sans être concomitamment découvert à raison de l’informatisation du débit de tabac relié à la SEITA, permettant de connaître à tout moment le chiffre d’affaires, le stock et les ventes réalisées, et donc de constater la discordance éventuelle entre le stock physique et le stock comptable ; que la simple consultation des états de gestion mensuels permettait encore de constater un éventuel écart entre les ventes enregistrées et le stock physique réel ; que faute d’avoir répondu à ces chefs déterminants des conclusions de Liliane X… relatifs tant à l’impossibilité de procéder à de tels détournements sans qu’ils soient découverts qu’à l’explication des dépenses en argent liquide de l’intéressée, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
“alors, enfin, que si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par l’infraction, il ne saurait en résulter pour la victime ni perte ni profit ; qu’en outre, le préjudice doit être certain et trouver directement sa source dans l’infraction poursuivie ; qu’en l’espèce, après avoir relevé une seule soustraction frauduleuse de 600 francs, les juges du fond ne pouvaient se fonder sur les seuls bilans comptables des époux Z… pour chiffrer le préjudice causé à ceux-ci par les prétendus détournements à la somme de 268 579 francs, ce manquant relevé pouvant avoir toute autre cause que des soustractions frauduleuses ; que, de ce chef encore, l’arrêt attaqué ne se trouve pas légalement justifié” ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
D’où il suit que le moyen, qui, sous le couvert d’une méconnaissance de la présomption d’innocence, se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pinsseau conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;