Your cart is currently empty!
7 octobre 2015
Cour d’appel de Paris
RG n°
14/13473
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 07 OCTOBRE 2015
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 14/13473
Décision déférée à la Cour : Jugement prononcé le 04 Juin 2014 par la 3ème Chambre du Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2012F00151
APPELANTE :
SNC [H]
immatriculée au RCS d’EVRY sous le n° 326.301.983
ayant son siège [Adresse 7]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Pierre MAIRAT de la SCP MAIRAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0252 ; substitué par : Me Christine ELBÉ, plaidant pour la SCP MAIRAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0252
INTIMEES :
1/ SARL ARGEDIS
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 306.916.099
ayant son siège [Adresse 4]
[Adresse 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Philippe BAYLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0728
2/ SAS AUTOGRILL COTE FRANCE
immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 391.378.526
ayant son siège [Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en son établissement secondaire sis [Adresse 5],
[Adresse 5]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Anne-france ROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E1614
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Septembre 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, rédacteur
Madame Dominique MOUTHON- VIDILLES, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*
La SAS AUTOGRILL COTE FRANCE, qui exploite un restaurant sur [Adresse 5] et dispose de l’autorisation de revendre du tabac manufacturés à ses clients, s’approvisionne en tabac auprès de la SNC DEDE, sise [Adresse 1].
La SARL ARGEDIS, qui exploite une station service TOTAL sur [Adresse 5], dispose également d’une autorisation de revendre à ses clients des tabacs manufacturés et s’approvisionne auprès de M. [Y], exploitant un débit de tabac, sis [Adresse 2].
A la demande de la SNC [H], qui exploite sous l’enseigne ‘MAG PRESSE’ un fonds de commerce de tabac presse situé dans le centre commercial de [Localité 5] A6, Maître [Q], huissier de justice, a établi :
– un constat le 30 septembre 2011, qui indique que la distance entre le portail d’accès latéral de la station service de l’aire des [Localité 3] à l’entrée du centre commercial de [Localité 5] est de 1,7 km et que la distance du portail d’accès latéral de la station service de l’aire des [Localité 3] au tabac LE WEEK END [Adresse 1] est de 2,1 Km.
– un constat le 4 novembre 2011qui indique que la distance entre le portail d’accès latéral de la station service de l’aire des [Localité 3] à l’entrée du centre commercial de [Localité 5] est de 1,7 km et que la distance du portail d’accès latéral de la station service de l’aire des [Localité 3] au tabac de la Mairie situé [Adresse 2] est de 2,6 Km.
Par courrier du 10 novembre 2011, la direction régionale des douanes a écrit à Mme [X] [H], gérante de la SNC [H], que ‘Suite à de nouvelles enquêtes diligentées par nos services , il s’avère que vous devez approvisionner la station TOTAL de [Localité 3], sis [Adresse 6], ainsi que l’Autogrill s’il est revendeur…’.
Le 15 novembre 2011, M. [Z] [T], représentant de la société AUTOGRILL COTE FRANCE et M. [E] [V], ancien de la station-service TOTAL ont signé chacun un document intitulé ‘Annexe IV ‘ Déclaration d’engagement du revendeur’ au terme duquel chacune de ces sociétés s’engageaient à s’approvisionner en tabacs manufacturés auprès de la société [H]. Le même jour, la société [H] a signé un document intitulé ‘Annexe V- déclaration du gérant du débit de tabac de rattachement’, aux termes desquels elle déclare approvisionner les sociétés AUTOGRILL COTE FRANCE et ARGEDIS.
Par courrier du 24 novembre 2011, la direction régionale des douanes a écrit à M. [V] que ‘ le procès-verbal établi par Monsieur [Q], huissier de justice, agissant à la demande de Madame [H], démontre que la distance entre votre station-service et son débit de tabac est plus courte que celle qui sépare votre établissement du débit de Monsieur [Y]… Il vous appartient de déterminer le choix de votre débit de rattachement et d’en informer le bureau de douanes de [Localité 2]. En effet, s’agissant d’une procédure déclarative, il ne revient pas à l’administration d’interdire à un buraliste en particulier d’approvisionner un établissement pratiquant la revente ni d’imposer à cet établissement le choix de son débit de rattachement. En cas de conflit, le débitant qui s’estime lésé peut faire valoir ses droits auprès du revendeur concerné dans le cadre d’un recours amiable et, à défaut d’obtenir satisfaction par ce biais, saisir la juridiction compétente.’
Le 28 novembre 2011, la société AUTOGRILL COTE FRANCE signait une nouvelle ‘déclaration d’engagement du revendeur’ avec M. [Y], gérant du [Établissement 1] sis [Adresse 2].
Le 28 novembre 2011, la direction régionale des douanes a écrit à la société AUTOGRILLL ‘Suite au choix de votre débit de tabac de rattachement, il me parait utile de vous rappeler que conformément à l’article 47-II du décret (du 28 juin 2010) … Il vous appartient de déterminer le choix de votre débit de rattachement et d’en informer le bureau de douanes de [Localité 2]. En effet, s’agissant d’une procédure déclarative, il ne revient pas à l’administration d’interdire à un buraliste en particulier d’approvisionner un établissement pratiquant la revente ni d’imposer à cet établissement le choix de son débit de rattachement. En cas de conflit, le débitant qui s’estime lésé peut faire valoir ses droits auprès du revendeur concerné dans le cadre d’un recours amiable et, à défaut d’obtenir satisfaction par ce biais, saisir la juridiction compétente.’
Le 6 décembre 2012, Maître [R], huissier de justice, établissait, à la demande de M. [Y], un procès verbal de constat qui mentionne une distance totale de 1 590 mètres entre la station TOTAL et le débit de tabac de M. [Y] à [Localité 3] et une distance totale de 1940 mètres, à vélo, et de 2090 mètres, en voiture, entre la station TOTAL et le débit de tabac de Mme [H] à [Localité 5]. Le constat précise également ‘que la distance séparant la station TOTAL du restaurant AUTOGRILL de l’aire d’autoroute A6 de [Localité 3] est de 150 mètres.’
Par lettre recommandée avec avis de réception des 6 et 22 décembre 2011 le conseil de la société [H] a mis en demeure les sociétés ARGEDIS et AUTOGRILL COTE FRANCE de s’approvisionner en tabac auprès de la société [H].
Par acte du 23 février 2012, la SNC [H] a assigné les sociétés ARGEDIS et AUTOGRILL COTE FRANCE devant le tribunal de commerce d’Evry.
A la demande de la société ARGEDIS, Maître [A] [D], huissier de justice, a dressé le 23 février 2012 un procès-verbal de constat qui mentionne ‘Distance entre la station TOTAL de [Localité 3] et le bureau de tabac de Madame [H] dans le centre commercial de [Localité 5]… Je constate que mon odomètre affiche au seuil de la porte automatique principale de la station service TOTAL une distance de 1 890,65 m.’ et ‘Distance entre la station service TOTAL de l’autoroute A6 et le bureau de tabac de [Localité 3] : Arrivé au seuil de la porte principale de la station service, je constate que mon odomètre affiche une distance de 1 576,09 m’.
A la demande de la société [H], Maitre [L], huissier de justice, a établi le 23 août 2012 un procès verbal de constat qui mentionne, d’une part, que le kilométrage de la station TOTAL de l’aire des [Localité 3] au tabac HERMIER à [Localité 3] est de 2 169 mètres et que le trajet de la station TOTAL au centre commercial de [Localité 5] (Tabac [H]) est de 1 854 mètres. D’autre part, que ‘1. Les deux constats du 06/12/2011 et du 23/02/2012 coupent à pied ou à vélo la voie de décélération de l’autoroute A6 pour rejoindre le passage de faible distance (en sens interdit) situé entre le portail bleu et la rue du clos aux pois.
2. les deux constats du 06/12/2011 et du 23/02/2012 combinent trajet à pied ou possible en voiture, le trajet piéton n’étant choisi que s’il est plus court.’
A la demande de la société [H], Maitre [P], huissier de justice, a dressé le 18 janvier 2013 un procès verbal de constat qui mentionne que ‘L’entrée de la Station Essence vient en intersection avec la bretelle de raccordement de l’autoroute A6 ; voie qui permet d’accéder par la droite au magasin IKEA et tout droit, au Centre Commercial de [Localité 5] et à la Commune de [Localité 4].
Il est impossible de traverser cette bretelle de raccordement à pieds, aucun passage pour piétons, aucun équipement n’étant prévu à cet effet… Il n’existe aucun équipement permettant de traverser à pied cette bretelle de raccordement sans une mise en danger certaine de son intégrité physique.’
Par jugement du 6 juin 2014 le tribunal de commerce a :
– condamné la société [H] à payer à la société ARGEDIS et à la société AUTOGRILL COTE FRANCE, la somme de 1 500 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté du surplus’;
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes’;
– condamné la société [H] aux entiers dépens.
Le 26 juin 2014 la société [H] a interjeté appel de ce jugement.
*
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 9 juin 2015, par lesquelles la société [H] demande à la cour de :
Au visa de l’article 47 du Décret n° 2010-720 du 28 juin 2010, des articles 1382 du code civil, R 421-1 et R 421-2 du code de la route,
– déclarer la société [H] recevable et bien fondée en son appel’;
– infirmer le jugement rendu le 6 juin 2014 par le tribunal de commerce d’Evry’;
– dire et juger la société AUTOGRILL COTE FRANCE et à la société ARGEDIS mal fondées en toutes leurs demandes plus amples ou contraires’;
– les en débouter,
Statuant à nouveau :
– dire et juger que la société [H] est le débit de tabac de rattachement le plus proche de la société ARGEDIS et de la société AUTOGRILL COTE FRANCE ;
– constater la violation des dispositions de l’article 47 du Décret n°2010-720 du 28 juin 2010 tant par la société AUTOGRILL COTE FRANCE que par la société ARGEDIS, prises en leur établissement secondaire respectif, sis [Adresse 5],
En conséquence :
– condamner la société AUTOGRILL COTE FRANCE à verser à la société [H] la somme de 3 938 € euros à titre de dommages intérêts, arrêtée au mois de juin 2014′;
– condamner la société ARGEDIS à verser à la société [H] la somme de 64 243,41 € à titre de dommages intérêts, arrêtée au mois de septembre 2014, sauf à parfaire pour les mois d’octobre à décembre 2014 et l’année 2015′;
– ordonner à la société ARGEDIS de remettre à la société [H] pour les mois d’octobre à décembre 2014 et l’année 2015 et ce, jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir les factures afférentes aux carnets de revente de tabac, l’extrait du grand livre de compte, compte 401, comportant la mention du nom fournisseur de tabac M. [Y] et l’extrait de la balance des comptes, compte 607 pour les achats de tabac et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir’;
– faire injonction à la société AUTOGRILL COTE FRANCE et à la société ARGEDIS , prises en leur établissement secondaire respectif, sis [Adresse 5], de s’approvisionner en tabacs manufacturés auprès de la société [H], et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir’;
– condamner la société AUTOGRILL COTE FRANCE et la société ARGEDIS à régler respectivement à la société [H] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP MAIRAT & Associés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
*
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 novembre 2014, par lesquelles la société AUTOGRILL COTE FRANCE demande à la cour de :
Aux visas des dispositions du décret n° 201-720 du 28 juin 2010, des articles 1315 et 1382 du code civil, 9 du code de procédure civile,
– déclarer la société AUTOGRILL COTE FRANCE recevable et bien fondée en ses conclusions ;
A titre principal’:
– confirmer le jugement du Tribunal de Commerce d’Evry du 6 juin 2014 en ce qu’il a débouté la société [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre parfaitement subsidiaire’:
– constater que le chiffre d’affaire de la société [H] n’aurait pas été supérieur à 3 938 € ;
Y ajoutant en tout état de cause,
– condamner la société [H] à payer à la société AUTOGRILL COTE FRANCE la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Anne ‘ France ROUX.
*
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 15 octobre 2014, par lesquelles la société AGREDIS demande à la cour de :
Aux visas des dispositions du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 et des articles R 421-1 et R 421-2 du code de la route,
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions, à l’encontre de la société ARGEDIS’;
Y ajoutant’:
– condamner la société [H] à payer à la société ARGEDIS la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive’;
– condamner la société [H] à payer à la société ARGEDIS la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me BAYLE, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Considérant que la société [H] expose que, en dépit du caractère obligatoire des dispositions de l’article 47 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010, les sociétés AUTOGRILL COTE FRANCE et ARGEDIS, dont les établissements secondaires sont situés [Adresse 5], ne se sont pas approvisionnées en tabac auprès d’elle, qui est le débitant le plus proche, malgré les engagements signés le 15 novembre 2011 ; que la carence fautive des intimées lui cause un préjudice ; que pour déterminer l’itinéraire le plus court au sens de l’article 47 du décret du 28 juin 2010 et apprécier les voies accessibles tant aux véhicules qu’aux piétons, il convient de se référer obligatoirement aux dispositions du code de la route, puisqu’il n’est pas imaginable que le chemin emprunté le soit au péril de la sécurité du piéton ou du conducteur ;
Considérant que la société [H] soutient que les constats d’huissier versés aux débats par les intimées ont été dressés dans des conditions contraires aux dispositions impératives du code de la route, ce qui prive les évaluations des distances parcourues de valeur probante, puisque les huissiers respectifs ont sciemment omis d’indiquer qu’ils ont emprunté une voie de décélération autoroutière, qu’ils ont traversé à pied, en totale contradiction avec les dispositions du code de la route ; que le constat d’huissier du 23 août 2012 et du 18 janvier 2013, qui établit les distances parcourues à pied et en voiture, dans le respect des dispositions du code de la route, démontrent que l’appelante est la plus proche de chacun des établissements revendeurs ; que le constat établi à la demande de M. [Y], qui n’est pas un revendeur et qui n’a pas fait personnellement usage d’un vélo, ne peut pas être pris en compte ;
Considérant que la société AUTOGRILL COTE FRANCE et ARGEDIS expose que l’appelante ne rapporte pas la preuve qu’elle est le débitant de tabac le plus proche de son restaurant ; qu’ainsi aucun constat d’huissier n’a relevé la distance séparant son restaurant du débit de tabac exploité par la SNC DEDE, ce qui empêche toute comparaison avec le débit de tabac de la société [H] et conduit au rejet de sa demande ; que l’article 47 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 n’impose pas le respect du code de la route, toutefois, les constats de Me [R] et Me [D] ont respecté ce code ; que la différence de conclusions entre des différents constats versés aux débats s’explique par la différence des chemins empruntés et par la différence des moyens de transport privilégiés, à pied ou en voiture ; qu’il n’est pas même certain que le tabac exploité par la SNC [H] sont plus proche que celui exploité par M. [Y] ;
Considérant que la société ARGEDIS expose que le procès verbal de constat dressé le 23 février 2012 par Maître [D] établit, de manière incontestable, que la distance à pied entre la station service de l’aire de [Localité 3] et le bureau de tabac exploité par M. [Y] est inférieure à celle existante entre la station service et le bureau de tabac exploité par la société [H] ; que les constatations de l’huissier, qui a utilisé un odomètre homologué par la DREAL, ont valeur probante jusqu’à preuve contraire ; que contrairement aux affirmations de la société [H], Maître [D] n’a à aucun moment cheminé sur l’autoroute, ni sur une bretelle de raccordement, ni une voie de décélération, mais sur une voie de circulation interne à l’aire d’autoroute se trouvant au-delà de la voie de décélération et de l’emplacement des pompes à essence, qui est un chemin d’accès de service piétons avec un portillon que le personnel de la station service doit emprunter pour entrer et sortir sur l’aire d’autoroute à pied et qui permet de rejoindre la commune de [Localité 3], la voie de décélération s’achève avant la zone des pompes à essence ; qu’il n’est pas possible que l’huissier mandaté par la société [H] ait pu se rendre de l’entrée de la station service jusqu’à la grille sans effectuer une marche arrière, ce qui enlève indiscutablement toute force probante au constat qu’il a établi ;
Mais considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 47- II du décret du 28 juin 2010 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés ‘Le revendeur doit être en mesure de justifier à tout moment que son débit de rattachement est le plus proche de son établissement, la distance prise en compte étant celle séparant l’entrée principale de celui-ci de l’entrée du débit de rattachement, par l’itinéraire le plus court en empruntant toute voie de circulation, y compris celles accessibles uniquement aux piétons. Les voies privées ne peuvent être incluses dans l’itinéraire que si elles sont ouvertes au public pendant la journée.’;
Considérant qu’il résulte de ce texte que pour déterminer quel est le débit de rattachement le plus proche de son établissement, auprès duquel il doit obligatoirement s’approvisionner, le revendeur doit calculer la distance exacte entre l’entrée principale de son établissement de revente et celle du débit de rattachement, sur la base de l’itinéraire le plus court entre les deux établissements ; que si toutes les voies de circulation ouvertes au public, y compris celles accessibles uniquement aux piétons, peuvent être incluses dans cet itinéraire, cependant cet itinéraire doit être celui qui sera effectivement et habituellement emprunté par le revendeur pour se rendre au débit de rattachement en vue de l’acquisition du tabac et non un itinéraire fantaisiste ou fictif ; qu’en effet, l’article 47 du décret précité ne se contente pas d’exiger que la distance entre les établissements du revendeur et du débitant soit la plus courte, ce qui pourrait être déterminé par une mesure ‘à vol d’oiseau’, mais exige que la détermination de la distance la plus courte se fasse sur la base d’un itinéraire précis, celui qui sera emprunté pour s’approvisionner, lequel doit pouvoir être emprunté sans risque pour la sécurité des personnes et des biens ;
Considérant que le courrier du 1er mars 1999 émanant de la direction régionale des douanes produits par la société AUTOGRILL COTE FRANCE concerne un établissement situé sur l’aire de [Localité 5] et non son restaurant situé sur l’aire de [Localité 3] ; que la société [H] a versé aux débats un procès verbal de constat huissier du 30 septembre 2011 établissant que la distance entre l’entrée principale du restaurant de la société AUTOGRILL COTE FRANCE et le tabac de l’appelante est plus courte que celle entre l’entrée principale de ce restaurant et le tabac DEDE situé à [Localité 5] ; que la société AUTOGRILL COTE FRANCE verse aux débats un procès verbal de constat du 6 décembre 2011 établi, à la demande de M. [Y], pour rechercher la distance entre la station TOTAL et les débits de tabac de M. [Y] et de la société [H] , sans aucune référence au débit de tabac DEDE auquel elle prétend être rattachée ;
Considérant que le constat du 23 février 2012, établi à la demande de la société ARGEDIS, pour déterminer la distance existant entre la station service TOTAL et le bureau de tabac de la société [H], l’huissier de justice a cheminé à pied muni d’un odomètre ; que les mentions du constat font apparaître que huissier a du se déplacer à pied en empruntant ‘la circulation se trouvant derrière le portail’ et cheminé dans [Adresse 8] qui ‘étant dépourvue d’aménagement piétons dans sa première partie, je marche sur la chaussée à gauche’, puis dans la [Adresse 9], ‘au niveau de la station de lavage IMO il n’y a plus de trottoir, j’emprunte donc la chaussée à contresens. J’arrive à un rond-point que je contourne par la gauche jusqu’à la rue des 44 arpents. Je ne retrouve un trottoir qu’au niveau du restaurant KENTUCKY FRIED CHICKEN.’ ; que cet itinéraire parcouru à pied a contraint huissier à circuler sur des voies non aménagées pour les piétons, cet itinéraire dangereux ne peut être retenu ;
Considérant que pour mesurer la distance entre la station-service TOTAL et le bureau de tabac de la Mairie à [Localité 3], l’huissier a repris à pied le même itinéraire jusqu’à [Adresse 8], puis a poursuivi en empruntant des voies pratiquables pour un piéton ; que l’huissier a reconnu devoir longer la station service et emprunter la circulation pour arriver au portail bleu, puis de nouveau emprunter la circulation pour se diriger vers [Adresse 8] ; qu’il apparaît que l’itinéraire suivi par l’huissier aux abords de la station service est réservé à la circulation automobile ; que cet itinéraire ne peut être retenu ;
Considérant qu’il résulte des constatations effectuées par Maître [Q], le 4 novembre 2011, qui a circulé en voiture sur les voies qui lui étaient réservées, que le bureau de tabac de la société [H], situé au centre commercial [Localité 5], est plus proche de la station-service TOTAL située sur l’aire de [Localité 3] que le bureau de tabac de la Mairie situé à [Localité 3] ; qu’il résulte des constatations effectuées par Maître [Q], le 30 septembre 2011, que le bureau de tabac de la société [H] est plus proche du restaurant de la société AUTOGRILL COTE FRANCE que le bar tabac DEDE, devenu LE WEEK END, à [Localité 5] ; que le jugement qui a débouté la société [H] de ses demandes doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Considérant que la société [H] expose que la carence des intimées constitue une faute qui lui a causé un préjudice, dont elle demande réparation sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil ; qu’elle sollicite la condamnation de la société AUTOGRILL COTE FRANCE à lui verser la somme de 3 938 € à titre de dommages et intérêts , correspondant à la marge perdue sur le chiffre d’affaires qu’elle aurait dû encaisser de 2010 jusqu’au mois de juin 2014, l’intimée ayant déclaré avoir cessé la revente de tabac à l’été 2014 ; que l’appelante sollicite la condamnation de la société ARGEDIS à lui verser la somme de 64’243,41 €, arrêtée au 30 septembre 2014 sauf à parfaire jusqu’en 2015, correspondant à sa perte de marge sur le chiffre d’affaires qu’elle aurait dû réaliser de 2010 à 2015 ;
Considérant que la société AUTOGRILL COTE FRANCE soutient que l’éventuel chiffre d’affaires de l’appelante sur 5 années, de 2010 à l’été 2014, n’aurait pu être supérieur à 3 938 € ; que la société ARGEDIS soutient que ne pouvant se voir reprocher une faute intentionnelle, puisqu’elle s’est approvisionnée en toute bonne foi auprès de M.[Y], elle ne peut être condamnée au paiement de dommages et intérêts ;
Mais considérant que la société ARGEDIS qui avait l’obligation de déterminer le débit de rattachement le plus proche, doit indemniser la société [H] du préjudice qu’elle a subi du fait de la mauvaise exécution de son obligation ; qu’ au surplus, après avoir été destinataire du constat d’huissier du 4 novembre 2011 et du courrier du 24 novembre 2011 de la direction régionale des douanes, la société ARGEDIS, qui a signé le 15 novembre 2011 un engagement de revendeur avec la société [H], ne pouvait plus être considérée comme ignorant devoir s’approvisionner auprès de l’appelante ; que la société [H], sur laquelle pèse la charge de la preuve de son préjudice, peut obtenir réparation de sa perte de marge jusqu’à la date du présent arrêt ; que les calculs de l’appelante sur les années 2010 à 2014 n’ étant pas contestés par la société ARGEDIS, il convient allouer à la société [H] la somme de 70’000 € à titre de dommages et intérêts pour compenser la perte de marge jusqu’au 7 octobre 2015 ; qu’il y a dès lors lieu de débouter l’appelante de sa demande de communication de pièces comptables ;
Considérant que la société AUTOGRILL COTE FRANCE ne conteste pas que le préjudice de l’appelante jusqu’au mois de juin 2014 s’élève à la somme de 3 938 € ; qu’il y a lieu de la condamner au versement de cette somme ;
Considérant que la demande d’injonction d’approvisionnement en tabac manufacturés ne peut être prononcée qu’à l’encontre de la société ARGEDIS, la cessation d’activité de revente de tabacs par la société AUTOGRILL COTE FRANCE depuis l’été 2014 n’étant pas contestée ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement ;
Et statuant à nouveau,
Dit que la SNC [H] est le débit de tabac de rattachement le plus proche de la société ARGEDIS et de la société AUTOGRILL COTE FRANCE ;
Fait injonction à la société ARGEDIS , pris en son établissement secondaire situé [Adresse 5], de s’approvisionner en tabacs manufacturés auprès de la SNC [H] à compter de la signification du présent arrêt ;
Dit que les sociétés ARGEDIS et AUTOGRILL COTE FRANCE ont violé les dispositions de l’article 47 II du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 ;
Condamne la société AUTOGRILL COTE FRANCE à verser à la SNC [H] la somme de 3 938 € à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société ARGEDIS à verser à la SNC [H] la somme de 70’000 € à titre de dommages et intérêts, arrêtée au 7 octobre 2015 ;
Condamne les sociétés ARGEDIS et AUTOGRILL COTE FRANCE à verser chacune la somme de 3 000 € à la SNC [H] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne les sociétés ARGEDIS et AUTOGRILL COTE FRANCE à prendre en charge par moitié les dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvré conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
B. REITZER F. COCCHIELLO