Droits de la partie civile : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/05162

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Droits de la partie civile : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/05162
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5 janvier 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
20/05162

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 05/01/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/05162 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TKVW

Jugement rendu le 22 octobre 2020

par le tribunal de grande instance de Cambrai

APPELANT

Monsieur [S] [D]

né le 24 mars 1975 à [Localité 6] ([Localité 6])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Jean-Noël Lecompte, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [U] [X] épouse [J]

née le 29 août 1974 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Marie-Hélène Carlier, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 05 septembre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 janvier 2023 après prorogation du délibéré en date du 17 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 juillet 2022

****

Suivant acte dressé par Me [W] [F] notaire au sein de la SELARL [Y] [R], M. [S] [D], en qualité de cédant, et Mme [U] [X] épouse [J], en qualité de cessionnaire, ont régularisé le 24 janvier 2020 un compromis de cession de fonds de commerce de gérance d’un débit de tabac, sis [Adresse 3] à [Localité 8] (Nord), connu sous le nom commercial Café des Sports, pour le prix de 120 000 euros.

Par courrier du 2 juin 2020, Mme [X] a déclaré renoncer à réitérer la vente par acte authentique.

M. [D] a fait assigner Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Cambrai afin de la voir condamner à lui payer le prix, subsidiairement la somme de 12 000 euros au titre de la clause pénale prévue par le compromis et en tout état de cause, des dommages et intérêts.

Par jugement du 22 octobre 2020, le tribunal l’a débouté de ses demandes, au motif notamment que le compromis de cession du fonds de commerce régularisé le 24 janvier 2020 serait devenu caduc le 10 mars 2020, et l’a condamné à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 décembre 2020, M. [D] a interjeté appel de cette décision et, aux termes de ses conclusions récapitulatives, demande à la cour de l’infirmer, de dire que le compromis de vente vaut vente et de condamner Mme [X] au paiement des sommes de 120 000 euros au titre du prix de vente ou, subsidiairement, 12 000 euros au titre de la clause pénale prévue par le compromis de vente, en toute hypothèse 5 000 euros en réparation du préjudice subi et 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive injustifiée.

Mme [X] demande pour sa part à la cour de débouter M. [D] de toutes ses demandes, et de confirmer le jugement rendu le 22 octobre 2020 mais, subsidiairement, de dire et juger que la stipulation de pénalité s’analysant en une clause pénale, il y a lieu à sa diminution.

Le courrier de Mme [J] reçu au greffe le 5 décembre 2022, soit après l’ordonnance de clôture du 11 juillet 2022, ne peut être pris en compte par la cour.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1589 du même code dispose que la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.

L’article 1240, enfin, dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le compromis de cession du 24 janvier 2020 mentionne notamment que la cessionnaire déclare :

– qu’elle a l’intention de financer son acquisition en partie ou en totalité au moyen d’un apport personnel de 36 000 euros et d’un emprunt de 108 600 euros

– qu’elle se propose de solliciter de tout organisme prêteur un prêt de 108 600 euros remboursable sur 7 ans au taux d’intérêt maximum de 2 %.

Il stipule :

– que l’accord de prêt devra être obtenu par le cessionnaire dans un délai de 45 jours à compter des présentes et justifié au cédant par la production écrite de cet accord donné par l’organisme financier,

– que la production de cet accord rendra la condition suspensive réalisée,

– que passé ce délai sans que le cessionnaire puisse justifier de l’accord de principe de ce prêt, la convention sera de plein droit résiliée, chacune des parties reprenant sa pleine et entière liberté par la simple survenance de cette défaillance sans qu’il soit besoin d’accomplir aucune formalité judiciaire et que toute somme versée par le cessionnaire lui sera restituée sans indemnité, sauf inexécution fautive de sa part,

– que le cessionnaire pourra toujours renoncer au bénéfice de cette clause à charge d’aviser le cédant par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard au jour de l’expiration du délai ci-dessus fixé pour l’avènement de la présente condition suspensive.

Si le premier juge a justement indiqué qu’un accord de crédit n’est pas une « offre de crédit », la condition suspensive précitée est l’obtention d’un simple accord de prêt donné par un organisme financier ; c’est dès lors à tort qu’il en a considéré que la condition suspensive n’était pas satisfaite par l’attestation d’accord de prêt bancaire émise le 18 février 2020 par le Crédit Agricole Nord de France, soit antérieurement à l’expiration du délai de caducité de 45 jours mentionné au compromis du 24 janvier 2020.

Le Crédit Agricole Nord de France a ensuite formalisé son accord de principe en une offre de prêt émise le 23 mars 2020 et acceptée par Mme [X].

Cette offre de prêt au nom de Mme [X] répond aux stipulations contractuelles mais présente des anomalies puisqu’il manque, au dessus de sa signature, le rappel de ses prénom et nom ainsi que la date. Il ressort toutefois d’un courrier électronique émis par l’agence bancaire que ces anomalies devaient être régularisées avant la réitération de la vente par acte authentique et l’acceptation de cette offre par Mme [X] est certaine comme ressortant sans équivoque des paraphes comme de la signature qu’elle y a apposés et de sa correspondance adressée le 26 mai 2020 à Me [F] précisant « les accords de prêt ont été signés le 13 mai ». De même, Mme [X] formulait le 29 mai 2020 une demande d’affiliation pour les terminaux de paiement et indiquait par mail du 14 mai 2020 à son comptable, M. [E] : « la signature chez le notaire a lieu le 11 juin ».

La condition suspensive tenant à l’obtention d’un accord de prêt est donc réalisée.

Par ailleurs, Mme [X] s’est engagée par le compromis de cession à procéder à un apport personnel de 36 000 euros sans faire entrer dans le champs contractuel son origine ni d’aléas le concernant. Contrairement à ce qu’elle soutient, la mention selon laquelle l’accord de prêt « est consenti sous les réserves d’usage et, notamment, de la réalisation de l’apport personnel prévu au plan de financement », ne fait pas de l’apport personnel une condition de cet accord mais seulement de sa concrétisation. D’ailleurs, l’offre de crédit a été émise le 23 mars 2020 alors que son apport n’était pas encore consigné, ni la somme qu’elle prétend prêtée par ses parents pour constituer son apport personnel versée sur son compte bancaire.

L’effectivité de la disposition de cette somme par Mme [X] n’est pas une condition suspensive du contrat de vente.

Il est établi qu’à compter du 18 mai 2020, le compte bancaire de l’EIRL, statut adopté par Mme [X] pour l’exploitation du commerce, était créditeur de plus de 36 000 euros.

La circonstance, alléguée par Mme [X], que ses parents, après lui avoir prêté cette somme, seraient revenus sur ce prêt et lui en auraient demandé remboursement ne saurait la délier de son engagement.

Mme [X] n’allègue pas ni ne démontre qu’elle aurait, par suite, perdu le bénéfice du concours bancaire.

Enfin, dès lors que l’objet de l’EIRL que Mme [X] envisageait de constituer était l’exploitation du fonds de commerce, un défaut de constitution antérieur à la régularisation de l’acte authentique, ainsi que l’en a informé son notaire dès le 20 février 2020, n’est pas de nature à faire obstacle à la réitération de la vente.

Mme [X] ne justifie donc d’aucune circonstance susceptible de légitimer son refus de procéder à la réitération de la vente et un procès-verbal de carence a été justement dressé le 18 juin 2020.

Or, le compromis stipule également que « si l’une des parties ne se présente pas dans le délai stipulé pour signer l’acte authentique [au plus tard le 24 avril 2020 pouvant être prorogé au 31 mai 2020], l’autre partie pourra requérir le dépôt aux minutes du présent acte et poursuivre, nonobstant tous dommages-intérêts, la réalisation de la vente en s’acquittant, éventuellement pour le défaillant, des frais, droits et honoraires d’acte, soit consentir à la résolution des présentes ».

M. [D] est donc bien fondé à faire juger que la vente est parfaite et à solliciter la condamnation de Mme [X] à en payer le prix.

Par ailleurs, il démontre avoir été contraint par la défaillance de la cessionnaire d’effectuer des démarches dans l’urgence pour pouvoir poursuivre l’activité de ce fonds de commerce et avoir été contrarié dans son projet d’acquisition d’un autre fonds de commerce ; il a donc subi un préjudice résultant

directement du mépris de ses engagements contractuels par Mme [X], duquel il sera justement indemnisé par le versement par celle-ci d’une indemnité de 5 000 euros.

Enfin, Mme [X] a procédé, dès le 19 février 2020, aux démarches d’ouverture de compte relatives à l’usage du fonds de commerce en cours d’acquisition (ouverture du compte FDJ et agrément police des jeux, demande de cautionnement pour les comptes PMU, presse et FDJ, agrément à la gérance tabac, ouverture de comptes bancaires au sein de l’établissement prêteur), de même qu’elle a poursuivi ses démarches au delà du 10 mars 2020 sans se prévaloir d’une caducité du compromis. Ce comportement atteste sa conviction que l’accord de crédit répondait à l’exigence du compromis et que la condition suspensive était remplie. Dans ces circonstances, la défaillance de Mme [X] sans justification valable et sa persistance dans le refus de réitérer la cession par acte authentique constituent effectivement une résistance abusive mais M. [D] ne caractérise pas, à ce titre, un préjudice distinct de celui dont l’indemnisation a été prévue ci-dessus, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

infirme le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 22 octobre 2020 et, statuant à nouveau,

dit que la cession du fonds de commerce de gérance du débit de tabac, sis [Adresse 3] à [Localité 8], connu sous le nom commercial café des sports, entre M. [S] [D], cédant, et Mme [U] [X] épouse [J], cessionnaire, est réalisée dans les conditions du compromis du 24 janvier 2022 et parfaite,

condamne Mme [U] [X] épouse [J] à payer à M. [S] [D] le prix d’acquisition, soit la somme de cent vingt mille euros (120 000 euros),

la condamne à lui payer en outre cinq mille euros (5 000 euros) à titre de dommages et intérêts,

déboute M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

condamne Mme [X] aux dépens de première instance et d’appel et au paiement à M. [S] [D] d’une indemnité de trois mille euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


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