Droits de la partie civile : 28 février 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01717

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Droits de la partie civile : 28 février 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01717
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28 février 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/01717

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SCP CAMILLE ET ASSOCIES

Me Ariane BARBET SCHNEIDER

EXPÉDITION à :

CIPAV

[R] [S]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS

ARRÊT du : 28 FEVRIER 2023

Minute n°63/2023

N° RG 21/01717 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GMKS

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS en date du 28 Avril 2021

ENTRE

APPELANTE :

CIPAV

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, substituée par Me Amélie TOTTEREAU-RETIF, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART,

ET

INTIMÉE :

Madame [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Ariane BARBET SCHNEIDER, avocat au barreau de BLOIS

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 13 DECEMBRE 2022.

ARRÊT :

– Contradictoire, en dernier ressort.

– Prononcé le 28 FEVRIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [R] [S] occupe deux activités : elle exploite un bar-tabac-presse et exerce comme gérante de tutelle.

En cette dernière qualité, elle est affiliée à la CIPAV qui lui reproche d’avoir exclu de l’assiette de ses cotisations les revenus issus de son activité de débit de tabac au titre des exercices 2017 et 2018.

Le 8 juin 2019, la CIPAV a délivré à l’encontre de Mme [S] une mise en demeure pour le recouvrement de la somme de 23 662,21 euros représentant les cotisations et majorations de retard relatives aux années 2017 et 2018.

Mme [S] a le 21 juin 2019 saisi la commission de recours amiable d’une demande de modification des assiettes sociales retenues par la CIPAV au titre des années 2017 et 2018. Sa demande a été rejetée selon décision du 4 juillet 2019 notifiée le 21 août 2019.

Par requête du 22 octobre 2019, Mme [S] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Blois d’une contestation de cette décision (RG 19/0315).

Le 23 septembre 2019, la CIPAV a émis à l’encontre de Mme [S] une contrainte signifiée le 23 octobre 2019, pour le recouvrement de la somme de 22 745,21 euros représentant les cotisations relatives aux années 2017 et 2018 (cotisations 20 604 euros, majorations de retard 2 141,21 euros).

Par requête du 4 novembre 2019, Mme [S] a formé opposition contre cette contrainte devant le Pôle social du tribunal de grande instance de Blois (RG 19/0329).

Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020.

Selon jugement du 28 avril 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois a:

– ordonné la jonction des deux instances enregistrées sous les n°19/315 et 19/329 et dit que désormais l’affaire sera appelée sous le seul n° RG 19/315,

– déclaré la requête présentée par Mme [S] recevable,

– déclaré recevable l’opposition formée par Mme [S] contre la contrainte émise par la CIPAV le 23 septembre 2019 et signifiée le 23 octobre 2019,

– dit que les revenus issus de l’activité de débit de tabac exercée par Mme [S] doivent être exclus de l’assiette de calcul des cotisations de la CIPAV pour les années 2017 et 2018,

– invalidé la contrainte en date du 23 septembre 2019, signifiée le 23 octobre 2019, portant sur la somme de 22 745,21 euros, dont 2 141,21 euros de majorations de retard correspondant aux cotisations de l’année 2017 et de l’année 2018,

– condamné la CIPAV à payer à Mme [S] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– rejeté le surplus des demandes,

– condamné la CIPAV aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Selon déclaration du 26 mai 2021, la CIPAV a régulièrement relevé appel de ce jugement.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2022.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffe le 13 décembre 2022 et soutenues oralement à l’audience du même jour, la CIPAV demande à la Cour de:

– réformer le jugement dont appel,

– débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes,

A titre principal,

– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 21 août 2019,

– dire et juger l’opposition à contrainte du 4 novembre 2019 formée par Mme [S] infondée,

– valider la contrainte en son entier montant à hauteur de 20 604 euros au titre des cotisations et 2 141,21 euros au titre des majorations de retard pour les années 2017 et 2018,

A titre principal,

– valider la contrainte en son montant réduit à hauteur de 0 euros au titre des cotisations et 0 euros au titre des majorations de retard pour les années 2017 et 2018,

En tout état de cause,

– condamner Mme [S] à payer à la CIPAV une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner Mme [S] au paiement des frais de recouvrement conformément à l’article R. 133-6 du Code de la sécurité sociale, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 13 décembre 2022 et soutenues oralement à l’audience du même jour, Mme [R] [S] demande à la Cour de :

Vu les articles L. 633-10 et suivants du Code de procédure civile,

– confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois le 28 avril 2021,

– déclarer la CIPAV irrecevable et à tout le moins mal fondé en son recours,

en conséquence,

– juger que Mme [R] [S] est bien fondée à déduire ses recettes tabac de son assiette de cotisations à la CIPAV,

– constater que Mme [R] [S] n’est redevable d’aucune cotisation pour la période visée par la contrainte du 23 septembre 2019,

– condamner la CIPAV à régler à Mme [R] [S] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la CIPAV aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE

Sur la déduction des recettes liées au tabac de l’assiette des cotisations de la CIPAV :

Selon les dispositions de l’article L. 131-6 du Code de la sécurité sociale, la base de calcul des cotisations sociales des indépendants correspond au revenu tel que retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, sans qu’il soit tenu compte des plus et moins values professionnelles à long terme, des reports déficitaires, des exonérations (y compris celles attachées aux cotisations Madelin et au régime facultatif), de la majoration de 25 % pour non adhésion à un organisme de gestion agréée (OGA) ou un professionnel de l’expertise comptable conventionnée, de la déduction des frais professionnels de 10 % des sommes (frais, droits et intérêts d’emprunts) exposées pour l’acquisition de parts sociales.

Selon la notice explicative de la déclaration sociale des indépendants relative au formulaire Cerfa n°52260#01, il est indiqué pour les débitants de tabac : ‘si vous exercez une activité de débit de tabac simultanément à une activité commerciale, vous avez la possibilité d’opter pour le calcul de votre cotisation d’assurance vieillesse sur le seul revenu tiré de votre activité commerciale (en effet, les remises pour débit de tabac sont soumises par ailleurs à un prélèvement vieillesse particulier)’.

En l’espèce, Mme [S] revendique l’application de ces dispositions à son bénéfice arguant qu’elle exerce en sus de son activité tabac une activité commerciale de bar, presse et produits de la Française des Jeux comme en attestent ses deux derniers bilans. Elle observe qu’à titre subsidiaire la CIPAV n’hésite pas à reconnaître le bien fondé de son analyse en demandant de valider la contrainte du 23 septembre 2019 en son montant réduit à zéro.

De son côté, la CIPAV estime que les dispositions querellées n’ont pas vocation à s’appliquer à Mme [S], aux motifs qu’il n’est pas possible de modifier l’assiette des cotisations sociales prévues par les dispositions de l’article L. 131-6 du Code de la sécurité sociale et qu’en toute hypothèse, l’assurée n’exerce pas une autre activité commerciale que celle de buraliste en sus de son activité libérale de gérant de tutelle.

Toutefois, ainsi que l’ont justement rappelé les premiers juges, il est constant que les gérants de débits de tabac exercent une fonction publique sous l’autorité administrative et ne sont assimilés ni à des salariés ni à des commerçants, bénéficiant dès lors d’un régime spécifique d’assurance vieillesse dit RAVGDT. Par ailleurs, il résulte de l’article 92 du Code général des impôts que sont considérées comme provenant de l’exercice d’une activité non commerciale ou sont assimilées à des revenus non commerciaux les remises allouées pour la vente de tabac ; selon l’article 155 du même code, les revenus issus du commerce du tabac sont imposés au titre de bénéfices industriels et commerciaux lorsque le débit de tabac est considéré comme l’extension d’une activité commerciale prépondérante.

Il s’en déduit que l’activité de débit de tabac ne peut être qualifiée par principe de commerciale comme une activité générale de buraliste et qu’il convient de rechercher si, à côté de cette activité non commerciale, Mme [S] exerce une activité commerciale simultanée pour bénéficier du régime qu’elle demande.

Il apparaît, au regard des éléments comptables versés aux débats, que Mme [S] a, au cours des exercices 2017 et 2018, vendu de la librairie, de la carterie, de la confiserie…tout comme elle a tenu une activité de bar, de sorte qu’est ainsi caractérisée l’activité commerciale qu’elle invoque en sus de son activité tabac et qu’elle est bien fondée à solliciter l’application à son bénéfice des dispositions querellées et l’exclusion de l’assiette de cotisations sociales des revenus tirés de son activité de débit de tabac au titre de l’assurance vieillesse.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a invalidé entièrement la contrainte litigieuse et rejetée la demande en paiement de la CIPAV de la somme de 20 604 euros hors majorations de retard.

Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

La décision déférée est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La CIPAV, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [S] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS:

Confirme le jugement du 28 avril 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Blois en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la CIPAV aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [S] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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