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24 janvier 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/02571
1ère Chambre
ARRÊT N°23/2023
N° RG 22/02571 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SVVA
Association POUR LA PRÉVOYANCE COLLECTIVE RÉGIME D’ALLOCATION VIAGÈRE DES GÉRANTS DE DÉBIT DE TABAC
C/
M. [T] [X]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 novembre 2022 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 24 janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
L’ASSOCIATION POUR LA PRÉVOYANCE COLLECTIVE RÉGIME D’ALLOCATION VIAGÈRE DES GÉRANTS DE DÉBIT DE TABAC (APC-RAVGDT), association loi 1901, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Hélène DAOULAS de la SELARL DAOULAS-HERVÉ ET ASS., Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Représentée par Me Isabelle CAILLABOUX de la SELARL SAUTELET-CAILLABOUX-FARGEON-LUTETIA AVOCATS, Plaidant avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [T] [X]
né le 10 Avril 1956 à [Localité 5] (92)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Mélanie CAHOURS, avocat au barreau de BREST
FAITS ET PROCÉDURE
Le 12 mai 2021, l’association pour la prévoyance collective du régime d’allocation viagère des gérants de débit de tabac (l’APC-RAVGDT) a assigné M. [T] [X] devant le tribunal judiciaire de Quimper, sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du code civil, en paiement de la somme de 14 890,09 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, au titre de pensions indûment perçues entre le 1er avril 1998 et le 31 décembre 2017 pour le compte de [G] [X], décédée le 11 février 1998.
Le’30 septembre 2021, M. [X] a saisi le juge de la mise en état d’un incident afin que les demandes de l’APC-RAVGDT soient déclarées irrecevables comme étant prescrites.
Par ordonnance du 4 mars 2022, le juge de la mise en état a’:
-déclaré recevable l’action introduite par l’APC-RAVGDT,
-déclarés irrecevables les demandes portant sur les prestations versées indûment antérieurement au 12 mai 2016,
-dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état de la première chambre du tribunal judiciaire de Quimper du 8 avril 2022 en délivrant injonction de conclure au fond pour cette audience à M. [X],
-dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance au fond.
L’APC-RAVGDT a fait appel le 11 avril 2022 du chef de l’ordonnance déclarant une partie de ses demandes irrecevables.
Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 12 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de’:
-débouter M. [X] de son appel incident,
-confirmer l’ordonnance’:
*en ce qu’elle a jugé inapplicables les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à une prescription triennale ou biennale,
*en ce qu’elle a déclaré son action recevable,
-infirmer l’ordonnance en ce qu’elle déclaré ses demandes irrecevables pour les prestations versées
indûment antérieurement au 12 mai 2016,
-statuant à nouveau, juger qu’elle n’est pas prescrite dans son action et que ses demandes sont recevables au titre des prestations versées entre le 1er avril 1998 et le 31 décembre 2017,
-condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel et le condamner à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [X] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé.
Il demande à la cour de’:
-infirmer l’ordonnance’:
*en ce qu’elle a déclaré recevable l’action introduite par l’APC-RAVGDT,
*en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-statuant à nouveau, juger irrecevable l’action introduite par l’APC-RAVGDT et ses demandes portant sur l’intégralité des prestations versées indûment,
-condamner l’APC-RAVGDT à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, il demande à la cour de’:
-confirmer l’ordonnance’:
*en ce qu’elle a déclaré recevable l’action introduite par l’APC-RAVGDT,
*en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes portant sur les prestations versées indûment antérieurement au 12 mai 2016,
-l’infirmer en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-statuant à nouveau, condamner l’APC-RAVGDT à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En tout état de cause, il demande à la cour de’:
-débouter l’APC-RAVGDT de toutes ses demandes,
-la condamner aux entiers dépens d’appel et à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT
1) Sur l’application de l’article L355-3 du code de la sécurité sociale
Devant le juge de la mise en état M. [X] soutenait que la prescription triennale prévue par l’article L243-6 du code de la sécurité sociale s’appliquait. Le juge de la mise en état a retenu le contraire et déclaré’l’action de l’APC-RAVGDT recevable comme n’étant pas atteinte par la prescription triennale.
Devant la cour M. [X] soutient que la prescription biennale prévue par l’article L355-3 du code de la sécurité sociale s’applique’: «’ Toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d’invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.»
Mais, ainsi que le premier juge l’a retenu, le régime de base de la sécurité sociale ne s’applique pas en l’espèce.
En effet si le régime d’allocations viagères des gérants de débit de tabac (RAVGDT), institué par le décret n° 63-1104 du 30 octobre 1963, a été analysé à l’origine comme un régime de retraite de base obligatoire relevant des dispositions du code de la sécurité sociale, ce statut a été modifié par l’article 42 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui dispose :
«’I. – Ne constitue pas un régime de retraite de base obligatoire, pour l’application du code des pensions civiles et militaires de retraite, du code rural et de la pêche maritime et du code de la sécurité sociale, le régime additionnel obligatoire d’allocations viagères aux gérants de débits de tabacs prévu à l’article 59 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963).
II. – Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, le I s’applique à compter de la date d’entrée en vigueur du présent article’».
Ces dispositions ont eu pour effet de clarifier le statut du RAVGDT en le qualifiant de régime additionnel obligatoire de telle sorte qu’il est exclu des règles régissant le régime de retraite de base obligatoire.
L’article 42 est entré en vigueur le 1er janvier 2018 et, en application du principe de non-rétroactivité de la loi, n’a pas eu pour effet de remettre en cause les décisions judiciaires rendues avant le 1er janvier 2018 qui appliquaient au RAVGDT les règles régissant le régime de retraite de base obligatoire.
Mais il s’applique, même si les prestations visées ont été versées avant le 1er janvier 2018, aux situations en cours, non encore jugées, comme en l’espèce. C’est donc à tort que M. [X] soutient que l’article L355-3 du code de la sécurité sociale s’applique au motif que les prestations indues ont été versées avant le 1er janvier 2018.
La décision du juge de la mise en état sera donc confirmée pour avoir déclaré recevable l’action de l’APC-RAVGDT.
2) Sur l’application de l’article 2224 du code civil
Aucun délai de prescription spécial ne s’appliquant, les dispositions du droit commun s’appliquent en l’espèce, soit le délai de prescription de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil.
Cet article dispose’: «’Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’».
En l’espèce, le point de départ du délai de prescription est le 3 janvier 2018, date à laquelle l’établissement bancaire de [G] [X] ([4]) a restitué à l’APC-RAVGDT le montant de la pension versée le 2 janvier 2018 au motif du décès de sa cliente. Puis le 21 mars 2018 l’APC-RAVGDT, qui en avait fait la demande à la mairie de [Localité 3], a reçu l’acte de décès de [G] [X], attestant de son décès à la date du 11 février 1998.
C’est bien le 3 janvier 2018 que l’APC-RAVGDT a appris qu’elle avait versé indûment, à compter du 1er avril 1998, une pension trimestrielle de vieillesse sur le compte de [G] [X]. Elle ne pouvait agir en restitution de l’indu avant cette date.
Il ne ressort d’aucune pièce de la procédure, alors que la charge de la preuve d’un point de départ de la prescription antérieur à cette date, pèse sur M. [X] que l’APC-RAVGDT avait déjà reçu l’information sur le décès de [G] [X].
M. [X] affirme que l’APC-RAVGDT avait été informée par l’INSEE mais sans en apporter la preuve. Il affirme également que l’APC-RAVGDT aurait dû vérifier régulièrement si [G] [X] était encore en vie mais ne justifie pas d’une telle obligation.
Enfin, il affirme que son père, décédé en 2007, puis lui-même ne pouvaient savoir que l’APC-RAVGDT versait une pension à leur épouse et mère, alors que de toute évidence, l’un et l’autre avaient accès au compte de [G] [X] et étaient nécessairement informés, du fait du libellé des mouvements sur le compte, du versement trimestriel de la pension par l’APC-RAVGDT. Ils étaient bien tenus, sauf mauvaise foi, de déclarer le décès de [G] [X] à l’APC-RAVGDT et ne peuvent reprocher à celle-ci son défaut de diligence.
Le juge de la mise en état a retenu que l’action de l’APC-RAVGDT est prescrite en ce qui concerne les échéances versées avant le 12 mai 2016, soit 5 années avant la signification de l’assignation le 12 mai 2021, considérant que les créances correspondant à ces échéances se sont éteintes au fur et à mesure par prescription, 5 ans après leur paiement, et précisant que l’APC-RAVGDT fait une confusion entre la prescription du droit d’agir et la prescription de la créance.
L’article 2219 du code civil dispose’: «’La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps’» .
En l’espèce, l’APC-RAVGDT est titulaire du droit d’exiger la restitution des prestations qu’elle a indûment versées et il ne peut être considéré que son inaction est fautive, alors qu’elle était dans l’ignorance qu’elle pouvait exercer son droit.
Son action n’est pas une action en paiement de sommes qui lui sont dues contractuellement ou statutairement et qui sont payables par échéances successives. Dans ce cas, en effet, le délai de prescription court à compter de chaque échéance. Son action relève du régime des quasi-contrats.
Comme l’APC-RAVGDT n’a connu les faits lui permettant de mettre en ‘uvre son action en restitution, que le 3 janvier 2018, c’est bien à compter de cette date qu’elle disposait d’un délai de 5 ans pour agir, sa créance correspondant au montant des pensions versées à compter du décès de [G] [X].
Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit, en effet, s’agissant de la pension versée par l’APC-RAVGDT, que l’action en restitution de l’indu s’éteint à l’issue d’un délai de 5 ans après le paiement de chaque échéance.
L’APC-RAVGDT soutient et ajoute que la seule limite est celle de l’article 2232 alinéa 1 du code civil, posée par le législateur pour tempérer les effets du point de départ variable à compter du jour de la naissance du droit’:’«’Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de reporter le délai de la prescription extinctive au-delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit.’»
Toutefois, elle ne précise pas quel serait la cause, en l’espèce, du report, de la suspension ou de l’interruption du point de départ de la prescription extinctive, qui est le 3 janvier 2018, alors que ces causes sont définies par les articles 2233 et suivants du code civil.
En tout état de cause, si la cour retenait le délai de 20 ans de l’article 2232 alinéa 1 du code civil, l’action en restitution de l’indu de l’APC-RAVGDT ne serait prescrite pour aucune des échéances dont elle réclame le remboursement, la première échéance du 1er avril 1998 étant postérieures au 3 janvier 2018.
En définitive, c’est à juste titre que l’APC-RAVGDT soutient que son action est recevable pour toutes les échéances trimestrielles de pension qu’elle a versées à compter du 1er avril 1998, avant d’être informée du décès de [G] [X] et de pouvoir agir en restitution de l’indu.
Après infirmation de la décision du juge de la mise en état, l’action portant sur la restitution des prestations versées du 1er avril 1998 au 31 décembre 2017 sera déclarée recevable.
3) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
L’ordonnance de mise en état sera confirmée de ces deux chefs.
Partie perdante en appel, M. [X] sera condamné aux dépens exposés en appel et à verser à l’APC-RAVGDT la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Sa demande au même titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance rendue le 4 mars 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Quimper SAUF en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demande de l’APC-RAVGDT portant sur les prestations versées indûment antérieurement au 12 mai 2016,
Infirme l’ordonnance de ce chef,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes de l’APC-RAVGDT en restitution des prestations versées sur le compte de [G] [X] entre le 1er avril 1998 et le 31 décembre 2017,
Déboute M. [T] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens exposés en appel et à payer à l’APC-RAVGDT la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE