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23 novembre 2022
Cour d’appel de Nancy
RG n°
21/02324
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /22 DU 23 NOVEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/02324 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E3BE
jonction avec le dossier 21/2397
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de BAR LE DUC, R.G. n° 2020 J00026, en date du 3 septembre 2021,
APPELANTE :
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 1] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de STRABOURG sous le numéro 352 406 748 appelant dans le dossier 21/2324 et intimé dans le dossier 21/2397
Représentée par Me Nicole VILMIN de la SCP VILMIN CANONICA REMY ROLLET, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant par Me Didier SARDIN, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [Z] [E] né le 22 juillet 1980 à [Localité 4], de nationalité française, commerçant, demeurant [Adresse 3], exerçant sous l’enseigne SNACK BAR DG, appelant dans le dossier 21/2397 et intimé dans le dossier 21/2324
Représentée par Me Sylvain BEYNA de la SELARL LÉGICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de MEUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président, chargé du rapport et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET.
A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2022, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
signé par M. Patrice BOURQUIN, Président de la chambre et par Monsieur Ali Adjal , Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE
M. [Z] [E] exploite une activité de café bar PMU- Française de jeux avec débit de tabac et restauration rapide.
Le 11 janvier 2019 un incendie s’est déclaré dans son établissement qui a détruit ses locaux [Adresse 2].
Il a déclaré ce sinistre à son assurance, la société Assurances du crédit mutuel Iard ci-après designée ‘ACM IARD’.
Le 31 janvier 2020, la société ACM IARD a adressé à M. [Z] [E] une lettre recommandée avec accusé de reception aux termes de laquelle elle entendait se prévaloir des dispositions de l’article L113-8 du code des assurances et de la nullité du contrat.
La société ACM IARD indiquait que l’établissement restait régulièrement ouvert jusqu’à 4 heures du matin et que, dans la mesure où dans le département la réglementation applicable au débit de boisson fixe leur limite de fermeture à 1h du matin au plus tard, la fermeture tardive caractérisait l’activité non déclarée de bar de nuit.
Par acte du 6 juillet 2020, M. [Z] [E] a assigné la société ACM IARD.
Par jugement contradictoire en date du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Bar-le-Duc a :
– Dit qu’à défaut de remise de l’état des pertes consécutivement à l’incendie, 1’action de M. [Z] [E] est irrecevable,
– Débouté en conséquence M. [Z] [E] de 1’intégralité de ses demandes,
– Débouté la société ACM IARD de sa demande visant au prononcé de la nullité du contrat,
– Laissé à la charge des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens et les a debouté de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société ACM IARD aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 28 septembre 2021, la société ACM IARD a relevé appel du jugement.
Selon conclusions notifiées par le voie électronique le 19 mai 2022, elle demande de :
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que M. [Z] [E] était irrecevable à saisir le tribunal à défaut de remise de l’état des pertes et l’écoulement du délai prévu à l’article L122-2 du code des assurances et l’a en conséquence débouté de ses demandes;
– Le réformer pour le surplus notamment en raison de l’excès de pouvoir commis par le premier
juge pour avoir statué au fond nonobstant après avoir dit que la demande était irrecevable;
– Débouter M. [Z] [E] de ses demandes ;
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les Assurances du crédit mutuel de leur demande de prononcer la nullité du contrat jamais formulée et les a condamnées aux entiers dépens;
Statuant à nouveau,
– Confirmer la nullité du contrat d’assurance et en tant que de besoin, la prononcer ;
– Débouter M. [Z] [E] de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner M. [Z] [E] à lui payer une somme de 102 595 euros, outre intérêts au taux légal à compter du :
– 30 mai 2018, sur la somme de 6 393,80 €,
– 8 ianvier 2019 sur la somme de 1 201,20 €,
– 11 janvier 2019 sur la somme de 10 000 €
– 13 mars 2019 sur la somme de 20 000 €
– 30 août 2019 sur la somme de 30 000 €,
– 7 novembre 2019 sur la somme de 35 000 €,
– Ordonner la capitalisation des intéréts par année entière,
En toute hypothèse,
– Condamner M. [Z] [E] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Selon conclusions récapitulatives d’appelant notifiées le 24 mai 2022, M. [Z] [E] sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a :
– Dit qu’à défaut de remise de l’état des pertes consécutivement à l’incendie, son action est irrecevable.
– Débouté en conséquence de l’intégralité de ses demandes.
– Laissé à la charge des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens et l’a débouté de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Rejeté tous moyens fins ou conclusions contraires des parties.
Il demande en conséquence de déclarer son action recevable et bien fondée et de :
– constater qu’il n’a pas procédé à une fausse déclaration ou réticnce,
– condamner la société ACM IARD à prendre en charge l’intégralité du sinistre du 11 janvier 2019et ses conséquences,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer qu’il y a eu fausse déclaration mais sans élément intentionnel et en l’absence de mauvaise foi :
– dire que l’indemnisation sera réduite en proportion du taux de primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues à charge pour l’assureur de produire ce taux,
– confirmer le jugemet en ce qu’il a débouté la société ACM IARD de sa demande de prononcé de la nullité du contrat, et rejeter la demande relative à sa condamnation au paiement de la somme de 102.595€.
En tout état de cause,
– Condamner la société ACM IARD à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du préjudice résultant de l’absence de prise en charge de ce sinistre et de l’information d’une nullité de contrat plus d’un an après le sinistre.
– La condamner à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2022.
En application de l’ article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions précédemment visées par le greffe et développées lors de l’audience de plaidoirie du 26 octobre 2022.
MOTIFS DE DECISION
I. Sur la recevabilité des demandes de M. [E]
Aux termes de l’article L 122-2 du code des assurances relatif aux assurances contre l’incendie, les dommages matériels résultant directement de l’incendie ou du commencement d’incendie sont seuls à la charge de l’assureur, sauf convention contraire.
Si, dans les trois mois à compter de la remise de l’état des pertes, l’expertise n’est pas terminée, l’assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation ; si elle n’est pas terminée dans les six mois, chacune des parties peut procéder judiciairement.
Pour retenir que l’action de M.[Z] [E] était irrecevable, le premier juge a retenu qu’aucun état des pertes consécutives à l’incendie n’a été remis à l’assureur en conformité aux dispositions de l’article L122-2 du code des assurances.
M.[Z] [E] fait valoir qu’un expert avait été désigné et que les réclamations devaient être faites sur la base de ce rapport, mais que les opérations ont été interrompues à la suite du courrier de la société ACM France IARD constatant la nullité du contrat et qu’il est contradictoire de soutenir qu’il devait présenter un état des pertes alors même que l’assurance lui a opposé une nullité du contrat, qu’en outre il a bien après le jugement de première instance adressé un état des pertes à l’assureur.
Il résulte des dispositions précitées que l’absence de remise par l’assuré à l’assureur d’un état de pertes interdit à l’assuré de réclamer une indemnité à l’assureur puisque l’article L. 122-2 du Code des assurances dispose que l’assuré ne peut agir judiciairement que si l’expertise n’est pas terminée dans les six mois de la remise de l’état de pertes.
En l’espèce, M. [Z] [E] ne sollicite pas le paiement d’une indemnité mais par son action entend faire reconnaître que la nullité du contrat d’assurance, soulevée par l’assureur n’est pas encourue.
Par ailleurs, à supposer même qu’une telle irrecevabilité ait pu être encourue, il doit être constaté que l’état des pertes a été produit le 18 octobre 2021 et que le délai prévu par les dispositions précité est expiré.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit que la demande de M. [Z] [E] était irrecevable.
Le premier juge a ensuite examiné, pour la rejeter la demande de nullité du contrat soulevée par la société ACM IARD.
L’intimée fait valoir que le tribunal a commis un excès de pouvoir pour avoir statué au fond, après avoir dit que la demande de M. [Z] [E] était irrecevable, alors qu’il n’avait formé la demande visant à constater ou prononcer la nullité du contrat qu’à titre subsidiaire.
Or le dispositif des conclusions n° 4 de la société ACM IARD devant le tribunal de commerce ne précise pas que la demande est formée à titre subsidiaire, de sorte qu’il n’y a pas lieu de réformer la décision.
II. Sur la nullité du contrat
Selon l’article L 113-8 du code des assurances, indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Par ailleurs, selon l’article L 113-2 3°, l’assuré est tenu déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur.
Les conditions particulières signées par M. [Z] [E] précisent ainsi l’activité assurée :
– café bar PMU/FDJ avec débit de tabac (activités de bar de nuit, cabaret, discothèque exclues)
– restauration rapide, friterie (non ambulante)’.
Aucun document ne précise la nature de l’activité de ‘bar de nuit’.
La société ACM IARD fait valoir que M. [Z] [E] a lui-même indiqué que l’établissement était ouvert la semaine de 6 heures à 22 heures, que tous les vendredis soirs il organisait une soirée karaoké, une soirée à thème ou un concert jusqu’à 23 heures ou 1h30 selon l’affluence et qu’enfin l’établissement était ouvert régulièrement jusqu’à 4 heures du matin en fin de semaine.
Elle soutient que la définition du bar de nuit résulte de l’arrêté du préfet de la Meuse du 6 avril 2011, selon lequel l’heure de fermeture des débits de boissons à consommer sur place est de une heure du matin tous les jours de la semaine.
L’arrêté ne fait toutefois pas référence à la notion de bar de nuit et par ailleurs, l’article 6 précise que par dérogation, les maires peuvent accorder à titre exceptionnel une autorisation de fermeture tardive , l’horaire de fermeture ne pouvant excécer quatre heures du matin.
La société ACM IARD s’appuie sur l’attestation de M. [Z] [E] ainsi rédigée : ‘notre établissement a été ouvert tous les jours du lundi au samedi de 6h à 21h30, le mercredi de 6h à 14 heures et le dimanche de 7h à 18 heures, tous les vendredis soir karaoké, soirée à thème ou concert donc ouvert de 6hà 23h, 00h ou 1h30 selon le monde et une fois dans le mois on demandait une autorisation tardive jusqu’à 4 heures, mais nous fermions toujours un peu plus tôt selon le monde’.
Elle produit également l’attestation de Mme [Y] [V] épouse [U] précisant ‘j’ajoute que l’établissement était parfois ouvert après une heure du matin’ et celle de Mme [P] [V] indiquant que le bar organisait ‘en fin de semaine des soirées à thèmes’, ces deux attestations étant peu probantes, quant aux horaires de fermeture du bar.
M. [Z] [E] produit les autorisations accordées par le maire pour une ouverture tardive à 4 heures du matin pour les 30 septembre 2017, 31 octobre 2017, 9 mars 2018, 6 et 20 avril 2018 et des attestations de Mme [M] [I], Mme [T] [C], selon lesquelles le bar ne fermait pas au-delà des horaires autorisés.
Il résulte de ces élements que l’établissement tenu par M. [Z] [E], en ce qui concerne l’activité de bar est ouvert en journée, dans les horaires des débits de boissons prévu par l’arrêté préfectoral, hormis certains dépassements ponctuels à 1h30, au lieu des 1h prévus par l’arrêté et de manière exceptionnelle jusqu’à 4 heures du matin.
Les documents contractuels, pas plus que l’arrêté préfectoral, ne comportent une définition du terme de ‘bar de nuit’, mais dans l’acception courante ce type de bar ouvre de manière habituelle durant la nuit et dispose d’une autorisation d’ouverture permanente au-delà des horaires de fermeture des autres bars et non limitée à quelques nuits de manière ponctuelle.
Il n’existait donc aucune fausse déclaration au sens de l’article L 113-8 du code des assurances pas plus qu’une aggravation des risques au sens de l’article L 113-2, en l’absence d’exercice d’une activité de ‘ bar de nuit .
Il n’y a donc lieu ni de prononcer ou confirmer la nullité du contrat d’assurance, le jugement étant confirmé sur ce point, la société ACM IARD étant par ailleurs condamnée à prendre en charge le sinistre conformément aux dispositions contractuelles.
2- Sur la demande de dommages et intérêts
M. [Z] [E] sollicite, au dispositif de ses conclusions, la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts en faisant en faisant valoir ‘le préjudice résultant de l’absence de prise en charge du sinistre et de l’information d’une nullité d’un contrat plus d’un an après le sinistre’, sans toutefois développer ces demandes dans le corps de ses écrits.
Or, il doit être constaté que M. [Z] [E] n’a remis que tardivement l’état des pertes, au mois d’octobre 2021, ce qui lui interdisait de réclamer une indemnité à son assureur et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.
3- Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
La somme de 3.000€ sera allouée à M. [Z] [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire,prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société ACM IARD de sa demande visant à prononcer la nullité du contrat,
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de M. [Z] [E],
Condamne la société ACM IARD à prendre en charge le sinistre du 11 janvier 2019 conformément aux dispositions contractuelles
Condamne la société ACM IARD à payer à M. [Z] [E] la somme de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ACM IARD aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali Adjal, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en huit pages.