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23 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-84.780
N° V 19-84.780 FS-D
N° 00809
ECF
23 JUIN 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 JUIN 2021
Le procureur général près la cour d’appel de Reims a formé un pourvoi contre l’arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 22 mai 2019, qui a relaxé M. [B] [B] et Mme [N] [B] des chefs d’acquisition, détention et offre ou cession non autorisées de stupéfiants.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Guéry, Mme Sudre, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Les services de police ont procédé, le 20 juillet 2018, à une perquisition dans les locaux d’un débit de tabac dont le gérant, M. [B] [B], proposait à la vente du « cannabis light », c’est à dire à faible teneur de tétrahydrocannabinol (THC), principe actif du cannabis, et ont notamment saisi plusieurs sachets d’herbe de cannabis.
3. Ces produits ont fait l’objet d’analyses par un laboratoire de police scientifique.
4. Le gérant et sa fille, Mme [N] [B], chargée des commandes du débit de tabac, ont été poursuivis pour acquisition, détention, offre ou cession, sans autorisation, de stupéfiants. Ils ont protesté de leur bonne foi au motif qu’ils s’approvisionnaient, sans la moindre clandestinité, auprès de la société « Infinity Concept », ayant son siège dans le Haut-Rhin, que le représentant de cette société leur avait assuré que le « cannabis light » était légal, la teneur en THC étant inférieure à 0,2 % et qu’ils n’avaient pas eu l’intention de vendre des produits stupéfiants. Les juges du premier degré ont relaxé les deux prévenus.
5. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 121-3, alinéa 1er, et 222-37 du code pénal.
7. Il critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a relaxé les deux prévenus, alors que c’est en connaissance de cause que les consorts [B] ont commercialisé des sommités fleuries de cannabis, auxquelles était de toute évidence inapplicable la dérogation prévue pour les graines et fibres de cette plante.
Réponse de la Cour
Vu l’article 593 du code de procédure pénale :
8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour prononcer une relaxe, la cour retient que l’herbe de cannabis constitue un produit stupéfiant, mais que les prévenus voulaient commercialiser un produit nouveau, dans un contexte économique difficile lié à la baisse de consommation du tabac, qu’ils ont fait confiance à leur fournisseur habituel, et ont agi en toute transparence en affichant l’offre de « cannabis light » et en proposant les produits de manière ostensible sur le comptoir, qu’ils n’avaient pas conscience du risque encouru et qu’au surplus leur syndicat professionnel les avait incités à « tenter la commercialisation en profitant du flou de la législation ».
10. En se déterminant ainsi, alors que les prévenus ne pouvaient s’exonérer de leur responsabilité pénale en s’abritant derrière les assurances données par leur fournisseur, ni invoquer leur méconnaissance de la législation française en matière de stupéfiants, il leur incombait de se renseigner au préalable sur la légalité du « cannabis light », par exemple auprès de l’administration, d’autant que leur syndicat professionnel paraissait plus circonspect sur ce point que leur fournisseur, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation portera sur toutes les dispositions de l’arrêt, y compris celles concernant les éléments matériels des infractions reprochées, les faits pouvant être examinés au regard du droit de l’Union, tel qu’il résulte de l’arrêt prononcé le 19 novembre 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C-663/18).
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Reims, en date du 22 mai 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille vingt et un.