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2 juin 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/00873
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 20/00873 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T2NH
AFFAIRE :
S.N.C. [K] MERE & FILS
C/
[M] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : F19/00064
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Julie GOURION
la SELARL PARIENTE & Associés
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.N.C. [K] MERE & FILS
N° SIRET : 503 371 633
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Elvis LEFEVRE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 076
Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [G]
né le 01 Août 1977 à [Localité 6] (92)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Lionel PARIENTE de la SELARL PARIENTE & Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0372, susbtitué à l’audience apr Maître SABADO Hugo, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Valérie AMAND, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCEDURE
M. [G] a été engagé à compter du 07 janvier 2014 en qualité d’employé polyvalent, par la société [K] Mère & Fils, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 24h par semaine.
L’entreprise, qui exerce notamment l’activité de débit de tabac, emploie moins de onze salariés et relève de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.
Les 15 septembre 2014 et 3 juin 2016, M. [G] a signé des avenants à son contrat de travail qui portaient la durée du travail à 28 h par semaine puis à 35h par semaine.
Le 22 juillet 2015, M. [G] et son collègue, M. [H] ont eu une altercation. M. [G] a déposé une main courante pour ce fait.
Le 28 juin 2016, la société a notifié au salarié un avertissement suite à une mauvaise tenue de caisse.
Le 10 avril 2018, MM. [G] et [H] ont à nouveau eu une altercation. M. [G] a déposé plainte pour violences volontaires.
Le 4 mai 2018, M. [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Par requête enregistrée le 17 janvier 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt afin que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes sauf pour les rappels de salaires du mois de mai 2018 et pour le non-respect des dispositions relatives au travail de nuit, et a sollicité une somme de 1936 euros correspondant au préavis non effectué et de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 22 janvier 2020, notifié le 25 février 2020, le conseil a statué comme suit :
Fixe la rémunération de M. [G] à 1 936 euros,
Dit et juge que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est aux torts exclusifs de l’ancien employeur,
Par conséquent,
Dit et juge que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société [K] Mère et Fils à verser à M. [G] les sommes suivantes :
– 3 872 euros d’indemnité de préavis,
– 387,20 euros de congés payés sur préavis,
– 1 936 euros d’indemnité légale de licenciement,
– 3 872 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit et juge que la demande de rappel de salaires concernant le mois de mai 2018 est justifiée et condamne en conséquence la société [K] Mère et Fils à verser à M. [G] les sommes suivantes:
– 88,19 euros de rappels de salaire
– 8,81 euros de congés payés sur rappel de salaires
Dit et juge que M. [G] avait le statut de travailleur de nuit et aurait dû bénéficier de ce chef de 2 jours de congés supplémentaires par an, et condamne en conséquence la société à verser à M. [G] la somme de 535,92 euros au titre de rappel de salaires pour non- respect des dispositions applicables au travail de nuit,
Déboute M. [G] de ses demandes de dommages et intérêts sur le fondement du manquement à une obligation de sécurité de résultat, pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et pour non-respect du repos hebdomadaire,
Déboute la société de l’intégralité de ses demandes,
Condamne la société à verser à M. [G] la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision : certificat de travail, attestation pôle emploi, reçu pour solde de tout compte,
Déboute M. [G] de sa demande fondée sur l’article 515 du code de procédure civile,
Condamne la société au paiement des entiers dépens d’instance comprenant l’exécution du présent jugement.
Le 23 mars 2020, la société [K] Mère & Fils a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 26 janvier 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 mars 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 21 octobre 2020, la société [K] Mère & Fils demande à la cour de :
Déclarer recevable et fondé son appel;
Y faisant droit,
Réformer partiellement le jugement en ce qu’il a notamment :
– dit et jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est aux torts exclusifs de l’ancien employeur ;
Par conséquent,
– dit et jugé que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à verser à M. [G] les sommes suivantes :
– Indemnité de préavis : 3 872 euros ;
– Congés payés sur préavis : 387,20 euros ;
– Indemnité légale de licenciement : 1 936 euros ;
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3 872 euros.
– dit et jugé que la demande de rappel de salaires concernant le mois de mai 2018 est justifiée et condamné, en conséquence, la société à verser à M. [G] les sommes suivantes :
– Rappel de salaires : 88,19 euros ;
– Congés payés sur rappel de salaire : 8,81 euros ;
– dit et jugé que M. [G] avait le statut de travailleur de nuit et aurait dû bénéficier de ce chef de 2 jours de congés supplémentaires par an, et condamné en conséquence la société à verser à M. [G] la somme de 535,92 euros au titre de rappel de salaires pour non- respect des dispositions applicables au travail de nuit ;
– débouté la société de l’intégralité de ses demandes ;
– condamné la société à verser à M. [G] la somme de 900 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision : certificat de travail, attestation pôle emploi, reçu pour solde de tout compte ;
– débouté M. [G] de sa demande fondée sur l’article 515 du code de procédure civile ;
– condamné la société au paiement des entiers dépens d’instance, comprenant l’exécution du présent jugement ;
Statuant à nouveau,
Requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [G] en démission ;
Débouter M. [G] de ses demandes, sauf pour les rappels de salaire du mois de mai 2018 et pour non- respect des dispositions applicables au travail de nuit ;
Condamner M. [G] à lui verser la somme de 1 936,00 euros, correspondant au préavis de démission non exécuté ;
Condamner M. [G] au paiement de la somme de 3 000,00 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la société ayant dû engager des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits en justice ;
Condamner M. [G] aux entiers dépens et dire qu’ils pourront être recouvrés directement par Me Julie Gourion, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Selon ses dernières conclusions du 22 juillet 2020, M. [G] demande à la cour de :
Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il :
– l’a jugé recevable et bien fondé en ses demandes,
– fixé la rémunération moyenne à 1936 euros
– jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est aux torts exclusifs de l’employeur,
Par conséquent,
– jugé que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Par conséquent,
– condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
– Indemnité de préavis : 3872 euros
– Congés payés sur préavis : 387.20 euros
– Indemnité légale de licenciement : 1936 euros
– Rappel de salaire : 88,19 euros
– Congés payés y afférents : 8,81 euros
– Rappel de salaire pour non- respect des dispositions applicables au travail de nuit : 535,92 euros
Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la société à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse mais en réformer le quantum à hauteur de 9 680 euros.
Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes concernant :
– Le non- respect de l’obligation de sécurité de résultat : 5000 euros
– Les dommages et intérêts pour non- respect de l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail : 2000 euros
– Le non- respect des dispositions applicables en matière de temps de travail : 10 000 euros
– L’indemnité prévue à l’article 700 du code de procédure civile : 3000 euros
Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision : certificat de travail, attestation Pôle- Emploi, reçu pour solde de tout compte.
Condamner la société aux entiers dépens d’instance comprenant les frais d’exécution de la décision engagés pour l’exécution du jugement de première instance, ainsi que ceux engagés éventuellement pour l’exécution forcée de l’arrêt à intervenir.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail.
Sur la demande de dommages intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire.
M. [G] soutient avoir travaillé du mois de juillet 2017 au mois d’avril 2018, 16 semaines de 7 jours et de façon consécutive du 12 au 21 juillet. Il fait valoir que le droit à un repos hebdomadaire tous les six jours n’a pas été respecté.
L’employeur conteste la valeur probante des plannings produits aux débats par le salarié en expliquant qu’il ne s’agit pas de plannings définitifs mais de brouillons ou de documents de travail préparatoires que le salarié a soustrait pour les besoins de la cause à l’employeur.
Ce dernier produit deux témoignages de salariés contestant cette valeur probante.
Le témoignage de M. [J] indiquant que les plannings produits par le salarié ne sont pas conformes à ceux donnés par la société, que M. [K] faisait ses plannings sur un tableau Apple qui se nomme feuille de calcul sous number et qu’en aucun cas, il ne donnait des brouillons pour planning.
Le témoignage de M. [T] qui confirme que les plannings produits par M. [G] ne sont pas conformes à ceux donnés par l’employeur.
Mais, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
La société [K] Mère et Fils ne rapportant pas la preuve que M. [G] a bénéficié durant la période considérée d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures, le non-respect du repos hebdomadaire est établi.
Par la fatigue physique et morale qu’il engendre, le non-respect du repos hebdomadaire a causé à M. [G] un préjudice que la cour fixe à la somme de 1 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer de ce chef le jugement entrepris et de condamner la société [K] Mère et Fils à payer ladite somme au salarié.
Sur l’indemnisation du travail de nuit.
M. [G] affirme que selon ses plannings, il doit être considéré comme travailleur de nuit puisqu’il a effectué son service systématiquement de 17 heures à minuit.
Il ajoute qu’il effectuait donc quotidiennement deux heures de travail de nuit par jour et remplissait la seconde condition de 280 heures de travail effectif par an posée par l’avenant à la convention collective et qu’il aurait dû bénéficier de deux jours supplémentaires de congés payés par an.
Nonobstant le dispositif de ses conclusions, l’employeur souscrit à cette demande et précise qu’il procédera à une régularisation.
Sans contestation de l’employeur sur le principe de créance et son montant, il sera fait droit à la demande du salarié à hauteur de 535,92 euros à titre de rappel de salaire pour travail de nuit, outre la somme de 53,92 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire du mois de mai 2018.
M. [G] demande la condamnation de la société [K] Mère et Fils au paiement de la somme de 88,19 euros au titre du solde des salaires dus pour la période du 1er au 4 mai 2018 inclus, outre la somme de 8,81 euros au titre des congés payés afférents.
L’employeur souscrit à cette demande.
Nonobstant le dispositif de ses conclusions, l’employeur souscrit à cette demande, il sera donc fait droit à la demande de M. [G], par confirmation du jugement entrepris.
Sur la demande de dommages intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail.
Le salarié soutient que malgré sa demande contenue dans la lettre de prise date de la rupture du contrat de travail du 05 mai 2018, les documents de fin de contrat lui ont été remis avec retard par l’employeur le 29 janvier 2019.
La société [K] Mère et Fils qui fait état de sa bonne foi, observe que le salarié ne justifie d’aucun préjudice causé par la remise tardive des documents sociaux.
En l’espèce, M. [G] ne justifie d’aucun préjudice en lien avec le manquement caractérisé, cette demande sera écartée.
Le salarié sera débouté de cette demande.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
II ‘ Sur la prise d’acte
La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié.
En l’espèce, selon la lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 4 mai 2018, M. [G] reproche à l’employeur :
Deux agressions de la part d’un collègue ayant fait l’objet d’une main courante et d’un dépôt de plainte Avril 2018. Il mentionne que ces fautes graves n’ont pas été sanctionnées. Il dénonce une situation de danger et de tension nerveuse importante.
Un cumul d’horaire pendant des années sans repos compensateur, sans paiement des heures supplémentaires et un calcul erroné des jours de congés.
Sur l’absence de repos compensateur, le non-paiement des heures supplémentaires et le calcul erroné des jours de congés.
Il a été établi que les repos hebdomadaires dus au salarié n’avaient pas été respectés et que le manquement de l’employeur est constitué à ce titre.
En revanche, le salarié ne développe aucun moyen relatif au non-paiement des heures supplémentaires et du calcul erroné des congés payés ; ce grief n’est donc pas établi.
Sur les agressions par un collègue.
M. [G] affirme avoir fait l’objet d’une agression, le 10 avril 2018 à 22h30 sur son lieu de travail par son collègue M. [V] [H] et avoir porté plainte. Le salarié ajoute que cette agression sur son lieu de travail est la seconde subie par lui-même en quelques années, pour avoir précédemment été agressé au mois de juillet 2015 par ce même collègue.
L’employeur expose avoir remis aux forces de l’ordre un extrait de la vidéosurveillance du 10 avril 2018 et affirme que les services de police ont constaté qu’ il y avait bien eu une petite rixe entre les deux salariés, mais que le déclenchement de l’altercation n’incombait pas spécialement à M. [H] qui n’avait fait que se défendre, suite à un geste agressif de M. [G] au moment où il avait voulu pour les besoins du service, ouvrir le tiroir-caisse devant lequel son collègue de travail se trouvait.
L’employeur relève que le salarié n’a pas pris la peine de l’appeler immédiatement, non plus que les services de police pour qu’ils interviennent rapidement sur le lieu de travail qu’il a repris et terminé normalement son travail. Il observe que le salarié a attendu trois semaines après l’incident du 10 avril 2018 avant de décider de prendre acte de la rupture du contrat de travail.
Il ajoute que le salarié ne l’a jamais avisé officiellement soit par lettre recommandée avec accusé de réception, ni par courriel, d’une quelconque souffrance au travail, d’un sentiment d’insécurité, de violences verbales à caractère homophobe ou encore d’un risque d’altercation avec son collègue M. [H].
L’employeur objecte ne plus avoir entendu parler pendant trois ans, depuis l’incident du 22 juillet 2015 de difficultés relationnelles, de violences verbales ou physiques entre ses deux salariés. Il estime qu’il ne pouvait dans ces conditions, prévenir un risque d’agression verbale ou physique et affirme que les vidéos surveillance régulièrement visionnées par la direction n’ont jamais laissé paraître quoi que ce soit de suspect.
Il estime inopérant les agressions alléguées comme motifs de la prise d’acte de la rupture.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité qui n’est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Ces articles disposent :
L’article L. 4121-1 : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
Article L. 4121-2 « L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
M. [G] produit aux débats la copie d’un procès-verbal de dépôt de plainte en date du 11 avril 2018 pour violences volontaires contre M. [H]. Le salarié décrivait l’agression de la façon suivante : « Hier soir, il a voulu récupérer des clés dans ma caisse pendant que j’étais devant celle-ci en train de servir un client. Clés qui n’étaient pas dans ma caisse, et de toute façon chacun est responsable de sa caisse, il n’a pas essayé de prendre quelque chose dedans. J’ai tout de suite fermé les tiroirs et en le maintenant fermé, il a essayé d’ouvrir le tiroir et de forcer le passage. Puis nous en sommes venus aux mains, nous avons échangé des coups. La rixe a duré quelques secondes, quand il a vu qu’il n’avait pas le dessus, il s’est remis au travail sans rien dire. ».
M. [G] produit également sa déclaration de main courante effectué le 23 juillet 2015 selon laquelle il déclarait le 22 juillet 2015 à 21h55 : « Mon collègue [V] m’a poussé à deux mains sans prévenir pour accéder un tiroir. Je l’ai poussé à mon tour de la même façon. Ensuite il m’a mis un coup de pied au niveau des jambes. Je me suis protégé et je lui ai mis une gifle. Il m’a grippé par le bras dans le cou. Je pense qu’il m’a mis une gifle à son tour. Ensuite il m’a lâché, il a continué son service. La scène s’est déroulée devant les clients. J’ai ensuite prévenu mon patron qui a visionné la vidéo surveillance et qui m’a dit de prendre une pause. Je vous ai immédiatement appelé ».
Le salarié produit aux débats des attestations (pièces 13, 14 et 15) qui établissent ce que ce dernier travaillait tard le soir après minuit, ainsi qu’une animosité de son collègue à son encontre.
M. [W], client, témoigne de la façon suivante : « Je suis client depuis des années au tabac à l’école centrale de [Localité 5] qui est ouvert tard le soir. J’ai constaté à plusieurs reprises que l’un des vendeurs qui me disent appeler M. [G] n’était pas traité comme les autres vendeurs.
Il était le seul à passer la serpillière au moment de la fermeture, le seul à descendre au sous-sol chercher le stock de cigarettes.
Son collègue a dit plusieurs fois aux clients, en ma présence, que M. [G] sentait mauvais. Manifestement l’odeur d’haleine chargée venait de ce collègue dont je ne connais pas le nom mais qui travaillait toujours aux mêmes heures que lui. J’ai aussi été témoin de l’énervement du patron : « c’est comme ça et puis c’est tout, si t’es pas content tu t’casses. ».
L’employeur conteste les attestations produites aux débats par le salarié en faisant observer qu’elles ne répondent pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile.
Il est constant que deux altercations physiques entre M. [G] et M. [H] son collègue se sont déroulées sur leur lieu de travail.
Indépendamment de la responsabilité dans le déclenchement de cette altercation qui n’est pas clairement établie, ni imputable à l’un ou l’autre des protagonistes, au vu des pièces produites aux débats (main courante et plainte de M. [G]), l’employeur ne conteste pas avoir été averti du premier incident du 22 juillet 2015.
Le fait par l’employeur d’avoir recadré les deux salariés à la suite du premier incident, dont il ne justifie d’ailleurs pas, n’a de toute évidence, pas suffit à prévenir la réitération d’une telle altercation, qui s’est renouvelée en 2018.
L’employeur auquel incombe d’établir avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ne justifie pas d’une quelconque action de prévention et de gestion des conflits au sein de son établissement.
Bien que les attestations produites par le salarié ne répondent pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, force est de constater que l’employeur ne conteste pas utilement, le climat hostile qui est décrit à l’encontre de M. [G] et contre lequel il ne justifie d’aucune action.
Certes, l’employeur à qui incombe de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l’égard de ses salariés justifie avoir sanctionné M. [H] d’une mise à pied de deux jours suite aux faits de violence survenus le 10 avril 2018. Toutefois, à défaut d’alléguer et de démontrer avoir pris une mesure en termes d’organisation du service afin d’éviter que ses deux collaborateurs puissent travailler sur les mêmes plages horaires ou hors sa présence, la société appelante n’établit pas avoir pris les mesures concrètes permettant d’éviter une nouvelle confrontation.
Ainsi, il y a lieu de constater que la situation de danger dénoncée par le salarié est établie, et que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité.
En conséquence, il convient de retenir que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié pour ce manquement grave et persistant touchant à sa sécurité, suffit à produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient de confirmer le jugement sur ce point.
Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis.
L’article L.1234-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de service continu d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Le salarié qui avait 4 ans et 4 mois d’ancienneté, est bien fondé en sa demande de paiement de la somme de 3872 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 387 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l’indemnité légale de licenciement.
Selon l’article R. 1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans.
Aussi, le salarié est bien fondé en sa demande en paiement d’une indemnité de licenciement à hauteur de 1936 euros.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [G] demande l’octroi d’une indemnité d’un montant de 9 680 euros correspondant à cinq mois de salaire en exposant avoir repris une activité, mais connaître une importante différence de salaire.
L’employeur expose que le salarié qui avait plus de quatre ans d’ancienneté et qui travaillait dans une entreprise de moins de 11 salariés seraient susceptibles de bénéficier selon les tableaux en vigueur d’une indemnité comprise entre un et cinq mois de salaire.
Il observe que le salarié ne produit aux débats, aucune pièce justifiant d’un quelconque préjudice et de sa situation professionnelle, financière et personnelle.
En application de l’article L 1235-3 du code du travail, et en considération du fait que M. [G] travaillait dans une entreprise de moins de 11 salariés, avait quatre ans d’ancienneté, était âgé de 41 ans au moment de la rupture du contrat de travail, et du montant de son salaire ( 1 936 euros) , il sera alloué au salarié la somme de 3 872 euros.
Le jugement sera confirmé sur ces chefs de demande sauf à préciser que les sommes allouées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse le sont en brut.
Sur la demande de dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
M. [G] demande l’allocation de la somme de 5000 euros de dommages intérêts en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en rappelant avoir subi plusieurs agressions de la part de son collègue, l’employeur n’ayant pas pris les mesures qui s’imposaient.
La société [K] Mère et Fils conclut au débouté de cette demande faisant valoir l’absence de tout manquement.
Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est caractérisé, le préjudice subi par le salarié sera justement réparé à hauteur de la somme de 1000 euros.
Sur les intérêts moratoires.
Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Il sera ordonné à la société [K] Mère et Fils la remise à M. [G] du certificat de travail, de l’attestation Pôle emploi, et du reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision.
Sur la demande au titre des frais irrépétibles et des dépens.
La société [K] Mère et Fils sera condamnée à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [K] Mère et Fils sera condamnée aux dépens d’appel. Ils ne comprendront pas les frais d’exécution forcée qui ne constituent pas des dépens au sens de l’article 695 du code de procédure civile et sont recouvrés dans les conditions du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt le 22 janvier 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [G] de ses demandes de dommages intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité, et pour non-respect du repos hebdomadaire et sauf à préciser que les sommes allouées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse le sont en brut.
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés, et statuant à nouveau,
Condamne la société [K] Mère et Fils à payer à M. [G] les sommes suivantes :
1 000 euros de dommages intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité,
1 000 euros de dommages intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,
3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Dit que les sommes allouées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse le sont en brut.
Rappelle que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Ordonne à la société [K] Mère et Fils la remise à M. [G] du certificat de travail, de l’attestation Pôle emploi, et du reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision.
Condamne la société [K] Mère et Fils aux dépens d’appel, qui ne comprennent pas les frais d’exécution forcée.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,