Droits de la partie civile : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02998

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Droits de la partie civile : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02998
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19 janvier 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/02998

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2023

N° RG 22/02998 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VFJ7

AFFAIRE :

S.A.S. ATELIER DE CONCEPTION ET D’ORGANISATION DE MAGASINS ET D’AGENCEMENT

C/

[B] [I]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 20 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2017R00708

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19.01.2023

à :

Me Betty WOLFF, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. ACOM AGENCEMENT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Betty WOLFF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 604

Assistée de Me Céline GIBARD, avocat plaidant au barreau de ROUEN

APPELANTE

****************

Monsieur [B] [I]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 – N° du dossier 22078071

Me Florence MARTIN, avocat plaidant au barreau de Paris

S.N.C. SNC 19-16

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 814 39 0 8 86

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2268767

Me Joseph BENILLOUCHE, avocat plaidant au barreau de Paris

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Novembre 2022, Madame Nicolette GUILLAUME, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSÉ DU LITIGE

La société 19 16, ayant pour activité l’exploitation d’un débit de tabac, a confié le 25 mars 2016 à la société ACOM Agencement (ACOMA) les travaux de sécurisation de son local pour un montant de 128 760 euros, relatifs à la fourniture et la pose d’une porte blindée pour la réserve de tabac, d’une porte automatique d’entrée et d’une climatisation réversible.

La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 5 juillet 2016.

Se fondant sur l’existence de malfaçons, par acte d’huissier de justice délivré à personne, la société 19 16 a assigné la société ACOMA, le 2 mars 2017, devant le tribunal de grande instance de Nanterre statuant en référé lui demandant au principal, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de nommer un expert afin d’examiner les désordres.

Par décision du 8 juin 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre.

Par ordonnance du 15 septembre 2017, le tribunal de commerce, statuant en référé, a désigné en qualité d’expert M. [I] avec pour mission principale d’examiner les désordres, de déterminer les travaux de réparation nécessaires et de donner les éléments pour permettre au tribunal de statuer sur les responsabilités.

Le 7 février 2022, M. [I] a rendu son rapport.

Par ordonnance contradictoire rendue le 20 avril 2022, le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de commerce de Nanterre a :

– dit que M. [I], expert, doit compléter son rapport pour donner au tribunal les éléments lui permettant de statuer sur les responsabilités du désordre en lien avec la porte blindée,

– dit que M. [I], expert, doit compléter son rapport pour donner au tribunal les éléments lui permettant de statuer sur les responsabilités du désordre en lien avec la porte d’entrée,

– dit que M. [I], expert, doit compléter, à la page 92 de son rapport, le tableau des incidences financières en lien avec la porte d’entrée,

– dit que M. [I], expert, doit, au contradictoire des parties, constater le fonctionnement ou non des appareils, tant en mode chauffage qu’en mode climatisation, compléter son rapport en répondant à toutes les questions posées dans sa mission : désordres, solutions de réparations, valorisations, éléments permettant au tribunal de statuer sur les responsabilités du désordre en lien avec l’installation de chauffage – climatisation,

– dit que M. [I], expert, doit compléter son rapport des éléments permettant d’apprécier la faisabilité de sa solution préconisée de pose d’un rideau d’air chaud,

– dit que M. [I], expert, préalablement au dépôt de son rapport final, devra rédiger et adresser aux parties un pré-rapport, sous un mois et deux semaines à compter de sa prise de connaissance de cette ordonnance, en laissant à celles-ci un délai de deux semaines pour y répondre et établir leurs dires récapitulatifs auxquels l’expert répondra, le cas échéant, dans son rapport final,

– prorogé le délai initial imparti et dit que le rapport final devra être déposé au greffe au plus tard le 30 juin 2022,

– dit que M. [I] remettra avec son rapport final sa demande de rémunération dont il adressera un exemplaire aux parties,

– réservé les dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 29 avril 2022, la société ACOMA a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société ACOM Agencement demande à la cour, au visa des articles 283 et 284 du code civil, de :

– annuler purement et simplement l’ordonnance déférée ;

– condamner la société 19/16 à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société 19 16 demande à la cour de :

– déclarer irrecevable et en toute hypothèse mal fondée la demande d’annulation de l’ordonnance du 20 avril 2022 formulée par la société ACOMA ;

en conséquence,

– l’en débouter,

– confirmer en tous points l’ordonnance du 20 avril 2022 ;

– débouter la société ACOMA de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société ACOMA à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens de l’appel.

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [I] demande à la cour de :

– lui donner acte qu’il s’en remet à l’appréciation de la cour sur les compléments de son rapport qui lui ont été demandés par le juge du contrôle ;

– condamner la société ACOM Agencement au paiement de la somme de 1 000 euros d’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l’ordonnance

La société ACOMA indique que le premier juge n’a pas statué sur la rémunération de l’expert, qui était pourtant la seule question dont il était saisi.

Elle soutient que le juge chargé du contrôle des expertises n’a pas pouvoir de charger l’expert qui a déposé son rapport d’accomplir des diligences et/ou missions complémentaires destinées à modifier, à ajouter ou à préciser le rapport qu’il a déposé, dès lors que la mesure d’instruction est close.

Affirmant que seul le juge du fond est habilité à apprécier l’efficience du rapport d’expertise, l’appelante soutient que le premier juge a outrepassé ses pouvoirs et le cadre de ses fonctions, caractérisant ainsi l’excès de pouvoir qui justifie l’appel-nullité.

La société 19 16 expose en réponse que le premier juge a indiqué qu’il lui appartenait aux termes de l’article 167 du code de procédure civile, de connaître des difficultés auxquelles se heurterait l’exécution d’une mesure d’instruction, alors que sa contestation ne portait pas seulement sur la rémunération de l’expert, mais également sur la qualité de ce travail

Faisant valoir que, si l’expert avait considéré que ses opérations d’expertise ne devaient pas être complétées et précisées, il l’aurait indiqué lors de l’audience devant le premier juge, l’intimée soutient que la société ACOMA tente de ralentir autant que possible l’issue judiciaire du dossier et notamment le dépôt d’un rapport d’expertise exploitable et complet, de façon abusive et injustifiée.

M. [I] demande qu’il lui soit donné acte qu’il s’en remet à l’appréciation de la cour, sur la demande de nullité de l’ordonnance du 20 avril 2022.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l’article 282 du code de procédure civile, ‘l’expert doit déposer un rapport au greffe de la juridiction. Il n’est rédigé qu’un seul rapport, même s’il y a plusieurs experts ; en cas de divergence, chacun indique son opinion. (…) Le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception’.

Il ressort des pièces versées aux débats la chronologie suivante :

– le 2 février 2022, l’expert a adressé au tribunal de commerce, aux parties et à leurs conseils un courrier leur indiquant qu’il déposait son rapport et qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour faire parvenir à la juridiction et à l’expert leurs observations sur l’évaluation des honoraires et frais, sur le fondement de l’article 282 du code de procédure civile ;

– par courrier adressé au juge chargé du contrôle des expertises le 14 février 2022, le conseil de la société 19 16 indiquait notamment : ‘J’ai pris connaissance de la demande d’évaluation de rémunération de M. [I] et j’entends en contester les termes. J’observe en premier lieu que l’expert aura mis 4 ans 1/2 à déposer son rapport pour une affaire somme toute assez simple. En second lieu et surtout, le rapport déposé est une compilation des différents rendez-vous qui se sont tenus sur place sans mise à jour des notes qui en ont rendu compte, les dires des parties n’ayant pas été pris en considération et n’ayant a fortiori fait l’objet d’aucune réponse. Cela génère un certain nombre d’inexactitudes et notamment en ce qui concerne le coût des travaux pris en compte [suivent de longs développements sur les carences techniques de l’expertise ]. La somme réclamée par M. [I] au titre de ses honoraires est donc particulièrement injustifiée et ma cliente se réserve de contester l’ordonnance de taxe qui serait rendue sur les bases de l’évaluation présentée par l’expert, ce que je tenais à vous confirmer.’

– par courrier du 15 février 2022, le conseil de la société ACOMA mentionnait : ‘Je ne veux pas entrer dans le débat ouvert par mon confrère lorsqu’il critique tels ou tels points d’ordre technique contenus dans le rapport d’expertise de M. [I] : d’autant que sur ces questions qui relèvent du juge du fond, Me [V] sait que nos positions divergent. En revanche, je le rejoins quand il considère exagéré le montant de la facture émise par M. [I] et la durée de la mesure d’instruction d’une complexité pourtant toute relative, et quand il s’étonne de la très surprenante et regrettable ignorance réservée par l’expert aux dires des parties. Cette réalité ôte en grande partie l’intérêt et la fiabilité attendus des observations d’un technicien et donc la crédibilité d’un rapport inexploitable qui s’avère ainsi inutile.’

Le dessaisissement de l’expert par le dépôt de son rapport met obstacle à toute nouvelle mesure d’instruction, seule la question de la rémunération de l’expert pouvant le cas échéant être encore contestée.

Il ressort d’ailleurs des courriers des conseils des parties que c’est bien ce point qui était discuté, même si, au soutien de sa contestation de la rémunération de l’expert, l’avocat de la société 19-16 exposait les difficultés techniques et pratiques auxquelles il s’était heurté et affirmait que le rapport était inexploitable.

Dès lors, le juge chargé du contrôle des expertises ne pouvait, sur le fondement de l’article 167 du code de procédure civile, ordonner à l’expert de compléter son rapport. Le premier juge a, ce faisant, excédé ses pouvoirs, ce qui justifie de prononcer l’annulation de l’ordonnance attaquée.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la société 19-16 ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande d’accorder à l’appelante la somme de 1 500 euros fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Prononce la nullité l’ordonnance déférée ;

Condamne la société 19-16 à payer à la société ACOM Agencement la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Dit que la société 19-16 supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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