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14 septembre 2011
Cour d’appel de Douai
RG n°
09/07376
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 14/09/2011
***
N° de MINUTE :
N° RG : 09/07376
Jugement rendu le 6 novembre 2006 par le tribunal de commerce de LILLE
Arrêt (N° 06/06905) rendu le 27 mars 2008 par la Cour d’Appel de DOUAI
Arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2009
REF : PB/CPRenvoi après cassation
APPELANTE
S.A.R.L. BRASSERIE ET DEVELOPPEMENT PATRIMOINE prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 4]
Représentée par Me Philippe Georges QUIGNON, avoué à la Cour
Assistée de Me VERITE substituant Me Yves MARCHAL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur [B] [J]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 5] MAROC
Madame [R] [X] épouse [J]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6]
demeurant ensemble [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par la SCP THERY – LAURENT, avoués à la Cour
Assistés de Me BERTRAND substituant Me Thomas BUFFIN, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Philippe BRUNEL, Conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
DÉBATS à l’audience publique du 05 mai 2011 après rapport oral de l’affaire par Philippe BRUNEL.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2011 après prorogation du délibéré initialement prévu le 07 septembre 2011 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Véronique DESMET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 février 2011
***
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 6 novembre 2006 qui, saisi par les époux [J], exploitant d’un fonds de commerce de café tabac à la Madeleine depuis le 15 octobre 1993 dans des locaux appartenant à la SARL BRASSERIE ET DEVELOPPEMENT PATRIMOINE (la SARL BDP) depuis le 3 juin 2003, d’une part, d’une opposition à un commandement délivré le 26 octobre 2004 d’avoir à cesser des activités constitutives, selon la SARL BDP, d’une déspécialisation irrégulière (dépôt de presse, petite restauration, vente de confiserie et de cartes téléphoniques, jeux de la Française des jeux – grattage et rapido), ledit commandement visant la clause résolutoire stipulée au bail, et, d’autre part, d’une opposition au congé avec refus de renouvellement du bail sans indemnité délivré le 19 avril 2005 par la SARL BDP et fondé sur le caractère irrégulier de l’extension d’activité, a
Sur l’opposition au commandement visant la clause résolutoire :
– rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la SARL BDP- dit que l’activité de dépôt de presse se trouvait dans le prolongement de celle de la vente de journaux
–
dit que les activités de vente de confiserie de cartes téléphoniques de jeu de la Française des jeux constituaient des activités complémentaires
– déclaré non valable le commandement visant la clause résolutoire l’infraction d’extension d’activité reprochée n’y étant pas visée
– rejeté la demande de la SARL BDP visant à la constatation de la résiliation du bail
Sur l’opposition au congé avec refus de renouvellement de bail
– déclaré valable le congé délivré le 19 avril 2005 par la SARL BDP
– constaté que le bail avait pris fin le 31 octobre 2005
– constater que preneurs avaient droit à une indemnité d’éviction
– ordonné une expertise destinée à déterminer le montant de l’indemnité d’éviction
– fixé une indemnité d’occupation égale au montant du loyer
Vu l’arrêt de cette cour en date du 27 mars 2008, qui, saisie par SARL la BDP, a
– réformé le jugement du 6 novembre 2006
– déclaré nul le commandement du 26 octobre 2004 visant la clause résolutoire
– déclaré prescrite l’action en résiliation du bail
– déclaré prescrits les manquements invoqués pour refuser le renouvellement du bail
– déclaré que le bail était renouvelé
– condamné la SARL BDP à payer aux époux [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts outre 2500 euros au titre des frais de procédure.
Vu l’arrêt du 29 septembre 2009 par lequel la Cour de Cassation, saisie par la SARL BDP, a cassé l’arrêt du 27 mars 2008, en retenant que :
– en déclarant la clause résolutoire limitée à l’hypothèse de l’impayé de loyers, alors qu’elle était stipulée à défaut de paiement d’un loyer à son échéance ou d’inexécution d’une seule des conditions stipulées ci-dessus, la cour d’appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de la clause et violé l’article 1134 du Code Civil ;
– en déclarant prescrite l’action en résiliation du bail en raison de la prescription biennale, alors que l’action en résiliation d’un bail commercial pour inexécution des obligations contractuelles n’a pas son fondement dans les dispositions du statut des baux commerciaux, la Cour d’appel a violé l’article L 145-60 du Code de commerce
– en déclarant prescrits les manquements invoqués et dit le bail renouvelé, alors qu’est inopposable à l’acquéreur de l’immeuble la modification tacite de la destination du bail ne figurant pas dans un acte ayant date certaine et dont il est démontré qu’il aurait eu connaissance, la cour d’appel a violé l’article 1743 du Code civil.
Vu les dernières conclusions des époux [J] signifiées le 20 octobre 2010 visant à titre principal :
– à la confirmation du jugement en ce qu’il avait retenu que l’activité de dépôt de presse constituait un prolongement de celle de vente de journaux
– à la réformation du jugement en ce qu’il avait retenu que les autres activités adjointes à savoir vente de sandwiches et de croque-monsieur, jeux de la Française des jeux, vente de confiserie et de cartes téléphoniques, étaient des activités complémentaires et dire que ces activités se trouvaient également dans le prolongement des activités autorisées par le bail
– à la confirmation du jugement en ce qu’il avait déclaré non valable le commandement visant la clause résolutoire et avait débouté la société BDP de sa demande en constatation de résiliation du bail,
– à la réformation du jugement en ce qu’il avait déclaré non fondée l’opposition des époux [J] au congé avec refus de renouvellement et que soit prononcée la nullité du refus de renouvellement compte tenu de l’absence de motif grave pouvant le justifier,
– et en conséquence à voir déclarer renouvelé le bail commercial ;
– à titre subsidiaire, ils demandent confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu leur droit à une indemnité d’éviction, ordonné une expertise permettant de la déterminer et en ce qu’il l’avait retenu qu’ils avaient droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité et en ce qu’il avait rejeté la demande d’expulsion et de dommages-intérêts présentée par la société BDP ;
Les époux [J] demandent une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts outre 5000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions de la société BDP signifiées le 24 novembre 2010 demandant à titre principal la réformation du jugement en ce qu’il avait retenu que l’activité de dépôt de presse était dans le prolongement des activités stipulées au bail et en ce qu’il avait refusé de constater la résiliation du bail et déclaré nul le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction ;
elle demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la société BDP.
La société BDP demande à la cour de dire que l’activité de dépôt de presse est une activité complémentaire imposant le respect des dispositions des articles L. 145 – 47 et suivants du code de commerce qui prescrit au preneur de notifier préalablement au bailleur par acte extrajudiciaire son intention d’exercer cette activité et prévoit qu’en cas de refus du bailleur, le preneur doit saisir le tribunal de grande instance afin qu’il se prononce sur la demande au même titre que les autres activités adjointes par le preneur et qu’en conséquence le commandement délivré le 26 octobre 2004 soit déclaré régulier, le bail conclu entre les parties se trouvant résilié en vertu de l’article L. 145 – 41 du code de commerce ; ils font valoir ce titre que ce n’est pas parce que le contrat de bail ne précise pas expressément que le preneur ne peut pas modifier la destination des lieux sans avoir suivi la procédure des articles L. 145 – 47 et suivants du code de commerce, que ces dispositions d’ordre public ne sont pas applicables et que la clause résolutoire est donc valablement mise en ‘uvre à ce titre même à défaut de mention expresse dans les stipulations contractuelles ;
à titre subsidiaire, la société BDP demande la validation du refus de renouvellement sans indemnité d’éviction et l’expulsion des preneurs.
La société BDP demande en tout état de cause leur condamnation au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre 13 960 euros au titre des frais irrépétibles ;
SUR CE
Attendu que, devant la cour saisie après renvoi après cassation, les moyens initialement développés par les époux [J] relatifs à la prescription et à la connaissance préalable par le bailleur des activités adjointes ne sont plus soutenus ; qu’il n’y a donc pas lieu de statuer à ce titre ;
Sur l’adjonction d’activité et l’application de l’article L. 145 – 47 du code de commerce ;
Attendu que, en application de l’article L. 145 – 47 du code de commerce, le locataire peut adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires sous réserve de faire connaître préalablement au bailleur son intention, dans les conditions décrites à l’alinéa deux dudit article ; qu’échappent à l’obligation de notification préalable les activités qui, se situant dans le prolongement direct de l’activité prévue au bail, n’en constituent qu’une modalité particulière d’exploitation ;
Que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que l’activité de dépôt de presse se situait dans le prolongement direct de celle, stipulée au bail, de vente de journaux ; qu’en effet, au regard des règles générales d’interprétation des contrats issues des articles 1135 et 1156 du Code civil, justement rappelées par le premier juge, il n’y a pas lieu de distinguer, comme le soutient l’appelante, entre la vente de journaux et la vente de magazines ou de revues spécialisées ; que c’est également à juste titre, contrairement à ce que soutiennent les époux [J], qu’il a considéré que les activités de petite restauration, de vente de confiserie, de cartes téléphoniques et de jeux de la Française des Jeux constituaient des activités complémentaires relevant de l’obligation de notification préalable ; qu’en effet, aucune de ces activités n’est visée, même de façon virtuelle, dans le bail ; que, si elles présentent des liens étroits avec l’activité de café et de débit de tabac, elles n’en constituent toutefois pas le prolongement direct et nécessaire ; qu’il importe peu à ce titre que l’activité de petite restauration se limite à la confection de « sandwiches et croque-monsieur » ;
Attendu que, pour autant, la bailleresse n’est pas fondée à soutenir qu’il s’agirait là d’activités différentes qui relèveraient de la procédure d’autorisation prévue à l’article L. 145 – 48 du code de commerce ; qu’en effet, même si elles n’étaient pas prévues au bail, les activités litigieuses sont en lien étroit avec celles de café et de débit de tabac stipulées au bail ; que le caractère supposé civil de l’activité de jeu de la Française des Jeux n’a pas pour effet de caractériser à la charge du preneur un détournement de l’objet du bail dès lors que l’adjonction d’une telle activité à celle de débit de tabac présente à l’évidence un caractère habituel et relève d’un usage constant ;
Attendu que c’est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré que les activités adjointes, à l’exception de celle de dépôt de presse, constituaient des activités complémentaires relevant de la procédure de l’article L. 145 – 47 du code de commerce ;
Sur l’application de la clause résolutoire ;
Attendu que, si la clause résolutoire stipulée au bail vise effectivement des manquements autres que le seul défaut de paiement du loyer et de ses accessoires, il est constant qu’elle ne vise pas le manquement aux dispositions de l’article L145-47 du code de commerce ; que, certes, l’obligation de respecter la destination des locaux et, par voie de conséquence, les dispositions du code de commerce ci-dessus visées, présente un caractère d’ordre public et s’impose même si elle n’est pas explicitement stipulée ; que toutefois, la clause résolutoire constitue un mécanisme particulièrement rigoureux écartant tout pouvoir d’appréciation du juge ; qu’un tel mécanisme ne peut résulter que d’une clause explicite du bail qui doit également viser de façon explicite les manquements qu’elle entend sanctionner de telle façon ; qu’il ne peut donc être soutenu comme le fait le bailleur, que tout manquement du preneur aux dispositions d’ordre public du code de commerce entraînerait de plein droit application de la clause résolutoire ; qu’en l’espèce, la clause résolutoire vise le défaut de paiement des loyers de ses accessoires ainsi que le manquement à des conditions qui y sont énumérées ; que parmi ces conditions, ne figure pas le non-respect de la destination des lieux où des dispositions de l’article L145-47 du code de commerce ; que c’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la clause résolutoire ne pouvait être mis en ‘uvre et a déclaré non valable le commandement délivré à ce titre ;
Sur le congé sans indemnité d’éviction et le défaut de renouvellement ;
Attendu que l’adjonction par le preneur d’activités en méconnaissance des dispositions de l’article L. 147 – 47 du code de commerce constitue un manquement à ses obligations ; qu’un tel manquement justifie le refus de renouvellement du bail ; qu’il ne justifie toutefois pas la perte du droit à indemnité d’éviction, dans les circonstances de l’espèce, caractérisées notamment par la faible part des activités adjointes dans le chiffre d’affaire global du preneur et par le fait, relevé par le premier juge, qu’elles n’ont entraîné aucun aménagement important des lieux donnés à bail ; que c’est à juste titre que le premier juge a déclaré valable le congé avec refus de renouvellement du 19 avril 2005 et constaté que le bail avait pris fin le 31 octobre 2005 mais a reconnu au preneur un droit à une indemnité d’éviction au titre de laquelle il a ordonné une expertise ; que les éléments produits par la bailleresse, relatifs à deux activités commerciales situées dans un secteur géographique proche mais non strictement comparable à celle exercée par les époux [J] ne sont pas de nature à remettre en cause l’évaluation de l’indemnité d’occupation, fixée par le premier juge au montant des loyers et charges constatés au jour auquel il a statué ;
Sur les autres demandes ;
Attendu que, devant la cour comme devant le premier juge, les époux [J] demandent la condamnation du bailleur à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en soutenant que la procédure introduite à leur égard viserait à les « spolier » de leur patrimoine ; que toutefois, il y a lieu de constater, d’une part, qu’ils ont manqué à leurs obligations en méconnaissance de l’article L. 145 – 47 du code de commerce et que, d’autre part, un droit à indemnité d’éviction leur est reconnu ; qu’ils ne justifient donc ni d’une faute du bailleur ni d’un préjudice particulier ; que c’est à juste titre que le premier juge a écarté leur demande à ce titre ;
Attendu que la SARL BDP demande la condamnation des époux [J] à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ; que, toutefois, dès lors qu’il est fait droit, même partiellement, à l’argumentation soutenue par les preneurs, une telle demande ne peut qu’être écartée ;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces observations qu’il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Attendu qu’il serait inéquitable que les époux [J] conservent à leur charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la procédure d’appel ; que la société BDP sera condamnée à leur payer la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne la SARL BDP à payer aux époux [J] la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL BDP aux dépens avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Véronique DESMETChristine PARENTY