Droits de la partie civile : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/04840

·

·

Droits de la partie civile : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/04840
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

13 juillet 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
22/04840

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 13 JUILLET 2023

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/04840 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6DT

Madame [C] [L]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/014827 du 03/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ARIEGE

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 juin 2016 (R.G. n°21400178) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’ARIEGE,

après arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 14 février 2019 (195F-P+B), cassant l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE en date du 8 février 2017 (RG16/03901)

et après arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2022 (924F-D) cassant l’arrêt de la Cour d’appel de PAU en date du 16 janvier 2020 (19/01871)

suivant déclaration de saisine du 19 octobre 2022 de la Cour d’appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi.

APPELANTE :

Madame [C] [L]

née le 01 Avril 1948 à [Localité 5]

de nationalité Française

Profession : Retraitée, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me DEMAR substituant Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ARIEGE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

dispensée de comparution

Monsieur le MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, domicilié [Adresse 2]

non comparant, non représenté bien que régulièrement convoqué

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Entre le 16 novembre 2009 et le 5 mai 2012, Mme [L] a exercé, par intermittence, des emplois de caissière en débit de tabac et de vendeuse en boulangerie.

Le 28 août 2013, Mme [L] a complété une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau n°57 A.

Le certificat médical initial, établi le 28 août 2013, mentionnait : ‘demande maladie professionnelle MP n°57, 02/09/13, épaule gauche, douleur chronique des mouvements répétitifs, arthrose avec bec acromial’.

Par décision du 6 janvier 2014, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège (la caisse) a refusé de prendre en charge sa maladie au titre de la législation professionnelle.

Le 20 février 2014, Mme [L] a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contester la décision de refus de prise en charge.

Par décision du 12 juin 2014, la commission de recours amiable a confirmé le refus de prise en charge.

Le 2 septembre 2014, Mme [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Le 4 septembre 2014, ledit Tribunal a invité Mme [L] à saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Ariège.

Le 12 septembre 2014, Mme [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Ariège aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Par jugement du 16 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Ariège a déclaré le recours de Mme [L] irrecevable.

Mme [L] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 8 février 2017, la cour d’appel de Toulouse a confirmé le jugement déféré.

Mme [L] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 14 février 2019, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé

et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 8 février 2017 par la cour d’appel de Toulouse, et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Pau. Elle a statué en ce sens, au motif selon lequel ‘Selon l’article R. 142-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l’accomplissement, le cas échéant, de la procédure de recours amiable, dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision de l’organisme, soit de l’expiration du délai d’un mois prévu par l’article R. 142-6 ; selon l’article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la demande en justice, même portée devant une juridiction incompétente, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Viole ces textes la cour d’appel qui déclare irrecevable le recours formé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse dans les deux mois de la notification du rejet de sa demande par la commission de recours amiable de la caisse, ce dont il résultait que le délai de forclusion de deux mois avait été interrompu’.

Par arrêt du 16 janvier 2020, la cour d’appel de Pau a :

– infirmé le jugement déféré,

– déclaré recevable la contestation par Mme [L] de la décision de la commission de recours amiable du 12 juin 2014,

– l’en a déboutée,

– a condamné Mme [L] aux dépens, à recouvrer aux formes de l’aide juridictionnelle.

Mme [L] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 22 septembre 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu’il déclare recevable la contestation par Mme [L] de la décision de la commission de recours amiable du 12 juin 2014, l’arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Pau et a remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux. Elle a statué en ce sens au motif selon lequel ‘Vu l’article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 :

Il résulte de ce texte que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu’elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Pour rejeter la demande de prise en charge, l’arrêt, après avoir constaté qu’il n’était pas contesté que la maladie déclarée par la salariée était inscrite au tableau n° 57 A, retient essentiellement que la première constatation médicale de la pathologie est intervenue plus de six mois après la fin de l’activité de caissière de bureau de tabac de la victime, de sorte que la condition tenant au délai de prise en charge n’est pas remplie, et que, s’agissant de la liste limitative des travaux, la victime invoque pour l’essentiel une activité au titre de vendeuse en boulangerie, dont ni la réalité, ni la consistance ne sont établies.

Il relève que, s’agissant de son activité dans le bureau de tabac, l’assurée a invoqué au cours de l’enquête administrative, au titre des travaux limitativement énumérés comme susceptibles de provoquer la maladie, l’ouverture et la fermeture du tiroir des tickets de jeu, et les mouvements en hauteur pour récupérer les paquets de cigarettes, mais qu’il doit être observé que le mouvement d’ouverture d’un tiroir sollicite pour l’essentiel l’avant bras ou les avant bras et que les sollicitations susceptibles de concerner le ou les bras ne répondent pas à la liste limitative des travaux, d’angle supérieur ou égal à 60 ou 90 degrés. Il ajoute que si l’on peut admettre que certains des paquets de tabac étaient situés en hauteur, entraînant l’exécution des mouvements visés par la liste limitative des travaux prévus au tableau n° 57, eu égard à la légèreté de la marchandise, et du fait que l’assurée était droitière, c’était bien l’épaule droite qui était naturellement sollicitée, et qu’à supposer que l’épaule gauche ait pu être occasionnellement sollicitée, il n’est pas permis, au regard de ce caractère occasionnel, de retenir qu’elle l’aurait été dans les conditions de durée exigée par le tableau.

Il en déduit que les conditions de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par la salariée ne sont pas remplies et que, pour ces même motifs, il n’est pas permis de retenir que cette maladie serait directement causée par le travail habituel de l’assurée.

En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d’une maladie désignée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci, de sorte qu’elle ne pouvait statuer sans que l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, la cour d’appel a violé le texte susvisé’.

Par déclaration du 19 octobre 2022, Mme [L] a saisi la Cour de renvoi.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 6 décembre 2022, Mme [L] demande à la Cour de :

– infirmer le jugement rendu le 16 juin 2016 par le tribunal des affaires de la sécurité sociale de l’Ariège,

– annuler la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 12 juin 2014,

– qualifier l’arthrose avec syndrome sous acromial dont souffre Mme [L] à l’épaule gauche de maladie professionnelle,

– ordonner sa prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège,

A titre subsidiaire,

– ordonner à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège de saisir le comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle,

En tout état de cause,

– condamner solidairement les parties succombant aux dépens.

La caisse par ses dernières conclusions en date du 25 avril 2023 sollicite la saisine du Comité Régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin qu’il se prononce sur l’origine professionnelle de l’affection déclarée par Mme [L].

M. Le Ministre chargé de la sécurité sociale n’a pas conclu et n’est ni comparant ni représenté à l’audience.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie

Aux termes de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l’accident.

Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau des maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladie professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L.315-1.

Au soutien de ses prétentions Mme [L] fait valoir, en substance, que le tableau 57 catégorie A ‘épaule’ vise son affection d’arthrose avec syndrome sous acromial à l’épaule gauche comme étant une maladie professionnelle, cette pathologie étant due à une répétition de mouvements forcés ou répétés de l’épaule.

Elle précise que cette même pathologie à son épaule droite a été reconnue par la caisse comme étant une maladie professionnelle.

Elle ajoute que la maladie est désignée au tableau n° 57 et que la caisse devait saisir le comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle.

La caisse reconnaît, dans ses dernières écritures, devoir saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles au vu des trois conditions cumulatives qui, en l’espèce, ne sont pas réunies pour que l’affection à l’épaule gauche de Mme [L] soit reconnue comme étant une maladie professionnelle à savoir:

1- les symptômes ou lésions pathologiques figurent dans le tableau,

2- le délai de prise en charge de l’affection c’est à dire le délai maximal entre la cessation d’exposition au risque et l’apparition de la maladie,

3- les travaux susceptibles de provoquer l’affection en cause.

Sur ce,

En l’espèce, Mme [L], qui est également atteinte d’une pathologie à l’épaule droite, déjà prise en charge par la caisse au titre du tableau n°57, a sollicité la reconnaissance de la maladie affectant son épaule gauche, au titre de ce même tableau n°57, ce que la caisse a refusé au motif que le délai de prise en charge de la maladie n’était pas respectée et qu’il n’était pas démontré qu’elle ait été soumise aux conditions d’exposition prévues par le tableau n°57 des maladies professionnelles.

La caisse a en effet estimé que Mme [L], étant droitière, ne sollicitait pas fortement son bras et son épaule gauche, dans ses métiers de vendeuse en boulangerie et caissière dans un bureau de tabac.

La Cour retient qu’aux termes de l’article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu’elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il s’en déduit que si l’action de Mme [L] est bien recevable la caisse doit recueillir l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avant toute décision de refus de prise en charge de la pathologie de Mme [L], à l’épaule gauche, au titre d’une maladie professionnelle.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré et d’ordonner la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’occitanie

([Courriel 3]) afin de recueillir son avis sur la prise en charge de la pathologie de Mme [L] à l’épaule gauche au titre d’une maladie professionnelle et de débouter Mme [L] de ses demandes d’annulation de la décision de la commission de recours amiable du 12 juin 2014 et de prise en charge de sa pathologie à l’épaule gauche au titre d’une maladie professionnelle.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La caisse, qui succombe, doit supporter les dépens d’appel, au paiement desquels elle sera condamnée.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de la Cassation,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

ORDONNE à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’occitanie afin de recueillir son avis sur l’origine professionnelle de la pathologie de Mme [L] à l’épaule gauche;

DEBOUTE Mme [L] de ses demandes d’annulation de la décision de la commission de recours amiable du 12 juin 2014 et de prise en charge de sa pathologie à l’épaule gauche au titre d’une maladie professionnelle

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège aux dépens d’appel.

Signé par madame Marie-Paule Menu, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x