Un protocole d’accord sur les droits d’auteur s’applique à tous les journalistes professionnels au sens des articles L 7111-3 et L 7111-4 du code du travail et donc au rédacteur en chef. La société Journal du Centre a été condamnée à payer au salarié la somme de 1.200 euros outre les congés payés y afférents puis à lui verser chaque année future la somme de 400 euros résultant de l’accord.
II n’existe pas d’usage selon lequel les rédacteurs en chef ne bénéficient pas de cette prime, celle-ci constituant une contrepartie pécuniaire réservée aux journalistes ayant produit les articles concernés.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 AOUT 2021
N° RG 20/00321 – N° Portalis DBVD-V-B7E-DH7E
Décision attaquée du 24 février 2020
Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de Nevers
M. J-K Y
C/
S.A. LE JOURNAL DU CENTRE
APPELANT :
Monsieur J-K Y
[…]
Représenté par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat postulant, du barreau de BOURGES
et pour avocat plaidant à l’audience Me J-Louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIÉS, du barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉE :
S.A. LE JOURNAL DU CENTRE
[…]
Représentée par Me Pascal VERNAY-AUMEUNIER, sustitué à l’audience par Me THUMERELLE de la SCP SOREL, avocat postulant, du barreau de BOURGES
et par Me Anne LAURENT, substituée à l’audience par Me MALARD de la SELARL AUVERJURIS, avocat plaidant, du barreau de CLERMONT-FERRAND
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Mme I
CONSEILLERS : Mme E-F
Mme X
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
DÉBATS : A l’audience publique du 28 mai 2021, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 13 août 2021 par mise à disposition au greffe.
13 août 2021
ARRÊT : contradictoire – Prononcé publiquement le 13 août 2021 par mise à disposition au greffe.
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. J-K Y, né en 1964, a été engagé par le groupe Centre France en qualité de journaliste à compter du 7 avril 1986. La carte professionnelle de journaliste lui a été délivrée le 2 décembre 1987.
Par engagement du 31 janvier 2014, M. Y a été muté en qualité de rédacteur en chef à la société Journal du Centre, appartenant au dit groupe, avec reprise d’ancienneté et moyennant une rémunération mensuelle brute de 4.780,31 euros à la date du 1er janvier 2014.
Par mail du 27 juin 2014 M. Y s’est étonné auprès de M. Z, son supérieur hiérarchique, de percevoir une rémunération inférieure au salaire de base prévu pour un rédacteur en chef dans la grille salariale de la société ce d’autant plus que son bulletin de salaire ne mentionnait pas de coefficient de classification.
Le 18 avril 2019, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Nevers aux fins notamment d’obtenir le paiement de divers rappels de salaires et de ses droits d’auteur.
Par jugement du 24 février 2020 le conseil de prud’hommes de Nevers a :
— condamné la société Le Journal du Centre, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à M. J-K Y un rappel de salaire de la prime découlant de l’accord sur les droits d’auteur journalistes d’un montant de 1.200 euros ainsi que les congés payés afférents d’un montant de 120 euros, avec les intérêts de droit à compter de la demande, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales,
— dit et jugé que M. J-K Y devra recevoir annuellement la prime découlant de l’accord sur les droits d’auteur journalistes d’un montant de 400 euros,
— débouté M. Y de ses demandes de rappel de salaire des 3 dernières années et de congés payés afférents,
— débouté M. Y de sa demande de rémunération sur la base d’un salaire brut total de 7.446,31 euros sur 13 mois,
— débouté M. Y de sa demande de dommages et intérêts,
— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire hors celle de plein droit,
— condamné la société Le Journal du Centre, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à M. J-K Y la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— débouté la société Le Journal du Centre de sa demande reconventionnelle de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— dit que la société Le Journal du Centre doit se mettre en conformité avec l’article 27 de la convention collective concernant les bulletins de paie,
— dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile,
— débouté les parties de toute autre demande différente, plus ample ou contraire au dispositif.
Vu l’appel régulièrement interjeté par M. Y ;
Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 14 janvier 2021 aux termes desquelles M. Y demande à la cour de :
— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
> condamné la société Le Journal du Centre, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer et porter un rappel de la prime découlant de l’accord sur les droits
13 août 2021
d’auteur journalistes d’un montant de 1.200 euros ainsi que les congés payés afférents d’un montant de 120 euros, avec les intérêts de droit à compter de la demande, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;
> dit et jugé qu’il devra recevoir annuellement la prime découlant de l’accord sur les droits d’auteur journalistes d’un montant de 400 euros ;
> condamné la société Le Journal du Centre, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer et porter la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— le réformer pour le surplus ;
statuant à nouveau :
— condamner Le Journal du Centre à lui porter et payer les sommes suivantes :
> 49.478,85 euros brut à titre de rappel de salaires sur les trois dernières années, compte arrêté au jour de la saisine, outre 4 947,88 euros brut de congés payés afférents intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;
> 8.000 euros net de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait du non-paiement de l’intégralité du salaire à échéance ;
> 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens ;
— dire et juger qu’à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Nevers, le Journal du Centre devra le rémunérer sur la base d’un salaire brut total de 7.446,31 euros brut sur 13 mois ;
Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 16 septembre 2020 aux termes desquelles la société Le Journal du Centre demande à la cour de :
— dire et juger recevable mais mal fondé l’appel formé par M. Y ;
confirmant le jugement entrepris,
— constater que M. Y a été rempli de l’intégralité de ses droits ;
— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
réformant le jugement entrepris,
— débouter M. Y de sa demande de rappel de prime découlant de l’accord sur les droits d’auteurs des journalistes ;
— débouter M. Y de sa demande de rappel de salaires sur primes de nuit ;
— débouter M. Y de sa demande de dommages-intérêts ;
à titre subsidiaire,
si par impossible la Cour devait réformer le jugement entrepris,
— dire et juger que les rappels de salaire dus à M. Y sont fixés aux montants suivants:
> si le minimum applicable doit être issu des dispositions de la grille salariale, le rappel de salaire depuis temps non prescrit sera fixé à la somme de 14.992,92 euros outre congés payés afférents ;
à titre infinimement subsidiaire,
si la Cour considérait que de surcroît s’il y a lieu d’appliquer une prime de nuit,
> à titre principal dire et juger qu’en application du barèmes SPQR, le montant du rappel de salaire dû au titre de la prime de nuit s’ajoutant depuis temps non prescrit sera fixé 10.674 euros, outre les congés payés afférents ;
> à titre subsidiaire dire et juger qu’en application de la grille salariale, le montant du rappel de salaire dû au titre de la prime de nuit s’ajoutant depuis temps non prescrit sera fixé 12.412,14 euros, outre les congés payés afférents ;
en tout état de cause,
— débouter M. Y de sa demande de dommages-intérêts ;
— débouter M. Y de sa demande de voir dire et juger qu’à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, elle devrait rémunérer M. Y sur la base d’un salaire brut de 7.446,31 euros sur 13 mois ;
— condamner M. Y à lui porter et payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
13 août 2021
Vu l’ordonnance de clôture en date du 20 janvier 2021 ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées. La cour ajoute avoir statué par arrêt du 5 février 2021 dans une autre instance opposant M. Y à son employeur et concernant la contestation d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail à l’issue de la visite de reprise tenue le 5 mai 2020, au visa d’un maintien du salarié à son poste s’avérant gravement préjudiciable à sa santé, M. Y ayant été placé en arrêt de travail du 5 janvier 2019 au 3 mai 2020. Sur demande de la cour les parties ont précisé que M. Y avait été licencié pour inaptitude le 23 mars 2021.
SUR CE
Sur le rappel de salaire :
L’engagement de M. Y en date du 31 janvier 2014 comme les bulletins de salaire ont expressément mentionné que la relation de travail relevait de la convention collective des journalistes.
L’article 22 en précise que le salaire minimum national est fixé pour chaque forme de presse, que les grilles hiérarchiques correspondant aux qualifications professionnelles sont annexées à la convention, que les salaires correspondant à ces qualifications doivent être majorés, s’il y a lieu, de la prime d’ancienneté.
L’article 23, complété par l’article 24, définit l’ancienneté qui doit être calculée en tenant compte de l’ancienneté dans la profession (11% pour 20 années ou plus d’exercice de la profession de journaliste) et de l’ancienneté dans l’entreprise en qualité de journaliste professionnel (9% pour 20 années de présence ou plus).
L’article 25 concernant le 13e mois énonce qu’à la fin du mois de décembre tout journaliste professionnel perçoit à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier une somme égale au salaire du mois de décembre.
L’employeur ne peut pas payer un salaire inférieur aux minima conventionnel.
Toutefois, les éléments de salaire pris en compte pour vérifier le respect du minimum conventionnel sont, soit ceux définis par la convention collective applicable, soit à défaut d’une telle précision suffisamment explicite, toutes les sommes versées au salarié en contrepartie de l’exécution de sa prestation de travail, sauf disposition conventionnelle ou usage d’entreprise contraires.
Il convient d’apprécier mois par mois si le salarié a bien perçu une rémunération au moins égale au minimum conventionnel mensuel, le 13e mois étant ainsi pris en compte pour le mois de son versement et le salarié ayant droit à un rappel de salaire pour les mois où il n’a pas bénéficié du minimum conventionnel même si pour d’autres mois il a perçu une rémunération supérieure.
En l’espèce les parties s’opposent sur le montant de la rémunération de M. Y et sur l’éventuel rappel de salaire lui étant dû.
M. Y s’appuie sur la grille salariale en vigueur dans l’entreprise et visant, pour un rédacteur en chef, un coefficient 300 portant sa rémunération de base à 5.515,75 euros brut
(compte tenu de la valeur du point fixée à 18,38582) outre la prime d’ancienneté de 1.103,15 euros brut (20%) soit 6.618,90 euros brut. Il sollicite, compte tenu de la rémunération effectivement versée, un rappel de salaire calculé à partir de cette base en soulignant que le montant du 13e et 14e mois doit être revu.
La société Journal du Centre considère que M. Y ne relevait pas de cette grille salariale. Elle soutient que la rémunération versée sur la base de 4.780,31 euros brut outre prime d’ancienneté de 956,06 euros brut (20%) mais aussi du 14e mois et de la prime de vacances était supérieure au minimum conventionnel prévu par le syndicat de la presse quotidienne régionale soit 5.138,49 euros brut mensuels au 1er novembre 2017, le salarié ayant ainsi été rempli de ses droits.
Les parties s’accordent sur l’ancienneté ouvrant droit à une prime de 20% du salaire de base mais sont en désaccord sur le raisonnement et les éléments de rémunération à prendre en compte pour apprécier la demande de rappel de salaire de M. Y.
Pour débouter M. Y de sa demande de rappel de salaire, les premiers juges ont rappelé l’énoncé de l’article 22 de la convention collective applicable puis ont retenu que la rémunération était forfaitaire, que pour le coefficient 300 le salaire de base s’élevait à 5.515,75 euros brut compte tenu d’une valeur du point à 18,338582, que la somme de 1.103,55 euros devait être versée au titre de la prime d’ancienneté, qu’ainsi le minimum annuel s’élevait à 79.431 euros alors que M. Y avait perçu 80 539 euros.
M. Y critique cette appréciation qui selon lui a méconnu son argumentation puisqu’il n’argue pas du non respect d’un minimum conventionnel mais se prévaut de la grille salariale applicable dans l’entreprise pour reconstituer le salaire ayant du lui être versé , ensuite le comparer à celui perçu et en déduire un rappel de salaire bien fondé à hauteur de 49.478,85 euros brut pour la période non prescrite.
Il est établi que l’engagement daté du 31 janvier 2014, signé par M. A, directeur des ressources humaines du groupe, et par M. Y a visé expressément une mutation, à compter du 1er février 2014, de M. Y à la société Journal du Centre en qualité de rédacteur en chef. Cet engagement était accompagné d’une notice d’information, ces documents pris dans leur ensemble mentionnant notamment que :
— la relation de travail relevait de la convention collective des journalistes,
— M. Y était engagé à temps complet, la nature de sa mission rendant difficile son exécution dans le cadre d’un horaire précis et devant conduire le salarié à travailler le samedi, le dimanche, les jours fériés et la nuit,
— la rémunération mensuelle était fixée au 1er janvier 2014 à 4.780,31 euros brut, avec régularisation postérieure, rémunération à laquelle pourraient s’ajouter le cas échéant les éléments découlant du statut collectif à savoir conventions, accords et usages tels que détaillés dans la notice d’information annexée,
— une prime mensuelle de 441,26 euros était versée au titre du 14e mois,
— un 13e mois était versé avec le salaire de décembre,
— une prime de vacances de 230 euros était versée chaque année avec le salaire de juin,
— l’ancienneté dans la société était reprise au 7 avril 1986,
— M. Y bénéficiait d’un véhicule de fonction de catégorie 4,
— les frais professionnels engagés par M. Y lui étaient remboursés sur présentation des justificatifs et sous réserve d’un accord préalable de la société,
— le contrat emportait cession, à titre exclusif à l’employeur, des oeuvres réalisées dans le cadre du titre de presse (droits de reproduction) et M. Y autorisait la société Journal du Centre et les sociétés du groupe à utiliser son image et ses réalisations directement ou par le biais d’autres supports pour les besoins de promotion de leurs activités, la rémunération en contrepartie de cette autorisation étant incluse dans le montant convenu à titre de salaire (droit à l’image).
M. Y souligne exactement que ni cet engagement ni ses bulletins de salaire n’ont précisé sa classification professionnelle, les dits bulletins contrevenant ainsi aux dispositions de l’article R 3243-1 du code du travail et à l’article 27 de la convention collective applicable. M. Y revendique le coefficient 300 applicable aux rédacteurs en chef.
Néanmoins la société Journal du Centre ne conteste pas que, en tant que rédacteur en chef, M. Y bénéficiait du coefficient 300 de la convention collective de l’encadrement de la presse quotidienne régionale.
M. Y fait encore exactement valoir que la grille salariale appliquée par la société Journal du Centre, dont il a eu connaissance en juin 2014 puis en décembre 2017 (ses pièces 7 et 10) mentionne pour le coefficient 300 et les rédacteurs en chef une rémunération de 5.515,75 euros compte tenu d’une valeur du point expressément fixée à 18,39 cette rémunération de base étant supérieure à celle qui a été versée en application de son contrat d’engagement.
M. Y justifie s’en être étonné par mail adressé à M. Z le 27 juin 2014, son supérieur hiérarchique s’étant limité à lui répondre le 30 juin 2014 qu’il était bien rédacteur en chef et qu’il allait vérifier la situation décrite, aucune autre information n’ayant ensuite été fournie pour expliquer la différence signalée.
La société Journal du Centre objecte tout d’abord qu’au titre de ‘l’usage en vigueur’, le rédacteur en chef est exclu de la grille salariale précitée. Or, la société Journal du Centre ne justifie pas de la réalité de cet usage et omet que la mention expresse, dans la grille salariale discutée et en vigueur entre juin 2014 et décembre 2017, de la rémunération de 5.515,75 euros versée à un rédacteur en chef coefficient 300, ruine son argumentation sur le prétendu usage.
Plus particulièrement, la société Journal du Centre produit en pièce 3 un document non daté et non signé, rédigé sur papier à en tête de M. A, directeur des ressources humaines, et présenté comme adressé à Mme B et en copie à Mme C, que l’employeur désigne dans ses conclusions respectivement comme chef du service administratif du Journal du centre et du Berry républicain et adjointe au directeur des ressources humaines. Ce document énonce des instructions pour exclure ‘désormais’ les trois emplois de rédacteur en chef, rédacteur en chef adjoint et secrétaire général de rédaction de la grille de salaires et pour établir un contrat de travail à M. Y sans mentionner de coefficient en fixant le salaire de base à 4.780,31 euros, outre un 14e mois d’un montant de 441,26 euros mensuels, une prime de vacances de 230 euros versée en juin, le tout sans paiement de bonification heures supplémentaires ni de droit d’auteur mais avec avantage en nature par fourniture d’un véhicule de fonction.
Outre le fait, comme déjà relevé, que ce document n’a ni date ni origine certaines, faute d’être daté et signé de M. A, ce qui autorise M. Y a considérer qu’il a été établi pour la cause par son employeur, il ne vaut pas usage d’entreprise permettant d’exclure certaines catégories de professionnels de la grille salariale, surtout au regard du maintien de ces catégories professionnelles dans la grille salariale communiquée à M. Y en 2014 puis 2018.
Au surplus ne pas préciser le coefficient applicable à M. Y s’avérait déloyal de la part de l’employeur, d’autant plus que, en contradiction avec les dispositions réglementaires et conventionnelles, le coefficient n’était pas non plus mentionné sur les bulletins de salaire.
Il s’en déduit que la société Journal du Centre soutient vainement que la rémunération de M. Y doit s’apprécier non pas selon la grille salariale discutée mais à partir des barèmes du syndicat de la presse quotidienne régionale à savoir, la somme de 5.138,49 euros brut au 1er novembre 2017.
La société Journal du Centre soutient exactement que la convention collective applicable n’exclut aucune prime ou accessoire de salaire dans l’appréciation du respect du minimum conventionnel.
Toutefois la société Journal du Centre ne peut pas considérer que la somme de 6.618,90 euros brut doit être retenue comme la rémunération mensuelle minimale garantie à M. Y par la grille salariale et que la rémunération effectivement versée doit être comparée avec ce minimum pour apprécier l’éventuel rappel de salaire. En effet, M. Y communique les bulletins de salaire d’un chef de service et d’un chef de rédaction employés par la société. Il est vérifiable que les intéressés ont perçu respectivement comme ‘salaire de base’ la somme de 3.309,45 euros brut correspondant dans la grille salariale au coefficient 180 d’un chef de service et celle de 3.769,10 euros brut correspondant de même au coefficient 205 d’un chef de rédaction. En outre à ce ‘salaire de base’ dont le montant est conforme à la rémunération figurant sur la grille salariale ont été ajoutées la prime d’ancienneté et celle du 14e mois ce qui corrobore encore plus la pertinence du raisonnement de M. Y.
En conséquence la rémunération mensuelle de base à prendre en compte est celle de 5.515,75 euros brut augmentée de la prime d’ancienneté de 20% soit 1.103,15 euros brut soit 6.618,90 euros brut et M. Y est bien fondé, sauf à contrôler son chiffrage des primes à partir de cette base, à y ajouter les montants recalculés des primes pour parvenir au salaire ayant du lui être payé.
M. Y sollicite un rappel de salaire d’un montant de 49.478,85 euros au titre des 36 mois écoulés jusqu’à la saisine du conseil de prud’hommes, compte tenu selon lui d’une rémunération mensuelle brute ayant du être appréciée à 8.086 euros au lieu de 6.711,59 euros soit une différence mensuelle de 1.374,31 euros.
La cour relève une contradiction entre les pages 4 et 6 des conclusions de M. Y au sujet de la prise en compte de la prime de nuit. En tout état de cause M. Y ne peut intégrer la prime de nuit dans le calcul du rappel de salaire au titre de sa rémunération mensuelle et en même temps solliciter un rappel de salaire au titre spécifiquement de la prime de nuit. La prime de nuit reste donc appréciée par des motifs autonomes sans être intégrée dans le rappel de salaire discuté.
Les termes de l’article 25 de la convention collective applicable imposent de fixer le montant du 13e mois à la somme de 6.618,90 euros, la somme de 6.177,63 euros brut ayant d’ailleurs été versée à M. Y chaque mois de décembre sur la période non prescrite. Il s’en déduit un rappel de salaire au titre du 13e mois fixé à 441,27 euros brut et dû au titre des mois de décembre 2016, 2017 et 2018 soit 1.323,81 euros brut puisque M. Y arrête son décompte au jour de la saisine du conseil de prud’hommes.
Aucune définition légale ou conventionnelle n’est donnée du 14e mois et les parties n’expliquent pas le mode de calcul retenu dans l’exécution du contrat et leurs écritures. En revanche, la cour est en mesure de vérifier, au vu des pièces versées aux débats que le 14e mois versé mensuellement correspondait à la somme de 5.736,38 euros (4.780,31 + 956,06) divisée par 13. Ainsi la cour s’estime suffisamment informée pour fixer la valeur du 14e mois à la somme de 509,15 euros brut (6.618,90 divisée par 13) telle que sollicitée par M. Y.
Ainsi chaque mois M. Y aurait dû percevoir la somme de 7.128,05 euros brut (salaire de base, prime d’ancienneté, 14e mois).
Le montant de la prime de vacances reste fixé à la somme de 230 euros, aucun rappel de salaire n’étant dû de ce chef.
Les bulletins de salaire versés aux débats par M. Y permettent de vérifier que le salarié a perçu chaque mois, au titre de la période non prescrite (postérieure à avril 2016 jusqu’à la saisine du conseil de prud’hommes), une rémunération mensuelle de 4.780,31 euros brut pour 169 heures travaillées, outre une prime d’ancienneté de 956,06 euros brut, une prime de 14e mois de 441,26 euros brut, soit 6.177,63 euros brut, ainsi qu’en juin la prime vacances annoncée et de même en décembre le 13e mois arrêté à la somme de 6.177,63 euros brut.
Ainsi, compte tenu d’une rémunération mensuelle recalculée à 7.128,05 euros brut, chaque mois de l’année M. Y a été privé de la somme de 950,42 euros brut.
Le rappel de salaire se chiffre ainsi à la somme de 34.215,12 euros brut à laquelle s’ajoute celle de 1.323,81 euros brut au titre du 13e mois soit un total de 35.538,93 euros brut outre les congés payés y afférents.
La cour réforme la décision déférée en ce sens.
Les motifs précédents imposent d’enjoindre à la société Journal du Centre de verser à M. Y et pour la période postérieure au rappel de salaire discuté et jusqu’à son licenciement, un salaire mensuel de 7.128,05 euros brut incluant le salaire de base, la prime d’ancienneté, le 14e mois et de lui verser en décembre un 13e mois de 6.618,90 euros brut.
Sur la prime de nuit :
M. Y reproche à juste titre aux premiers juges de ne pas avoir répondu explicitement à cette prétention.
M. Y s’appuie sur l’article 30 de la convention collective des journalistes, intitulé ‘travail de nuit’ et prévoyant une rémunération supplémentaire de 15% du salaire du barème calculée au prorata du temps passé entre 21h et 6h du matin pour les journalistes professionnels finissant leur travail après 23 h. Cet article précise que la prime est attachée à la fonction et fait l’objet d’une mention spéciale sur le bulletins de paie, que pour la presse hebdomadaire et périodique le travail de nuit est compensé soit en temps, soit en salaire et que certaines catégories de professionnels, listées, ne bénéficient pas de la prime de nuit.
M. Y fait exactement valoir qu’en sa qualité de rédacteur en chef il n’était pas exclu du bénéfice de la prime dans la liste figurant dans l’article 30 précité et que son contrat d’engagement a prévu qu’il pourrait travailler y compris les fins de semaine, les jours fériés et de nuit. Il justifie par ses pièces 8 et 11 qu’il était le seul salarié de la société Journal du Centre à ne pas percevoir cette prime.
La société Journal du Centre rétorque que la rémunération de M. Y était forfaitaire puisqu’il relevait du personnel d’encadrement, ce qui ne l’autorise pas à revendiquer la rémunération supplémentaire prévue par l’article 30 de la convention collective applicable, que cette rémunération forfaitaire a été convenue dans le contrat d’engagement signé le 31 janvier 2014, que la prime de nuit devrait subsidiairement être limitée à la somme de 296,50 euros au titre du barème du syndicat de la presse quotidienne régionale.
Les énonciations du contrat d’engagement sont insuffisantes pour s’analyser comme valant convention de forfait.
En application de l’article L 3171-4 du code du travail, le juge forme sa conviction sur la demande de paiement des heures de travail accomplies au vu des éléments fournis par les parties et après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, tenu de contrôler les heures de travail effectuées par chaque salarié d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.
M. Y se prévaut exactement des termes du contrat d’engagement prévoyant qu’il pourrait travailler de nuit. M. Y chiffre la prime de nuit à 318,26 euros brut mensuels sans apporter de justificatif à son calcul.
Toutefois, cette somme n’atteint pas les 15% de la rémunération de base mensuelle et la cour est également en mesure de vérifier que le montant de la prime de nuit versée aux collègues de M. Y D, la somme de 318,26 euros brut étant compatible avec la prime de nuit versée aux autres collaborateurs selon un pourcentage de leur rémunération de base.
Il s’en déduit que M. Y satisfait à sa part probatoire.
L’employeur ne communique aucune pièce permettant de répondre aux éléments suffisamment précis présentés par le salarié, alors qu’il était tenu de contrôler son temps de travail, surtout de nuit.
En conséquence la cour satisfait la demande de M. Y, tant pour les 36 mois écoulés jusqu’à la saisine du conseil de prud’hommes que pour le futur et réforme la décision déférée en ce sens.
Sur les droits d’auteur :
La clause 6 intitulée ‘contrepartie pécuniaire’ du protocole d’accord sur les droits d’auteur du 27 mai 2011 énonce que la contrepartie pécuniaire correspond à l’utilisation ou la réutilisation des oeuvres prévues au paragraphe 4 et est versée sous la forme d’un forfait annuel de 400 euros par journaliste à temps plein présent sur une année complète, la période de référence étant l’année civile.
Le conseil de prud’hommes de Nevers a retenu que ce protocole s’appliquait à tous les journalistes professionnels au sens des articles L 7111-3 et L 7111-4 du code du travail donc à M. Y et a condamné la société Journal du Centre à payer au salarié la somme de 1.200 euros outre les congés payés y afférents puis à lui verser chaque année future la somme de 400 euros résultant de l’accord précité.
M. Y n’a pas critiqué cette appréciation par son appel mais par son appel incident la société Journal du Centre demande à la cour de la réformer et de débouter M. Y de cette prétention.
La société Journal du Centre fait valoir qu’il est ‘d’usage’ dans la société que les rédacteurs en chef ne bénéficient pas de la prime de 400 euros prévue par l’accord du 27 mai 2011, ladite prime constituant une contrepartie pécuniaire réservée aux journalistes ayant produit les articles concernés.
Toutefois c’est par affirmation inopérante que la société Journal du Centre excipe d’un usage contraire aux dispositions collectives.
En conséquence la cour confirme la décision déférée de ce chef.
Sur les dommages intérêts :
M. Y rappelle qu’en juin 2014 la société Journal du Centre a refusé de vérifier le salaire de base devant lui être versé et qu’elle a persisté dans la rétention abusive d’une partie de sa rémunération ce qui caractérise selon lui la mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution de ses obligations essentielles du contrat de travail. Il considère que ces manquements de la société Journal du Centre l’ont privé de sommes d’argent importantes et ont eu un impact sur l’appréciation de ses indemnités journalières. Il sollicite la condamnation de la société Journal du Centre à lui payer la somme de 8.000 euros net à titre de dommages et intérêts.
Les premiers juges l’ont débouté de cette demande, l’estimant caduque au regard des déboutés prononcés sur le rappel de salaire.
Compte tenu des motifs précédents les manquements allégués de la société Journal du Centre sont avérés, la réalité du préjudice subi par M. Y et distinct des intérêts moratoires étant suffisamment démontrée et la cour s’estimant suffisamment informée pour apprécier son entière réparation à la somme de 2.000 euros.
La cour réforme la décision déférée en ce sens.
Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
Les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables.
Les condamnations qui concernent des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation. Les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article L 1231-7 du code civil.
L’application de l’article 1343-2 (1154 ancien) du code civil est ordonnée.
L’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques commandent de faire droit à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. Y .
La société Journal du Centre qui succombe est condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Réforme la décision déférée en ce qu’elle a débouté M. Y de sa demande de rappel de salaire et de prime de nuit et de sa demande de dommages intérêts et statuant à nouveau de ces chefs :
Condamne la société Journal du Centre à payer à M. Y les sommes de :
— au titre du rappel de salaire 35.538,93 euros brut outre les congés payés y afférents
3.553,90 euros brut,
— au titre du rappel de prime de nuit 11.457,36 euros brut outre les congés payés afférents 1.145,73 euros brut,
— 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Enjoint à la société Journal du Centre de verser à M. Y pour la période postérieure à avril 2019 et jusqu’à son licenciement, un salaire mensuel de 7.128,05 euros brut incluant le salaire de base, la prime d’ancienneté,
le 14e mois et à lui verser en décembre un 13e mois de 6.618,90 euros brut ainsi qu’une prime de nuit mensuelle de 318,26 euros brut ;
Confirme pour le surplus la décision déférée ;
Y ajoutant :
Condamne la société Journal du Centre à payer à M. Y une somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article L 1231-7 du code civil ;
Ordonne l’application de l’article 1343-2 (1154 ancien) du code civil ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne la société Journal du Centre aux dépens d’appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme I, présidente de chambre, et Mme G, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE