Contrefaçon de logiciel : la suspension d’une condamnation
Contrefaçon de logiciel : la suspension d’une condamnation
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Y compris en matière de condamnation pour contrefaçon de logiciel, la suspension de la condamnation est possible si son exécution entraînerait des conséquences manifestement excessives pour le contrefacteur.


En l’occurrence, il résulte d’une attestation en date du 9 mars 2023 établie par Madame [J] [X], expert-comptable, que compte tenu des créances exigibles et liquides de la SARL ADP Courtage Plus et de sa trésorerie (182079 euros à fin février 2023) et des dettes exigibles (177000 euros hors sommes en litige), le paiement de la somme de 65925 euros à Monsieur [F] (auteur de logiciel ) placerait la SARL ADP Courtage Plus en état de cessation des paiements.

Il s’en déduit qu’une consignation de cette somme n’est pas davantage envisageable et qu’un paiement partiel serait également de nature à mettre la SAS ADP Courtage Plus en situation difficile.

D’autre part, outre la situation du débiteur, il doit également être tenu compte des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée par la cour statuant au fond. Or, Monsieur [F] indique avoir été gérant d’une société jusqu’au 18 novembre 2022, date à laquelle il a demandé la fermeture de cet établissement. Il expose avoir désormais un statut de jeune chercheur et être rémunéré. Cependant, il n’indique nullement le montant de sa rémunération et ne produit aucune pièce (ni contrat, ni bulletin de paie, ni avis d’imposition) pour en justifier. Il en résulte que Monsieur [F], qui ne communique aucun élément concernant sa rémunération, ne présente pas de garantie de remboursement en cas d’infirmation du jugement.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’exécution du jugement serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour la SAS ADP Courtage Plus.


 

COUR D’APPEL

DE NANCY

1ère chambre civile

N° RG 22/01661 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FANB

Appel d’une décision rendue par le tribunal judiciaire de NANCY en date du 24 juin 2022 – RG 15/01616

Ordonnance n° /2023

du 10 Mai 2023

O R D O N N A N C E D’ I N C I D E N T

Nous, Jean-Louis FIRON, magistrat chargé de la mise en état de la 1ère chambre civile à la cour d’appel de NANCY, assisté de Céline PERRIN, greffier, lors de l’audience de cabinet du 5 avril 2023,

Vu l’affaire en instance d’appel inscrite au répertoire général sous le N° RG 22/01661 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FANB,

APPELANTES

Association APPUIS, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié [Adresse 2]

Représentée par Me Michaël DECORNY de la SCP MOUKHA DECORNY, avocat au barreau de NANCY

S.A.S. ADP COURTAGE PLUS, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Michaël DECORNY de la SCP MOUKHA DECORNY, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ

Monsieur [H] [F]

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Rui Manuel PEREIRA de la SCP TERTIO AVOCATS, substitué par Me Anne-Laure TAESCH, avocats au barreau de NANCY

Avons, à l’audience de cabinet du 5 avril 2023, mis l’affaire en délibéré pour l’ordonnance être rendue le 10 Mai 2023 ;

Et ce jour, 10 Mai 2023, assisté de Céline PERRIN, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– condamné la SARL ADP Courtage Plus à payer à Monsieur [H] [F] la somme de 65925 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon des droits d’auteur de Monsieur [F] sur le logiciel Tarificateur dont il est le créateur,

– ordonné la suppression du logiciel contrefait des équipements informatiques (serveurs, site internet) de la SARL ADP Courtage Plus, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision,

– condamné in solidum la SARL ADP Courtage Plus et l’association Appuis à payer à Monsieur [F] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné in solidum la SARL ADP Courtage Plus et l’association Appuis aux dépens qui comprendront les frais de la saisie-contrefaçon réalisée le 30 mars 2015.

Dans ses motifs, le tribunal a notamment considéré que le logiciel Tarificateur est, en raison de son originalité, une ‘uvre de l’esprit dont Monsieur [F] est l’unique auteur, et que son utilisation, en l’absence d’autorisation de ce dernier, constitue un acte de contrefaçon.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 18 juillet 2022, l’association Appuis et la SARL ADP Courtage Plus ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions d’incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 13 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [F] demande au conseiller de la mise en état, sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, de :

– radier du rôle de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Nancy l’affaire enrôlée sous le n° RG 22/01661 pour défaut d’exécution par les appelantes du jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy,

– condamner solidairement la SARL ADP Courtage Plus et l’association Appuis aux dépens et à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [F] fait valoir que la SARL ADP Courtage Plus et l’association Appuis ne se sont pas acquittées des sommes mises à leur charge par le juge de première instance. Il expose que la décision de première instance est assortie de l’exécution provisoire, qu’elle a été signifiée à la SARL ADP Courtage Plus et à l’association Appuis, qu’il a sollicité en vain le règlement spontané des sommes mises à la charge des appelantes.

Par conclusions d’incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 7 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS ADP Courtage Plus et l’association Appuis demandent au conseiller de la mise en état, sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, de :

– débouter Monsieur [F] de sa demande de radiation du rôle de la première chambre civile de la cour d’appel de Nancy de l’affaire enrôlée sous le RG n°22/0166,

– condamner Monsieur [F] à leur verser une somme de 2000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS ADP Courtage Plus et l’association Appuis font valoir qu’il ressort des différentes pièces produites que Monsieur [F] se présente comme étant gérant d’une société Agoraweb qui n’existe pas, et comme chercheur universitaire alors qu’il est seulement étudiant. Elles s’inquiètent de la faculté de remboursement des fonds par Monsieur [F] si elles lui versaient la somme de 70000 euros. Elles soutiennent que l’impossibilité pour Monsieur [F] de rembourser les sommes qui sont dues au titre de l’exécution provisoire peut constituer une conséquence manifestement excessive.

Par conclusions d’incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 2 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [F] maintient ses demandes et sollicite en outre que la SAS ADP Courtage Plus et l’association Appuis soient déboutées de l’ensemble de leurs demandes.

Il fait valoir que l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée n’est possible que si le demandeur à l’arrêt rapporte la preuve que l’exécution provisoire risque d’entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives et que cette démonstration ne peut se fonder sur une prétendue insolvabilité du créancier et le risque de non-remboursement des sommes dues. En outre, il soutient que la SAS Courtage Plus et l’association Appuis ne démontrent pas davantage l’existence de conséquences manifestement excessives au regard de leurs propres facultés de paiement d’une part, et ne démontrent pas non plus quelles seraient les conséquences irrémédiables et disproportionnées qu’elles seraient susceptibles de subir en cas de non-remboursement d’autre part. Il fait valoir que la SAS Courtage Plus et l’association Appuis sont opaques quant à leurs situations financières. À titre très subsidiaire, il observe qu’elles ne proposent pas d’effectuer un versement partiel, ni la consignation des sommes dues.

Par conclusions d’incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 24 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS ADP Courtage Plus et l’association Appuis maintiennent leurs demandes.

Elles font notamment valoir que l’existence de conséquences manifestement excessives est démontrée par une attestation comptable qui confirme que la SAS ADP Courtage Plus se retrouverait en état de cessation des paiements si elle devait s’acquitter de la condamnation.

À l’audience d’incidents du 5 avril 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 10 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 524 du code de procédure civile, premier alinéa, dispose : ‘Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision’.

En l’espèce, il est tout d’abord rappelé que seule la SAS ADP Courtage Plus, et non l’association Appuis, a été condamnée à payer la somme de 65925 euros par le jugement du 24 juin 2022. Il est constant que la SARL ADP Courtage Plus n’a pas réglé cette somme à Monsieur [F].

Mais d’une part, il résulte d’une attestation en date du 9 mars 2023 établie par Madame [J] [X], expert-comptable, que compte tenu des créances exigibles et liquides de la SARL ADP Courtage Plus et de sa trésorerie (182079 euros à fin février 2023) et des dettes exigibles (177000 euros hors sommes en litige), le paiement de la somme de 65925 euros à Monsieur [F] placerait la SARL ADP Courtage Plus en état de cessation des paiements.

Il s’en déduit qu’une consignation de cette somme n’est pas davantage envisageable et qu’un paiement partiel serait également de nature à mettre la SAS ADP Courtage Plus en situation difficile.

D’autre part, outre la situation du débiteur, il doit également être tenu compte des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée par la cour statuant au fond. Or, Monsieur [F] indique avoir été gérant d’une société jusqu’au 18 novembre 2022, date à laquelle il a demandé la fermeture de cet établissement. Il expose avoir désormais un statut de jeune chercheur et être rémunéré. Cependant, il n’indique nullement le montant de sa rémunération et ne produit aucune pièce (ni contrat, ni bulletin de paie, ni avis d’imposition) pour en justifier. Il en résulte que Monsieur [F], qui ne communique aucun élément concernant sa rémunération, ne présente pas de garantie de remboursement en cas d’infirmation du jugement.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’exécution du jugement serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour la SAS ADP Courtage Plus et il n’y a pas lieu d’ordonner la radiation de l’affaire.

Les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale et l’équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Jean-Louis FIRON, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et non susceptible de recours,

Déboutons Monsieur [H] [F] de sa demande de radiation de l’affaire enrôlée sous le n° RG 22/01661 ;

Déboutons les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale ;

Renvoyons l’affaire à la mise en état du 1er juin 2023.

Et avons signé la présente ordonnance ainsi que le greffier.

Signé : C. PERRIN Signé : J.-L. FIRON

Minute en cinq pages.

 


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