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Droit moral : décision du 11 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 20/10449

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Droit moral : décision du 11 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 20/10449

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/03 DU 11 Janvier 2024

Enrôlement : N° RG 20/10449 – N° Portalis DBW3-W-B7E-YDVF

AFFAIRE : S.A.R.L. ARCHITECTURE [F] [L] ET ASSOCIES( la SELARL ANDRE – DESCOSSE)
C/ S.C.I. SCCV LA CASCADE (la SARL ATORI AVOCATS)

DÉBATS : A l’audience Publique du 26 Octobre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Janvier 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

S.A.R.L. ARCHITECTURE [F] [L] ET ASSOCIES, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 388 908 014, prise en la personne de ses gérants dûment habilités pour les présentes et ses suites, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Olivier DESCOSSE de la SELARL ANDRE-DESCOSSE, avocats au barreau de MARSEILLE

CONTRE

DEFENDERESSES

S.C.I. SCCV LA CASCADE, inscrite au RCS de MARSEILLE sous le numéro 843 803 636, prise en la personne de son gérant dûment habitlié pour les présentes et ses suites, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Pierre emmanuel PLANCHON de la SARL ATORI AVOCATS,avocats postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Julie FAY de la SELARL CLAIRANCE AVOCATS, avocats plaidant au barreau de PARIS

S.A.S. [K] & [Y] ARCHITECTES ASSOCIES, inscrite au RCS de SALON DE PROVENCE sous le numéro 314 292 848, prise en la personne de son président dûment habilité pour les présentes et ses suites, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Benjamin BAIL de la SELARL DRAI ASSOCIES, avocats postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Rémi-Pierre DRAI de la SELARL DRAI ASSOCIES, avocats plaidant au barreau de PARIS

S.A.S. GCC IMMOBILIER, inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 441 580 594, prise en la personne de son gérant dûment habilité pour les présentes et ses suites, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Pierre emmanuel PLANCHON de la SARL ATORI AVOCATS, avocats postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Julie FAY de la SELARL CLAIRANCE AVOCATS, avocats plaidant au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE :

En octobre 2016, la Ville de [Localité 7] a lancé une consultation selon une procédure de dialogue compétitif pour la cession d’un îlot dénommé « La Cascade », situé [Adresse 5], en vue de la réalisation d’un programme immobilier mixte comprenant la réalisation d’un équipement public « espace cinéma ».

11 groupements se sont portés candidats et en particulier :
– le groupement notamment constitué des promoteurs PITCH PROMOTION et IMESTA et des architectes de la société [F] [L] & ASSOCIES,
– le groupement notamment constitué des promoteurs GCC IMMOBILIER et CIM et des architectes de la société [K] & [Y] ARCHITECTES ASSOCIES (ci-après la société [K] [Y]).

A l’issue de cette procédure, l’offre du groupement représenté par le promoteur GCC IMMOBILIER et donc le projet de la SAS [K] [Y], devenue depuis SAS LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES ont été retenus, et la commune de [Localité 7] l’en a informé en janvier 2017.

Les travaux ont débuté sous l’égide de la SCCV la Cascade et de GCC CONSTRUCTION. L’inauguration a eu lieu le 15 octobre 2021.

***

Considérant que son projet architectural élaboré en 2015, comprenant tant des habitations, que des commerces et un espace culturel, non sélectionné avait été contrefait, la SARL d’architecture [F] [L] ET ASSOCIES a, suivant exploits en date des 03, 04 et 06 novembre 2020, assigné la SCCV LA CASCADE, la SAS [K] [Y] et la SAS GCC IMMOBILIER aux fins de :
A TITRE PRINCIPAL :
– DIRE ET JUGER que l’œuvre réalisée par la SARL [F] [L] dans le cadre de l’appel à projet formulé par la Ville de [Localité 7] pour la construction de l’ensemble immobilier LA CASCADE est protégée au titre du droit d’auteur ;
– DIRE ET JUGER que la société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur portant sur ce même projet, en reprenant l’ensemble des éléments essentiels créés par la SARL [F] [L], afin de réaliser le même ensemble immobilier LA CASCADE ;
En conséquence :
– CONDAMNER les défenderesses à lui payer in solidum la somme de 62.627 € en réparation de son préjudice économique ;
– CONDAMNER les défenderesses à lui payer in solidum la somme de 70.000 € en réparation de son préjudice moral ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– DIRE ET JUGER que la société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
En conséquence :
– CONDAMNER les défenderesses à lui payer in solidum la somme de 62.627 € en réparation du préjudice économique subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
– les CONDAMNER à lui payer in solidum la somme de 70.000 € en réparation de son préjudice moral ;
-EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– FAIRE INTERDICTION aux défenderesses de continuer les actes de contrefaçon précités, et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, 8 jours après la signification du jugement à intervenir ;

– ORDONNER aux frais de la société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE et sous contrôle d’huissier, la destruction de tout élément contrefaisant I’œuvre de la SARL [F] [L] dans le cadre de la construction de l’ensemble immobilier LA CASCADE sur la Commune de [Localité 7], et cela sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, 15 jours après la signification du jugement à intervenir ;
– CONDAMNER les défenderesses à préciser sur l’ensemble de leurs supports de communication concernant cet ensemble immobilier que celui-ci a été créé par la SARL [F] [L] et ce sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée ;
– ORDONNER la publication dans deux journaux quotidiens régionaux, dont la Provence, et sur leurs sites internet en première page et en caractères apparents pendant deux mois et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir, le communiqué sous l’intitulé suivant « publication judiciaire ›› faisant état du jugement :
« Par jugement en date du… le Tribunal de Grande Instance de Marseille a condamné la société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER ainsi que la SCCV LA CASCADE, pour avoir contrefait l’oeuvre de la SARL [F] [L] concernant le projet immobilier LA CASCADE, implanté sur la ville de Martigues et à lui verser les sommes s’élevant à… euros en réparation des préjudices subis du fait de ces actes de contrefaçon ›› ;
– CONDAMNER tout succombant à verser chacun à la demanderesse la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER tout succombant aux dépens de la présente instance et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.

Par ordonnance en date du 11 octobre 2021, le juge chargé de la mise en état a rejeté la demande d’annulation de l’assignation sollicitée par les défenderesses aux motifs suivants :
« (…) l’assignation contient des éléments de nature à éclairer les défendeurs sur l’œuvre dont la protection est réclamée en ce qui concerne l’aspect et la forme de la façade du bâtiment donnant sur le [Adresse 5] et le boulevard Mongin, marquée par l’horizontalité et l’ondulation. Les actes constitutifs de contrefaçon sont déterminés par l’assignation s’agissant de la proposition de plans reprenant les caractéristiques de la façade du bâtiment qui aurait été élaborée par la société [F] & [L] et de la construction effective d’un bâtiment adoptant cette façade.
Par ailleurs, la demanderesse principale fait état de la violation de son droit de reproduction et de représentation sur le projet qui aurait été utilisé par la société [K] & [Y] ARCHITECTES et le maître d’ouvrage sans son consentement et d’une atteinte au droit à la paternité dans la mesure où elle n’est pas citée comme auteur de la façade. Ces éléments sont suffisants au stade de la mise en état pour que l’assignation remplissent les conditions posées par l’article 56 du code de procédure civile.
Elle sera donc validée et il appartiendra au juge du fond d’apprécier les mérites des motifs énumérés à l’appui de la demande de condamnation. »

Dans le cadre d’un nouvel incident, les sociétés GCC IMMOBILIER, SCCV LA CASCADE et [K]-[Y] ont demandé au Juge de la Mise en Etat de déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action intentée par la Société [F] [L] sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur, et à titre subsidiaire de la déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir sur le fondement du droit moral et pour former des demandes au titre d’un préjudice moral.

Par ordonnance en date du 07 février 2022, le juge chargé de la mise en état a déclaré « irrecevable la SARL D’ARCHITECTURE [F] [L] et ASSOCIES à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur une œuvre collective constituée par des plans, études et croquis relativement au projet d’aménagement de l’îlot de la Cascade à [Localité 7] ;
Rejetons l’exception d’irrecevabilité de l’action en concurrence déloyale de la SARL
D’ARCHITECTURE [F] [L] et ASSOCIES ;
Condamnons la SARL D’ARCHITECTURE [F] [L] et ASSOCIES à verser à la SCCV LA CASCADE et à la SAS GCC IMMOBILIER ensemble la somme de deux mille euros (2000 euros) au titre des frais irrépétibles de procédure ;
Rejetons les demandes au titre des frais irrépétibles de procédure de la SARL D’ARCHITECTURE [F] [L] et ASSOCIES et de la société [K] & [Y] ARCHITECTES ASSOCIES ;
Condamnons la SARL D’ARCHITECTURE [F] [L] et ASSOCIES aux dépens de l’incident ;
Renvoyons la cause et les parties à l’audience de mise en état (…) aux fins que la procédure se poursuive sur l’action en concurrence déloyale. »

La SARL [F] [L] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt en date du 12 janvier 2023, la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a confirmé la décision déférée en ce qu’elle a déclaré la SARL [F] [L] irrecevable en son action en contrefaçon. La cour a estimé que la divulgation du projet LA CASCADE n’avait pas été faite par la demanderesse, mais par le promoteur du projet, la Société PITCH PROMOTION. La cour a également confirmé la décision rendue en ce qu’elle a déclaré la SARL [F] [L] recevable en son action en concurrence déloyale et parasitisme.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 22 juin 2023, la SARL [F] [L] ET ASSOCIES demande au tribunal de :
– RECONNAITRE la société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE coupables d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son encontre ;
– CONDAMNER les défenderesses à payer lui in solidum la somme de 62.627 € en réparation de son préjudice économique ;
– CONDAMNER les défenderesses à lui payer in solidum la somme de 70.000 € en réparation de son préjudice moral ;
– FAIRE INTERDICTION aux défenderesses de continuer les actes de concurrence déloyale et de parasitisme précités, et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, 8 jours après la signification du jugement à intervenir ;
– ORDONNER aux frais de la Société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE et sous contrôle d’huissier, de faire procéder à la destruction de tout élément copiant les plans, croquis et projets que la SARL [F] [L] a créé pour le projet immobilier LA CASCADE, et cela sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, 15 jours après la signification du jugement à intervenir ;
– CONDAMNER les défenderesses à préciser sur l’ensemble de leurs supports de communication concernant cet ensemble immobilier que celui-ci a été créé par la SARL [F] [L] et ce sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée ;
– ORDONNER la publication dans deux journaux quotidien régionaux, dont la Provence, et sur leurs sites internet en première page et en caractères apparents pendant deux mois et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir, le communiqué sous l’intitulé suivant « publication judiciaire » faisant état du jugement :
« Par jugement en date du …, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a condamné la société [K] [Y], la GCC IMMOBILIER ainsi que la SCCV LA CASCADE, pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la SARL [F] [L] concernant le projet immobilier LA CASCADE, implanté sur la ville de Martigues et à lui verser les sommes s’élevant à… euros en réparation des préjudices subi du fait de ces actes de concurrence déloyale et de parasitisme »,
– CONDAMNER tout succombant à verser chacun à la demanderesse la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER tout succombant aux dépens de la présente instance et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir qu’elle a été sollicitée au mois de mai 2015 par la Société PITCH PROMOTION, sur demande de la SEMIVIM (société d’économie mixte de la mairie de [Localité 7]), aux côtés d’autres sociétés d’architectures aux fins d’effectuer une étude de capacité sur le site du terrain de la Cascade à [Localité 7] ; que des premiers plans et esquisses du projet ont été rendus dès le mois de mai 2015, ainsi que par la Société TANGRAM ARCHITECTES et la Société MAP ; que ce travail créateur tout à fait distinctif lui a permis d’être lauréate du projet, la SEMIVIM (Société d’Économie Mixte Immobilière de la Ville de [Localité 7]) ayant par ailleurs modifié ses objectifs de programmation pour les faire concorder avec les projets soumis par la SARL d’Architecture [F] [L] ; que ce projet a finalement été abandonné et ce, malgré la tenue de diverses réunions, dont une dernière en date du 12 juillet 2016, ainsi que la réalisation d’études de faisabilité auxquelles elle avait concouru avec les divers acteurs du projet immobilier ; qu’un concours ayant trait à ce même projet a été lancé par la Mairie de [Localité 7] le 3 octobre 2016 ; que le projet a été attribué à la société [K] [Y] en qualité de maître d’œuvre, avec comme maitre d’ouvrage la société GCC IMMOBILIER qui a partiellement transféré par la suite ce projet à la SCCV LA CASCADE ; que suite à une parution dans le journal « la Provence Immobilier » en date du 27 juin 2019, elle s’est rendue compte que le projet que la société [K] [Y] avait élaboré pour le compte de GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE était en tout point identique au projet qu’elle avait conçu en 2015, et cela en totale violation de ses droits ; qu’elle s’est rendue en mairie de [Localité 7] pour consulter le dossier du permis de construire, son analyse confirmant que les différents documents élaborés par la société [K] [Y] (esquisses, APS, APD, …) constituaient la copie de l’œuvre architecturale originale qu’elle avait réalisée ;
Elle soutient que son projet architectural est bien une création réalisée par elle, qui a mobilisé divers intervenants, avec des approches complémentaires au sein d’une équipe de conception dirigée par Monsieur [L] et d’importants moyens financiers et humains afin de créer les plans, croquis et dessins formant le projet immobilier LA CASCADE.
Elle soutient que la courbure du bâtiment, la forme de sa façade ainsi que les couleurs choisies sont identiques ; que la disposition de la surface commerciale en rez de chaussée est similaire ; que l’organisation fonctionnelle du projet de la société [K] [Y] est strictement identique à celle qu’elle avait développée ; que trois salles de cinéma de jauge quasiment identique et implantées de la même façon que sur son projet ont été réalisés par la société [K] [Y], alors même qu’aucune contrainte ni obligation ne lui avait été imposée ; qu’une position axiale de l’accès sous forme d’une grande rue accompagnée de courbure à gauche et à droite des commerces et brasseries situés de part et d’autre de l’entrée est identique au formalisme et à l’implantation qu’elle avait imaginés et conçus ; que deux cages d’escaliers réalisées de part et d’autre de la construction distribuant des logements dans les étages, autour de patios centraux sont identiques à son projet et aux esquisses qu’elles avait réalisés ; que la rampe d’accès parking implantée le long de la limite en mitoyenneté ouest est strictement identique dans son fonctionnement ; que la toiture présente également les mêmes aspects élémentaires, avec des ouvertures aux mêmes endroits, et une volonté de végétaliser l’espace ; que les illustrations produites par la société [K] [Y] sont elles aussi également totalement identiques en termes de cadrage et de point de vue aux siennes.
Elle soutient que la concurrence déloyale et le parasitisme sont d’autant plus patents qu’il ne s’agit en rien d’une construction en série mais d’une réalisation unique créée spécifiquement pour ce projet et qui s’adapte tout particulièrement à l’environnement urbain voisin ; qu’en tant qu’architecte professionnel, la société [K] [Y] aurait dû vérifier qu’un confrère n’avait pas déjà réalisé l’œuvre et refuser de la reproduire ; que la GCC IMMOBILIER et la SCCV LA CASCADE en leur qualité de maîtres d’ouvrage se sont appropriées son travail et ont permis que soient repris tant les croquis et plans que les études de faisabilité et l’implantation du bâtiment dans son environnement ; qu’elles se sont rendues coupables de parasitisme, et ce d’autant plus qu’elles ne pouvaient ignorer le travail réalisé par la SARL [F] [L]; que les défenderesses ont intentionnellement copié son travail.

Elle indique que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 janvier 2020 réitéré le 12 juin 2020, adressé par son Conseil, elle les a mis en demeure de cesser leurs agissements sous quinzaine à réception dudit courrier, et leur a demandé également des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi ; que la SAS [K] [Y], et les Sociétés GCC IMMOBILIER et SCCV LA CASCADE n’ont pas cru devoir déférer à ses mises en demeure.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 02 octobre 2023, la société GCC IMMOBILIER et la société LA CASCADE demandent au tribunal de :
– DEBOUTER la société [F] [L] de l’ensemble de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale,
– CONDAMNER la société [F] [L] à leur régler à chacune la somme de 7 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNER la société [F] [L] aux entiers dépens,
Sur l’exécution provisoire
– JUGER, dans l’hypothèse où une quelconque condamnation serait prononcée, que l’exécution provisoire est incompatible avec la nature de l’affaire,
– ECARTER l’exécution provisoire de droit.

Elles font valoir qu’en réponse aux mises en demeure de la SARL [F] [L] ET ASSOCIES, elles ont répondu par courrier officiel du 17 avril 2020 qu’elles contestaient vivement avoir copié de quelconques plans et en particulier des plans qu’elle aurait établis et dont elles n’avaient jamais eu connaissance ; que l’action en concurrence déloyale suppose la démonstration d’une faute qui n’est pas établie en l’espèce.
Elles soutiennent que la SARL [F] [L] ET ASSOCIES ne rapporte pas de façon certaine la preuve de la date de la création qu’elle revendique ; qu’il est faux de prétendre qu’elle aurait eu toute liberté dans la conception de son projet ; qu’en réalité, la commune de [Localité 7] avait élaboré le programme technique détaillé objet de la consultation, sur la base d’une précédente étude urbaine et architecturale confiée en 2012 au groupement « Agir en ville & Elan développement » ; que cette étude faisait ressortir trois scénarii intitulés : la façade, la cour et le jardin illustrés par des coupes et des vues, et prévoyait déjà l’implantation de logements, de commerces et d’une salle de cinéma ; que les deux projets sont très différents ; que l’on observe une courbure étroite du bâtiment épousant la forme du platane dans le projet [F] [L], le projet [K] [Y] prévoyant quant à lui un large décrochage du bâtiment permettant d’accueillir un écran plat géant ; que l’organisation des ouvertures des fenêtres est par ailleurs bien différente dans les deux projets ; que s’agissant de l’organisation fonctionnelle du bâtiment, la forme du bâtiment et ses contours sont nécessairement déterminés par l’emprise foncière cédée par la Ville de [Localité 7] dans le cadre de ce projet ; que les salles de cinéma de jauges différentes sont implantées différemment dans les deux projets ainsi que l’organisation de leurs accès ; que la «grande rue » arborée présentée par le projet [F] [L] et sur laquelle s’ouvre les grandes trémies du bâtiment, ne se retrouve pas dans le projet [K] [Y] qui présente quant à lui un parvis d’accueil plus restreint et donnant accès à un espace fermé de coworking / billetterie cinéma / Cinémathèque / espace pédagogique – jeunesse ; que le projet [F] [L] prévoit non pas deux cages d’escalier d’accès aux logements mais 3 cages et halls d’escalier, les cages d’escalier du projet [K] [Y] n’étant pas positionnées à l’identique et leurs cheminements d’accès étant différents ; que par ailleurs, le fait qu’une rampe de parking soit positionnée en limite de propriété d’un bâtiment est parfaitement banal ; que la SARL [F] [L] ET ASSOCIES n’explicite nullement en quoi le fonctionnement de la rampe qu’elle a prévu serait particulier ; que les toitures sont totalement différentes.
Elles soutiennent que les demandes indemnitaires sont totalement fantaisistes et injustifiées.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par RPVA le 02 octobre 2023, la SAS LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES demande au tribunal de :
A titre principal,
– JUGER que la SARL [F] [L] ET ASSOCIES n’invoque aucun fait distinct au soutien de son action en concurrence déloyale et de parasitisme que ceux précédemment évoqués au soutien de son action sur le fondement de la contrefaçon,
– JUGER que la SAS LLA n’a pas commis acte de concurrence déloyale et de parasitisme,
– DEBOUTER la SARL [F] [L] ET ASSOCIES de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– JUGER que les préjudices invoqués par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES ne sont pas caractérisés,
– RAPPORTER les dommages et intérêts demandés par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES à de plus justes proportions,
– JUGER que les demandes d’interdiction, de destruction et publication ne sont pas applicables dans le cadre d’une action sur le fondement de la concurrence déloyale,
et, en conséquence :
– DEBOUTER la SARL [F] [L] ET ASSOCIES du surplus de ses demandes,
En tout état de cause,
– ECARTER l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– CONDAMNER la SARL [F] [L] ET ASSOCIES à lui verser la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la CONDAMNER aux entiers dépens.

Elle fait valoir que lors d’un oral de présentation en date du 10 juillet 2017, elle a présenté son projet immobilier définitif modifié selon les remarques formulées par le Maire de la commune de [Localité 7] ; que son projet final est très différent de celui proposé initialement ; que son offre définitive, intégrant les remarques de l’Architecte des bâtiments de France (ci-après ABF) a été déposée le 7 septembre 2017 ; que ce projet a été validé par la commune en décembre 2017 ; que La SARL [F] [L] ET ASSOCIES soutient quant à elle qu’elle aurait imaginé son projet « sans aucune contrainte ni indication particulière », alors qu’en réalité, dès 2012, la commune de [Localité 7] avait confié une étude urbaine et architecturale au groupement « Agir en ville & Elan développement », qui avait envisagé trois scénarii intitulés : la façade, la cour et le jardin ; que cette étude prévoyait déjà l’implantation de logements, de commerces et d’une salle de cinéma ; que des plans, vues et coupes étaient également communiqués pour présenter les trois scénarii ; que la SARL [F] [L] ET ASSOCIES était donc nécessairement soumise à cette étude préalable, bien antérieure à son propre projet de 2015 ; que grâce à cette étude, la commune de [Localité 7] a élaboré un programme technique détaillé de plus de 40 pages dans lequel elle se référait expressément au travail du groupement « Agir en ville & Elan développement » et plus précisément au scénario de la cour ; que la commune de [Localité 7] insérait dans ce programme un tableau des surfaces utiles qui prévoyait de réaliser des logements (sociaux et en accession), 550 m² d’espace commercial et 850 m² d’espace cinéma ; que la commune de [Localité 7] prévoyait également que « la forme urbaine envisagée présente des gabarits similaires aux immeubles mitoyens, une façade continue et une rue intérieure piétonne pour desservir le cœur de l’îlot. La conception du projet devra également intégrer la présence d’un platane remarquable et le positionnement d’un parvis pour mettre en scène ce nouveau bâtiment. L’accès véhicules devra se positionner sur le boulevard Mongin. » ; que dès lors, la SARL [F] [L] ET ASSOCIES ne peut sérieusement affirmer que son œuvre est originale en raison de l’absence de programme fourni par la mairie ; que les projets ont beaucoup évolué au fil du temps et ont subi beaucoup de modifications.
Elle précise qu’elle a dû se conformer à de nombreuses prescriptions du PLU applicable dans la commune de [Localité 7], notamment en ce qui concerne la préservation du platane et l’emplacement des places de stationnement ; qu’elle ne s’est pas rendue coupable de copie d’une œuvre originale n’ayant pas eu d’accès préalable au projet établi par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES qui n’avait aucun caractère public ; qu’il est dès lors impossible de caractériser une prétendue concurrence déloyale; que la plupart des éléments dont la SARL POISSIONNIER [L] relève la similitude ont été imposés par la commune de [Localité 7] et ne présentent aucune originalité ; que les nombreuses modifications apportées à son propre projet ont portées sur :
➢ La suppression de la liaison brasserie / cinéma,
➢ La suppression des volets bois,
➢ L’arrondissement de la structure des angles,
➢ La mise en place d’un écran de 20 m²,
➢ L’absence d’ossature pour l’habillage verre en façade,
➢ L’ajout de verre en retour des logements,
➢ La continuation de la vitrine du commerce sur Mongin,
➢ La mise en place d’un autre ascenseur ainsi que d’autres parkings,
➢ Un traitement différent des façades des commerces.
Elle considère dès lors que le projet était arrêté dans son esthétique par la Commune de [Localité 7] ; que le programme technique détaillé imposait à tous les candidats le respect de certaines exigences relatives à la façade et qui ne sont donc pas protégées ; que la forme de la façade répond à des contraintes techniques ; que la couleur et la forme de la façade n’ont aucune originalité, pas plus que la présence de commerces en rez de chaussée ou la préservation du platane ; que la forme de la construction a simplement respecté l’emprise foncière de l’ilot de la Cascade ; qu’elle s’est attachée à mettre en valeur le scénario « la Cour » du programme Agir en ville en créant une façade continue sur le boulevard ainsi qu’un accès sous le bâtiment menant à un patio, ce qui ne constitue pas un élément protégé susceptible de fonder une action en concurrence déloyale ; que la position des trois salles découle des contraintes d’accessibilité, de topographie du terrain, de prospect, de servitude de cours communes et des nombreuses demandes de la ville survenues tout au long du programme ; que la réalisation de ces salles de cinéma n’a donc rien d’original ; qu’il en est de même s’agissant de la position axiale de l’accès sous forme de grande rue accompagnée d’une courbure à droite et à gauche des commerces et brasseries ; que les escaliers ont un positionnement différent ; que s’agissant de la rampe de parking, elle répond aux contraintes imposées par le PLU ; que s’agissant de la toiture, les dissemblances sont flagrantes.
Elle soutient que la demanderesse n’a subi aucun préjudice financier ; qu’elle ne pouvait ignorer que sa candidature était soumise à un aléa financier ; que la SARL [F] [L] ET ASSOCIES n’a pas été retenue pour accéder à la phase de dialogue compétitif avec les trois premiers candidats et n’a donc jamais eu vocation à être indemnisée pour ses études et projets ; qu’elle n’a jamais dépassé la phase concours et n’a donc produit aucune esquisse, ce qui implique qu’elle était infondée à prétendre à une quelconque indemnisation dans le cadre de ce concours ; que le projet évoqué par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES et sur lequel cette dernière se fonde pour solliciter une indemnisation correspond en réalité au projet qu’elle avait élaboré avec PITCH PROMOTION en 2015 et non au concours de 2016 évoqué dans le cadre de la présente instance ; qu’elle ne justifie d’aucun préjudice moral et doit en conséquence être déboutée de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 09 octobre 2023 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience collégiale du 26 octobre 2023.

MOTIFS :

Sur les demandes principales :

En application de l’article 1240 du Code civil, l’action en concurrence déloyale qui se définit comme tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, implique non seulement l’existence d’une faute, mais aussi celle d’un préjudice souffert par le demandeur.
L’article L.121-1 du code de la consommation dispose qu’une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
Une telle pratique est interdite.
Cette action peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif. Il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droits privatifs ; l’originalité d’un produit n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale à raison de sa copie, cette circonstance n’étant que l’un des facteurs possibles de l’appréciation de l’existence d’une faute par création d’un risque de confusion.
Le parasitisme consiste pour une entreprise à profiter des réalisations, de la notoriété, et d’une façon générale, des investissements réalisés par une autre entreprise sans bourse délier. C’est le fait de tirer profit de façon injuste de la réussite d’une autre entreprise ; il se définit comme un ensemble de comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Les agissements parasitaires d’une société peuvent être constitutifs d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, même en l’absence de toute situation de concurrence.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la SARL [F] [L] ET ASSOCIES a présenté un projet d’aménagement du terrain de La Cascade à [Localité 7] à la société PITCH PROMOTION sur la période du mois de mai à octobre 2015 à la demande de la société d’économie mixte de la mairie de [Localité 7] SEMIVIM.

Le projet qu’elle verse aux débats (pièces N°21 et 22) à l’en-tête de [F]-[L] n’est pas daté.

Les plans et croquis annexés au mail de la SEMIVIM du 15 octobre 2015 (pièce N°3) contenant description du projet « ILOT DE LA CASCADE 2-CONCOURS D’ARCHITECTURE modifié le jeudi 15 octobre 2015 » par la société PITCH PROMOTION ne sont ni signés ni datés et sont annexés au projet d’ensemble élaboré sous l’égide de la société PITCH PROMOTION.

Il est donc impossible de savoir à quelle date ont été réalisés le projet, les croquis et plans communiqués dans le cadre de la présente procédure par la demanderesse et, dans l’hypothèse où ils auraient été réalisés en 2015, s’ils correspondent précisément à ceux qui ont été présentés par la suite dans le cadre de l’appel d’offres lancé par la Ville de [Localité 7] en 2016.

En effet, dans le cadre de l’appel à candidature lancée par la Ville de [Localité 7], publié le 06 octobre 2016, en vue de la réalisation du programme immobilier mixte (commerces et habitations) et de travaux de construction d’un équipement public (espace cinéma) [Adresse 5] à [Localité 7], la société PITCH PROMOTION a présenté une offre le 7 novembre 2016 stipulant qu’elle avait fait le choix de confier la réalisation architecturale de son projet au cabinet d’architecture [L]-[F].

Or, ni projet, ni plan, ni croquis datant de l’année 2016 établi par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES n’est communiqué.

En outre, le Règlement de la consultation stipulait que le dossier de consultation des entreprises contenait notamment un programme technique détaillé, et une étude de faisabilité du cabinet « AGIR EN VILLE » datant de l’année 2012.

Cette étude de faisabilité a donc nécessairement été portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, dont le groupement PITCH IMMOBILIER dont faisait partie la SARL [F] [L] ET ASSOCIES.

Or, l’étude urbaine et architecturale définie par le groupement AGIR EN VILLE & ELAN DEVELOPPEMENT (pièce N°11 de la société LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES) donnait une idée assez précise du projet dans son ensemble tel qu’il a finalement été conçu avec la définition d’un espace piéton du cours offrant un espace public de la forme d’une cour, l’accès au jardin public en fond de cour par un escalier visible, un lieu abritant des usages publics et privés. Le parvis était défini comme un élément central, un lieu de rencontre entre activités publiques et privées, un lieu de passage et d’animation autour du platane existant ; il était envisagé une façade continue sur le cours avec de belles devantures de commerces sur deux étages, une salle polyvalente facilement accessible au public avec restaurant et terrasse sur le cours ; Il était mentionné deux entités avec un bâtiment boulevard Mongin et un bâtiment donnant sur le cours. L’espace libre entre les deux constructions devait permettre l’accès au jardin public ; l’immeuble côté Mongin devait être destiné principalement à l’habitat avec des commerces en rez-de-chaussée, celui côté cour était destiné à un immeuble mixte avec une vocation marchande forte. L’espace autour du platane était clairement défini comme devant offrir un accès facile aux commerces et au hall d’accueil de l’équipement public et au jardin.

Le programme technique détaillé sur plus de 40 pages, visé expressément dans le Règlement de consultation se référait expressément au travail du groupement « Agir en ville & Elan développement » et plus précisément au scénario de la cour.
En page 22 de ce programme, la commune de [Localité 7] insérait un tableau des surfaces utiles qui prévoyait de réaliser des logements (sociaux et en accession), 550m² d’espace commercial et 850 m² d’espace cinéma.
En page 15, la commune de [Localité 7] prévoyait également que « la forme urbaine envisagée présente des gabarits similaires aux immeubles mitoyens, une façade continue et une rue intérieure piétonne pour desservir le cœur de l’îlot. La conception du projet devra également intégrer la présence d’un platane remarquable et le positionnement d’un parvis pour mettre en scène ce nouveau bâtiment. L’accès véhicules devra se positionner sur le boulevard Mongin. »

Le projet du groupement PITCH PROMOTION n’a pas été retenu, tel que cela ressort du procès-verbal du 13 janvier 2017 relatif aux choix des candidatures retenues au stade de la phase du dialogue compétitif sur la base des critères définis dans l’avis d’appel à la concurrence.

Ont seulement été retenues les trois candidatures des sociétés EQUILIS, LINKCITY SUD EST, et GCC INVESTISSEMENTS, ce dernier groupement comprenant le cabinet d’architecture [K]-[Y].

Le groupement GCC INVESTISSEMENTS et le cabinet d’architecture [K]-[Y] ont dès lors été contraints d’élaborer un projet devant intégrer, d’une part, les scenarii dénommés [Adresse 6] élaborés par le groupement AGIR EN VILLE & ELAN DEVELOPPEMENT le 19 septembre 2012 et, d’autre part, les contraintes fixées par la Commune de [Localité 7], outre les nombreuses prescriptions du PLU applicable à la commune de [Localité 7], notamment en ce qui concerne la préservation du platane et l’emplacement des places de stationnement.

En effet, outre les scenarii fixés par le groupement AGIR EN VILLE & ELAN DEVELOPPEMENT, la société LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES a dû, eu égard au programme technique détaillé établi par la Ville de [Localité 7] et à l’issue de réunions avec des acteurs de la Ville de [Localité 7] en date du 16 mai 2017, du 10 juillet 2017 et du 13 septembre 2017, modifier son projet initial sur le plan architectural, et notamment modifier les façades et « casser les angles », de sorte que les candidats retenus au stade de la phase du dialogue compétitif n’avaient pas, contrairement à ce qui est soutenu par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES dont la candidature n’a pas été retenue, une quelconque liberté de conception et de réalisation du projet ILOT LA CASCADE.

En outre, aucun élément du dossier ne permet de considérer que les défenderesses ont pu copier ou profiter de travaux préalables élaborés par la SARL [F] [L] ET ASSOCIES qui ne rapporte pas la preuve qu’elles en auraient eu connaissance au moment de la candidature du groupement GCC IMMOBILIER au concours organisé par la ville, ce projet n’ayant au demeurant aucun caractère public.

Enfin, le projet dont se prévaut la demanderesse était soumis aux mêmes règles et au même « cahier des charges » que ses concurrents, de sorte qu’elle n’a pas, à l’examen des plans et croquis qu’elle soutient avoir réalisés, créé une oeuvre architecturale originale susceptible d’être copiée par la société LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES.

Dès lors, à défaut de rapporter la preuve de la connaissance par la société LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES d’un projet original préalable dont elle serait l’auteur, et de rapporter la preuve d’une copie servile dudit projet, la SARL [F] [L] ET ASSOCIES ne justifie d’aucune faute de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale ou de concurrence parasitaire, contraire aux usages honnêtes.

En conséquence, la SARL [F] [L] ET ASSOCIES sera déboutée de ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

La société [F] [L] ET ASSOCIES, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de la condamner à payer à la société LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES, la société GCC IMMOBILIER et la société LA CASCADE la somme de 5 000€ chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DEBOUTE la société [F] [L] ET ASSOCIES de ses demandes ;

CONDAMNE la société [F] [L] ET ASSOCIES à payer à la société LLA ARCHITECTES ET ASSOCIES, la société GCC IMMOBILIER et la société LA CASCADE la somme de 5 000€ chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [F] [L] ET ASSOCIES aux entiers dépens.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 Janvier 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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