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Droit moral de l’Auteur : 6 avril 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00997

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Droit moral de l’Auteur : 6 avril 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00997

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 06 Avril 2023

N° RG 21/00997 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GWJ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBERTVILLE en date du 19 Mars 2021, RG 17/00912

Appelant

M. [E] [J]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]

Représenté par la SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocat au barreau d’ALBERTVILLE

Intimées

Commune de [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Anne-marie LAZZARIMA, avocat postulant au barreau D’ALBERTVILLE et la SELARL CAP – CONSEIL AFFAIRES PUBLIQUES, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

L’ASSOCIATION LES AMIS DE TOURMENTIER ET DES ESSARTS prise en la personne de son président domicilié es-qualités audit siège [Adresse 3]

Représentée par Me Jordan GOURMAND, avocat au barreau de CHAMBERY

S.A. PACIFICA, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocat au barreau de CHAMBERY

MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité [Adresse 2]

Représentée par Me Daniel ANXIONNAZ, avocat au barreau d’ALBERTVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 31 janvier 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

La commune de [Localité 8], assurée auprès de la SMACL, est propriétaire d’une chapelle dite de Tourmentier laquelle a été mise à la disposition de l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et au sein de laquelle est conservé un tableau religieux sculpté du XVIème siècle, classé comme monument historique selon arrêté ministériel du 31 octobre 2003.

En août 2011, Monsieur [J] a proposé de restaurer gracieusement cette ‘uvre laquelle lui a été confiée pour travaux par l’association des Amis de Tourmentier et des Essarts.

Au début de l’année 2013, et postérieurement aux travaux de restauration lesquels se sont achevés à une date indéterminée, le Conservatoire du Patrimoine a informé la commune d’un projet d’exposition sur l’art religieux en Savoie et a sollicité cette dernière pour un prêt de l”uvre. A cette occasion, la commune de [Localité 8] indique avoir découvert la restauration ainsi opérée sans information ni autorisation préalable. Un devis a alors été sollicité pour la remise en état de l”uvre.

Consécutivement, la SMACL a pris attache de la SA Pacifica (assureur de Monsieur [J]) et de la Maif (assureur de l’association) pour la prise en charge du coût de réfection de l”uvre.

Aucun accord amiable n’étant intervenu, la commune de [Localité 8] a alors fait assigner, par actes du 24 août 2017, Monsieur [J], l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, la Maif puis la SA Pacifica en vue d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal judiciaire d’Albertville a, entre autres dispositions :

– déclaré l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts ainsi que Monsieur [J] entièrement responsables des dégâts occasionnés sur la Vierge de pitié dite Vierge de Tourmentier appartenant à la commune de [Localité 8],

– mis hors de cause la Maif,

– dit que la police souscrite par Monsieur [J] auprès de la société Pacifica n’a pas vocation à être mobilisée,

– condamné in solidum l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [J] à indemniser la commune de [Localité 8] de l’intégralité du préjudice subi,

– condamné in solidum l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [J] à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 18 960 euros TTC à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,

– débouté Monsieur [J] et la société Pacifica de leur demande tendant à être relevés et garantis de toute condamnation par l’association et son assureur,

– condamné in solidum l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [J] à payer à la la commune de [Localité 8] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [J] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Lazzarima,

– rejeté le surplus des demandes.

Par acte du 8 mai 2021, Monsieur [J] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [J] demande à la cour de :

Sur la prescription,

– réformer le jugement en ce qu’il a déclaré l’action de la commune de [Localité 8] non-prescrite,

– statuant à nouveau, juger prescrite l’action et l’instance diligentées par la commune de [Localité 8] à son encontre,

À titre subsidiaire, sur la responsabilité,

– réformer le jugement en ce qu’il a retenu sa faute,

– statuant à nouveau, débouter la commune de [Localité 8] de toute demande présentée à son encontre,

À titre subsidiaire, sur le partage de responsabilité,

– juger que la commune de [Localité 8] a commis une faute qui est à l’origine du préjudice qu’elle prétend subir,

– juger que la commune de [Localité 8] devra supporter une part de responsabilité qui réduira son droit à indemnisation,

– juger que l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts a commis une faute à l’origine du préjudice,

– réformer le jugement en ce qu’il a mis hors de cause la Maif,

– juger qu’en cas de condamnation à son encontre, il sera relevé et garanti par l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et sa compagnie d’assurance la Maif,

– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la garantie de Pacifica,

– statuant à nouveau, condamner la compagnie Pacifica à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

À titre infiniment subsidiaire, sur le montant du préjudice,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la commune de Saint-Julien- Montdenis de sa demande d’indemnisation du droit moral,

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 18 960 euros,

– statuant à nouveau, débouter la commune de [Localité 8] et subsidiairement réduire le montant du préjudice et des condamnations à de plus justes proportions et déduire les sommes perçues par ailleurs à ce titre, à savoir 7 320 euros selon arrêté du 26 juillet 2017,

Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 1 200 euros au profit de la commune de [Localité 8], outre les dépens,

– statuant à nouveau, débouter la commune de [Localité 8] de ses demandes, subsidiairement réduire la somme allouée à de plus justes proportions,

Y ajoutant et en cause d’appel,

– condamner la commune de [Localité 8], l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, la Maif et de Pacifica ou qui d’entre eux mieux le devra à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile, outre les condamner aux entiers dépens,

– débouter, la commune de [Localité 8], l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, la Maif de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de condamnations aux dépens dirigée contre lui,

– débouter l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts de toute demande dirigée à son encontre, en ce compris sa demande de condamnation.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 30 novembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts demande à la cour de :

Réformer le jugement, sauf en ce qu’il a :

– débouté la commune de [Localité 8] de sa demande d’indemnisation au titre de son prétendu préjudice moral,

– débouté Monsieur [J] et la SA Pacifica de leur demande tendant à être relevés et garantis de toute condamnation par l’association et son assureur.

Statuant à nouveau,

– juger qu’elle n’a pas commis de faute d’imprudence caractérisée susceptible d’engager sa responsabilité,

– débouter la commune de [Localité 8] de l’intégralité de ses demandes formulées à encontre,

– débouter Monsieur [J] de l’intégralité de ses demandes formulées à son encontre,

– dans l’hypothèse où des condamnations devaient malgré tout être prononcées à son encontre :

condamner la Maif à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

condamner Monsieur [J], in solidum avec son assureur, la SA Pacifica, à la relever et garantir de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé à 18 960 euros le montant du préjudice matériel de la commune de [Localité 8]

– juger que le devis d’étude et de diagnostic ainsi qu’une partie du devis des travaux de conservation et de restauration de l”uvre doivent être pris en charge par la commune de [Localité 8],

En tout état de cause,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 1 200 euros à la commune de [Localité 8] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

– débouter la commune de [Localité 8] de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure et des dépens,

– condamner Monsieur [J], la commune de [Localité 8], la SA Pacifica, la Maif, ou qui d’entre eux mieux le devra à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 1er mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Pacifica demande pour sa part de :

– réformer le jugement sauf en ce qu’il a dit que la police souscrite par Monsieur [J] auprès d’elle n’a pas vocation à être mobilisée,

Pour le surplus,

– déclarer l’action de la commune de [Localité 8] prescrite,

– débouter en conséquence la commune de [Localité 8] de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [J] et à son encontre,

En tout état de cause,

– relevant l’existence d’une convention d’assistance bénévole entre Monsieur [J] et l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts,

– relevant que Monsieur [J] a agi de façon désintéressée et de manière bénévole et dans l’intérêt exclusif de l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts,

– relevant que Monsieur [J] n’avait obtenu aucune information s’agissant du classement de l”uvre litigieuse,

– relevant que l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts n’a donné aucune information à Monsieur [J] quant au statut juridique de l”uvre litigieuse,

– relevant que la commune n’établit les conditions de mise en ‘uvre de la responsabilité de Monsieur [J],

– débouter en conséquence purement et simplement la commune de Saint-Julien-Mont-Denis de l’intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

– condamner l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et leur assureur la Maif à relever et garantir Monsieur [J] et elle-même de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à leur encontre,

– ramener à de plus justes proportions le montant de la demande de la commune de Saint-Julien-Mont-Denis,

– dire et juger qu’en cas de condamnation de Monsieur [J], la garantie se fera dans les limites de garantie de la police,

– dire et juger en conséquence que la police souscrite auprès d’elle n’a pas vocation à être mobilisée,

– débouter la commune de [Localité 8] de toute demande formulée à son encontre,

– condamner la commune de [Localité 8] ou qui mieux le devra, à payer à Monsieur [J] et à elle-même la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Leray Guido Bellina par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 6 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Maif demande à la cour de :

– Sur la prescription : reformer le jugement en ce qu’il a déclaré l’action de la commune de [Localité 8] non-prescrite à son égard,

Et statuant a nouveau,

– dire et juger l’action dirigée à son encontre prescrite et, par voie de conséquence, irrecevable du fait de cette prescription,

Sur le fond, à titre principal,

– confirmer le jugement entrepris, en ce que le jugement a estimé que sa garantie n’était pas due et l’a, par voie de conséquence, mise hors de cause,

– en conséquence, si l’action à son encontre était estimée recevable,

– confirmer le jugement en ce que ce dernier a prononcé sa mise hors de cause,

– en conséquence, prononcer sa mise hors de cause,

– en conséquence, débouter toute partie de toute demande de toute nature dirigée contre elle,

Subsidiairement, sur le fond,

– réformer le jugement en ce qu’il a prononcé des condamnations au profit de la commune de [Localité 8],

Statuant à nouveau,

– dire et juger, qu’en tout état de cause, une part des travaux de conservation et de restauration de l”uvre doit, forcement, être à la charge de la commune de Saint-Julien- Montdenis, puisqu’il est rapporté la preuve que ladite ‘uvre était mal conservée et déjà très dégradée avant l’intention de Monsieur [J],

– débouter en conséquence la commune de [Localité 8] de toutes ses demandes, faute pour elle de chiffrer et de justifier d’un chiffrage des seuls travaux de restauration qui seraient, éventuellement, imputables à l’action de Monsieur [J] sur l”uvre d’art, et dont le montant ne serait pas couvert par la subvention obtenue par la commune,

– débouter toute partie de toute demande de toute nature qui serait dirigée contre elle,

– dans l’hypothèse ou, malgré ce qui précède, des condamnations devaient être prononcées à son encontre, condamner Monsieur [J], in solidum avec son assureur, la société Pacifica, à relever et garantir la Maif, de toutes éventuelles condamnations de toute nature (principal, intérêts, dommages et intérêts, articles 700 du code de procédure civile, dépens) qui seraient prononcées contre elle,

En tout état de cause,

– condamner la commune de [Localité 8] ou Monsieur [J], ou toute autre partie qui mieux le devra, à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la commune de [Localité 8] ou Monsieur [J] ou toute autre partie qui mieux devra l’être aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, dont distraction au profit des avocats de la cause en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Enfin, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 4 novembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la commune de [Localité 8] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu’il a mis hors de cause la Maif,

– dire et juger que la Maif sera tenue de garantir son préjudice subi du fait du comportement fautif de son assurée, l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts,

– condamner l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, Monsieur [J] et la Maif, in solidum, à réparer l’entier préjudice subi par elle,

– débouter Monsieur [J] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, Monsieur [J] et la Maif, in solidum, à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure pénale,

– mettre à la charge de ces derniers les entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l’action

Conformément à l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il est acquis aux débats que l”uvre appartenant à la commune avait de longue date été confiée à l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts dans le cadre d’une mise à disposition de la chapelle dite de [9], en ce compris les biens se trouvant abrités par l’édifice.

Alors que la restauration de Monsieur [J] est intervenue à compter d’août 2011, aucune pièce de la procédure ne permet de retenir que la commune, propriétaire de l”uvre classée, aurait été avisée ou aurait pu se rendre compte de cette intervention bénévole avant la demande du Conservatoire du Patrimoine courant 2013. A ce titre, les seuls éléments datés concernant la découverte du fait reproché à Monsieur [J] et à l’association se rapportent à la date de signature du formulaire de prêt (27 mars 2013), alors-même que l’état de l”uvre n’avait pas encore été constaté par son propriétaire, puis à la déclaration de sinistre auprès de l’assureur de la commune (17 mars 2014).

En outre, il est significatif de relever que l”uvre, recherchée à compter du printemps 2013 postérieurement à l’autorisation de prêt susvisée (l’accès à la chapelle n’étant pas déneigé en hiver), a été ultérieurement retrouvée dans le garage d’un membre de l’association de sorte qu’il ne peut être sérieusement soutenu que le point de départ de la prescription de l’action doit être fixé en août 2011, et ce d’autant plus qu’aucune demande préalable n’a été adressée à la commune par l’association et qu’il n’est pas allégué ni démontré que cette dernière aurait autorisé, d’une quelconque manière, la restauration bénévole dommageable.

Aussi, il y lieu de retenir que la commune de [Localité 8] a pris connaissance du fait à l’origine de son action qu’à compter du milieu d’année 2013, période à laquelle l”uvre a été retrouvée dans le garage de Monsieur [O] [K]. Dès lors, son action, initiée par assignation du 24 août 2017, s’avère non-prescrite et recevable, en ce compris les prétentions élevées contre la Maif.

Sur le principe de responsabilité et la demande indemnitaire subséquente

Selon l’article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, étant précisé que l’action bénévole ou désintéressée, voire de bonne foi, dans l’intérêt exclusif d’un tiers et au moyen de ses propres deniers, n’exclut pas de voir engager sa responsabilité.

L’article L.622-7 du code du patrimoine prévoit que les objets classés au titre des monuments historiques ne peuvent être modifiés, réparés ou restaurés sans l’autorisation de l’autorité administrative compétente. Les travaux autorisés s’exécutent sous le contrôle scientifique et technique des services de l’État chargés des monuments historiques. Un décret en Conseil d’État précise les catégories de professionnels auxquels le propriétaire ou l’affectataire d’un objet mobilier classé au titre des monuments historiques ou d’un orgue classé est tenu de confier la maîtrise d”uvre des travaux.

Il n’est pas contesté que le tableau religieux sculpté du XVIème siècle, pris en charge par Monsieur [J], est classé comme monument historique selon arrêté ministériel du 31 octobre 2003 puis que Monsieur [J], retraité d’EDF, a proposé gracieusement ses services alors qu’il ne justifie d’aucune qualification ni expérience professionnelle significative en matière de restauration d”uvre d’art.

Il n’est pas davantage discuté du fait que ce tableau se trouvait sous la garde de l’association laquelle a confié le bien à un tiers en vue d’une restauration, sans autorisation ni avis au propriétaire, sans autorisation de l’autorité administrative compétente et sans vérification préalable des qualités, compétences et qualifications techniques de Monsieur [J].

Il résulte du rapport de Madame [Z] [Y], conservatrice et restauratrice ayant établi le devis de reprise, que l’intervention de Monsieur [J], qualifiée de ‘malheureuse’, s’est avérée, hors considération stylistiques quant à l’image ancienne de l”uvre qui a été altérée, ‘assez dramatique pour le retable, [les] opérations effectuées et les produits employés [étant] inadaptés et même incompatibles pour la bonne conservation de l”uvre à long terme’.

En conséquence, en l’absence de faute objective de la commune ayant directement concouru au dommage, la cour retient l’existence d’une faute conjointe de Monsieur [J], lequel n’aurait pas dû procéder à une restauration bénévole, et de l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, laquelle n’aurait pas dû se dessaisir de l”uvre en vue d’une telle restauration, hors cadre des prescriptions du code du patrimoine et sans l’autorisation préalable de la commune de [Localité 8], justifiant leur condamnation, in solidum, à réparer le dommage causé.

Toutefois, il s’avère constant que l”uvre se trouvait, au jour de la prise en charge par Monsieur [J], dans un état de conservation dégradée de sorte que la commune de [Localité 8] ne saurait bénéficier, de part la faute d’imprudence de ce dernier et de l’association, d’une réfection totale du tableau laquelle impliquerait une indemnisation excédant le principe de réparation intégrale du préjudice subi, sans perte ni profit.

Dans ces conditions, le préjudice de la commune, en lien avec les seules fautes de l’association et de Monsieur [J], doit être limité aux seuls travaux de restauration rendus nécessaires par l’intervention du second, à l’exclusion des travaux de préservation découlant de l’état du bien et non-imputables à l’action de Monsieur [J].

Aussi, c’est avec pertinence qu’il est sollicité que la valorisation du préjudice soit appréciée, en considération du dommage strictement imputable à l’action de Monsieur [J]. En ce sens, le coût des travaux nécessaires pour assurer la préservation de l”uvre, du fait de son ancienneté et de son état préalable à l’intervention litigieuse, doit rester à la charge de la commune, étant observé que cette dernière a pour ce faire bénéficié d’une subvention provisionnelle de 7 320 euros selon arrêté du 2017-2102197736 du 26 juillet 2017, ‘le montant définitif devant être calculé en fonction des dépenses effectivement engagées’.

Aussi, la cour retient que l’action indemnitaire de la commune ne peut être accueillie que pour les seuls postes suivants :

devis et étude de diagnostic 3 360 euros

dégagement du dernier repeint 168 heures

retrait des comblements récents 4 heures

rapport d’intervention (pour moitié) 4 heures

soit [(15 600 – 1 076,40) / 242 heures x 176 heures] 10 562,62 euros

Dans ces conditions, il y lieu de limiter le préjudice matériel de la commune, en lien avec la faute d’imprudence de Monsieur [J] et de l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts, à la somme de 13 922,62 euros TTC, de laquelle le montant de la subvention provisionnelle précitée ne saurait être déduit.

Enfin, le préjudice moral ou d’atteinte à l’image de la commune de [Localité 8] n’est objectivé par aucun élément précis et ne peut être retenu en l’espèce, étant au surplus rappelé que la commune n’est pas l’auteur de l”uvre classée mais son propriétaire.

Sur les appels en garantie

Les garanties de la SA Pacifica et de la Maif ne peuvent être mobilisées qu’à raison des dispositions contractuelles régissant les rapports entre les compagnies d’assurance et leurs assurés respectifs.

Dans les rapports entre la SA Pacifica et Monsieur [J], la police d’assurance signée entre eux le 30 octobre 2001, renvoyant expressément aux conditions générales du contrat, prévoit une exclusion de garantie concernant les dommages occasionnés par l’assuré aux biens lui appartenant ou demeurant sous sa garde. Or, il est manifeste qu’en acceptant la remise du bien par l’association en août 2011, Monsieur [J], à l’origine du dommage par son action personnelle, en a accepté la garde soit son contrôle et sa direction durant la restauration qu’il a opérée.

En outre, la police d’assurance RAQVAM souscrite par l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts auprès de la Maif prévoit que tout dommage ne résultant pas d’un fait accidentel est exclu de la garantie. En l’espèce, il est constant que le dommage résulte d’une action volontaire de restauration amateur consécutive à la remise, tout aussi volontaire, à Monsieur [J] par l’association, de l”uvre jusqu’alors placée sous sa garde.

Il en résulte que les garanties de la SA Pacifica puis de la Maif ne peuvent être efficacement recherchées.

Enfin, il a été rappelé que Monsieur [J] d’une part et l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts d’autre part sont coresponsables du dommage, à parts égales, de sorte que leurs appels en garantie corespectifs doivent être rejetés.

Sur les demandes annexes

L’association les Amis de Tourmentier et des Essarts ainsi que Monsieur [J], qui succombent en principal, sont condamnés, in solidum, aux dépens d’appel dont distraction au profit de la SCP Leray Guido Bellina et de Maître Anxionnaz s’agissant des frais dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

Toutefois, l’équité commande de ne pas faire droit aux demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné in solidum l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [E] [J] à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 18 960 euros TTC à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,

Statuant à nouveau,

Condamne, in solidum, l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [E] [J] à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 13 922,62 euros TTC à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne, in solidum, l’association les Amis de Tourmentier et des Essarts et Monsieur [E] [J], qui succombent en principal, sont condamnés aux dépens d’appel dont distraction au profit de la SCP Leray Guido Bellina et de Maître Anxionnaz s’agissant des frais dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 06 avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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