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6 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/06442
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 20/06442 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYIM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 février 2020 du tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 2ème section) RG n° 15/04536
APPELANTE
S.A.R.L. ART-KAI
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 410 545 578
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de Paris, toque : L0034
Assistée deMe Pascal WILHELM, avocat au barreau de Paris, toque : K0024
INTIMES
Monsieur [L] [M]
né le 10 septembre 1945 à [Localité 7] (Algérie)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Aurore FRANCELLE de l’AARPI ADONIS, avocat au barreau de Paris, toque : P0422
GASTON SARL anciennement dénommée S.E.L.A.R.L. GREEN PATH
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n°: 821 198 769
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marc GAILLARD de la SELARL MARC GAILLARD, avocat au barreau de Paris, toque : C0962
PARTIE INTERVENANTE FORCEE
S.A.R.L. MEG PATRIMOINE
venant aux droits de la société GASTON SARL
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 352 708 523
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marc GAILLARD de la SELARL MARC GAILLARD, avocat au barreau de Paris, toque : C0962
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Gilles Balay, président
Monsieur Douglas Berthe, conseiller
Madame Marie Girousse, conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIERE : Madame Foulon, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Girousse, conseillère en l’empêchement du président et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière présente lors de la mise à disposition.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 24 octobre 2002, Mme [X] [M] et M. [L] [M] ont donné à bail à la société ART-KAI des locaux dépendants d’un immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 4], « conformément à l’article 57A alinéa 1er de la loi du 23 décembre 1986 modifiée par la loi du 06 juillet 1989, pour une durée au moins égale à 6 années à compter rétroactivement du 1er novembre 2002 pour expirer le 31 octobre 2008 ».
Le bail a été conclu pour y exercer « l’activité professionnelle suivante : édition d’art, sérigraphie et toutes activités annexes », moyennant un loyer annuel de 21 552 euros pour la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2004, de 22 560 euros pour la période du 1er novembre 2004 au 31 octobre 2006 et de 23 520 euros pour la période du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2008.
Par acte extrajudiciaire du 7 mars 2014 intitulé « congé de bail professionnel », M. [L] [M] a donné congé à la société ART-KAI pour le 31 octobre 2014.
Par acte du 3 mars 2015, M. [M] a fait assigner la société ART-KAI devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentiellement de voir valider le congé du 7 mars 2014 et ordonner l’expulsion de la locataire.
Par acte notarié du 6 juillet 2016, la société GREEN PATH, aujourd’hui dénommée société GASTON, a acquis les locaux loués, elle est intervenue à la procédure, et par acte notarié du 15 janvier 2020, elle les a cédés à la société MEG PATRIMOINE qui a été assignée en intervention forcée devant la cour d’appel le 6 août 2020 par la société ART-KAI.
Par jugement du 27 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [L] [M] et la société GREEN PATH du chef de la prescription de la demande de la société ART-KAI en requalification du bail du 24 octobre 2002 en bail soumis au statut des baux commerciaux et déclaré la société ART-KAI recevable en cette demande ;
– débouté la société ART-KAI de sa demande de requalification du bail du 24 octobre 2002 portant sur les locaux sis [Adresse 6] à [Localité 4] en bail soumis au statut des baux commerciaux ;
– débouté la société ART-KAI de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’acte extrajudiciaire du 7 mars 2014 délivré par M. [L] [M] et lui signifiant congé du bail susvisé ;
– déclaré valable le congé signifié par M. [L] [M] à la société ART-KAI par acte extrajudiciaire du 07 mars 2014, pour le 31 octobre 2014 ;
– déclaré, en conséquence, la société ART-KAI sans droit ni titre d’occupation des locaux situés [Adresse 6] à [Localité 4], à compter du 1er novembre 2014 ;
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ART-KAI du chef du défaut d’intérêt à agir de M. [L] [M] et déclaré celui-ci recevable en ses demandes d’expulsion et de condamnation en paiement formulées à l’encontre de la société ART-KAI ;
– dit que la société ART-KAI devra libérer de sa personne et de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux occupés au [Adresse 6] à [Localité 4] à l’expiration d’un délai de huit mois à compter de la signification de la décision ;
– faute pour la société ART-KAI et tous occupants de son chef d’avoir quitté les lieux dans le délai indiqué et celui-ci passé, ordonné leur expulsion ;
– fixé l’indemnité d’occupation mensuelle due par la société ART-KAI à compter du 1er novembre 2014 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du dernier loyer contractuel en cours, outre les charges, et, en tant que de besoin, condamné la société ART-KAI à la payer à M. [L] [M] et à la société GREEN PATH ;
– débouté M. [L] [M] , et la société GREEN PATH de leur demande d’indexation de l’indemnité d’occupation ;
– dit sans objet la demande de délais de paiement formulée par la société ART-KAI ;
– débouté la société ART-KAI de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamné la société ART-KAI aux dépens ;
– condamné la société ART-KAI à payer à M. [L] [M] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société ART-KAI à payer à la société GREEN PATH la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 19 mai 2020, la société ART-KAI a interjeté appel partiel du jugement.
Par conclusions déposées le 03 novembre 2020, la société GREEN PATH et la société MEG PATRIMOINE ont interjeté appel incident partiel du jugement.
Par ordonnance du 4 novembre 2020, le Premier Président de la cour d’appel de Paris, saisi par la société ART-KAI a arrêté l’exécution provisoire du jugement prononcé le 27 février 2020 et rejeté la demande de mise hors de cause formulée par M. [M].
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 décembre 2022, la société ART-KAI, demande à la Cour de :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 février 2020 en ce qu’il rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [L] [M] et la société GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH, du chef de la prescription de la demande de la société ART-KAI en requalification du bail du 24 octobre 2002 en bail soumis au statut des baux commerciaux et déclaré la société ART KAI recevable en cette demande ;
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 février 2020 en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation due par la société ART-KAI à compter du 1er novembre 2014 et jusqu’à libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du dernier loyer contractuel en cours, outre les charges ;
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 février 2020 en ce qu’il a débouté M. [L] [M] et la société GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH, de leur demande d’indexation de l’indemnité d’occupation ;
Sur le surplus, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 février 2020 et, statuant à nouveau :
– juger que la société ART-KAI est titulaire d’un bail commercial depuis le 24 octobre 2002 portant sur les locaux sis [Adresse 6] à Paris, 75011 ;
– prononcer la nullité du congé signifié par M. [L] [M] à la société ART-KAI par acte extrajudiciaire du 7 mars 2014 pour le 31 octobre 2014 ;
– déclarer irrecevables les demandes de M. [L] [M] pour défaut d’intérêt à agir en expulsion de la société ART-KAI et en paiement à l’encontre de la société ART-KAI ;
– condamner solidairement la société GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH et M. [L] [M] à verser à la société ART-KAI la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– accorder des délais de paiement rétroactifs à la société ART-KAI entre les mois de mai et de décembre 2022 pour le règlement de ses échéances locatives intervenues sur cette période ;
– débouter les sociétés GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH, et MEG PATRIMOINE de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, en ce compris de leurs demandes formées à titre d’appel incident ;
– débouter M. [L] [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, sauf en sa demande subsidiaire d’être relevé en garantie par la société GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH, de toute somme qui serait mise à sa charge, la société ART-KAI s’en rapportant à justice sur ce chef de prétention ;
en tout état de cause,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a accordé à la société ART-KAI un délai de 8 mois commençant à courir à compter de la signification de la décision pour libérer les locaux et, statuant à nouveau, accorder à la société ART-KAI un délai de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt pour libérer les locaux ;
– condamner la société GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH, et la société MEG PATRIMOINE, à verser à la société ART-KAI la somme de 10 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [L] [M] à verser à la société ART-KAI la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement la société GASTON, anciennement dénommée GREEN PATH, et la société MEG PATRIMOINE, et M. [L] [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 6 décembre 2022, la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH et la société MEG PATRIMOINE, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société ART-KAI de sa demande de requalification du bail ;
– débouté la société ART-KAI de sa demande tendant à voir prononcé la nullité de l’acte extrajudiciaire du 7 mars 2014 ;
– déclaré valable le congé signifié à la société ART-KAI ;
– déclaré ladite société ART-KAI sans droit ni titre sur les locaux situés au [Adresse 6] à [Localité 4], à compter du 1er novembre 2014 ;
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ART-KAI ;
– condamné la société ART-KAI aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevé par la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH du chef de la prescription de la demande de la société ART-KAI en requalification du bail ;
– débouté la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH de sa demande de fixation de l’indemnité d’occupation mensuelle à un montant majoré de cinquante pour cent par rapport au dernier loyer exigible, et d’indexation de l’indemnité d’occupation ;
– débouté la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH du surplus de ses demandes dont, en particulier, celle en résiliation judiciaire du bail fondée sur la violation de la clause de destination du bail, l’exécution de travaux non autorisés dans les lieux et les défauts de paiement graves et répétés de la société ART-KAI ;
En conséquence, statuant à nouveau,
– dire irrecevable la société ART-KAI en sa demande de requalification du bail ;
– dire qu’il n’y a pas lieu d’accorder des délais à la société ART-KAI pour libérer les lieux, compte-tenu de l’ancienneté de son occupation sans droit ni titre ;
– prononcer, en tant que de besoin, la résiliation judiciaire du bail conclu le 24 octobre 2002, compte-tenu des infractions graves et répétées commises par la société ART-KAI, aux stipulations dudit bail ;
– condamner la société ART-KAI au paiement :
– si le congé est validé, d’une indemnité d’occupation majorée de cinquante pour cent par rapport au dernier loyer exigible à la date du 31 octobre 2014, augmenté de l’intégralité des charges se rapportant aux lots occupés par la société ART-KAI à compter du 1er novembre 2014 et jusqu’à la date de libération effective des lieux par remise des clés ;
– si la résiliation judiciaire du bail est prononcée, d’une indemnité d’occupation majorée de cinquante pour cent par rapport au dernier loyer exigible à la date du 31 octobre 2014, augmenté de l’intégralité des charges se rapportant aux lots occupés par la société ART-KAI à compter du prononcé de larésiliation judiciaire du bail et jusqu’à la date de libération effective des lieux par remise des clés ;
– ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles ou dans tout autre lieu qu’il plaira aux sociétés GREEN PATH et MEG PATRIMOINE, aux frais, risques et périls de la défenderesse et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues ;
– indexer l’indemnité d’occupation, à la date anniversaire d’effet du congé ou du prononcé de la résiliation judiciaire du bail, sur l’indice INSEE du coût de la construction s’il évolue à la hausse, l’indice de base étant le dernier indice paru à la date d’effet du congé ou du prononcé de la résiliation judiciaire ;
dans tous les cas,
– débouter la société ART-KAI de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner la société ART-KAI aux entiers dépens de première instance et d’appel, et au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 avril 2021, M. [L] [M] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 27 février 2020 en ce qu’il a :
– débouté la société ART-KAI de sa demande de requalification du bail du 24 octobre 2002 en bail soumis au statut des baux commerciaux ;
– débouté la société ART-KAI de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’acte extrajudiciaire du 07 mars 2014 délivré par M. [L] [M] ;
– déclaré valable le congé signifié par M. [L] [M] ;
– déclaré la société ART-KAI occupante sans droit ni titre du local situé [Adresse 6] à [Localité 4] ;
– déclaré M. [L] [M] recevable en ses demandes d’expulsion et de condamnation en paiement formulées à l’encontre de la société ART-KAI ;
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ART-KAI du chef du défaut d’intérêt à agir ;
– ordonné l’expulsion de la société ART-KAI avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est ;
– dit que la société ART-KAI devra libérer de sa personne et de ses biens les lieux litigieux occupés ;
– fixé l’indemnité d’occupation mensuelle due par la société ART-KAI à partir du 1er novembre 2014 à une somme égale au montant du dernier loyer contractuel en cours ;
– dit sans objet la demande de délais de paiement formulée par la société ART-KAI ;
– débouté la société ART-KAI de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamné la société ART-KAI à régler à M. [L] [M] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société ART-KAI à régler à la société GREEN PATH la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
À titre subsidiaire,
si par extraordinaire, la cour d’appel de céans devait mettre à la charge de M. [M] une quelconque somme, il condamnerait la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH à la relever et garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encotnre et de toutes autres sommes qui seraient mises à sa charge, tant en principal, frais et accessoires ;
en tout état de cause,
– condamner la société ART-KAI à payer à M. [L] [M] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
*****
MOTIFS DE L’ARRET
1.Sur la fin de non recevoir opposée à M. [M]:
Il résulte de l’article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que notamment le défaut de qualité ou le défaut d’intérêt, l’existence du droit d’agir en justice s’appréciant à la date de la demande introductive d’instance et ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures, lesquelles pourront, le cas échéant, être susceptibles d’entraîner un rejet de la demande en ce qu’elle n’est pas fondée.
C’est donc à juste titre que le jugement déféré a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ART-KAI du chef du défaut d’intérêt à agir de M. [L] [M] et déclaré celui-ci recevable en ses demandes d’expulsion et de condamnation en paiement formulées à l’encontre de la société ART-KAI, au motif qu’à la date de l’assignation, soit le 3 mars 2015, encore propriétaire des locaux jusqu’à leur vente le 6 juillet 2016, il avait intérêt à demander la validation du congé délivré par lui le 7 mars 2014 ainsi qu’à solliciter l’expulsion de la locataire et sa condamnation au paiement des indemnités d’occupations jusqu’à la cession des locaux.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2.Sur la validité du congé:
2.1. Sur la recevabilité de la demande de l’appelante:
Les sociétés GASTON et MEG PATRIMOINE sollicitent l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [L] [M] et la société GREEN PATH du chef de la prescription de la demande de la société ART-KAI en requalification du bail du 24 octobre 2002 en bail soumis au statut des baux commerciaux et déclaré la société ART-KAI recevable en cette demande, au motif que la prétention relative à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale, laquelle a commencé à courir à compter de la conclusion du contrat, de sorte que l’action est prescrite.
Aux termes de l’article L. 145-60 du code de commerce, les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif au statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Selon l’article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire et, selon les articles 71 et 72 du même code, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire, les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause. Il en résulte qu’une demande formée par voie d’exception ne se heurte pas à la prescription contrairement à la demande reconventionnelle qui tend à obtenir un avantage autre que le rejet des prétentions adverses.
La société ART-KAI demande à la cour de juger qu’elle est titulaire d’un bail commercial et de prononcer la nullité du congé dont les bailleurs demandent la validation au motif que le bail relève du statut des baux commerciaux.
La demande reconventionnelle en requalification du bail conclu en 2002 étant prescrite, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a rejeté la fin de recevoir soulevée à cet égard. Cette demande sera déclarée irrecevable.
En revanche, la demande en nullité du congé fondée sur l’application du statut des baux commerciaux opposée à titre d’exception à la demande en validité de ce congé, laquelle ne tend pas à obtenir un autre avantage de la requalification du contrat en contrat de bail commercial, est recevable et non prescrite.
Il convient donc d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la société ART-KAI recevable en sa demande de requalification du bail, mais en revanche, de dire que la demande aux fins de voir déclarer nul le congé délivré le 7 mars 2014 au motif qu’il ne respecte pas le statut des baux commerciaux est recevable.
Par ailleurs, il est inopérant de faire valoir que l’exécution du bail ferait obstacle à l’exception de nullité puisque l’exception de nullité soulevée porte sur le congé et non sur le contrat de bail dont il est simplement demandé la requalification.
1.2. Sur la qualification du bail
L’article 57 A de la loi du 86-1290 du 23 décembre 1986, dont les dispositions sont d’ordre public, dispose notamment que le contrat de location d’un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans, qu’au terme convenu il est reconduit tacitement pour la même durée, que chaque partie peut notifier à l’autre son intention de ne pas renouveler le contrat en respectant un préavis de six mois, que le locataire peut à tout moment notifier son intention de quitter les locaux en respectant un préavis de six mois, que les parties peuvent déroger à cet article pour adopter conventionnellement le régime des baux commerciaux conformément à l’article L. 145-2 7° du code de commerce .
Ces dispositions applicables au local affecté à usage exclusivement professionnel ne s’appliquent pas aux locaux à usage mixte d’habitation et professionnel, elles concernent les professions où l’activité intellectuelle joue en principe un rôle principal et consiste en la pratique indépendante d’un service découlant d’un savoir faire spécifique ou d’un art dans un but lucratif. Ce type de bail concerne généralement les professions libérales, artistiques, les sociétés civiles, les associations et les activités à objet purement civil. L’activité exercée dans les locaux loués ne doit être ni commerciale, ni artisanale, ni industrielle puisque dans une telle hypothèse, le bail relèverait du statut des baux commerciaux.
Selon les dispositions d’ordre public de l’article L. 145-1 du code de commerce, le chapitre de ce code relatif au statut des baux commerciaux s’appliquent ‘aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce’. Par ailleurs, l’article L. 145-2 du même code dispose que le statut des baux commerciaux s’applique notamment ‘aux baux consentis à des artistes admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes et reconnus auteurs d’oeuvres graphiques et plastiques tels que définis par l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts.’
Il résulte des articles L. 121-1 et L. 110-1 du code de commerce que sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle et que sont notamment des actes de commerce ‘tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre’ , toute entreprise de manufactures et de fournitures.
L’existence d’un fonds de commerce autonome dans les locaux loués se caractérise essentiellement par l’existence d’une clientèle attachée de façon autonome à l’exploitation, l’accueil de cette clientèle dans les locaux n’étant pas indispensable pour démontrer l’existence d’une clientèle attachée à l’activité exploitée. L’existence d’un fonds se trouve également caractérisée par celle d’une enseigne et du matériel nécessaire à l’activité qui y est exercée.
En l’espèce, le contrat de bail stipule:
‘Le bailleur, d’une part, loue par ces présentes, à titre de BAIL A LOYER PROFESSIONNEL au preneur qui accepte, les locaux à usage exclusivement professionnels dont la désignation suit.
Par suite, le contrat se trouve régi :
– par l’article 57 A inséré dans la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, par l’article 36 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 quant à sa durée, son renouvellement et ses modalités de résiliation,
– par le titre Huitième du Code civil,
– et par les présentes dispositions contractuelles ».
La société ART-KAI est une société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris. Il n’est ni soutenu ni établi qu’elle remplisse les conditions précitées relatives aux artisans et artistes relevant du statut des baux commerciaux concernant l’immatriculation au répertoire des métiers ou la cotisation à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes.
Il ressort du contrat de bail du 24 novembre 2002 que les locaux loués dépendent d’un immeuble en copropriété situé [Adresse 6], sont délivrés de façon stable et permanente dans le cadre du bail en cause et sont désignés comme consistant en :
‘-PARTIE DU LOT NUMERO SOIXANTE DEUX ( 62)
Au rez-de-chaussée droit au fond de la Cour :
– Atelier sur cour
– Chaufferie sur cour
– Livraison sur cour
– Bureau sur atelier
– Bureau sur cour et atelier
– Lavabo sur cour et bureau
– WC sur lavabo
– WC sur lavabo
– Entresol
Et droit à la jouissance privative de la cour avec les lots numéros 63, 64 et 65 telle que ladite cour figure sur le plan annexé au règlement de copropriété et état descriptif de division de l’immeuble»
Ces locaux peuvent donc faire l’objet d’un bail commercial.
La clause de destination du contrat de bail du 24 octobre 2002 est ainsi rédigée:
‘Le preneur exercera l’activité professionnelle suivante : EDITION D’ART, SERIGRAPHIE ET TOUTES ACTIVITES ANNEXES’. Il ressort de cette destination qu’il est exercé dans les locaux, une activité de reproduction d’oeuvres suivant différents procédés exigeant des compétences et du matériel spécifique, en particulier s’agissant de la sérigraphie, procédé dérivé du pochoir japonais décrit dans les écritures et pièces produites comme une technique d’impression alternative. S’il est vrai que cette activité exige de la compétence et du savoir faire, il n’apparaît pas que la locataire exerce elle-même une activité artistique créative puisque la société ART-KAY n’est pas présentée comme l’auteur des oeuvres qu’elle reproduit mais comme exerçant une activité professionnelle de reproduction.
Ainsi, il ressort des pièces produites, notamment des constats d’huissier, des photographies, des factures, des articles de presse , des attestations:
– que la société ART-KAY exerce son activité sous l’enseigne ‘ATELIER [B]’ dans un atelier contenant plusieurs machines trés encombrantes, différents matériaux, encre, produits chimiques d’impression et des meubles de rangement contenant des reproductions d’oeuvres ;
– que des impressions d’oeuvres originales sont vendues dans les locaux où se rendent des clients un espace étant destiné à la réception de la clientèle;
-que selon les comptes produits, dès la signature du bail de 2002 et même antérieurement, l’ATELIER [B] a réalisé, en 2001 : 76.155 euros de chiffre d’affaires en production vendue, en 2002 : 65.656 euros de chiffre d’affaires en production vendue, en 2003 : 66.909,98 euros de chiffres d’affaires en production vendue, plus récemment en 2017 : 83 665 euros de chiffre d’affaires en production vendue et 15.500 euros en ventes de marchandises et en 2018 : 146.367 euros de production vendue et 15.233 euros en ventes de marchandises ;
– que la société ART-KAY a émis de nombreuses factures soumises à la TVA adressées à ses clients notamment des musées, galeristes, administrations, amateurs ou artistes pour des impressions, souvent en plusieurs exemplaires en sérigraphie sur toile, de photographies, d’estampes ou des impressions numériques sur plexiglass ;
– qu’auprès de l’INSEE elle est enregistrée au titre d’une activité d’imprimerie.
Il apparaît donc que la société ART-KAY effectue des reproductions d’oeuvres d’art graphique suivant différents procédés, ce qui suppose leur commercialisation, qu’elle vend les impressions effectuées à ses clients, constitués de particuliers, de professionnels de la vente d’oeuvre d’art ou d’artistes, généralement sur commande de ces derniers et qu’elle exerce cette activité à titre lucratif pour laquelle elle obtient un revenu déclaré comme bénéfice industriel et commercial; que cette activité n’est ni civile ni artistique; qu’une telle activité de vente des reproductions réalisées par elle constitue une activité commerciale telle que définie ci-dessus; qu’elle dispose d’une clientèle propre acquise grâce à l’ancienneté et la notoriété de son activité exercée d’abord par M. [P] [B] père de M. [V] [B] actuel gérant de cette société.
Il s’en déduit qu’un fonds de commerce est exploité dans les locaux en cause, de sorte que les dispositions d’ordre public du statut des baux commerciaux s’appliquent au contrat de bail liant les parties, et ce, nonobstant la qualification erronée expressément convenue dans le bail, étant précisé qu’il est inopérant d’invoquer l’adage ‘nemo auditur …’ dès lors que l’intention frauduleuse de la locataire n’est pas démontrée et ne saurait résulter du seul fait qu’elle ait signé un bail improprement qualifié.
2.3. Sur le congé délivré le 7 mars 2014:
Le congé non motivé délivré le 7 mars 2014 pour le 31 octobre 2014 , l’a été en violation de l’article L. 145-4 du code de commerce selon lequel la durée d’un bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans et de l’article L. 145-9 du même code selon lequel le congé d’un tel bail ‘doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle il a été donné’. Le défaut de respect des obligations résultant de l’article L. 145-9 a été préjudiciable à la locataire en ce qu’il l’a privée des informations essentielles et lui a dénié les droits auxquels elle peut prétendre en sa qualité de locataire d’un bail commercial.
Il convient en conséquence de déclarer ce congé nul et d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déclaré valable.
3. Sur la demande en résiliation judiciaire du bail:
Selon l’article 1741 du code civil, le contrat de bail se résout par le défaut des parties de remplir leur engagement et selon l’article 1184 du même code dans sa rédaction applicable au jour du contrat, dont le principe est repris aux articles 1217 et 1224 nouveau, la résiliation d’un contrat peut être prononcée par decision de justice si le manquement d’une des parties au contrat est suffisamment grave pour compromettre la poursuite des relations contractuelles. Le caractère de gravité suffisante s’apprécie au jour où le juge statue en fonction de la nature de l’obligation inexécutée et de l’infraction relevée, de la persistance de ces manquements. C’est au bailleur qui se prévaut d’une infraction commise par le preneur pour solliciter la résiliation du bail d’en rapporter la preuve.
3.1. Sur les défauts de paiement
Le paiement du loyer est une obligation essentielle du preneur selon l’article 1728 du code civil.
Il ressort des pièces produites par la société GREEN PATH qu’à la date du 16 décembre 2015, la société ART-KAI était débitrice à l’égart de son bailleur d’un montant de 17.332,74 €, qu’à la date du 1er avril 2018 elle devait 34.457,88 €, qu’à la date du 20 novembre 2018, elle devait 22.743,33 €, qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail lui a été adressé le 13 septembre 2019 pour un montant de 51.005,40 € et qu’un autre commandement lui a été délivré le 5 mai 2022 pour un montant de 20.100,43 €. Selon le relevé de compte locataire arrêté au 1er novembre 2022, échéance du mois de novembre incluse, le solde débiteur s’élevait à 5.742,98 € . La société ART-KAI qui soutient être à jour de ses paiements produit deux avis de virement datés et comportant le numéro de la transaction ainsi que les références bancaires selon lesquels elle a réglé le 3 décembre 2022 la somme de 2.871,49 € au titre du loyer du mois de novembre 2022 et la même somme au titre de celui de décembre 2022. La réalité de ces paiements qui soldent la dette locative à cette date ne sont pas contestés par la bailleresse qui ne forme pas de demande en paiement au titre des loyers.
Compte tenu de l’ancienneté du bail conclu en 2002 et faisant suite à deux précédents baux respectivement des 16 mai 1992 et 18 février 1997, des relevés de compte, produits de façon discontinue à compter de 2012, faisant apparaître des réglements réguliers aux échéances de 2012 à 2014 exceptés trois retards, du fait que les échéances appelées par la bailleresse au titre d”indemnités d’occupations’ ont fait l’objet de retard de paiements régularisés ensuite de sorte qu’il ne s’est pas développé d’arriéré à ce titre, et surtout compte tenu du fait que les incidents de paiement se sont produits dans un contexte où les bailleurs déniaient à tort la qualité de locataire à la société ART-KAI depuis le 31 octobre 2014, date d’effet du congé irrégulier, il convient de considérer qu’en l’espèce, les incidents de paiement ne sont pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de bail.
Il résulte des dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce qu’en cas de délivrance par le bailleur d’un commandement visant la clause résolutoire du bail, le juge peut, à la demande du preneur, accorder des délais suspendant les effets de la clause résolutoire, cette clause ne jouant pas si le preneur s’est libéré dans les conditions fixées par le juge.
C’est à juste titre que le jugement a considéré qu’en l’absence de demande en paiement de loyer, la demande de délai de paiement formée devant lui était sans objet. Cependant entretemps, la bailleresse a délivré le 5 mai 2022 à la société ART-KAI un commandement visant la clause résolutoire du bail, de payer la somme de 20.100,43 €. Il ressort des pièces produites, que la locataire est à jour du règlement de ces loyers. Compte tenu du règlement des loyers et des éléments exposés ci-dessus relatifs au congé nul délivré, il convient de lui accorder rétroactivement des délais de paiement suspensifs de l’acquisition de la clause résolutoire jusqu’au mois de décembre 2022 pour régler les seules causes du commandement du 5 mai 2022, et non l’ensemble des échéances de la période de mai à décembre 2022 comme demandé, de sorte que cette clause n’est pas acquise puisque ces causes ont été réglées dans le délai suspensif ainsi accordé.
3.2. Sur la réalisation de travaux et la modification de la destination des locaux
Pour solliciter la résiliation du bail, la bailleresse reproche également à la société ART-KAI la réalisation de travaux sans autorisation et le non respect de la clause de destination.
Le contrat de bail stipule notamment que le preneur doit user paisiblement des locaux suivant la destination prévue au contrat et ne pas les transformer sans l’accord écrit du bailleur et sous le contrôle de son architecte.
Aux termes de la clause de destination et de la clause de désignation du bien du contrat de bail du 24 octobre 2002, les locaux sont contractuellement destinés à un usage exclusivement professionnel.
Or, il résulte des éléments du dossier, notamment du constat d’huissier, des photographies et du rapport d’un géomètre expert, M. [G] [D], en date du 30 novembre 2016 que les locaux sont partiellement aménagés et utilisés à usage d’habitation. Le géomètre-expert relève notamment, par comparaison avec la description des locaux dans le règlement de copropriété et les plans de l’immeuble, que le rez-de-chaussée a été transformé avec la création de locaux à usage d’habitation pour partie, la création de trois escaliers, la modification des façades avec l’installation d’une fenêtre et la transformation d’une ouverture, que l’entresol a été agrandi avec la création de nouveaux planchers (pour environ 96 m2) à usage d’activité et d’habitation, pris dans la hauteur de l’ancien vide du rez-de-chaussée, accessibles par les trois escaliers créés, la création de trois fenêtres et une salle de bains, qu’au niveau des combles a été créé un niveau accessible complémentaire.
Cependant, il n’est produit aucun élément susceptible d’établir la date des travaux reprochés et qu’il s’agirait de travaux réalisés par la société ART-KAY, aucun état des lieux d’entrée n’étant produit et la clause de désignation du bail étant très succinte, faisant simplement état d’un rez-de-chaussée comprenant des ateliers et bureaux et de plusieurs sanitaires ainsi que d’un entresol. Or, la société ART-KAI produit une attestation rédigée le 14 novembre 2016 par M. [S] [K] exposant que c’est la société DANIEL BIS, dont il était gérant, ayant autrefois son activité dans les locaux en cause, qui a ‘fait construire par une entreprise spécialisée, la mezzanine du grand local de fond de cour à droite du [Adresse 6] (lot 62) en 1983 et ce après notre installation dans les locaux en tant que locataire’. La bailleresse ne rapporte donc pas la preuve dont elle a la charge que les travaux de transformation litigieux sont imputables à la société ART-KAI.
Il n’est pas contesté que M. [B], gérant de la société ART-KAY demeure avec sa famille dans une partie des locaux en cause.
Les contrats de bail notarié du 24 octobre 2002 permettent de constater que lors de la conclusion de ces actes, Mme [X] [R], veuve [M] propriétaire indivise des locaux avec M. [L] [M], et M. [V] [B] gérant de la société ART-KAI, avaient tous les deux leur domicile dans l’immeuble dont dépendent les locaux en cause. Par ailleurs, il ressort d’une lettre de Maître [H], notaire chargé de faire un ‘audit patrimonial ‘ pour M. [M], adressé à la société ART-KAI le 15 juin 2011 qu’il a sollicité un rendez-vous auprès de la société ART-KAI ‘pour visiter votre local, et effectuer un mesurage loi carrez Mardi 19 juillet 2011 à 9 heures 30″.
Par ailleurs, Monsieur [L] [M] a proposé les résolutions suivantes lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 11 décembre 2012:
« 16 A LA DEMANDE DE MR [M]
16.1 AUTORISATION A DONNER DE DIVISION DU LOT 62 ET CREATION DE NOUVEAUX LOTS.
Majorité art. 26
PROJET DE RÉSOLUTION
L’assemblée générale décide :
– de réévaluer les millièmes du lot 62 portant les tantièmes généraux de copropriété à 10.822 tantièmes.
– de supprimer le lot 62 tel qu’existant
– de créer en remplacement deux lots nouveaux qui porteront les n° 71 et 71 tels que figurant au plan joint à la convocation et affectés respectivement de 178/10.822 et 973/10.822 millièmes
(‘)
16.3 APPROBATION DU MODIFICATIF A L’ETAT DESCRIPTIF DE DIVISION CONSECUTIF A CES CREATIONS DE LOTS
Majorité art. 26
L’assemblée générale en conséquence de la précédente résolution décide ‘. »
Les modifications à l’état descriptif de division proposées à l’assemblée des copropriétaires décrites par le mandataire de la bailleresse dans un rapport du 8 octobre 2012, constituant sa pièce communiquée numéro 11 sont notamment les suivantes:
« Le lot n°62 est subdivisé en deux lots :
Lot n°71 : atelier ‘ bureau-habitation en rez-de-chaussée et entresol
Lot n°72 : habitation en rez-de-chaussée
Le lot 62 est supprimé
L’état descriptif de division se présentera ainsi :
Lot n°71 : En rez-de-chaussée au fond de la cour à droite, un local à usage d’atelier, bureaux, habitation comprenant une entrée, un séjour, une salle de bains, deux WC, un dressing, un atelier.
Depuis le séjour et l’atelier, deux escaliers mènent à l’entresol comprenant un dégagement, deux chambres mansardées, un bureau.
Accès au sous-sol à une cave.
Accès aux combles à une chambre mansardée et un débarras (‘).
Lot n°72 : En rez-de-chaussée à droite dans la cour, porte droite, un logement duplex comprenant un séjour, une cuisine, deux bureaux, deux réserves, un dégagement, un WC.
A l’entresol, un couloir desservant trois chambres, un dressing, une salle de bains, un WC (‘).»
Il apparaît donc que le bailleur savait que les locaux loués étaient partiellement utilisés à usage d’habitation puisqu’il a même sollicité la modification de l’état descriptif de l’immeuble afin de tenir compte de la division du lot n° 62 et des différents aménagements effectués dans les locaux afin d’y habiter, et ce, à tout le moins depuis le mois de décembre 2012. En revanche, il n’est pas établi de façon certaine qu’il avait connaissance des infractions reprochées plus de cinq années avant la première demande en résiliation du bail sur ce fondement qu’il a effectuée par conclusions du 13 avril 2016, de sorte que cette demande n’est pas prescrite.
La bailleresse, qui ne s’y est pas opposée depuis 2012 et qui a demandé à la copropriété d’entériner la situation actuelle, ne démontre pas qu’en changeant sans autorisation des destination des locaux, la société ART-KAI aurait commis une faute justifiant la résiliation du bail.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’il convient de débouter la bailleresse de sa demande aux fins de voir prononcer la résiliation du bail.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a ordonné l’expulsion de la locataire et fixé une indemnité d’occupation. La demande aux fins de voir ordonner l’expulsion et les demandes subséquentes seront rejetées. Les demandes subséquentes à l’expulsion, notamment les demandes de majoration et d’indexation de l’indemnité d’occupation, devenues sans objet, de même que celles relatives aux délais pour partir, seront rejetées comme sans objet.
4.Sur la demande de dommages et intérêts de la société ART-KAI
A l’appui de sa demande en paiement de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, la société ART-KAI fait notamment valoir que les bailleurs ont commis une fraude en qualifiant délibéremment le bail de « bail professionnel » pour échapper au statut des baux commerciaux et en délivrant un congé dans les formes d’un bail professionnel; que, de ce fait, elle a perdu le bénéfice d’une indemnité d’éviction ainsi que le droit de préemption lors de la cession des locaux ; qu’ils ont fait preuve d’un comportement abusif, excédant l’exercice normal du droit d’ester en justice ; que ce comportement est caractéristique de la mauvaise foi.
Il incombe à la société ART-KAI de rapporter la preuve de la faute dont elle demande réparation ainsi que celle du préjudice en résultant.
La société ART-KAI, ne démontre pas que la qualification erronée du bail qu’elle a signé serait le fait du seul bailleur ni ne soutient qu’elle aurait été victime d’un vice du consentement, étant rappelé que le bail a été conclu par acte notarié. Elle n’établit pas non plus son affirmation selon laquelle cette qualification résulterait de l’intention frauduleuse de ce dernier pour éviter les obligations attachées au statut des baux commerciaux et non d’une erreur pouvant résulter de la spécificité de son activité.
Au surplus, elle ne caractérise pas le préjudice qui résulterait pour elle du non respect de son droit de préemption et ne peut prétendre avoir perdu le bénéfice d’une indemnité d’éviction puisque le congé est annulé.
Par ailleurs, l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d’erreur grossière équipollente au dol.
La société ART-KAI ne rapporte pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part des bailleurs, qui ont pu légitimement se méprendre sur l’étendue de leurs droits, ni n’établit l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.
Faute pour elle de rapporter la preuve de l’existence d’une faute préjudiciable à son égard, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
5. Sur la demande en garantie de M. [M]:
En application de la clause de l’acte de vente des locaux en date du 6 juillet 2016 faisant état du litige opposant la société ART-KAI au bailleur relativement au bail en cause, qui stipule:
« L’acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de cette situation tant par la communication préalable de la copie desdits baux que de l’ensemble des pièces liées auxdites procédures qui lui a été faite, et vouloir en conséquence faire son affaire personnelle, tant au plan actif qu’au plan passif de ces deux procédures actuellement pendantes sans recours contre le VENDEUR et le Notaire soussigné déclarant avoir d’ores et déjà pris attache avec son propre avocat conseil à ce sujet » M. [M] est fondé à solliciter la condamnation de la société GASTON à le garantir des condamnations et sommes mises à sa charge tant en principal qu’en accessoire, soit en l’espèce, sa condamnation in solidum au paiement des dépens et frais irrépétibles.
6.Sur les autres demandes
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘dire’, ‘déclarer’ ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société ART-KAI aux dépens et au paiement de 3.000 € à M. [M] ainsi qu’à la société GREEN PATH en application de l’article 700 du code de procédure civile .
M. [M] et la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à la société ART-KAI une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile .
Ils seront déboutés de leurs demandes fondées sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées.
*****
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme partiellement le jugement rendu le 27 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
Confirme le jugement rendu le 27 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a:
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ART-KAI du chef du défaut d’intérêt à agir de M. [L] [M] et déclaré celui-ci recevable à agir pour demander l’expulsion et de condamnation en paiement formulées à l’encontre de la société ART-KAI ;
– débouté M. [M] et la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH de leur demande d’indexation, de l’indemnité d’occupation,
– dit sans objet la demande de délais de paiement formulée par la société ART-KAI devant le tribunal judiciaire,
– débouté la société ART-KAI de sa demande de dommages et intérêts,
Infirme le jugement rendu le 27 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses autres dispositions
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande de la société ART-KAI aux fins de voir requalifier le contrat de bail liant les parties,
Déclare recevable la demande de la société ART-KAI aux fins de voir prononcer la nullité du congé délivré le 7 mars 2014 au motif qu’il ne respecte pas le statut des baux commerciaux ,
Déclare nul et de nul effet le congé des locaux en cause délivré le 7 mars 2014 pour le 31 octobre 2014 par M. [L] [M] à la société ART-KAI,
Rejette la demande aux fins de voir prononcer la résiliation du bail,
Rejette la demande aux fins de voir ordonner l’expulsion de la société ART-KAI ainsi que les demandes subséquentes notamment en paiement d’une indemnité d’occupation,
Déclare sans objet les demandes relatives à la fixation de l’indemnité d’occupation et aux délais pour libérer les locaux,
Y ajoutant,
Accorde à la société ART-KAI des délais de paiement rétroactifs jusqu’au mois de décembre 2022 pour s’acquitter des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré à cette dernière le 5 mai 2022,
Condamne in solidum M. [M] et la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH et la société MEG PATRIMOINE à payer à la société ART-KAI une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les déboute de leurs demandes fondées sur ce texte.
Condamne la société GASTON à garantir M. [M] des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne in solidum M. [M] et la société GASTON anciennement dénommée GREEN PATH et la société MEG PATRIMOINE aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE POUR LE PRESIDENT EMPECHE,
LA CONSEILLERE