Toiture abimée : l’obligation d’intervention du bailleur
Toiture abimée : l’obligation d’intervention du bailleur
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5 juillet 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/04061

05/07/2023

ARRÊT N°291

N° RG 21/04061

N° Portalis DBVI-V-B7F-OMTY

VS/ND

Décision déférée du 04 Juin 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE ( 17/02610)

Mme [E]

[N] [X]

[B] [X]

C/

Société D’ETUDES ET REALISATIONS DU BATIMENT (SERBTP)

Société LA VENUS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Monsieur [N] [X] venant aux droits de leur père décédé Monsieur [R] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [B] [X] venant aux droits de leur père décédé Monsieur [R] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

Société D’ETUDES ET REALISATIONS DU BATIMENT (SERBTP)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric-Gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

Société LA VENUS

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra GUIGONIS de la SELAS JEAN-CLAUDE MARTY, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure :

Par acte du 21 juillet 2006, [R] [X], aux droits duquel viennent aujourd’hui [B] et [N] [X], a consenti à la Sarl Vénus un bail commercial portant sur un local situé [Adresse 5] à [Localité 4], pour une durée de 9 ans à compter du 1er juin 2006 puis renouvelé par tacite reconduction, aux fins d’exploitation d’une activité de

« dîner spectacle ».

Le 4 janvier 2014, un dégât des eaux a dégradé le matériel scénique et les installations de sonorisation et d’éclairage disposées dans le local commercial.

Par courrier recommandé du 6 mai 2014, la Sarl Venus a mis en demeure le bailleur d’avoir à effectuer des réparations nécessaires à la poursuite de l’activité.

Le 23 juin 2014, de nouvelles intempéries ont endommagé le local commercial.

Par ordonnance du 27 juin 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de [Localité 4], saisi par la société La Vénus, a désigné un expert avec pour mission notamment d’énumérer les travaux confortatifs urgents et travaux de remise en état et de donner un premier avis sur la nature et les causes des désordres.

Les consorts [X] ont mandaté la société SerBtp pour la réfection de l’intégralité de la toiture, à savoir des travaux de couverture et zinguerie.

L’expert a déposé son rapport le 17 novembre 2014.

Par ordonnance du 8 février 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de [Localité 4], saisi par la Sarl La Vénus et les bailleurs, a désigné un expert et condamné la Sarl La Vénus à verser la somme de 20.000 € aux bailleurs à titre de provision sur les loyers impayés.

Par ordonnance de référé du 4 avril 2016, les opérations d’expertise ont été rendues opposables et étendues à la Sarl SerBtp.

Par acte d’huissier de justice du 18 avril 2016, les consorts [X] ont délivré à la Sarl La Vénus un commandement de payer à hauteur de 41.913,04 €, tenant compte de la provision allouée par le juge des référés.

Par procès-verbal du 16 décembre 2015, les consorts [X] ont pratiqué une saisie conservatoire de créance à hauteur de 36.915,94 €.

Par jugement du 18 mai 2016, le juge de l’exécution, saisi par la Sarl La Vénus, a validé la saisie conservatoire pour un montant de 22.000 € et ordonné la mainlevée pour le surplus.

L’expert a déposé son rapport définitif le 20 avril 2017.

Par ordonnance du 11 juillet 2017, le juge des référés, saisi par la société La Vénus, a autorisé la réalisation de travaux confortatifs comprenant la reprise des chénaux et descentes, ainsi que celle du raccordement bac acier sur acrotère, tout en condamnant notamment les consorts [X] ainsi que la société SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 13.500 € à titre provisionnel, afin de faire réaliser ces travaux.

Par acte d’huissier de justice du 30 juin 2017, la société la Vénus a assigné les consorts [X] ainsi que la société SerBtp devant le tribunal judiciaire de [Localité 4] en paiement des diverses sommes en réparation de ses préjudices avant, puis après, la réfection de la toiture.

Les consorts [X] ont demandé au tribunal de condamner la société SerBtp à les relever et garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre, de limiter les dommages et intérêts alloués à la société La Vénus, de condamner la société La Vénus à lui verser les sommes de 26.096,30 € au titre des loyers impayés, 15.000 € au titre de la résistance abusive et 15.000 € au titre de ses préjudices moraux et matériels.

La société SerBtp a demandé au tribunal de juger que son obligation et la contribution à la dette doit être limitée à la somme de 19.185,15 €.

Par acte d’huissier de justice du 31 août 2017, les consorts [X] ont signifié à l’établissement bancaire de la Sarl La Vénus un acte de conversion de la saisie conservatoire en mesure d’exécution, avec demande de paiement de la somme de 20.000 € allouée par ordonnance de référé du 8 février 2016.

Par jugement du 18 avril 2018, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de [Localité 4] a ordonné l’annulation de la conversion de la saisie conservatoire signifiée le 31 août 2017, affaire pendante devant la cour d’appel suite à l’appel interjeté par les consorts [X].

Par ordonnance du juge de l’exécution du 5 juillet 2018, les consorts [X] ont été autorisés à pratiquer une saisie conservatoire de créance sur les comptes bancaires de la Sarl la Vénus pour la somme de 26.096,30 €, le juge ayant constaté que les causes de la saisie n’avaient pas été éteintes.

Par ordonnance du 5 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de [Localité 4], saisi par les consorts [X], a condamné la société La Vénus à leur verser la somme de 22.000 € et 3.000 € à titre de provision pour les loyers de l’année 2018.

Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme 9.910 € HT au titre son préjudice de jouissance avant la réfection de la toiture

dit que la TVA qui s’y ajoutera sera celle au taux en vigueur à la date du paiement

condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.438,24 € TTC au titre des frais de remise en état avant la réfection de la toiture

condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl la Vénus la somme de 19.189,15 € au titre des frais de remise en état après la réfection de la toiture

débouté la Sarl la Vénus de ses autres demandes

débouté [N] [X], [B] [X] de leur demande reconventionnelle et de celle au titre de leur préjudice moral et financier

condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl la Vénus la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

condamné [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp in solidum aux dépens en ce compris les constats d’huissier et les deux expertises judiciaires

ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 3 août 2020, enregistrée sous le n° RG 20-2131, [N] et [B] [X] ont relevé appel du jugement. La portée de l’appel est l’infirmation des chefs du jugement qui ont :

condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.910 € HT au titre de son préjudice de jouissance avant la réfection de la toiture ;

dit que la TVA qui s’y ajoutera sera celle au taux en vigueur à la date du paiement ;

condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.438,24 € TTC au titre des frais de remise en état avant la réfection de la toiture ;

condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 19.189,15 € au titre des frais de remise en état après la réfection de la toiture ;

débouté [N] et [B] [X] de leur demande au titre de leur préjudice moral et financier ;

condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp in solidum aux dépens en ce compris les constats d’huissier et les deux expertises judiciaires ;

ordonné l’exécution provisoire.

Par ordonnance du 16 décembre 2020, le magistrat délégué du premier président a débouté les bailleurs de leurs demandes en arrêt de l’exécution provisoire et aux fins de consignation.

Le 29 janvier 2021, la société La Vénus a saisi le conseiller de la mise en état de conclusions d’incident aux fins de radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement de première instance.

Par ordonnance du 10 juin 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire du rôle et réservé les dépens.

Le 25 août 2021, [N] et [B] [X] ont notifié des conclusions aux fins de réinscription de l’affaire au rôle après exécution du jugement.

Par ordonnance du 7 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a autorisé la réinscription de l’affaire au rôle de la cour.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le conseiller de la mise en état, constatant que l’ordonnance du 7 octobre 2021 avait autorisé la réinscription au rôle mais n’avait pas été notifiée aux parties intimées, a dit que la réinscription de l’affaire au rôle était effective à compter de l’ordonnance du 18 novembre 2021 sous le n°RG 21-4061.

La clôture est intervenue le 19 décembre 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 2 novembre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [N] et [B] [X] demandant, au visa des articles 1792, 1146 et 1147 anciens, 1719, 606 du code civil, de :

rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes ou mal fondées,

infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.910 € HT au titre de son préjudice de jouissance avant la réfection de la toiture ;

dit que la TVA qui s’y ajoutera sera celle au taux en vigueur à la date du paiement ;

condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.438,24 € TTC au titre des frais de remise en état avant la réfection de la toiture ;

condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 19.189,15 € au titre des frais de remise en état après la réfection de la toiture ;

débouté [N] et [B] [X] de leur demande au titre de leur préjudice moral et financier ;

condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp in solidum aux dépens en ce compris les constats d’huissier et les deux expertises judiciaires ;

ordonné l’exécution provisoire ;

confirmer la décision déférée en ce qu’elle a débouté la Sarl La Vénus de ses autres demandes ;

et statuant à nouveau pour le surplus : sur les préjudices nés avant la réfection de la toiture :

constater que les bailleurs n’ont eu connaissance des « grosses réparations » nécessaires que postérieurement à la survenance du sinistre du 4 janvier 2014 ;

débouter la Sarl La Vénus de ses demandes tendant à l’indemnisation des préjudices nés antérieurement à la mise en demeure adressée aux bailleurs le 6 mai 2014 ;

constater que la société La Vénus n’établit pas le montant exact du préjudice indemnisable au titre des frais de remise en état entre le 6 mai 2014 et la réfection de la toiture ;

par conséquent, limiter l’indemnisation des préjudices au titre des frais de remise en état entre le 6 mai 2014 et la réfection de la toiture invoqués par la société La Vénus aux seuls préjudices réels, en lien direct avec les désordres constatés et dûment quantifiés, dont le montant reste à ce stade réservé dans l’attente de la réponse à la sommation délivrée à l’intimée ;

constater l’absence de manquement des bailleurs, ainsi que l’absence de lien causal entre leur comportement et la perte d’exploitation invoquée par la Sarl La Vénus ;

à titre subsidiaire,

dire et juger que l’indemnisation du préjudice « de jouissance » né des désordres survenus avant la réfection du toit ne peut être égale à l’avantage qui aurait été tiré si l’événement manqué s’était réalisé ;

par conséquent, limiter l’indemnisation des préjudices au titre de la perte d’exploitation invoquée par la Sarl La Vénus survenue avant la réfection du toit, à une somme correspondant à la seule chance perdue qui ne peut être supérieure à 10 % ;

sur les préjudices nés après la réfection de la toiture :

dire et juger que les désordres nés après les travaux de réfection du toit par la société SerBtp sont de nature décennale ;

condamner la société SerBtp à réparer l’intégralité des dommages de nature décennale nés à la suite de son intervention ;

condamner la société SerBtp à prendre en charge les frais de remise en état exposés après la réfection du toit ;

à titre subsidiaire, condamner la société SerBtp à relever et garantir les consorts [X] des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au titre des désordres et des frais de remise en état survenus et exposés après la réfection du toit ;

sur les loyers impayés : condamner en tant que de besoin la Sarl La Vénus à verser le montant des loyers restant à régler, à parfair selon la date de l’arrêt à intervenir ;

en tout état de cause :

dire et juger que la Sarl La Vénus a contribué à l’aggravation des désordres du fait du défaut d’entretien des locaux loués ;

ordonner le partage des responsabilités et fixer à 50 % la proportion dans laquelle la Sarl La Vénus doit contribuer à la réparation des désordres survenus entre le 6 mai 2014 et postérieurement à la réfection de la toiture ;

condamner in solidum la société La Vénus et la société Ser Btp à verser aux consorts [X] la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la Sarl La Vénus aux dépens exposés antérieurement au 6 mai 2014 ;

statuer ce que de droit concernant les dépens exposés entre le 6 mai 2014 et le mois de septembre 2014, date de réalisation des travaux par la société SerBtp ;

condamner la société SerBtp aux dépens exposés postérieurement aux travaux réalisés, en ce compris les constats d’huissier, les frais d’expertise judiciaire et les dépens de première instance et d’appel ;

ordonner la distraction au profit de l’avocat constitué sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 11 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl La Vénus demandant, au visa des articles 1719 et s. du code civil, de :

rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

confirmer le jugement rendu le 4 juin 2020 en ce qu’il a :

condamné in solidum les consorts [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.438,24 € TTC au titre des frais de remise en état avant la réfection de la toiture,

débouté les consorts [X] de leur demande au titre de leur préjudice moral et financier,

condamné in solidum les consorts [X] ainsi que la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum les consorts [X] ainsi que la Sarl SerBtp aux dépens, en ce compris les constats d’Huissier et les deux expertises judiciaires,

réformer le jugement en date du 4 juin 2020 en ses autres dispositions et y ajoutant

condamner solidairement les consorts [X] au paiement de la somme de la somme de 17.693 € TTC en réparation du trouble de jouissance subi par la Sarl La Vénus avant les travaux de réfection de la toiture,

condamner solidairement les consorts [X] et la Sarl SerBtp au paiement de la somme de la somme de 22.307 € TTC en réparation du trouble de jouissance subi par la Sarl La Vénus après les travaux de réfection de la toiture,

condamner solidairement les consorts [X] ainsi que la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 27.538,65 € au titre des frais de remise en état après la réfection de la toiture,

condamner solidairement [N] et [B] [X], ainsi que la Sarl SerBtp au paiement entre les mains de la Sarl La Vénus de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement [N] et [B] [X], ainsi que la Sarl SerBtp au paiement des dépens.

Vu les conclusions notifiées le 25 novembre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl SerBtp demandant, au visa des articles 1792 et 1240 du code civil, de :

à titre principal :

confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

condamner tous succombants à verser à la société SerBtp la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles engagés,

à titre subsidiaire :

limiter l’obligation à la dette de la société SerBtp à la somme de 19.185,15 €,

débouter la Sarl La Vénus et les consorts [X], du surplus de leurs demandes à l’encontre de la société SerBtp,

en toute hypothèse : condamner tout succombant au paiement des dépens, dont distraction sera faite à la Selas Clamens Conseil, autorisée à les recouvrer sur son offre de droit, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

-sur la détermination des responsabilités dans la réparation des désordres subis par la Sarl La Vénus:

Les consorts [X] relèvent appel du jugement déféré pour faire trancher préalablement la question de leur responsabilité en qualité de bailleurs.

Ils contestent être intégralement responsables des dommages avant l’intervention d’un homme de l’art, puis concernant les désordres survenus après les réparations effectuées par la sarl SerBTP ; enfin, ils dénoncent le fait que la part de responsabilité de la société locataire, la Sarl La Venus, n’a pas été retenue pour défaillance dans l’entretien des locaux.

Essentiellement, les bailleurs ne contestent pas le principe de leur responsabilité concernant les travaux de toiture sur le fondement de l’obligation de délivrance du bailleur comme l’a, à bon droit, retenu le tribunal en application des articles 1719 et 1720 du code civil ; toutefois, ils considèrent qu’ils ne peuvent être tenus responsables de désordres qui ne leur ont pas été signalés avant la mise en demeure du 6 mai 2014 alors que la première réunion d’expertise s’est tenue le 1er juillet 2014 et qu’ils disent avoir immédiatement pris en charge le coût de la réfection du toit pour 86.903,52 euros ttc.

Après examen de pièces produites aux débats, la cour constate que, par courrier du 12 octobre 2006 (pièce n°83), non contesté par les bailleurs, maître [Z], avocat, avait informé, par télécopie, [R] [X] et [N] [R] de la nécessité pour les bailleurs de prendre en charge les travaux de toiture alors qu’à la suite d’inondations, il précisait : « hier soir, j’ai pu recevoir un appel téléphonique de Monsieur [I] à mon domicile particulièrement inquiet d’une inondation survenue en début de soirée au local, consécutivement à la chute d’eau provenant d’orages violents… Aussi, je pense que nous arrivons maintenant au point d’orgue de près de quatre semaines de discussion sur l’intervention au niveau de la toiture pour réparer des gouttières identifiées par le preneur ».

Il est fait état dans ce courrier de l’activité de dîners spectacles exercée par le preneur alors que la Sarl La Venus avait signé le contrat de bail commercial dès le 21 juillet 2006.

Il ne peut donc être soutenu par les consorts [X] que le désordres en toiture et le défaut d’entretien de la toiture ont été découverts par mise en demeure du 6 mai 2014 alors que les travaux d’entretien de la toiture incombent aux bailleurs, ce qui n’est pas contesté, et qu’il n’est pas allégué que des travaux avaient été effectués par les bailleurs dans les 8 années qui ont précédé la dite mise en demeure du 6 mai 2014 et ce alors que moins de 3 mois après la signature du bail, le preneur se plaignait déjà de désordres en toiture liés à des inondations.

S’agissant des désordres apparus après l’intervention des travaux de toiture en septembre 2014, les consorts [X] reprochent à la Sarl La Vénus de ne pas avoir assuré l’entretien des chenaux en faisant enlever à sa charge les dépôts des feuilles mortes pour faciliter l’écoulement des eaux pluviales, conformément aux stipulations du bail commercial et sollicitent que soit retenue une part de responsabilité du preneur dans les désordres de 50% minimum.

La Sarl La Venus renvoie la cour aux conclusions précises de l’expert judiciaire [M] [T] pour solliciter la confirmation du jugement de ce chef.

L’expert judiciaire a, en effet, précisément et pertinemment répondu sur la responsabilité de la Sarl La Venus, concernant le manquement allégué à son obligation d’entretien des chenaux, en relevant que le manquement au défaut d’entretien ne pouvait compenser les graves dysfonctionnements avérés de l’installation qui ne permettait pas d’évacuer l’eau dans des conditions normales pour défaut de dimensionnement des ouvrages même en l’absence de feuilles dans les chenaux.

C’est donc à bon droit que le tribunal a écarté la responsabilité de la Sarl La Venus dans la réalisation des désordres établis et devant être réparés après 2014.

Si depuis la réparation de l’installation après l’expertise judiciaire de [M] [T] et selon les préconisations requises, la Sarl La Vénus devra nécessairement justifier d’un entretien régulier des chenaux et descente de toitures, dans le présent litige dont est saisi la cour, la responsabilité de la Sarl la Venus ne peut être retenue.

Il convient de confirmer le jugement de ce chef.

Concernant la responsabilité de la Sarl SerBTP, les consorts [X] considèrent que l’expert judiciaire [M] [T] a mis en exergue la responsabilité pleine et entière de la société SerBTP pour des travaux non conformes aux règles de l’art pour défaut de dimensionnement des ouvrages d’évacuation des descentes EP, empêchant la mise hors d’eau du bâtiment. Ils demandent, par conséquent, à être relevés et garantis des condamnations prononcées à leur encontre par la Sarl SerBTP au titre des frais de remise en état.

La Sarl SerBTP n’a pas conclu sur la demande d’appel en garantie des consorts [X] et sollicite la confirmation du jugement alors qu’elle a, dores et déjà, versé 12000 euros ttc au titre des travaux de reprise des chenaux et descentes tels que fixés par l’expert judiciaire [M] [T] et dit avoir exécuté son obligation de ce chef. Elle rappelle, par ailleurs, que le raccordement du bac acier sur acrotère évalué à 1.500 euros incombait, selon l’expert judiciaire, aux bailleurs.

A la lecture du rapport d’expertise judiciaire très précis et pertinent de ce chef, la responsabilité de la société SerBTP est entière sur la reprise des travaux en raison du défaut de dimensionnement des ouvrages d’évacuation des EP ; ces travaux ont été évalués à 12.000 euros ttc alors que les infiltrations d’eau dans la partie de rangement dans le local de l’ancien transformateur étaient la conséquence de travaux commandés par les consorts [X] qui nécessitaient la reprise du raccordement bac acier sur acrotère pour des travaux estimés à 1.500 euros ttc.

Dans ces conditions, la Sarl SerBTP et les bailleurs sont tenus solidairement des travaux mal effectués par la sarl SerBTP et de leurs conséquences et dans les rapports entre eux , ces condamnations seront intégralement supportées par la Sarl SerBTP qui devra relever et garantir les consorts [X] des condamnations de ce chef à l’égard du preneur à bail.

En revanche, les consorts [X] seront, en outre et seuls, condamnés à réparer les travaux de reprise du raccordement bac acier sur acrotère.

-Sur les préjudices :

Les consorts [X] demandent à bon droit la justification des préjudices allégués par la Sarl La Venus qui doit établir, pour obtenir réparation, la réalité du préjudice allégué et le lien de causalité entre le préjudice et le manquement établi des bailleurs.

1) sur les préjudices nés avant la réfection de la toiture en septembre 2014 :

les consorts [X] reprochent à la sarl La Vénus d’avoir été indemnisée par son assureur en 2013 pour 6.086,80 euros et 1.633,20 euros, franchise de 800 euros déduite, et de ne pas avoir justifié des travaux réalisés, après indemnisation de son assureur.

Concernant les préjudices nés des frais de remise en état, il convient de confirmer le jugement du tribunal qui a relevé, à bon droit, que l’expert judiciaire avait vérifié le montant des frais de remise en état à partir des factures et devis produits.

Il importe peu de savoir quelles indemnisations a perçues le preneur de son assureur de ce chef dès lors que l’assureur n’intervient pas en demande de remboursement des sommes éventuellement dores et déjà versées à son assurée.

Concernant les troubles de jouissance, les consorts [X] contestent tout fait fautif de leurs part dès lors qu’eux-mêmes avaient fait appel à un professionnel pour procéder aux travaux et qu’ils estiment ne pas être responsables du préjudice d’exploitation généré par le planning d’intervention limité de ce professionnel.

Les travaux de remise en état généraient nécessairement la fermeture de l’établissement et il appartient aux bailleurs du fait du manquement à leur obligation de délivrance de supporter intégralement les préjudices générés par leur manquement à l’origine des désordres subis. Il s’agit d’un préjudice intégral et non d’une perte de chance et le défaut d’exploitation est en lien direct avec le manquement des bailleurs.

C’est donc à bon droit que le tribunal a indemnisé la Sarl La Vénus de la perte d’exploitation liée à l’annulation des 3 réservations pendant la période des travaux et que cette indemnisation est en effet à la charge des bailleurs.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a :

-condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.910 € HT au titre de son préjudice de jouissance avant la réfection de la toiture ;

-dit que la TVA qui s’y ajoutera sera celle au taux en vigueur à la date du paiement ; -condamné in solidum [N] et [B] [X] à payer à la Sarl La Vénus la somme de 9.438,24 € TTC au titre des frais de remise en état avant la réfection de la toiture.

2) sur les préjudices nés après la réfection de la toiture :

sur les frais de remise en état, comme précisé précédemment et comme l’a relevé l’expert judiciaire, les frais de remise en état incombe à l’homme de l’art qui n’a pas rempli sa mission alors que les autres réparations non abouties incombent aux bailleurs.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement mais de dire que la Sarl SerBTP est tenue de relever et garantir les consorts [X] des travaux de reprise des chenaux et descentes et de leurs conséquences alors que les consorts [X] seront seuls condamnés à réparer les travaux de reprise du raccordement bac acier sur acrotère.

L’expert judiciaire [M] [T] s’est borné à évaluer le montant de ces travaux 12000 euros pour la SerBTP et 1.500 euros pour les consorts [X].

De son coté, la Sarl La Vénus demande la condamnation in solidum de la Sarl SerBTP et des consorts [X] à 27.538,65 euros ttc au titre des frais de remise en état des locaux après la réfection de la toiture. Elle produit pour justifier de ses dépenses diverses factures notamment 11.127,70 euros de mai à Juin 2015 puis 8.061,45 euros en 2016 puis 1.557,50 euros ttc en 2016 et 2017, travaux qui lui ont permis de poursuivre l’exploitation du fonds de commerce en attendant les travaux sollicités par l’expert judiciaire et qui ont été réalisés en septembre 2014.

Elle justifie par des courriers le refus de l’assureur de prendre en charge les désordres subis du fait de l’ancienneté de la cause de désordres sans travaux immédiats pour y remédier.

Par ailleurs, dans son rapport d’expertise et après analyse des pièces produites, l’expert judiciaire a retenu le préjudice lié à la remise en état des lieux incombant à la Sarl SerBTP, suite à l’épisode pluvieux de 2015 à la somme de 11.127,70 euros ttc pour des travaux effectués et pour l’épisode pluvieux de 2016, il a précisé que le préjudice portait sur des travaux de remise en état à envisager à la somme de 8.061,45 euros ttc (= 7.807,41 euros ttc + 254,04 euros ttc).

Eu égard aux pièces produites concernant les seules factures de prestations réalisée, la cour évalue le préjudice subi au titre des frais de remise en état à la charge de la Sarl SerBTP à la somme de 19. 189,15 euros ttc.

Concernant les devis de réparation produits, ils portent sur les sanitaires du local endommagé et sur des désordres situés au niveau de la scène de spectacle.

Dans le rapport d’expertise judiciaire, il n’est pas fait état de désordres au niveau de la scène de spectacle. La cour retiendra par conséquent les désordres relevés par l’expert judiciaire au niveau des sanitaires dans le local dont les désordres incombaient aux bailleurs.

A l’examen du devis Fraccacreta qui porte sur diverses prestations, il sera fait droit à la remise en état des sanitaires dans le local pour un montant de 900 euros ttc, somme à la charge des bailleurs.

Concernant les troubles de jouissance après les travaux de toiture, la cour relève que la Sarl La Venus ne produit, pas davantage en appel qu’en première instance, de justificatif de la réalité du préjudice subi.

La cour ne peut se borner à évaluer un tel préjudice à partir des seules estimations de son expert comptable alors qu’il lui appartenait de justifier précisément de son manque à gagner lié, par exemple, aux journées de travaux pour la remise en état des locaux .

La Sarl La Venus sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé de ce chef.

-sur les loyers impayés :

les consorts [X] demandent de « condamner en tant que de besoin la Sarl La Venus à verser le montant des loyers restant à régler, à parfaire selon la date de l’arrêt à intervenir ».

La Sarl La Venus affirme être à jour de ses loyers et précise avoir poursuivi son activité en dépit des conditions difficiles d’exploitation et en l’absence de remise en état des lieux immédiat.

La cour constate qu’elle n’est pas saisie d’une demande déterminée, notamment dans son montant, de la part des consorts [X].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [X] de ce chef.

-sur les demandes accessoires :

les consorts [X] et la Sarl SerBTP qui succombent pour l’essentiel en appel seront condamnés aux dépens d’appel et eu égard à la situation respective des parties, les consorts [X] et la Sarl SerBTP seront en outre condamnés à verser 2.000 euros de frais irrépétibles supplémentaires à la Sarl La Vénus au titre des frais irrépétibles en appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et sur les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-Confirme le jugement, y compris en ce qu’il a condamné in solidum [N] [X], [B] [X] et la Sarl SerBtp à payer à la Sarl La Vénus la somme de 19.189,15 € au titre des frais de remise en état après la réfection de la toiture

Et, y ajoutant,

-condamne la Sarl SerBTP à relever et garantir [N] et [B] [X] de la condamnation à verser à la Sarl La Venus la somme de 19.189,15 euros ttc. au titre des préjudices subis après réparation de la toiture en septembre 2014

-condamne [N] et [B] [X] à verser à la Sarl La Vénus la somme de 900 euros ttc au titre des préjudices subis après réparation de la toiture en septembre 2014

-déboute la Sarl La Vénus de ses autres demandes

-condamne in solidum [N] et [B] [X] et la Sarl SerBTP aux dépens d’appel

-condamne in solidum [N] et [B] [X] et la Sarl SerBTP à payer à la Sarl La Vénus la somme de 2.000.euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le Greffier La Présidente

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