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S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L.1242-2 et L.1244-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, et qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Si l’article D. 1242-1 du code du travail vise bien l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que la société d’Édition de Canal Plus rappelle, et que la société intimée se réfère aussi à l’accord national interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD-U concernant le secteur du spectacle et aux conventions et accords collectifs conclus avec les partenaires sociaux applicable au secteur de l’audiovisuel, en ce compris l’avenant de branche du 1er juillet 2016 dans le secteur de la production audiovisuelle, prévoyant la possibilité de recourir au CDD-U pour les fonctions telles que celles exercées par le salarié, de sorte que les fonctions occupées par M. [Y] pouvaient potentiellement autoriser le recours à ce type de contrats, il demeure ainsi nécessaire de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Ces éléments concrets se rapportent à l’activité du salarié et aux conditions de son exercice ;
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 21/02222 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UUCJ
AFFAIRE :
S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS
…
C/
[O] [Y]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE- BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F 19/00052
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
Me Hélène ECHARD
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS
N° SIRET : 329 211 734
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438 – Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
S.N.C. NULLE PART AILLEURS PRODUCTION
N° SIRET : 402 950 943
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438 – Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
APPELANTES
****************
Monsieur [O] [Y]
né le 15 Juillet 1977 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Hélène ECHARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E368
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Par contrat à durée déterminée d’usage du 20 mai 2003, Monsieur [O] [Y] a été engagé par la société Nulle Part Ailleurs en qualité de régisseur adjoint. Par la suite, le salarié a été engagé à différentes périodes par la société par le biais de contrats à durée déterminée d’usage.
A compter du mois de septembre 2016, le salarié a été engagé à plusieurs reprises par la société d’Édition de Canal Plus, également par le biais de contrats à durée déterminée d’usage.
Le 18 juin 2018, les salariés sous contrat à durée indéterminée avec la société Nulle Part Ailleurs Production y contribuant ont fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique, avec mise en ‘uvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Au mois d’octobre 2018, la direction des ressources humaines du groupe Canal + a proposé à Monsieur [Y] une indemnité transactionnelle mettant fin à leur collaboration, que ce dernier n’a pas acceptée, la jugeant insatisfaisante.
Par requête reçue au greffe le 15 janvier 2019, Monsieur [O] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin notamment de demander la requalification de ses contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée, de solliciter la requalification de la rupture du dernier contrat de travail à durée déterminée d’usage en un licenciement, et d’obtenir le versement de diverses sommes.
Par jugement du 11 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, section encadrement, a :
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus ;
– Requalifié les contrats à durée déterminée d’usage de Monsieur [O] [Y] en un contrat à durée indéterminée avec la société Nulle Part Ailleurs Production à compter du 20 mai 2003 et jusqu’au 18 juin 2018 et avec la société d’Édition de Canal Plus à compter du 5 septembre 2016 et jusqu’au 18 juin 2018 ;
– Fixé le salaire mensuel de référence de Monsieur [O] [Y] à la somme de 1 667,40 euros ;
– Dit que la rupture de la collaboration entre Monsieur [O] [Y] et la société d’Édition de Canal Plus s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– Condamné in solidum la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus à verser à Monsieur [O] [Y] les sommes suivantes :
*3 000 euros au titre de l’indemnité de requalification,
*4 650 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois,
*5 002,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 500,22 euros au titre des congés payés afférents,
*7 086,45 euros à titre d’indemnité de licenciement,
*20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Fixé la contribution de chaque société à 80 pour cent à la charge de la société Nulle Part Ailleurs Production et 20 pour cent à la charge de la société d’Édition de Canal Plus ;
– Condamné la société Nulle Part Ailleurs Production à verser à Monsieur [O] [Y] les sommes suivantes :
*3 334,80 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et de septembre 2015,
*9 596,35 euros au titre de la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi qu’elle a mis en oeuvre ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision ;
– Ordonné la capitalisation des intérêts ;
– Ordonné à la société d’Édition de Canal Plus de remettre à Monsieur [O] [Y] un certificat de travail, un bulletin de salaire, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi rectifiés dans le mois de la notification du présent jugement ;
– Dit qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner une astreinte ;
– Ordonné le remboursement par les sociétés défenderesses, avec application de la proportion précitée entre’ elles, aux’ organismes’ concernés’ des’ indemnités’ de’ chômage’ qu’ils’ ont’ versées’ à’ Monsieur [O] [Y]’ à’ compter du jour de son licenciement jusqu’au jour de la présente décision, à concurrence de six mois ;
– Condamné in solidum la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus à verser à Monsieur [O] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec application de la proportion précitée entre elles ;
– Condamné in solidum la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus aux entiers dépens, avec application de la proportion précitée entre elles ;
Ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration au greffe du 8 juillet 2021, la société d’Édition de Canal Plus et la société Nulle Part Ailleurs Production ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions d’incident du 18 octobre 2022, M. [Y] a demandé au conseiller de la mise en état d’ordonner à la société Nulle Part Ailleurs Production et à la société d’Édition de Canal Plus la communication de pièces, notamment le plan de sauvegarde à l’emploi de 2018.
Par conclusions d’incident du 19 octobre 2022, la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus ont demandé au conseiller de la mise en état de rejeter les demandes de M. [Y].
Par ordonnance d’incident du 1er décembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de M. [Y].
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus demandent à la cour de :
Infirmer le jugement prononcé le 11 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt, en ce qu’il a :
– Rejeté’ la’ fin’ de’ non-recevoir’ tiré’ de’ la’ prescription’ soulevée’ par’ Nulle’ Part’ Ailleurs Production et Société d’Édition de Canal+ ;
– Fixé le salaire de référence à 1 667,40 euros ;’
– Requalifié’ les’ contrats’ à’ durée’ déterminée’ d’usage’ de’ M.’ [Y]’ en’ un’ contrat’ à’ durée indéterminée’ avec’ la’ Société’ Nulle’ Part’ Ailleurs’ Production’ à’ compter’ du’ 20′ mai’ 2003′ et jusqu’au 18 juin 2018 et avec la Société d’Édition de Canal+ à compter du 5 septembre 2016 et jusqu’au 18 juin 2018 ;’
– Jugé’ que’ la’ rupture’ de’ la’ collaboration’ entre’ M.’ [Y]’ et’ la’ Société’ d’Édition’ de’ Canal+ s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;’
Et’ a’ en’ conséquence’ condamnée’ in’ solidum’ la’ Société’ Npa’ Prod’ et’ SECP’ à’ verser’ à’ M. [Y] les sommes suivantes :’
*3 000,00 euros à titre d’indemnité de requalification ;
*4 650,00 euros à titre de rappel de prime de 13ème’ mois ;’
*5 002,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 500,22 euros à titre de congés-payés y afférents ;’
*7 086,45 euros à titre d’indemnité de licenciement ;’
*20 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Fixé la contribution de chaque société à 80% à la charge de Npa’ Prod’ et 20 % à la charge de SECP ;
Condamné SECP et Npa’ Prod’ à verser à M. [Y] les sommes suivantes :’
*3 334,80′ euros’ à’ titre’ de’ rappel’ de’ salaire’ pour’ les’ mois’ d’août’ et’ de’ septembre 2015 ;’
*9 596,35′ euros’ au’ titre’ de’ la’ perte’ de’ chance’ de’ bénéficier’ des’ mesures’ du’ PSE qu’elle a mis en ‘uvre ;’
– Ordonné la capitalisation des intérêts ;’
– Ordonné’ le’ remboursement’ par’ les’ appelantes,’ avec’ application’ de’ la’ proportion’ précitée (80% -‘ 20%)’ entre’ elles,’ aux’ organismes’ concernés’ des’ indemnités’ de’ chômage’ qu’ils’ ont versées’ à’ M.’ [Y]’ à’ compter’ du’ jour’ de’ son’ licenciement’ jusqu’au’ jour de’ la’ présente décision, à concurrence de 6 mois ;””
– Ordonné in solidum Npa’ Prod’ ET SECP à verser à M. [Y] la somme de 1 500 euros au titre de’ l’article 700 du CPC, avec application de la proportion précitée (80% ‘ 20%) entre elles ;’
– Confirmer le’ jugement’ prononcé’ le’ 11′ juin’ 2021′ par’ le’ conseil’ de’ prud’hommes’ de’ Boulogne-Billancourt, en ce qu’il a :’
– Débouté M.’ [Y] de sa demande visant à’ voir fixer son’ salaire de référence à 1 975,33 euros,’
– Débouté M. [Y] de sa demande en rappel de salaire sur la saison août 2017/ juin 2018 ;’
– Débouté M. [Y] de sa demande visant à faire juger, à titre principal, que la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement nul ;’
– Débouté M. [Y] de sa demande en travail dissimulé ;’
– Débouté M. [Y] de sa demande en rappels sur prime d’intéressement et de participation sur les années 2015 à 2018 ;’
– Débouté M. [Y] de sa demande en rappel de salaire pour la saison 2017/2018
Et, statuant à nouveau :
Sur la fin de non-recevoir sur le périmètre de l’action en requalification
En ce qui concerne la Société NPA Production,’
-‘ Juger que’ M.’ [Y]’ a’ saisi’ le’ conseil’ de’ prud’hommes,’ le’ 15′ janvier’ 2019′ d’une’ demande’ de requalification ;
-‘ Juger que les Société d’Édition de Canal+ (SECP) et Npa Production sont des sociétés distinctes,
-‘ Débouter M. [Y] de sa demande de co-emploi entre SECP et Npa’ Prod’ ;’
-‘ Débouter M. [Y] de sa demande visant à voir reconnaître une situation d’immixtion de Npa’ Prod’ sur SECP ;’
En conséquence :
-‘ Juger que par effet de l’article L.1471-1 du code du travail issu de l’Ordonnance 2017-1387, l’action de M.’ [Y]’ est’ prescrite’ en’ ce’ qui’ concerne’ la’ collaboration’ l’ayant’ occupé’ avec’ la’ Société’ NPA PRODUCTION, sur la période comprise entre le 20 mai 2003 et le 24 mai 2016 ;
– Juger que le litige de la requalification est limité à sa collaboration avec la Société d’Édition de Canal+ ;
Et,
En ce qui concerne SECP (au fond),’
– Juger régulier, au regard de l’usage constant propre au secteur de l’audiovisuel autorisé par les articles L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail, le recours à l’emploi intermittent pour l’emploi occupé par M. [Y] ;
En conséquence :’
– Débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de la requalification,
En tout état de cause,
– Condamner M. [Y] à payer à la Société d’Exploitation de Canal+ et à NPA Production, la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [Y] aux éventuels dépens
A titre subsidiaire (en cas de requalification) :
Dans l’hypothèse d’une requalification sur SECP
– Fixer à 1 409,08 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire ‘ mois de juin 2017 à mois de juin 2018) le salaire de référence de M. [Y] ;””
– Fixer à 1 409,08 euros l’indemnité de requalification,’
– Fixer à 4 227,24 euros le montant de l’indemnité de préavis ;
– Fixer à 1 409,08 euros le montant du rappel sur 13 ème’ mois ;
– Fixer l’indemnité de licenciement à 704,54 euros ;
– Fixer à 1 409,08 euros’ l’indemnité de l’article L.1235-1 du code du travail à 4 227,24 euros (à titre subsidiaire) ;
En tout état de cause :
Confirmer le jugement et débouter M. [Y] de sa demande en travail dissimulé ;
Confirmer le jugement et débouter M. [Y] de’ sa’ demande’ en’ rappel’ sur’ intéressement/ participation ;
– Infirmer le jugement et débouter M. [Y] de sa demande d’indemnisation en perte de chance sur PSE ;
– Infirmer le jugement et débouter M. [Y] de ses demandes en rappel de salaire sur les mois de d’août et septembre 2015.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 7 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens M. [Y] demande à la cour de :
Réformer le jugement du 11 juin 2021 en ce qu’il a :
– Limité’ la’ requalification’ des’ contrats’ à’ durée’ déterminée’ d’usage’ de’ M.’ [Y] en’ un contrat à durée indéterminée avec la société d’Édition de Canal Plusà la période allant du 5 septembre 2016 au 18 juin 2018′
– Fixé le salaire mensuel de référence de M. [Y] à la somme de 1 667,40 euros’
– Limité la condamnation in solidum de la société Nulle Part Ailleurs Production et de’ la’ société d’Édition de Canal Plus à’ verser’ à’ M.’ [Y] les’ sommes suivantes :
*3 000 euros au titre de l’indemnité de requalification,’
*4 650 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois,’
*7 086,45 euros à titre d’indemnité de licenciement,
*20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’
– Fixé le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à 5 002,20 euros et des congés payés afférents à 500,22 euros’
– Limité la condamnation de la société Nulle Part Ailleurs Production à verser à’ M. [Y] les sommes suivantes :
*3 334,80 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2015,
*9 596,35 euros au titre de la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi qu’elle a mis en ‘uvre’
– N’a’ pas’ condamné’ in’ solidum’ la’ société d’Édition de Canal Plus à’ payer’ à’ M. [Y] les rappels de salaire dus pour les mois d’août et septembre 2015 et les sommes allouées’ au titre de la perte de’ chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi mis en ‘uvre
– Fixé’ la’ contribution’ de’ chaque’ société’ à’ 80%’ à’ la’ charge’ de’ la’ société’ Nulle Part Ailleurs Production et 20 % à la charge de la société d’Édition de Canal Plus
– Infirmer le jugement du 11 juin 2021 en ce qu’il a :
– Débouté M. [Y] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé’
– Débouté M. [Y] de sa demande de rappel de primes d’intéressement et de participation
– Confirmer le jugement pour le surplus.
Et statuant à nouveau de :
– Requalifier les contrats à durée déterminée d’usage conclus par la société d’Édition de Canal Plus avec M. [O] [Y] en contrat à durée indéterminée à compter du 20 mai 2003 et jusqu’au 18 juin 2018
– Fixer le salaire de référence de M. [O] [Y] à 1 693,38 euros bruts’
– Condamner in solidum la société Nulle Part Ailleurs Production et la société d’Édition de Canal Plus à’ verser’ à’ Monsieur’ [O]’ [Y] les’ sommes suivantes :
*10 000 euros au titre de l’indemnité de requalification,
*4 689,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 468,94 euros au titre des congés payés afférents,
*7 789,55 euros à titre d’indemnité de licenciement,
*22 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*3 126,36 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2015 et 312,64 euros de congés payés afférents,
*5 861,70 euros à titre de rappel de primes de 13ème mois pour 2015, 2016, 2017 et 2018 et subsidiairement 5 784,54 euros à ce titre,
*un rappel de primes de participation et d’intéressement au titre de l’année 2015, 2016 et 2018 calculé sur la base des salaires moyens mensuels suivants : 1 207,07 € pour 2015,
*1 635,74 € pour 2016, 1 563,12 € pour 2018 et subsidiairement, 4 405,93 euros au titre de ce rappel de primes de participation et d’intéressement
*60 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi,
*10 160,28 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
– Ordonner, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document (la cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte prononcée), la remise de documents de fin de contrat conformes’
– Assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande pour les sommes à caractère salarial et à compter de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire’
– Ordonner la capitalisation des intérêts pour les sommes dues pour plus d’une année entière’
– Condamner in solidum les sociétés Nulle Part Ailleurs Production et société d’Édition de Canal Plus
à payer à M. [O] [Y] la somme de 5’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme de 1’500 € déjà allouée à ce titre en première instance aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 mars 2023.
SUR CE,
Sur la fin de non-recevoir
Les sociétés font valoir que l’action de M. [Y], qui a saisi le conseil de prud’hommes le 15 janvier 2019 d’une demande de requalification, est prescrite en ce qui concerne sa collaboration avec la société NPA Production, sur la période comprise entre le 20 mai 2003 et le 24 mai 2016 et que le litige de la requalification est limité à sa collaboration avec la société d’Édition de Canal+ ; elle précisent que les société d’Édition de Canal+ (SECP) et NPA Production sont des sociétés distinctes et contestent une situation d’immixtion de NPA Production sur SECP ;
M. [Y] demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée ; il fait tout d’abord valoir en ce sens une absence de prétention sur ce point dans le dispositif des écritures des appelantes ; il invoque ensuite une situation de co-emploi d’une part au regard d’un lien de subordination ayant perduré avec la société NPA Production au-delà d’août 2016 et jusqu’au 18 juin 2018 d’autre part, au regard de l’immixtion permanente de la SEPC dans la gestion économique et sociale de NPA Production depuis le 20 mai 2003 ;
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs de jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement ; l’appelant doit également former des prétentions dans le dispositif de ses conclusions ;
Les conclusions à prendre en considération sur ce point étant celles remises par l’appelant dans le délai de l’article 908 ;
En l’espèce, le dispositif des conclusions des appelantes, remises et notifiées le 8 octobre 2021, soit dans le délai de 3 mois de leur déclaration d’appel, contient, notamment, les mentions suivantes :
« Infirmer le jugement prononcé le 11 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, en ce qu’il a :
o Rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription soulevée par Nulle Part Ailleurs Production et Société d’Edition de Canal+
(‘) » ;
puis, au titre de la fin de non-recevoir de :
« Juger que M. [Y] a saisi le Conseil de Prud’hommes, le 15 janvier 2019 d’une demande de requalification ;
– Juger que les Société d’Edition de Canal+ (SECP) et NPA PRODUCTION sont des sociétés distinctes,
– Débouter M. [Y] de sa demande de co-emploi entre SECP et NPA PROD.
En conséquence :
– Juger que par effet de l’article L.1471-1 du code du travail issu de l’Ordonnance 2017-1387, l’action de M. [Y] est prescrite en ce qui concerne la collaboration l’ayant occupé avec la Société NPA Production, sur la période comprise entre le 20 mai 2003 et le 24 mai 2016 ;
– Juger que le litige de la requalification est limité à sa collaboration avec la société d’Edition de Canal+» ;
De même, dans le dispositif de ses dernières conclusions, NPA Production mentionne parmi ses prétentions la fin de non-recevoir mentionnée dans le dispositif de ses conclusions initiales ;
Dans ces conditions, le dispositif des conclusions des sociétés appelantes prises dans le délai de l’article 908 contenaient des mentions explicites conformes aux exigences procédurales requises ;
S’agissant du lien de subordination invoqué par M. [Y] comme ayant perduré avec la société NPA Production au-delà d’août 2016 et jusqu’au 18 juin 2018, et qui suppose l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, les premiers juges ont justement retenu, par des motifs que la cour adopte, que :
‘il résulte du comparatif des listes techniques avant et après 2016, qui n’a pas fait l’objet d’observations de la part des défenderesses, que Monsieur [Y], dont le poste de premier assistant opérateur sur les tournages des Guignols n’a pas varié, a continué d’avoir pour responsable direct le directeur de la photographie, lui-même reportant au réalisateur, lesquels sont restés salariés de la societe Nulle Part Ailleurs Production jusqu’au 18 juin 2018. Ainsi, le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction sur Monsieur [Y] est resté entre les mains des mêmes personnes, toujours salariées de la societe Nulle Part Ailleurs Production après 2016. L’ensemble des postes d’encadrement est d’ailleurs reste sous la direction de cette dernière.
M. [Y] a continué de recevoir après 20l6 ses instructions et directives sur les horaires et lieux de convocation avant les tournages des assistants réalisateurs de l’émission Les Guignols, salariés de Nulle Part Ailleurs Production. Il verse ainsi aux débats les copies d’écran des courriels d’envoi d’un document appelé ‘bible’ et comprenant en haut de chaque page le logo de Nulle Part Ailleurs Production aux membres de l’équipe de tournage via la même adresse, avant et après 2016, sous le pseudonyme ‘NPA PROD’, modifié depuis 2013 en ‘M’.E.S Guignols’, tel qu’il ressort des copies d’écran listant les mail d’envoi de bibles (pièce 55 en demande). De même, le demandeur a continué de rendre compte après 2016 aux mêmes chargés de production de la société Nulle Part Ailleurs Production du bon fonctionnement du matériel, de l’organisation des tournages et des éventuelles difficultés rencontrées. Ainsi, le 12 septembre 2016, Monsieur [Y] envoie à Madame [E] [C], chargée de production pour Nulle Part Ailleurs Production, une photographie pour le badge d’accès au studio. Le 5 janvier 2017, Monsieur [I] [P], chargé de production également, lui demande de vérifier l’état des caméras et les devis pour 2 jours de tournage, et le 10 juillet 2018, il sollicitera ses commentaires sur les filtres rayés et la disparition du ‘fluide du zoom’. Le 11 août 2017, Monsieur [Y] reçoit les premiers textes d’une série de la part de Madame [J], chargée de production. Le 25 avril 2018, il reçoit de la part de [W] [F], assistant de production pour Nulle Part Ailleurs Production, un récapitulatif de la journée de tournage du 27 avril 2018, accompagné des textes qui seront tournés, ce à quoi, il suggérera l’aide d’un assistant pour le monitoring de cette journée. Plus encore lorsque Monsieur [Y] signale avoir réalisé des heures supplémentaires, il lui est demandé dans un courriel du 22 août 2017 de mettre en copie, à l’avenir, Madame [J] et Monsieur [P]. En définitive, il résulte de l’ensemble des pièces produites en demande que Monsieur [Y], dont il convient de rappeler qu’il n’a jamais entre 2003 et 2018 travaillé sur une autre émission que celle des Guignols, reçoit après 2016 ses instructions quotidiennement de la part des chargés de production de Nulle Part Ailleurs Production qui étaient déjà ses interlocuteurs avant 2016, qu’il leur rend compte après chaque tournage des difficultés éventuellement rencontrées et leur précise l’état du matériel. Le demandeur démontre ainsi que les conditions d’exercice de son emploi (identité du donneur. d’ordre, programme réalisé, matériel fourni) n’ont pas varié avant et après 2016.
A l’inverse, les défenderesses ne versent aucune pièce permettant d’établir que Monsieur [Y] recevait également des ordres ou directives de la part de la Societe d’Edition de Canal+, ou que celle-ci donnait des consignes opérationnelles aux chargés de production de la Société d’Edition de Canal+, 1es pièces versées aux débats démontrant plutôt que Monsieur [Y] recevait l’ensemble de ses instructions avant tournage de la société Nulle Part Ailleurs Production, que ce soit avant ou après 2016.’,
Les éléments ainsi produits au cas d’espèce conduisent à retenir que le faisceau d’indices ainsi mis en évidence caractérise, au-delà d’une simple coordination technique entre équipes de NPA Prod et SECP ou de simples discussions entre collègues, la persistance d’un lien de subordination de M. [Y] avec la société Nulle Part Ailleurs Production après le mois de septembre 2016 et jusqu’au 18 juin 2018, de sorte que l’action de M. [Y] à son encontre n’est pas prescrite et qu’il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée ; le jugement est en conséquence confirmé de ce chef ;
En revanche, il n’est pas établi d’immixtion permanente de la société SEPC dans la gestion la société NPA Production qui aurait conduit à une perte d’autonomie d’action de cette dernière, étant souligné que cette dernière, nonobstant la circonstance qu’elle était une filiale de la SEPC, partageait l’adresse de son siège social et exerçait la même activité, disposait au contraire d’une grande autonomie dans la gestion de ses équipes et dans la réalisation de l’émission des guignols ; le jugement est donc aussi confirmé en ce qu’il a retenu que la SEPC ne peut être retenue comme le co-employeur de M. [Y] entre 2003 et septembre 2016 ;
Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée
M. [Y] fait valoir, au soutien de sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée, qu’il a commencé à travailler pour l’émission Les Guignols de l’Info, programme emblématique de Canal + à compter du 20 mai 2003 et pendant 15 années, en exerçant en particulier les fonctions de premier assistant opérateur de vue, dans le cadre de programmes diffusés quotidiennement, avec 430 contrats à durée déterminée ; il dénonce un abus de recours au CDD d’usage ;
Les sociétés NPA Production et société d’Édition de Canal Plus (SECP) considèrent au contraire que l’ensemble des conditions permettant le recours au CDD d’usage étaient bien réunies, que la collaboration de M. [Y] était des plus ponctuelles et, partant, temporaire, qu’il était légitime puisque d’usage constant pour elles, appartenant au secteur de l’audiovisuel visé par l’article D. 1242-1 du code du travail, d’avoir recours au contrat à durée déterminée pour les fonctions intermittentes par nature occupées par le salarié, que cet usage constant dans le secteur de l’audiovisuel a été validé par l’ensemble des partenaires sociaux et que ce recours au CDD-U est en outre justifié par des raisons objectives conformes à l’Accord-cadre européen du 18 mars 1999 ;
En application de l’article L 1242-1 du code du travail :
« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. » ;
L’article L. 1242-2 du code du travail prévoit que :
“Sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée
ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans
les cas suivants :
[‘]
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur. ” ;
L’article D. 1242-1 du code du travail dispose que :
« en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :
[‘]
6° l’audiovisuel, [‘]. » ;
En application de l’article L. 1244-1 du même code :
« Les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :
(‘)
3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature
temporaire de ces emplois ; »
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L.1242-2 et L.1244-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, et qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Si l’article D. 1242-1 du code du travail vise bien l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que la société d’Édition de Canal Plus rappelle, et que la société intimée se réfère aussi à l’accord national interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD-U concernant le secteur du spectacle et aux conventions et accords collectifs conclus avec les partenaires sociaux applicable au secteur de l’audiovisuel, en ce compris l’avenant de branche du 1er juillet 2016 dans le secteur de la production audiovisuelle, prévoyant la possibilité de recourir au CDD-U pour les fonctions telles que celles exercées par le salarié, de sorte que les fonctions occupées par M. [Y] pouvaient potentiellement autoriser le recours à ce type de contrats, il demeure ainsi nécessaire de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Ces éléments concrets se rapportent à l’activité du salarié et aux conditions de son exercice ;
Il est avéré en l’espèce que M. [Y] a été engagé selon des contrats de travail (« lettre d’engagement ») à durée déterminée d’usage, commençant à travailler en qualité régisseur adjoint d’opérateur prises de vues pour Canal+ à compter du 20 mai 2003, puis assistant-technicien vidéo et surtout premier assistant opérateur de prises de vues ; il a travaillé au sein de l’une ou l’autre des sociétés susvisées quasiment tous les mois de la période comprise entre mai 2003 et juin 2018 ;
M. [Y] est intervenu par l’intermédiaire de 430 contrats à duré déterminée d’usage, essentiellement dans l’emploi d’opérateur prises de vues, au cours d’une période de 15 ans, avec une moyenne d’environ 6 jours par mois ;
Les premiers juges ont aussi justement souligné la continuité de diffusion des programmes pour lesquels il a participé à la fabrication et le caractère technique de sa fonction, outre que certains de ses collègues, affectés à la fabrication des mêmes programmes que lui ont pu bénéficier de CDI, et que l’emploi qu’il exerçait, fut-ce par intermittence, correspondait finalement à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
Ces éléments font ressortir le caractère récurrent et la continuité de la relation de travail entre les parties ;
Les interventions de M. [Y] s’inscrivent sur une période d’une durée globale de 15 ans, faisant ainsi ressortir également leur longévité ;
La société d’Édition de Canal Plus ne justifie pas de circonstance particulière ayant généré un besoin seulement temporaire expliquant sur toute cette période le recours aux services de M. [Y] ni d’éléments probants démontrant l’existence sur cette même période d’incertitudes quant à la pérennité des émissions ;
La circonstance que le salarié ait pu, parallèlement à son engagement, travailler pour le compte d’autres sociétés est sans incidence compte tenu de ces constats de récurrence, de continuité et de longévité de la fonction qu’il a occupée au sein de Canal + ;
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Nulle Part Ailleurs Production à compter du 20 mai 2003 et jusqu’au 18 juin 2018 et avec la société d’Édition de Canal Plus à compter du 5 septembre 2016 et jusqu’au 18 juin 2018 ;
Sur le salaire de référence
Sur la base de la moyenne des salaires perçus par M. [Y] sur les 12 derniers mois précédant la rupture, soit 1 409,08 euros, auxquels il convient d’inclure les congés payés réglés par la SCEP via la caisse des Congés Spectacles et les primes de 13ème mois dues, étant observé que M. [Y] justifie que les congés payés versés par la caisse des congés spectacles en mai 2018 se sont élevés à 1 848,50 euros, correspondant à un salaire de 1 563,12 euros hors prime de 13ème mois et de 1 667,40 euros avec le 13ème mois ( 1 563,12 € + [1 563,12€ /12] = 1 693,38 euros), il sera fait droit à la demande de réformation du jugement entrepris en ce qu’il avait fixé le salaire de référence à 1 667,40 euros, qui sera fixé à 1 693,38 euros ;
Sur l’indemnité de requalification
L’article L 1245-2 du code du travail dispose que :
« Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande [de requalification] du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. » ;
M. [Y] se réfère à l’insécurité de sa situation découlant du recours à des CDD successifs et sollicite une réparation forfaitaire et globale de sa perte financière ;
Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et sur la base du salaire de référence susvisé, le jugement est confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité de requalification allouée à la somme de 3 000 euros et en ce qu’il a fixé la contribution de chaque société à 80 pour cent à la charge de la société Nulle Part Ailleurs Production et 20 pour cent à la charge de la société d’Édition de Canal Plus ;
Sur le rappel de salaires
M. [Y] fait valoir qu’il n’a pas travaillé sur l’émission Les Guignols en août et septembre 2015 alors qu’il se tenait à la disposition, comme auparavant, de Canal Plus ;
Les sociétés font valoir en réplique que cette demande est prescrite et que M. [Y] n’établi pas être demeuré à la disposition permanente de l’employeur et par le fait de ce dernier sur cette période ;
En application de l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et la demande peut porter sur les trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ;
La requalification de contrats de travail à durée déterminée successifs en un CDI permet au salarié de solliciter un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant chaque contrat dans la mesure où il justifie s’être tenu à la disposition permanente de son employeur pendant ces périodes ;
En l’espèce, la demande porte sur les mois d’août et septembre 2015 pour lesquels la prescription triennale n’était pas acquise ;
Il ressort des pièces versées aux débats que les tournages initialement prévus en août et en septembre 2015 ont été décalés et reportés au fur et à mesure et finalement au mois d’octobre alors que M. [Y] s’était pourtant tenu à la disposition de son employeur durant les mois considérés ;
Sur la base d’un salaire hors prime de 1 563,12 euros, il lui sera donc alloué la somme de 3 126,36 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2015 et de 312,64 euros de congés payés afférents ;
Le jugement est en conséquence réformé uniquement en son quantum et la société NPA Production condamnée à lui verser la somme de 3 126,36 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2015 et celle de 312,64 euros de congés payés afférents ;
Sur le rappel de prime de treizième mois
La convention collective d’entreprise Canal + applicable prévoit que :
« Tous les salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, reçoivent pour une année complète de présence, une gratification égale au montant des appointements bruts de base au taux en vigueur au mois de décembre de l’année considérée.
Cette gratification est payée en deux versements effectués à la fin du mois de juin et à la fin du mois de décembre.
Pour les salariés ne possédant pas une année complète de présence, la gratification est calculée proportionnellement au temps de présence sur le ou les semestres considérés.
En cas de cessation du contrat de travail, le calcul prorata temporis de la gratification est effectué sur la base du dernier mois de salaire brut de base. » ;
M. [Y] est ainsi fondé à réclamer des rappels de prime de treizième mois au titre des trois années précédant la rupture du contrat ;
Il lui sera alloué, au regard de son salaire de base de 1 409,08 euros, la somme de 4 650 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois ; le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné les sociétés NPA Production et SECP in solidum à lui verser ce montant de ce chef, avec une contribution de 80 pour cent à la charge de la société Nulle Part Ailleurs Production et de 20 pour cent à la charge de la société d’Édition de Canal Plus ;
Sur le rappel de prime d’intéressement et de participation
M. [Y] a été rempli de ses droits au titre de l’année 2017 et ne remplissait pas la condition d’éligibilité pour prétendre à ces primes au titre des années 2015, 2016 et 2018, faute d’avoir travaillé 60 jours au cours de ces années ;
Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées de ces chefs ;
Sur le travail dissimulé
M. [Y] soutient que les CDD d’usage conclus par ailleurs avec Euromedia n’étaient qu’un artifice et qu’un moyen pour NPA d’éluder les règles du droit du travail vis-à-vis des salariés concernés en mettant en place intentionnellement un montage permettant à cette société de ne pas apparaître officiellement comme étant tous les jours son employeur ;
Cependant, comme le font justement valoir les intimées en réplique, lorsque M. [Y] collaborait avec NPA Production il était effectivement déclaré préalablement à son embauche, déclaré aux caisses et se voyait établir des fiches de paie correspondant au travail fourni et il en était de même lorsqu’il collaborait avec la société Euromédia, laquelle n’a au demeurant pas été appelée en la cause ; en tout état de cause, l’élément intentionnel du travail dissimulé n’est pas davantage établi ;
Le rejet de la demande de dommages et intérêts formée à ce titre sera donc confirmé ;
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur le licenciement
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Eu égard à la rupture de la relation de travail intervenue à l’initiative de l’employeur qui n’a plus fourni de travail à M. [Y] après le 18 juin 2018 et en l’absence de lettre de rupture énonçant le motif du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Le jugement est aussi confirmé de ce chef ;
Sur les conséquences financières
A la date de son licenciement M. [Y] avait une ancienneté de 15 ans au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle au moins 11 salariés ;
La convention collective de Canal + prévoit que les cadres ont droit à 3 mois de préavis ; M. [Y] qui était cadre a dès lors droit à un préavis de 3 mois ;
Son salaire de référence hors prime de 13ème mois étant de 1 563,12 euros bruts, il lui est dû à ce titre une indemnité de 4 689,36 euros bruts comme demandé par l’intimé en cause d’appel ;
Le jugement est en conséquence réformé uniquement en son quantum et les sociétés NPA Production et SECP condamnées in solidum à lui verser la somme de 4 689,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 468,94 euros au titre des congés payés afférents, avec application de la même proportion précitée ;
S’agissant de l’indemnité de licenciement, sur la base d’une ancienneté de 15 ans et 3 mois et d’un salaire de référence de 1 693,38 euros bruts, il lui est dû la somme de 7 789,55 euros (1 693,38 € x 25% x 5) + (1 693,38 € x 30 % x 5) + (1 693,38 x 35 % x 5) + 1 693,38 x 40 % x 0,25) = 7 789,55 €) ;
Le jugement est en conséquence réformé uniquement en son quantum sur ce point et les sociétés NPA Production et SECP condamnées in solidum à lui verser la somme de 7 789,55 euros à titre d’indemnité de licenciement avec application de la même proportion précitée ;
L’article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n’est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de M. [Y], une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 13 mois de salaire brut ;
Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l’âge, de l’ancienneté du salarié et des circonstances de son éviction, étant observé qui justifie d’une réduction de ses revenus au cours des années suivant la rupture, il convient de condamner l’employeur au paiement d’une indemnité totale de 20 000 euros à ce titre, toutes causes confondues en ce compris son préjudice moral ; les sociétés NPA Production et SECP seront condamnées in solidum à lui verser cette somme, avec application de la même proportion précitée ;
Le jugement est confirmé de ce chef ;
Sur la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi
M. [Y] sollicite la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi ; il fait valoir que les salariés en contrat à durée indéterminée sur les programmes Les Guignols ont fait l’objet en 2018 d’une procédure de licenciement pour motif économique avec plan de sauvegarde de l’emploi ;
Les sociétés font valoir en réplique le PSE en question, a pour seul et unique périmètre la société NPA Production et ses salariés, au sein de laquelle M. [Y] ne collaborait plus depuis le 24 mai 2016 ;
Il est avéré que les salariés sous contrat à durée indéterminée avec la société Nulle Part Ailleurs Production y contribuant ont fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique en 2018, avec mise en ‘uvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;
Toutefois, il résulte des motifs précédents que les contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs de M. [Y] ont été requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Nulle Part Ailleurs Production à compter du 20 mai 2003 et jusqu’au 18 juin 2018 ;
Ce dernier est donc bien fondé à invoquer une perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi ;
La perte de chance de bénéficier des mesures financières du plan de sauvegarde de l’emploi, dont les conditions financières ont en outre été vainement réclamées par le salarié auprès de la société concernée, doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ;
Il convient de tenir compte également des sommes déjà allouées à M. [Y] dans le cadre de la présente décision au titre de la rupture analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné la sociétés NPA Production à lui verser la somme de 9 596,35 euros en réparation de la perte de chance de bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi ;
Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités ;
Le jugement est confirmé sur ce point ;
Sur les autres demandes
Il y a lieu d’enjoindre à la société d’Édition de Canal Plus de remettre à M. [Y], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l’attestation pôle emploi, un bulletin de salaire, un solde de tout compte et le certificat de travail rectifiés ;
Le prononcé d’une astreinte ne s’avère pas nécessaire ;
Le jugement est confirmé sur ces points ;
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;
S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;
Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la société d’Édition de Canal Plus et de la société Nulle Part Ailleurs Production ;
La demande formée par M. [Y] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au salaire de référence, aux montants du rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2015, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité de licenciement,
Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
Fixe le salaire de référence de M. [Y] à 1 693,38 euros,
Condamne la SNC Nulle Part Ailleurs Production à payer à M. [O] [Y] la somme de 3 126,36 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2015 et celle de 312,64 euros de congés payés afférents,
Condamne in solidum la SAS société d’Édition de Canal Plus et la SNC Nulle Part Ailleurs Production à payer à M. [O] [Y], en fixant la contribution de chaque société à 80 pour cent à la charge de la société Nulle Part Ailleurs Production et 20 pour cent à la charge de la société d’Édition de Canal Plus, les sommes suivantes :
– 4 689,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 468,94 euros au titre des congés payés afférents,
– 7 789,55 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 2 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d’appel,
Condamne in solidum la SAS société d’Édition de Canal Plus et la SNC Nulle Part Ailleurs Production aux dépens d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,