Conditions du licenciement pour faute

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Conditions du licenciement pour faute

Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d’autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n’auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

Lorsque le motif allégué n’est pas le motif réel du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge d’apprécier la nature de la faute invoquée par l’employeur. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l’aggraver.


 

VC/PR

ARRET N° 290

N° RG 21/01358

N° Portalis DBV5-V-B7F-GIHC

S.A.R.L. CINE TRISKELL

C/

[O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 25 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHE SUR YON

APPELANTE :

S.A.R.L. CINE TRISKELL

N° SIRET : 807 653 597

[Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe BROTTIER de la SCP BROTTIER, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Philippe LAMOUR de la SELARL TGS AVOCATS, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE

INTIMÉ :

Monsieur [H] [O]

né le 14 février 1975 à [Localité 5] (86)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Françoise DE STOPPANI de la SCP AGIR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 février 2023, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

GREFFIER, lors de la mise à disposition : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 27 avril 2023. A cette date, le délibéré a été prorogé au 25 mai 2023.

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet au 8 novembre 2017, complété par un avenant du même jour, la SARL Ciné Triskell, dont le gérant était M. [C] [X], a engagé M. [H] [O] en qualité de Directeur, statut cadre.

Le 9 octobre 2019, M. [O] a été placé en arrêt maladie jusqu’au

25 novembre 2019 inclus.

Le 26 novembre 2019, le médecin du travail a déclaré M. [O] apte à son poste de travail dans le cadre d’une visite médicale de reprise.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 décembre 2019, la société Ciné Triskell a convoqué M. [O] pour un entretien préalable à son éventuel licenciement, et a prononcé sa mise à pied à titre conservatoire.

Le 18 décembre 2019, la société Ciné Triskell a notifié à M. [O] son licenciement pour faute grave en lui reprochant :

– de s’être introduit, le 15 novembre 2019, dans l’établissement, sans l’autorisation de son supérieur hiérarchique et en compagnie de personnes extérieures au cinéma,

– d’avoir pris, le même jour, deux présentoirs publicitaires, mis à la disposition du cinéma par le fournisseur.

Contestant son licenciement, M. [O] a saisi, par requête reçue le 1er avril 2020, le conseil de prud’hommes de La Roche Sur Yon afin d’obtenir le paiement de diverses indemnités et rappels de salaires.

Par jugement du 29 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que la société Ciné Triskell n’a pas justifié des fautes graves, l’a débouté de ses demandes et dit que le licenciement de M. [O] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Ciné Triskell à payer à M. [O] les sommes de :

*1.813 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 8.703,88 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 870 euros,

au titre des congés payés afférents,

* 10.154,67 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.573,88 euros à titre de rappel de salaire des jours de forfait disparus, outre 557,39 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.901 euros à titre de dommages et intérêts pour non-adhésion à la prévoyance malgré le paiement des cotisations,

* 69,54 euros au titre du remboursement de la retenue à tort de la mutuelle 2018,

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– débouté M. [O] de ses autres demandes,

– dit que la société Ciné Triskell n’avait pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

– dit que la convention de forfait annuel en jour incluse dans le contrat de travail n’était pas irrégulière,

– débouté la société Ciné Triskell de ses autres demandes,

– condamné la société Ciné Triskell aux dépens y compris les frais éventuels de recouvrement de la créance.

La société Ciné Triskell a interjeté appel, le 26 avril 2021, du jugement sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [O] de ses autres demandes,

– dit que la société Ciné Triskell n’avait pas manqué à son obligation de sécurité,

– dit que la convention de forfait annuel en jour incluse dans le contrat de travail n’était pas irrégulière.

Par conclusions n°2 notifiées le 17 janvier 2022 par voie électronique, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Ciné Triskell demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’elle n’avait pas manqué à son obligation de sécurité, en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes au titre de la convention de forfait jour et en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande au titre du travail dissimulé. Elle demande par ailleurs à la cour d’infirmer le jugement dans les limites de sa déclaration d’appel et statuant à nouveau de :

– dire que le licenciement de M. [O] repose sur une faute grave et le débouter de toutes ses demandes afférentes,

– débouter M. [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [O] aux dépens de première instance et d’appel et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle explique tout d’abord qu’à la suite de la visite médicale du 26 novembre 2019, il a été indiqué à M. [O] qu’il ne reprendrait le travail qu’après un échange avec son employeur, que M. [O] a été dispensé de travailler pendant cette période avec maintien de sa rémunération, et qu’il n’y a pas eu de mise à pied déguisée. Elle affirme que l’entretien du 1er décembre 2019 n’était pas un entretien disciplinaire mais seulement une entrevue destinée à valider les modalités de la reprise du travail de M. [O] de sorte que le pouvoir disciplinaire de l’employeur n’était en rien épuisé. Elle en conclut qu’elle pouvait engager une procédure de licenciement pour faute grave et prononcer une mise à pied disciplinaire sans qu’il n’y ait double sanction disciplinaire.

Elle rappelle que M. [O] a été licencié pour avoir détourné à son profit personnel du matériel mis à la disposition de l’entreprise par un fournisseur, à savoir des présentoirs publicitaires destinés à la présentation et à la vente au public de friandises de marques M&M’S et MIKO. Elle fait valoir que

M. [O] a reconnu ce fait lors de l’entretien préalable alors qu’il était assisté d’un conseiller du salarié. Elle estime que les explications données par M. [O] ne permettent pas de remettre en cause les faits de vol dont il s’est rendu coupable et qu’il ne démontre pas que les matériels lui appartenaient.

Elle conteste tout manquement à son obligation de sécurité, faisant observer que le médecin traitant de M. [O] n’a jamais fait de lien entre le syndrome dépressif du salarié et son travail. Elle rappelle que M. [O] était soumis à une convention de forfait jours de telle sorte qu’il lui incombait d’organiser ses journées de travail. Elle ajoute que M. [O] n’a jamais évoqué, pendant la relation contractuelle, cette problématique de durée du travail excessive et qu’il a transmis chaque mois des relevés de jours travaillés et non travaillés démontrant qu’il bénéficiait régulièrement de jours de repos. Elle fait valoir qu’elle n’a pas répondu au courrier d’alerte de M. [O] du 20 novembre 2019 au motif qu’il était en arrêt de travail et qu’il était prévu de faire un point avec lui sur ce courrier lors de la reprise du travail.

Elle soutient que la clause de forfait annuel en jours insérée dans le contrat de travail de M. [O] est conforme et régulière, insistant sur le fait que lors du bilan annuel individuel, M. [O] n’a jamais évoqué de problématique concernant sa charge de travail. Elle indique que M. [O] lui a adressé régulièrement le document auto déclaratif faisant apparaître le détail des jours travaillés et non travaillés et que M. [O] bénéficiait régulièrement de son repos hebdomadaire ainsi que de jours de congés.

Elle déclare que les 28 jours de dépassement du forfait concernant l’année 2018 ont été payés à la suite du jugement du conseil de prud’hommes pour un montant de 1.808,23 euros. S’agissant des 11 jours concernant l’année 2019, elle explique que c’est le cabinet comptable en charge de la paie qui, pour prendre en compte l’arrêt maladie, a mentionné sur les bulletins de salaire des données erronées mais qu’il ne s’agit que d’un problème de présentation des bulletins de salaire car dans les faits, tous les jours travaillés en 2019 ont été payés à M. [O].

Elle considère que dès lors que la convention de forfait jours est régulière, il ne peut y avoir de travail dissimulé.

Elle énonce avoir remboursé à M. [O] la somme de 69,54 euros qui lui avait été prélevée au titre de la mutuelle. Elle s’oppose en revanche à la demande de dommages et intérêts présentée par M. [O] au titre de la prévoyance, soulignant que le salarié n’a pas bénéficié des prestations de la prévoyance uniquement parce qu’il ne remplissait pas les conditions. Elle ajoute que M. [O] ne justifie d’aucun préjudice.

Par conclusions n°2 notifiées le 9 novembre 2022 par voie électronique, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [O] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

– l’a débouté de ses autres demandes,

– dit que la société Ciné Triskell n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

– dit que la convention de forfait annuel en jour incluse dans le contrat de travail n’était pas irrégulière,

et statuant à nouveau, de :

– condamner la société Ciné Triskell à lui payer les sommes de :

* 1.813 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 8.703,88 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 870 euros au titre des congés payés afférents,

* 17.408 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.794,39 euros à titre de rappel de congés payés défalqués unilatéralement,

* 1.298,21 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, outre 129,82 euros au titre des congés payés afférents,

* 108,18 euros à titre de rappel de salaire correspondant au treizième mois sur la mise à pied ainsi que la somme de 725,32 euros sur l’indemnité compensatrice de préavis non effectué,

– dire que la convention de forfait est privée d’effet,

– condamner la société Ciné Triskell à lui payer la somme de 53.125,53 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées outre la somme de 5.312,55 euros au titre des congés payés afférents,

– subsidiairement, si la convention de forfait n’était pas nulle, condamner la société Ciné Triskell à lui payer la somme de 5.573,88 euros au titre des jours de forfaits disparus de ses bulletins de salaire d’octobre 2018 à décembre 2018 outre la somme de 557,39 euros au titre des congés payés afférents,

– en tout état de cause, condamner la société Ciné Triskell à lui payer les sommes de :

* 17.408 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des règles de repos quotidien et hebdomadaire,

* 17.408 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité de résultat de loyauté dans l’exécution du contrat de travail,

* 17.408 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 2.901 euros à titre de dommages et intérêts pour non adhésion à la prévoyance malgré le paiement des cotisations,

* 69,54 euros à titre de remboursement de la retenue à tort au titre de la mutuelle 2018,

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure prud’homale,

* 5.204,76 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

– condamner la société Ciné Triskell aux dépens,

– débouter la société Ciné Triskell de ses demandes.

Il soutient que l’employeur ne démontre aucune faute de sa part, aucun vol, précisant qu’il n’a fait que récupérer le matériel qui lui appartenait ce que l’entreprise n’ignorait pas. Il ne conteste pas avoir pénétré le 15 novembre 2019 dans le cinéma pour récupérer son piano ainsi que le présentoir M&M’S qui lui appartenaient. Il ajoute que le présentoir MIKO ne fonctionnait pas et qu’il avait convenu de le jeter à la déchèterie. Il estime qu’il avait l’autonomie pour entrer dans le cinéma même en dehors de ses horaires de travail sans que cela ne constitue une faute. Il indique qu’il était accompagné d’un salarié de l’entreprise à savoir M. [I]. Il dément avoir reconnu qu’il aurait détourné ces matériels lors de l’entretien préalable.

Se fondant sur les dispositions des articles L.1226-8 et L.1221-1 du code du travail et de l’article 1194 du code civil, il estime qu’il y a eu double sanction disciplinaire. Il soutient à cet effet qu’en lui demandant le 26 novembre 2019 de rester chez lui, malgré l’avis d’aptitude de la médecine du travail, son employeur l’a mis en repos forcé et ainsi manqué à son obligation de lui fournir du travail. Il ajoute que lors de l’entretien du 1er décembre 2019, le gérant de la société Ciné Triskell lui a indiqué qu’il y avait deux possibilités, à savoir soit une démission immédiate, soit une lettre dans la semaine suivie d’un dépôt de plainte pour vol. Il précise que sur son bulletin de salaire du mois de novembre 2019, 5 jours de congés payés lui ont été défalqués pour la somme de 1.794,39 euros. Il prétend qu’il a été licencié oralement le 1er décembre 2019 après une période de mise à pied maquillée en congés payés forcés de sorte que la convocation du 4 décembre 2019 à un entretien préalable et le licenciement notifié le 18 décembre 2019 constitue une double sanction disciplinaire rendant nulle et sans cause réelle et sérieuse la seconde sanction.

Il considère que son employeur a manqué à son obligation de sécurité telle que prévue par l’article L.4121-1 du code du travail. Il explique qu’il a travaillé sans relâche, qu’il a été mis en arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif le 9 octobre 2019, qu’il a adressé à son employeur le 20 novembre 2019 un courrier d’alerte mais que la société Ciné Triskell ne lui a pas répondu et n’a pris aucune mesure. Il rappelle qu’il n’appartient pas au médecin traitement d’établir un lien entre l’arrêt de travail et le travail lui-même. Il indique que la société Ciné Triskell, alors qu’il avait été déclaré apte, a refusé qu’il revienne travailler sans la moindre raison, lui interdisant l’accès à son bureau et à ses collègues.

Il soutient que la convention de forfait annuel en jours à laquelle il était soumis doit être privée d’effet, sur le fondement des articles L.3121-60 et suivants du code du travail, faisant valoir qu’il a accompli des horaires de travail avec une énorme amplitude, quasiment tous les jours de la semaine, que la société Ciné Triskell n’a organisé aucun entretien en deux ans sur la charge de travail, sur la déconnexion entre la vie privée et la vie professionnelle. Il affirme que la seule absence de contrôle de sa charge de travail par son employeur suffit à priver d’effet la convention et à lui permettre d’être rémunéré de ses heures supplémentaires. Subsidiairement, si la cour venait à juger que la convention de forfait est valable, il déclare que 11 jours ont disparu de son forfait en 2019 et 28 jours en 2018.

Il affirme qu’il ne bénéficiait pas du repos hebdomadaire obligatoire de 24h consécutives auquel s’ajoute l’obligation de repos quotidien de 11h soit 35 heures de durée minimale de repos hebdomadaire. Il expose qu’il avait une telle charge de travail qu’il n’avait pas d’autre choix que de dépasser la durée normale du travail. Il indique qu’il a été fatigué, stressé par ce travail incessant et qu’il est ainsi fondé à solliciter l’indemnisation de son préjudice.

Il insiste sur le fait que son employeur avait parfaitement connaissance de ses horaires de travail qui correspondaient à l’ouverture et à la fermeture du cinéma 7 jours sur 7 et sur le fait que son employeur a fait disparaître des jours du compteur de jours travaillés en 2018 et en 2019 pour en conclure que la société Ciné Triskell a dissimulé volontairement des heures de travail accomplies.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 21 février 2023 lors de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 27 avril 2023 puis prorogé au 25 mai 2023.

Le 25 janvier 2023, la société Ciné Triskell a notifié des conclusions n°3.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour, faisant application de l’article 802 alinéa 1 du code de procédure civile, déclare irrecevables les conclusions n°3 notifiées par la société Ciné Triskell qui ont été communiquées postérieurement à l’ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2023 de sorte qu’il ne sera statué que sur les moyens et prétentions contenues dans les conclusions n°2 notifiées le 17 janvier 2022.

Sur les demandes relatives au licenciement de M. [O]

1. Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d’autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n’auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

Lorsque le motif allégué n’est pas le motif réel du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge d’apprécier la nature de la faute invoquée par l’employeur. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l’aggraver.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 18 décembre 2019 qui détermine les limites du litige est ainsi libellée :

‘ Monsieur,

A la suite de l’entretien du 14 décembre dernier, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les fautes graves suivantes:

Le 16 novembre dernier, nous avons été informés de votre intrusion au sein de l’établissement le 15 novembre 2019 pour récupérer votre piano. Non seulement, vous vous êtes introduit dans la société sans l’autorisation préalable de votre responsable hiérarchique mais aussi avec des personnes n’appartenant pas au personnel du cinéma, et alors même que vous étiez en situation d’arrêt maladie.

Mais en plus, lors de votre passage, vous vous êtes permis de prendre deux présentoirs publicitaires M&M’S et MIKO, mis à la disposition du cinéma par le fournisseur et qui donc n’appartiennent pas au cinéma. Nous vous laissons imaginer dans quelle situation embarrassante se trouverait l’entreprise si le fournisseur venait à nous demander de restituer ces objets.

De tels faits peuvent être assimilés à du vol.

Nous vous rappelons qu’il interdit d’emprunter ou de prendre le matériel de l’entreprise sans l’autorisation de la direction. Nous vous rappelons également qu’il est interdit de s’introduire dans l’entreprise en compagnie de personnes étrangères au personnel de l’entreprise.

Une telle attitude de la part d’un directeur est inadmissible, et entraîne une perte de confiance de notre part.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien du

14 décembre dernier ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible […]’

La société Ciné Triskell a donc poursuivi une procédure disciplinaire pour licencier M. [O] en retenant une faute grave.

M. [O] ne conteste pas être entré dans le cinéma, le 15 novembre 2019 alors qu’il était en arrêt de travail, pour récupérer le piano qui lui appartenait et avoir pris à cette occasion deux présentoirs publicitaires, M&M’S et MIKO.

La cour relève que la société Ciné Triskell ne produit aucune pièce qui permettrait d’établir que M. [O] aurait fait pénétrer des personnes étrangères à l’entreprise. Par ailleurs, M. [O] était le directeur du cinéma bénéficiant d’une très large autonomie d’organisation de sorte que rien n’interdisait qu’il se rende dans l’établissement sans avoir à demander préalablement l’autorisation au gérant de la société, y compris pendant son arrêt de travail, pour récupérer des effets personnels. Aucune faute ne peut donc lui être reprochée à ce titre.

La société Ciné Triskell, pour tenter d’établir le vol allégué, produit deux pièces :

– l’attestation de Mme [N] [J], directrice adjointe, qui indique que ‘La PLV glace MIKO était présente dans le cinéma avant le rachat du cinéma par M. [X]’. Ce témoignage n’a toutefois que peu d’intérêt dès lors que

M. [O] ne prétend pas qu’il était propriétaire de ce présentoir publicitaire,

– un exemplaire vierge de contrat de dépôt, non signé, non daté, établi par la société Mars Chocolat ayant pour objet la mise à disposition de meubles en métal auprès du ‘détaillant’ et notamment d’un ‘display panier M&M’S’. Ce seul document est toutefois insuffisant pour établir que le présentoir M&M’S litigieux aurait fait l’objet d’un contrat de dépôt auprès de la société Ciné Triskell.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue l’employeur, M. [O] n’a jamais reconnu lors de l’entretien préalable qu’il avait commis un vol ou un détournement des présentoirs publicitaires. Il ressort en effet du compte-rendu d’entretien rédigé par M. [K] [R], conseiller du salarié ayant assisté M. [O], que ce dernier a expliqué que le présentoir M&M’S lui appartenait puisqu’il faisait partie des matériels conservés lors de la cession du cinéma qu’il possédait antérieurement et qu’il avait rapatrié en février 2018 pour les mettre à disposition de la société Ciné Triskell. M. [O] a en outre expliqué, pendant l’entretien, que s’agissant du présentoir MIKO, ce dernier ne fonctionnait plus, qu’il avait été convenu avec M. [X] de le jeter à la déchèterie et qu’il pensait mettre à profit son arrêt de travail pour le réparer. A l’issue de l’entretien préalable, M. [R] a noté ‘En fin d’entretien, M. [X] et M. [O] se mettent d’accord sur la façon qui convienne pour récupérer les matériels restés en dépôt (Table, chariots roulant, décoration de noël, vaisselle..)’.

M. [O], dont il n’est pas contesté qu’il possédait antérieurement un cinéma, produit une liste de matériels (pièce 14) qu’il déclare avoir mis à la disposition de la société Ciné Triskell comprenant notamment du matériel de bureau, deux chariots à roulette, de la décoration de noël, des tasses à café et à chocolat, un thermos, une théière, ainsi qu’une armoire lumineuse M&M’S. M. [G] [S], employé par la société Ciné Triskell de janvier 2018 à janvier 2019, atteste quant à lui que ‘concernant le matériel, à la demande de M. [O], je témoigne par la présente avoir personnellement déchargé d’un camion de location du matériel appartenant à M. [O]. De mémoire, il y avait une table pliante (grise) en plastique, un ou deux chariots pliables, un présentoir de couleur jaune (MM’S il me semble), du matériel d’entretien des sols, plusieurs poubelles publicitaires. Ces faits se sont produits peu de temps après mon arrivée au cinéma soit fin janvier 2018’. Mme [D] [V], ‘conjointe’ de M. [O], atteste également que ‘durant l’exploitation de notre société cinématographie la SARL les Ecrans Francomtois de 2010 à 2016, nous avons acheté du matériel nécessaire à l’exploitation (papeterie, petit matériel de ménage, décoration de fête, matériel pour la confiserie, matériel publicitaire…) Dont une vitrine MM’S. Nous avons en effet bénéficié d’une offre promotionnelle de 3 vitrines MM’S rétroéclairées contre l’achat de produits chocolatés de ladite marque pour la mise en place dans nos

3 cinémas. A l’issue de la liquidation judiciaire, nous avons conservé ces matériels et avons vendu deux d’entre elles. Cette vitrine restante et avec d’autres matériels ont été proposés à M. [X]. Elle a été déménagée du Jura par M. [O] via un camion de location et déchargée à l’espace cinéma avec également le reste du matériel le 31/01/2018′. Enfin, M. [O] indique, sans être contredit, que lors de la restitution par la société Ciné Triskell de ses objets personnels, le présentoir litigieux M&M’S lui a été remis ce qui confirme qu’il en était le propriétaire.

Il s’ensuit que la société Ciné Triskell ne rapporte pas la preuve qu’elle était dépositaire du présentoir M&M’S, selon un contrat de dépôt avec la société Mars, et que M. [O] était effectivement propriétaire dudit présentoir qu’il avait mis à la disposition de la société Ciné Triskell. Il ne saurait donc lui être reproché d’avoir volé un objet lui appartenant et ce d’autant plus que l’employeur ne démontre pas que M. [O] avait l’obligation de lui laisser à disposition sans limite de durée et sans possibilité de reprise.

S’agissant du présentoir MIKO, si M. [O] n’a jamais prétendu en être propriétaire, il a toujours expliqué qu’il ne fonctionnait plus, qu’un accord était intervenu avec M. [X] pour le jeter mais qu’il avait souhaité le récupérer pour essayer de le réparer. Il a ainsi tenu cette position dès l’entretien préalable, puis dans un courrier du 23 décembre 2019 dans lequel il conteste son licenciement, puis dans un courrier du 23 janvier 2020 établi par son avocat, et enfin dans le cadre de la présente procédure. La cour observe cependant que M. [O] ne démontre ni que ce présentoir était hors de fonctionnement ni qu’un accord était intervenu préalablement avec M. [X] lui permettant de prendre ce matériel.

Le fait reproché à M. [O] d’avoir pris, sans l’autorisation de l’employeur, le présentoir MIKO, le 15 novembre 2019, alors qu’il ne lui appartenait pas, est donc établi. Ce fait, commis par le directeur de l’établissement au préjudice de la société Ciné Triskell, est d’autant plus grave que quelques jours après, le 20 novembre 2019, M. [O] a écrit un courrier à M. [X] en lui indiquant que ‘la mise en place de toutes les nouvelles procédures de contrôle, instaure un climat de suspicion qui est assez difficile à supporter’. Cette plainte de M. [O] apparaît ainsi tout à fait paradoxale après s’être permis de prendre du matériel de l’entreprise sans être en mesure de justifier d’une quelconque autorisation, ce qui démontre que M. [O] a agi le 15 novembre 2019 sans aucune considération de l’autorité hiérarchique et de la nécessité d’obtenir une autorisation avant de prendre possession d’un présentoir ne lui appartenant pas. En outre, le comportement dont a fait preuve M. [O] n’a pu que renforcer le climat de suspicion qu’il a lui-même dénoncé. Compte tenu de ces éléments, il s’avère que la faute commise par M. [O] a rendu impossible son maintien dans l’entreprise et rendu nécessaire la rupture immédiate de son contrat de travail.

Il est par ailleurs inopérant pour M. [O] de prétendre que son licenciement constituerait une double sanction disciplinaire dès lors que :

– dans son courrier du 20 novembre 2019, M. [O] a exprimé les difficultés qu’il rencontrait dans le cadre de son activité professionnelle ainsi que des questions sur la stratégie, les objectifs de son employeur et sur son propre rôle au sein de l’entreprise, sollicitant, in fine, un entretien,

– son arrêt de travail a pris fin le 25 novembre 2019,

– son employeur lui a demandé de passer une visite médicale de reprise, ce qui a été fait le 26 novembre 2019,

– malgré l’avis d’aptitude, M. [X], par échange de SMS, a demandé à M. [O] de ne pas reprendre le travail avant qu’un entretien ait eu lieu, répondant ainsi à la demande formulée dans le courrier du 20 novembre précédent, tout en lui confirmant qu’il continuerait à être rémunéré,

– un entretien a eu lieu le dimanche 1er décembre 2019 entre M. [X] et M. [O], à l’issue duquel M. [O] a restitué les clefs,

– par courrier du 4 décembre 2019, la société Ciné Triskell a notifié à M. [O] sa mise à pied conservatoire et sa convocation à un entretien préalable fixé au 14 décembre 2019,

– le licenciement a été notifié le 18 décembre 2019,

– contrairement à ce que soutient M. [O], si son bulletin de salaire du mois de novembre 2019 mentionne’5 jours de repos’, aucun jour de congé payé ne lui a été effectivement défalqué, le solde de 21 jours étant le même qu’en octobre 2019, de sorte qu’il a été rémunéré normalement, étant précisé que la somme de 1.794,39 euros qu’il invoque correspond en réalité, dans le bulletin de salaire, à un maintien de salaire,

– l’attestation Pôle Emploi, dont le contenu n’est pas contesté par le salarié, porte mention de ce que 36,50 jours ouvrables de congés payés ont été indemnisés lors de la rupture du contrat de travail, ce qui correspond au solde de 21 jours augmenté des jours capitalisés depuis le 1er juin 2019 et ce qui confirme qu’aucun jour de congés payés n’a été défalqué,

– seule la période de mise à pied conservatoire du 4 au 18 décembre 2019 a fait l’objet d’une absence de rémunération.

Il s’avère donc que la dispense de travail moyennant le maintien de la rémunération était justifiée par la nécessité d’un entretien préalable à la reprise du travail compte tenu du courrier du 20 novembre 2019, que cela n’empêchait pas l’employeur de poursuivre ensuite le licenciement de M. [O] pour faute grave et de prononcer sa mise à pied à titre conservatoire lors de l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable et que l’échange de mails du 1er décembre 2019 ne démontre pas, à lui seul, qu’un licenciement verbal aurait eu lieu lors de l’entretien du même jour.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que le licenciement pour faute grave de M. [O] est justifié et de débouter le salarié de ses demandes d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (le jugement est infirmé de ces chefs), de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, et de rappel de salaire correspondant au 13ème mois sur la mise à pied conservatoire et d’indemnité compensatrice de préavis non effectué (le jugement est confirmé de ces chefs). Enfin, dans la mesure où aucun jour de congés payés n’a été défalqué en novembre 2019, il convient de rejeter la demande de M. [O] de paiement de la somme de 1.794,39 euros et de confirmer le jugement attaqué de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

L’article L. 4121-1 du code du travail énonce que :

‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

– des actions de prévention des risques professionnels ;

– des actions d’information et de formation ;

– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ;

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.

L’article L.4121-2 dispose que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, qu’il énumère, notamment ceux d’éviter les risques, d’évaluer les risques qui ne peuvent être évités, de combattre les risques à la source, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral.

L’obligation de prévention des risques psycho-sociaux au même titre que celle des risques d’atteintes physiques est donc une composante de l’obligation de sécurité.

En l’espèce, c’est tout à fait vainement que M. [O] reproche à son employeur de n’avoir pris aucune mesure après son courrier d’alerte du 20 novembre 2019 alors qu’il était en arrêt maladie jusqu’au 25 novembre 2019, que la société Ciné Triskell a organisé une visite médicale de reprise avec le médecin du travail le 26 novembre 2019, qu’à l’issue de cette visite, le médecin du travail a déclaré M. [O] apte à la reprise sans aucune restriction ou préconisation et que la société Ciné Triskell a cependant demandé à M. [O] de ne pas reprendre le travail immédiatement, tout en maintenant sa rémunération, dans l’attente de l’entretien sollicité par M. [O] dans son courrier d’alerte. Il est ajouté que l’entretien proposé le 30 novembre 2019 par l’employeur a été décalé au 1er décembre 2019, que cet entretien n’a manifestement pas connu une issue favorable puisque le point non contesté est que M. [O] a rendu les clefs de l’établissement et que l’employeur a ensuite décidé d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de M. [O]. M. [O] n’établit nullement que son employeur lui aurait interdit l’accès à son bureau et le contact avec ses collègues, se contentant de procéder par voie d’affirmation. Enfin, s’il n’appartient pas, comme l’indique M. [O], au médecin traitant d’établir un lien entre la pathologie constatée et le travail, la cour retient que le seul constat par le médecin remplaçant d’un syndrome anxio dépressif ne permet pas d’établir, à lui seul sans autre élément distinct des déclarations du salarié, que cette pathologie aurait été causée par le travail.

En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives à la convention de forfait annuel en jours et aux heures supplémentaires

1. Aux termes de l’article L.3121-55 du code du travail ‘ La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.’

L’article L.3121-58 du même code précise que ‘Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 [218 jours]:

1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés[…]’

Selon l’article L.3121-60 : ‘ L’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.’

L’article L.3121-63 prévoit enfin que : ‘Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.’

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

En l’espèce, le contrat de travail du 8 novembre 2017 complété par son avenant du même jour prévoit, en son article 7, que M. [O] est soumis à un forfait annuel en jours, référence étant faite à l’avenant n°1 du 30 janvier 2015 à l’accord du 15 mars 2000 relatif à la réduction et à l’aménagement du temps de travail des directeurs de salles de cinéma. M. [O] et la société Ciné Triskell ont ainsi convenu que M. [O] travaillerait 218 jours par an, qu’il bénéficierait de deux jours de repos hebdomadaire dont un le vendredi, que le contrôle du nombre de jours travaillé serait ‘opéré au moyen d’un document auto-déclaratif faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail’, que le salarié bénéficierait d’un droit d’alerte de son employeur, et qu’en tout état de cause ‘un bilan individuel sera effectué chaque année pour vérifier l’adéquation de la charge de travail de M. [O] [H] au nombre de jours travaillés ainsi que l’organisation de son travail dans l’entreprise, l’articulation entre ses activités professionnelles et sa vie personnelle et familiale et le niveau de son salaire. En outre, sera évoquée l’amplitude des journées d’activité ainsi que la charge de travail de M. [O] [H] doivent demeurer raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps de son travail’.

L’avenant n° 1 du 30 janvier 2015 à l’accord du 15 mars 2000 relatif à la réduction et à l’aménagement du temps de travail des directeurs de salles de cinéma prévoit en son article 2.2 intitulé ‘forfait annuel en jours’ que :

‘a) Nombre de jours maximum travaillés

Le nombre maximum de jours travaillés dans l’année est fixé à 218 pour les salariés concernés par l’application d’un forfait en jours, la journée de solidarité étant incluse dans ce forfait de 218 jours depuis l’entrée en vigueur de l’avenant n° 35 relatif à la journée de solidarité du 5 janvier 2005.

b) Décompte et suivi des jours travaillés

La comptabilisation du temps de travail du salarié se fait en jours sur une période de référence annuelle, avec un maximum de 218 jours de travail par an, journée de solidarité incluse, pour un salarié présent sur une année complète et ayant acquis la totalité des droits à congés payés.

En cas d’année incomplète, le calcul du nombre de jours à effectuer se fera en fonction du nombre de semaines ou de jours restant à courir jusqu’à la fin de l’année de référence.

Les périodes effectivement travaillées ainsi que les périodes assimilées à du travail effectif (périodes de congé de maternité, périodes limitées à une durée ininterrompue de 1 an pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail, de maladie professionnelle ou d’accident de trajet, périodes de congés de formation syndicale et de formation professionnelle, congés exceptionnels pour événements familiaux et absences pour maladie justifiées par un arrêt de travail) sont prises en compte au titre des 218 jours travaillés.

Les congés payés ne sont pas pris en compte au titre des 218 jours travaillés.

c) Jours de repos

Conformément aux dispositions de l’article 2.1 du présent avenant et afin de ne pas dépasser le plafond de 218 jours pour une année complète, les salariés en forfait-jours bénéficient de jours de repos. Le nombre de jours de repos est susceptible de varier d’une année à l’autre du fait notamment des jours fériés chômés. Ainsi, la détermination de ces jours de repos se fera en tenant compte des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles relatives à tout autre type d’absence.

d) Contrôle du décompte des journées travaillées/ non travaillées

Le forfait annuel en jours s’accompagne d’un décompte des journées travaillées. Ce dernier se fait au moyen d’un suivi objectif, régulier et contradictoire mis en place par l’employeur.

Le mécanisme de contrôle mis en place par l’employeur lui permet d’établir un document devant faire apparaître le nombre et les dates des journées travaillées, mais aussi le positionnement des jours non travaillés ainsi que leur qualification, notamment en jours de repos hebdomadaire, jours de congés payés, jours de repos.

Le suivi est établi au moyen d’un système déclaratif mis en place par l’employeur et tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur. Ce dispositif de suivi, en tenant le décompte des journées travaillées et non travaillées, permet également d’assurer le suivi régulier et précis de la charge de travail, de l’amplitude de la journée de travail et des temps de repos.

Il permet de s’assurer d’une amplitude et d’une charge de travail raisonnables et d’une bonne répartition du travail dans le temps.

e) Droit d’alerte

Si l’application de ce forfait entraîne un accroissement chronique de la durée hebdomadaire du travail pouvant conduire à un dépassement d’un contingent annuel d’heures travaillées fixé à 1 800, le directeur concerné dispose d’un droit d’alerte auprès de son employeur. Celui-ci, après avoir été alerté, doit faire connaître au salarié, dans un délai de 15 jours, les mesures qu’il entend prendre pour remédier à cette situation.

Les entreprises devront mettre en ‘uvre toutes les actions permettant de réduire le temps de travail. Ces actions portent notamment sur :

‘ la gestion des réunions ;

‘ la gestion du processus de délégation des tâches ;

‘ l’amélioration des circuits d’information écrits, oraux et électroniques.

Chaque entreprise doit assurer le suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, de l’amplitude de leur journée d’activité et de la charge de travail qui en résulte, au moyen des dispositions de contrôle conventionnelles prévues par le présent avenant.

Toute difficulté peut être portée à la connaissance de la commission paritaire de suivi prévue à l’article 7 de l’accord du 20 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail des directeurs de salles de cinéma.

f) Entretien individuel annuel

Un entretien annuel est organisé individuellement avec chacun des salariés bénéficiant d’un forfait-jours, à l’initiative de l’employeur. Le salarié peut, quant à lui, prendre l’initiative d’entretien (s) spécifique (s) supplémentaire (s) en cas de difficulté particulière.

Lors de ces entretiens, seront évoqués la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, la répartition de la charge de travail, le respect des durées de travail, de repos et d’amplitude, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération.

Un bilan sera également fait, lors de ces entretiens, s’agissant des modalités d’organisation du travail, de la charge de travail du salarié, de l’amplitude des journées travaillées, de l’état des jours non travaillés pris et non pris à la date de l’entretien ainsi que de l’équilibre des temps de vie.

A l’issue de l’entretien et dans l’hypothèse de dysfonctionnement, l’employeur et le salarié fixent conjointement les mesures permettant de régler les difficultés et/ ou de les prévenir. Un point sera fait sur ces mesures et sur leurs résultats lors de l’entretien suivant.’

Il s’ensuit que tant l’accord collectif, dont la régularité n’est pas contestée, que le contrat de travail ont prévu qu’un entretien individuel devait avoir lieu au cours duquel la société Ciné Triskell devait s’assurer de la charge de travail de M. [O], de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées travaillées et de l’équilibre des temps de travail et de vie personnelle.

La cour observe que la société Ciné Triskell ne justifie d’aucun entretien individuel annuel mené avec M. [O] depuis son entrée dans la société le 8 novembre 2017. Or, le défaut de respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis à un régime de forfait en jours prive d’effet la convention de forfait (Soc. 29 juin 2011 n°09-71.107). Ainsi, et contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, il convient de dire que la convention individuelle de forfait annuel en jours insérée dans le contrat de travail de M. [O], n’est pas nulle, mais est privée d’effet.

Il est constant que le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou en heures dont la convention de forfait jours est déclarée nulle ou privée d’effet peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dans le cadre du régime de droit commun, dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre conformément aux dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail (Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n°10-19.807 ; Soc., 4 février 2015, pourvoi n° 13-20.891 ; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n °20-19.837, 20-19.832).

2. Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [O] produit un tableau (pièce 5) récapitulant jour par jour, semaine par semaine, à compter du 8 novembre 2017, le nombre d’heures qu’il déclare avoir travaillé révélant qu’il accomplissait régulièrement plus de 35 heures de travail par semaine, ainsi qu’un tableau (pièce 47) de calcul des heures supplémentaires en distinguant le nombre d’heures devant être rémunérées à 25 % et le nombre d’heures devant être rémunérées à 50 %.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, sur lequel pèse l’obligation de contrôler les heures de travail réalisées, de répondre en produisant ses propres éléments. La cour observe toutefois que la société Ciné Triskell ne produit aucun élément sérieux pour contredire ceux produits par M. [O], peu important à cet égard que les tableaux aient été établis unilatéralement par le salarié. En outre, les relevés mensuels de jours travaillés produits par l’employeur (pièce 2) sont inopérants dans la mesure où il n’est nullement fait mention des horaires de travail hebdomadaires mais seulement des jours travaillés.

Au regard des pièces produites, il y a lieu de considérer que l’existence d’heures supplémentaires réalisées par M. [O] est établie. La cour disposant de suffisamment d’éléments pour en évaluer l’importance, il convient de condamner la société Ciné Triskell à payer à M. [O] la somme de 53.125,53 euros brut à titre de rappel de salaire outre la somme de 5.312,55 euros brut au titre des congés payés afférents.

3. Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu’il a considéré que la convention de forfait en jour incluse dans le contrat de travail n’est pas irrégulière et en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires non rémunérées et des congés payés afférents.

4. La cour ayant fait droit à la demande principale de M. [O], la demande subsidiaire tendant à obtenir le paiement de jours de forfait disparus pour l’année 2018 et l’année 2019, à laquelle le conseil de prud’hommes avait fait droit, devient sans objet, le jugement entrepris devant néanmoins être réformé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour dépassement du repos quotidien et du repos hebdomadaire

Selon l’article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence dans les conditions déterminées par décret.

Il résulte par ailleurs des articles L.3132-1 et L.3132-2 du même code qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine et que le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 h consécutives auxquelles s’ajoutent les heures de repos quotidien, sauf exceptions.

Or, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur (Soc., 20 février 2013, n° 11-28.811).

En l’espèce, la société Ciné Triskell produit des relevés mensuels de janvier, mars, juin et décembre 2018, janvier, février, mai, juillet, août et septembre 2019 récapitulant les jours travaillés par M. [O], les jours de maladie, les jours de congés payés, les jours de repos RTT et les jours de repos hebdomadaire.

La cour constate que ces relevés mensuels ne sont pas contraires au tableau récapitulatif produit par le salarié (pièce n°5) mais sont très incomplets dès lors que les amplitudes horaires de chaque jour travaillé n’y figurent pas et que de nombreux mois entre la date d’embauche et la date de la rupture du contrat de travail n’y sont pas mentionnés. Du tableau produit par M. [O], et non sérieusement remis en cause par l’employeur, il ressort que le salarié a été privé de :

– son repos hebdomadaire la semaine du 13 au 19 novembre 2017, la semaine du 11 au 17 décembre 2017, la semaine du 18 décembre au 24 décembre 2017, la semaine du 22 au 28 janvier 2018, du 19 au 25 février 2018, du 19 au 25 mars 2018, du 17 au 23 septembre 2018,

– de 30 minutes à 1h30 de repos quotidien à la suite de son repos hebdomadaire, les semaines du 1er au 7 janvier 2018, du 8 au 14 janvier 2018, du 15 au 21 janvier 2018, du 12 au 18 février 2018, du 26 mars au 1er avril 2018, du 21 mai au 27 mai 2018,

– de son repos quotidien de 11h très fréquemment au début de la relation contractuelle alors qu’en 2019 la durée du repos quotidien a été quasiment toujours respectée.

L’analyse du tableau produit par M. [O] met également en avant le fait que le salarié a régulièrement pu prendre deux jours de repos par semaine en 2018 et en 2019.

Il s’avère donc que le non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires est établi mais a été bien plus significatif lors de la première partie de la relation contractuelle alors que dans la seconde partie du contrat de travail, les temps de repos de M. [O] ont été globalement respectés.

Il n’en reste pas moins que le non-respect des repos a entraîné de la fatigue et du stress chez le salarié qu’il convient d’indemniser par l’allocation d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmer en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande indemnitaire.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Selon l’article L.8221-5 du code du travail :

‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’

En application de l’article L.8223-1 du code du travail : ‘En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.’

Il est par ailleurs rappelé que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

En l’espèce, M. [O] échoue à démontrer l’intention de la société Ciné Triskell de dissimuler le nombre d’heures de travail réellement accomplies puisque l’existence d’heures supplémentaires ne résulte que du fait que la convention individuelle de forfait annuel en jours a été privée d’effet. De plus, M. [O] ne peut se prévaloir, pour tenter d’établir l’intention de dissimuler de l’employeur, du fait que ce dernier aurait fait disparaître 11 jours du compteur des jours travaillés de son bulletin de paie de septembre 2019 puisque la convention de forfait était privée d’effet.

A défaut de tout autre élément, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la demande en remboursement au titre de la mutuelle 2018

La cour constate qu’aux termes de ses conclusions n°2, la société Ciné Triskell explique avoir reconnu devoir la somme réclamée de 69,54 euros lors de l’audience du bureau de jugement. M. [O] indique dans ses écritures que cette somme lui a été remboursée. Ainsi, à défaut de tout moyen de contestation de ce chef, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Ciné Triskell au paiement de la somme de 69,54 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non adhésion à la prévoyance

Aux termes du contrat de travail de M. [O], il était convenu que celui-ci serait affilié à la caisse de retraite complémentaire et au régime de prévoyance dont relève l’entreprise gérée par Audiens, gestion entreprise spectacle audiovisuel.

Contrairement à ce que prétend M. [O], l’examen de ses bulletins de salaire depuis son embauche mentionnent pour certains l’existence d’une prévoyance mais n’ont donné lieu qu’au versement de cotisations patronales et non pas salariales.

Si M. [O] produit un courrier de la société Audiens du 12 février 2020 indiquant ‘qu’à la date de votre sinistre du 09.10.2019, la société CINE TRISTELL (sic) n’a pas souscrit de contrat prévoyance auprès de notre institution. Un contrat prévoyance a été souscrit postérieurement à effet au 08.11.2019. Par conséquent, vous ne pouvez donc bénéficier des garanties de notre institution’, il n’en reste pas moins qu’il ne justifie d’aucun préjudice découlant de la non-adhésion de l’employeur à cette prévoyance dès lors que d’une part aucune cotisation salariale n’a été indûment prélevée et que d’autre part, la société Ciné Triskell justifie, par la production des garanties du contrat de prévoyance souscrit auprès de la société Audiens que la situation de M. [O] n’ouvrait pas droit au versement d’indemnité journalière puisque le versement d’indemnités journalières était conditionné à l’observation d’une période de franchise de 90 jours continus ce qui n’était pas le cas du salarié.

Ainsi, à défaut de préjudice, il convient de débouter M. [O] de sa demande de dommages et intérêts et d’infirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les autres demandes

La société Ciné Triskell qui succombe en partie doit supporter les dépens d’appel venant s’ajouter aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef,

Compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer également le jugement en ce qu’il a condamné la société Ciné Triskell à payer à M. [O] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et d’y ajouter une indemnité supplémentaire de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par M. [O] à hauteur d’appel, la société Ciné Triskell étant elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions n°3 de la SARL Ciné Triskell notifiées le 25 janvier 2023,

Confirme le jugement rendu le 29 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de La Roche Sur Yon en ce qu’il a :

– condamné la SARL Ciné Triskell à payer à M. [H] [O] les sommes de :

* 69,54 euros au titre du remboursement de la retenue à tort de la mutuelle 2018,

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [H] [O] de ses demandes de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, et de rappel de salaire correspondant au 13ème mois sur la mise à pied conservatoire et d’indemnité compensatrice de préavis non effectué,

– débouté M. [H] [O] de sa demande de rappel de congés payés défalqués unilatéralement,

– dit que la SARL Ciné Triskell n’a pas manqué à son obligation de sécurité et débouté M. [H] [O] de sa demande de dommages et intérêts afférente,

– débouté M. [H] [O] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– condamné la SARL Ciné Triskell aux dépens,

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

– dit que le licenciement de M. [H] [O] pour faute grave est fondé,

-déboute M. [H] [O] de ses demandes d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dit que la convention individuelle de forfait annuel en jours est privée d’effet,

– condamne la SARL Ciné Triskell à payer à M. [H] [O] la somme de 53.125,53 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre la somme de 5.312,55 euros brut au titre des congés payés afférents,

– dit en conséquence n’y avoir lieu à statuer sur la demande subsidiaire de rappel de salaires pour les jours de forfait disparus,

– condamne la SARL Ciné Triskell à payer à M. [H] [O] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des règles de repos quotidien et hebdomadaire,

– déboute M. [H] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non adhésion à la prévoyance,

Y ajoutant,

– condamne la SARL Ciné Triskell à payer à M. [H] [O] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

– déboute la SARL Ciné Triskell de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la SARL Ciné Triskell aux dépens d’appel.

Le greffier, le président,

 


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