Travail dissimulé dans le spectacle vivant
Travail dissimulé dans le spectacle vivant
Ce point juridique est utile ?

Ne pas régulariser de contrat de travail avec une chargée de communication de spectacle expose l’employeur à une condamnation pour travail dissimulé.

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du même code que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération ;

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

En l’absence d’un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui se prétend salarié de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat de travail ;

D’autre part, qu’aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : / 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; / 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’.

 


 

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 19/08156 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MW6K

[E]

C/

[C]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 16 Novembre 2018

RG : F18/00710

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 19 Mai 2023

APPELANT :

Me [V] [E] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société GOD BLESS PRODUCTION

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

né en à

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,et représenté par Me Elie ATTIA, avocat plaidant inscrit au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

[O] [C]

née le 10 Avril 1987 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Maud JOCTEUR MONROZIER, avocat au barreau de LYON

INTERVENANTES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mars 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, conseiller et Régis DEVAUX, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 19 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, président, et par Rima AL TAJAR, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Un contrat à durée déterminée daté du 1er avril 2017 a été conclu entre Mme [O] [C] et la SASU God-Bless Production, spécialisée dans la production et l’organisation de spectacles, pour la période du 1er avril au 31 août 2017, Mme [C] étant embauchée en qualité de chargée de communication.

Le contrat a été renouvelé pour une durée de quatre mois.

Mme [C] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 13 décembre 2017.

La relation contractuelle a pris fin le 31 décembre 2017.

Saisi par Mme [C] le 12 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Lyon, a, par jugement du 16 novembre 2018 :

– requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 7 février 2017 ;

– dit que la rupture du contrat de travail en date du 31 décembre 2017 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné sous astreinte la SASU God-Bless Production à payer à la salariée les sommes de :

– 2 829,02 euros brut, outre 282,90 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire du 7 février au 31 mars 2017,

– 1 671,17 euros brut, outre 167,12 euros brut de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 374,27 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 838 euros brut à titre d’indemnité de fin de contrat sur solde de tout compte,

et ce avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

– 7 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail, manquement à l’obligation de sécurité et retard dans le paiement des salaires,

– 10 027,02 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 671,17 euros net à titre d’indemnité de requalification,

– 1 671,17 euros net à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 1 671,17 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 euros net sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– ordonné sous astreinte à la SASU God-Bless Production l’établissement et la remise des bulletins de paie de février et mars 2017, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte.

Par déclaration du 11 janvier 2019, la SASU God-Bless Production a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

La SASU God-Bless Production a été placée en redressement judiciaire le 24 juillet 2019 et en liquidation judiciaire le 23 juillet 2020.

Par conclusions transmises par voie électronique le 21 septembre 2020, Maître [V] [E], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU God-Bless Production, demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de débouter Mme [C] de l’ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

– durant la période du 7 février au 31 mars 2017, Mme [C] a travaillé pour le compte de la SASU God-Bless Production en qualité de prestataire extérieur et non en qualité de salarié; que la SASU God-Bless Production n’est donc redevable ni d’une indemnité pour travail dissimulé, ni d’un rappel de salaire pour cette période ;

– il est exact que le contrat à durée déterminée a été transmis tardivement à Mme [C] ; que la société est donc redevable d’une indemnité égale à un mois de salaire ;

– l’indemnité de fin de contrat n’est pas due dans la mesure où la SASU God-Bless Production a proposé à Mme [C] un contrat à durée indéterminée à l’issue du contrat à durée déterminée prenant fin le 31 décembre 2017, que la salariée a refusé ;

– la transmission tardive du contrat à durée déterminée n’entraîne pas la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; que Mme [C] n’a donc pas droit à une indemnité de requalification et ne peut arguer d’une rupture irrégulière et abusive de son contrat de travail ;

– le contrat n’a pas été exécuté déloyalement ; que le retard dans le paiement des salaires n’était pas volontaire mais dû aux difficultés financières de l’entreprise tandis que les tâches confiées à Mme [C] étaient conformes aux dispositions contactuelles.

Par conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2020, Mme [C], qui a formé appel incident, demande à la cour de :

– confimer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 7 février 2017 ;

– dit que la rupture du contrat de travail en date du 31 décembre 2017 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné sous astreinte la SASU God-Bless Production à lui payer les sommes de:

– 2 829,02 euros brut, outre 282,90 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire du 7 février au 31 mars 2017,

– 1 671,17 euros brut, outre 167,12 euros brut de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 374,27 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 10 027,02 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 671,17 euros net à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 1 671,17 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

sauf à fixer ces montants au passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production ;

– infirmer le jugement pour le surplus et :

– fixer sa créance aux passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production aux sommes de :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et de manquement à l’obligation de sécurité,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du salaire,

– 5 013,51 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 1 838 euros à titre de rapel du solde de tout compte, et ce sous astreinte,

– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,

– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel ;

– ordonner sous astreinte à la SASU God-Bless Production la remise des bulletins de salaire de février et mars 2017 ;

– dire que l’arrêt sera opposable au CGEA de [Localité 6] et [Localité 7] et le condamner à garantir les condamnations à intervenir dans la limite des plafonds applicables.

Elle fait valoir que :

– la SASU God-Bless Production a failli à ses obligations d’exécution de bonne foi du contrat de travail et de sécurité en ce que :

– elle a été déficiente dans l’établissement d’un contrat de travail écrit ;

– elle a réglé les salaires et remis les bulletins de paie avec retard ;

– elle l’a soumise à un management et des conditions de travail inacceptables : les missions ne correspondant pas à celles d’une chargée de communication, manque de matériel et outils de travail, engagements non tenus, comportement inapproprié de la gérante ;

– retard dans la remise des documents de fin de contrat et le paiement du solde de tout compte ;

– la SASU God-Bless Production s’est rendue coupable de travail dissimulé en s’abstenant de la déclarer, de lui remettre des bulletins de paie et de la rémunérer entre le 7 février et le 31 mars 2017, alors même qu’elle effectuait pour son compte et sous sa subordination un travail salarié ;

– ayant travaillé sans contrepartie entre le 7 février et le 31 mars 2017, elle a droit à un rappel de salaire pour cette période ;

– le retard et l’irrégularité dans le paiement de ses salaires lui ont causé un préjudice financier ;

– la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée en ce que :

– elle a travaillé sans qu’aucun contrat écrit ne soit régularisé entre le 7 février et le 31 mars 2017 ;

– le contrat à durée déterminée du 1er avril 2017 ne lui a été soumis pour signature qu’en juillet 2017 ;

– le contrat à durée déterminée finalement finalisé s’est poursuivi au-delà de son terme sans qu’aucun avenant de renouvellement ne soit établi – un avenant ne lui étant finalement transmis que le 13 décembre 2017 ;

– la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ;

– l’indemnité de précarité ne lui a pas été versée ; que, contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire,il ne lui a pas été proposé de contrat à durée indéterminée.

Par conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2020, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :

– le mettre hors de cause et déclarer recevable et bien fondée l’intervention volontaire de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] ;

– infirmer le jugement déféré et débouter Mme [C] de ses prétentions ;

– dire qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et L. 3253-19 du code du travail ;

– dire que l’astreinte, l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens doivent être exclus de sa garantie ;

– dire que sa garantie est légalement plafonnée ;

– dire que son obligation de garantie ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes dues.

Elle affirme que :

– c’est le CGEA de [Localité 7] qui est compétent ;

– Mme [C] ne démontre pas avoir été dans un lien de subordination et donc été titulaire d’un contrat de travail pour la période du 7 février au 31 mars 2017 ;

– Mme [C] n’établit ni l’exécution fautive du contrat de travail, ni le préjudice qu’elle aurait subi de ce chef.

SUR CE :

– Sur le travail dissimulé :

Attendu, d’une part, qu’il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du même code que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération ;

Que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Qu’en l’absence d’un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui se prétend salarié de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat de travail ;

Attendu, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : / 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; / 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’ ;

Attendu qu’en l’espèce il est constant qu’il n’existe aucun contrat écrit ou apparent entre Mme [C] et la SASU God-Bless Production pour la période du 7 février au 31 mars 2017 ; qu’il appartient dès lors à Mme [C], qui invoque l’existence d’une relation salariale, d’en démontrer la réalité ;

Attendu que les nombreux mails envoyés par Mme [C] pour le compte de la SASU God-Bless Production dès le 9 février 2017, et tout au long des mois de février et mars, les billets de train des déplacements à [Localité 7] réservés par Mme [U] [S], gérante de la SASU God-Bless Production, pour Mme [C] pour les 8 février et 1er mars 2017 ainsi que les relevés téléphoniques de cette dernière, d’où il ressort une nette progression de ses appels qui correspondent à la prospection en février puis en mars 2017, témoignent du travail accompli par l’intéressée sur cette période, ce que ne conteste au demeurant pas Maître [E] ès qualités ;

Que par ailleurs ces différents éléments, auxquels s’ajoutent les SMS échangés entre Mme [S] et Mme [C], établissent que les prestations réalisées par cette dernière s’inscrivaient dans le cadre d’une relation salariale puisqu’elle était rémunérée et était placée sous la subordination de la SASU God-Bless Production ; que c’est notamment ainsi que, le 2 mars 2017, Mme [C] écrivait : ‘[U], j’aurai le versement de la 1ère paye à quelle date exactement ”, que Mme [S] répondait : ‘Ça part le 5″, que le 7 mars Mme [C] relançait ainsi Mme [S] : ‘[U], si on se voit demain il faudra que je signe mon contrat’et que le 9 mars elle réclamait son salaire de février : ‘Je n’ai pas reçu de versement et il me reste 15 euros :/ Le versement va bientôt s’effectuer ” ; qu’en outre Mme [C] produit la proposition de contrat à durée déterminée que lui a soumise son employeur pour couvrir cette période travaillée ; qu’il s’agissait d’un contrat de 3 mois avec prise d’effet au 15 février 2017, pour la signature duquel l’intéressée s’est rendue à [Localité 7] le 27 janvier 2017 ainsi que les billets de train en attestent ; que Mme [C] affirme avoir refusé de signer le contrat dès lors que celui-ci faisait état de la convention collective de l’esthétique et désignait comme employeur, non la SASU God-Bless Production , mais la SAS Lev-Ahava, également présidée par Madame [S] – éléments sur lesquels Maître [E] ès qualités ne fournit pas d’explication ; que Mme [C] relève enfin, en réponse aux objections du liquidateur, qu’elle n’a jamais été auto enrepreneur ;

Attendu que, par suite, et par confirmation, la cour retient que Mme [C] a été embauchée par la SASU God-Bless Production dès le 7 février 2017 ; que, la société ayant sciemment omis de procédure à sa déclaration à l’embauche et de lui délivrer des bulletins de paie, elle s’est rendue coupable de travail dissimulé, et qu’une indemnité de 10 027,12 euros correspondant à six mois de salaire doit être allouée de ce chef à la salariée – montant qui sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production ;

– Sur le rappel de salaires et la délivrance des bulletins de paie de février et mars 2017 :

Attendu que la demande de rappel de salaires – contestée dans son principe mais non dans son montant – ainsi que celle de délivrance des fiches de paie sont, par confirmation, accueillies dès lors que Mme [C] a travaillé pour le compte de la SASU God-Bless Production du 7 février au 31 mars 2017 sans percevoir la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre et sans recevoir de bulletins de paie ; que le montant alloué sera toutefois fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production et qu’il n’y a pas lieu d’assortir d’une astreinte cette condamnation, mise à la charge de Maître [E] ès qualités ;

– Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée :

Attendu que, la relation contractuelle ayant débuté le 7 février 2017 sans qu’un écrit ne soit régularisé, l’embauche de Mme [C] à cette date a été réalisée en contrat à durée indéterminée ; que le jugement est donc confirmé sur ce point sauf à dire que le contrat n’est pas requalifié mais qualifié en contrat à durée indéterminée à compter de cette date dans la mesure où il n’existait aucun contrat à durée déterminée antérieurement ; qu’il n’a pas davantage lieu à requalifier la relation contractuelle pour la période postérieure au 1er avril 2017, la signature d’un contrat à durée déterminée n’ayant pu avoir pour effet de transformer la relation contractuelle ;

Attendu que, faute de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, Mme [C] ne peut valablement réclamer l’indemnité de requalification prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail ; que la demande présentée de ce chef est donc, par infirmation, rejetée ;

– Sur la rupture du contrat de travail :

Attendu que, la rupture de la relation contractuelle à durée indéterminée intervenue le 31 décembre 2017 sans énonciation des motifs constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, selon l’article VII.6 de la convention collective du spectacle vivant du secteur privé, le préavis applicable aux employés de groupe 1 ayant moins de deux ans d’ancienneté est d’un mois ; que la somme de 1 671,17 euros est donc allouée à Mme [C] à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 167,11 € au titre des congés payés afférents ; qu’il lui revient par ailleurs une indemnité de licenciement exactement calculée à la somme de 374,27 euros par le conseil de prud’hommes conformément aux dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail et eu égard à son ancienneté de 10 mois et 3 semaines à la date de rupture de son contrat de travail ;

Que Mme [C] par ailleurs prétend, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité maximale d’un mois de salaire ; que son préjudice a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 1 671,17 euros correspondant à un mois de salaire ;

Que ces montants seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production ;

Attendu que la demande de Mme [C] tendant à l’octroi d’une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne peut en revanche être accueillie, les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1235-2 ne prévoyant le versement d’une telle indemnité que dans l’hypothèse où le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ;

– Sur l’indemnité de précarité :

Attendu, la relation contractuelle ayant été qualifiée de contrat à durée indéterminée depuis l’embauche, Mme [C] ne peut valablement prétendre au paiement de l’indemnité de précarité prévue à l’article L.1243-8 du code du travail lorsqu’à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée les relations contractuelles ne se poursuivent pas ; que la demande présentée à ce titre est donc rejetée ;

– Sur le retard dans le paiement des salaires :

Attendu qu’il ressort de l’examen des nombreux courriels et SMS échangés entre les parties que la SASU God-Bless Production a réglé irrégulièrement et avec retard les salaires de Mme [C] durant l’ensemble de la relation contractuelle, et ce jusqu’au solde de tout compte qui n’a été régularisé que le 26 février 2018 ; que des chèques et virements ont par ailleurs été rejetés comme non provisionnés ; qu’il en est résulté pour la salariée des difficultés financières et une importante précarité, ainsi qu’elle en a fait état dans les différents échanges ; que Maître [E] ès qualités, qui reconnaît les retards de paiement, ne peut valablement arguer des difficultés économiques de la société – lesquelles ne l’exonère pas de sa faute et de sa responsabilité, ou encore d’un prétendu accord de la salarié – que l’examen des mails et SMS dément ;

Attendu que le préjudice subi par Mme [C] de ce chef est indemnisé par l’octroi de la somme de 1 000 euros ;

– Sur l’exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l’obligation de sécurité ;

Attendu que le préjudice subi par Mme [C] du fait de l’absence de régularisation d’un contrat de travail avant le 1er avril 2017 est indemnisé par le rappel de salaire et l’indemnité de travail dissimulé ; que celui résultant du retard dans le paiement des salaires et du solde de tout compte a quant à lui ci-dessus fait l’objet d’une indemnisation spécifique et que la salariée ne justifie d’aucun préjudice en lien avec le retard dans la remise des fiches de paie, du solde de tout compte et des documents de fin de contrat ;

Attendu que les management et conditions de travail inappropriés ainsi que l’attribution de tâches ne relevant pas de ses attributions par ailleurs dénoncés par la salariée ne sont pas établis, les documents fournis contenant pour la plupart les seules déclarations de Mme [C] et les courriels émanant de Mme [S] ne caractérisant pas un abus d’autorité ;

Attendu que, par suite, Mme [C] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l’obligation de sécurité ;

– Sur la garantie du CGEA :

Attendu qu’il y a lieu de mettre hors de cause l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 6], non compétente territorialement, et de recevoir l’intervention volontaire de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] ;

Attendu que les observations formulées par l’UNEDIC quant à l’étendue de ses obligations seront retenues ; que c’est notamment à bon droit qu’elle fait valoir que l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, qui ne constituent pas des créances dues en exécution du contrat de travail au sens de l’article L. 3253-6 du code du travail, doivent être exclus de sa garantie ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité d’allouer à Mme [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit que la relation salariale a débuté le 7 février 2017 en contrat à durée déterminée, sauf à dire qu’il ne s’agit pas d’une requalification,

– dit que la rupture du contrat de travail en date du 31 décembre 2017 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– alloué à la salariée les sommes de :

– 2 829,02 euros brut, outre 282,90 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire du 7 février au 31 mars 2017,

– 1 671,17 euros brut, outre 167,12 euros brut de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 374,27 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 10 027,02 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 671,17 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

sauf à dire qu’il s’agit de créances de Mme [O] [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production,

– 1 500 euros net sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

sauf à dire que Maître [E] ès qualités est condamné à payer ce montant à Mme [O] [C],

et sauf à dire qu’aucune astreinte n’assortit ces fixation de créance et condamnation,

– ordonné l’établissement et la remise des bulletins de paie de février et mars 2017, sauf à dire que cette condamnation est mise à la charge de Maître [E] ès qualités et n’est pas assortie d’une astreinte,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Fixe la créance de Mme [O] [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production à la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

Déboute Mme [O] [C] de ses demandes d’indemnité de requalification, d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d’indemnité de précarité et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l’obligation de sécurité,

Met hors de cause l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 6],

Reçoit l’intervention volontaire l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7],

Rappelle que l’ouverture de la liquidation judiciaire de la SASU God-Bless Production a entraîné de plein droit l’arrêt du cours des intérêts,

Dit que les indemnités allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ne constituent pas une créance visée aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et doivent être exclus de la garantie de l’AGS,

Dit que la garantie de l’AGS est plafonnée en application des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

Dit que l’obligation de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] de faire l’avance des sommes garanties ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Condamne Maître [V] [E] ès qualités aux dépens d’appel,

Le Greffier La Présidente

 


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