Droit du spectacle vivant : 17 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/03986

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Droit du spectacle vivant : 17 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/03986
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17 juillet 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/03986

ME/SB

Numéro 23/2539

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/07/2023

Dossier : N° RG 21/03986 – N° Portalis DBVV-V-B7F-IB4W

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.S. CHANGE

C/

[V] [L]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 17 Juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 10 Mai 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. CHANGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître BOUTTEMY loco Maître SAPENE de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [V] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Maître BEDOURET, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 08 NOVEMBRE 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 20/00187

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [L] (le salarié) a été embauché par la société anonyme YSA Conseil, devenue en 2009 la SASU Change (l’employeur), à compter du 13 décembre 1999 en qualité de directeur artistique, statut cadre, coefficient 425 de la convention collective des entreprises de publicité et assimilés.

M. [V] [L] a exercé ses fonctions sur le site de [Localité 5].

Le 8 octobre 2019, M.'[V] [L] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé le 21 octobre 2019.

Le 29 octobre 2019, M. [V] [L] a été licencié aux motifs suivants’:

«’Vous avez été engagé le 13 décembre 1999 en qualité de Directeur artistique Design par la société YSA, devenue l’Agence Change par la suite en 2009.

Depuis plusieurs mois, nous avons pu déplorer les faits suivants :

Manquements relatifs à votre comportement et votre attitude au sein de l’agence

Nous avons constaté au fil du temps que votre attitude tant vis-à-vis de vos collègues de travail que de vos supérieurs hiérarchiques s’est considérablement dégradée.

En effet, vos collègues nous ont rapportés qu’ils faisaient régulièrement les frais de vos sauts d’humeurs et que ce comportement imprévisible et désagréable pesait lourdement sur l’ambiance de l’équipe. Concrètement, certains de vos collègues vous craignent.

Lors de son passage à [Localité 5] en août 2019, Madame [H] [M], responsable comptable et RH, a d’ailleurs constaté que vous vous étiez isolé dans un bureau seul alors que, malgré l’espace disponible, certains de vos collègues de travail ont préféré continuer à se regrouper pour la communication et le travail d’équipe, et que vous n’entreteniez pas de relations avec vos collègues à l’occasion des différentes pauses dans la journée.

Par ailleurs, il est très difficile voire impossible d’avoir des échanges constructifs avec vous sur votre travail. En effet, lorsque nous sommes amenées à vous faire une remarque sur votre comportement ou votre travail, vous vous braquez et n’admettez pas vos erreurs ou rejetez la faute sur le matériel ou sur une autre personne.

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez pas contesté ce grief.

Cela a, par exemple, été le cas avec M. [S] [D], votre manager, en avril 2019. M. [S] [D] vous avait demandé d’être plus rapide et plus concentré mais vous vous êtes emporté et avez pris vos affaires. Vous vous êtes d’ailleurs mis en arrêt de travail par la suite.

Nous avons également pu constater que vous adoptiez de manière récurrente et impérieuse un ton très suspicieux et procédurier vis-à-vis de l’agence, sans raison valable, ce que nous ne pouvons accepter.

Cela ressort très nettement des seuls titres des mails que vous nous avez adressés :

« Seconde phase d’investigation médicales suite à mon accident », « Congés : rappel à la loi », « Boite mail ‘ tentative d’intrusion », « Problème de bouclage du mois de mars ».

Vos problèmes personnels impactent votre travail de manière conséquente puisque vous êtes régulièrement absents de votre poste de travail pour les gérer. Vous vous adressez également d’une manière totalement inappropriée et parfois agressive au service RH concernant vos problèmes personnels.

Encore pour exemple les échanges de mails que vous avez eus avec [K] [I] durant le week-end précédant votre entretien préalable du 21 octobre dernier : il vous a été dit à plusieurs reprises, que vous ne pouviez pas vous faire assister d’un conseiller extérieur mais que vous pouviez en revanche être assisté d’un salarié de l’entreprise.

Malgré cela, vous avez insisté par l’envoi de plusieurs mails y compris le week-end, ce qui est révélateur de votre état d’esprit.

Manquements au niveau de la qualité créative de votre travail et de votre rendement :

Nous devons déplorer une lenteur anormale dans l’exécution de vos tâches, malgré les observations qui ont déjà pu vous être faites lors de vos précédents entretiens annuels.

Vous vous étiez déjà braqué lorsque nous avions dû vous faire la remarque, invoquant notamment des problèmes d’ordinateur qui vous ralentiraient. Un tel argument ne saurait toutefois être accueilli puisqu’aucun de vos collègues de travail, qui disposent du même matériel informatique que vous, ne s’en est plaint.

Cette lenteur est vraisemblablement due au fait que vous gérez vos affaires personnelles durant votre temps de travail. Quoi qu’il en soit, cette lenteur n’est pas normale et ne peut être tolérée puisque nous ne pouvons facturer à nos clients toutes les heures que vous passez sur un dossier.

Par ailleurs, nous déplorons de votre part, un déficit de qualité créative. Par exemple, un de vos clients principaux et historiques, Aqualande, s’est plaint du trop peu de renouveau créatif.

L’équipe commerciale, qui est en contact avec vous pour les briefs de création, est contrainte de mettre les formes et d’être très prudente dans ses propos car vous ne comprenez pas tout de suite ce qui vous est demandé et vous vous braquez.

Votre attitude a pour conséquence de multiplier le nombre d’aller-retour et de retarder les délais de livraisons aux clients, représentant ainsi un coût pour l’agence puisque le temps passé n’est pas revendu.

Nous ne pouvons pas vous impliquer sur des projets de compétitions car vous êtes trop instable sur la qualité et les délais. Par exemple, la photographe [A] [W] n’a plus voulu travailler avec vous sur ses shootings car vous étiez inutilement pointilleux et très lent. Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement qui nous contraignent à mettre un terme à votre contrat de travail et à vous notifier par la présente votre licenciement ».

Le 6 août 2020, M. [V] [L] a saisi la juridiction prud’homale de Pau au fond.

Par jugement du 8 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Pau a’:

– Jugé que le licenciement de M. [V] [L] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Condamné la SAS Change à verser à M. [V] [L] les sommes de :

‘ 61.143,30 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 12.228,66 euros à titre d’indemnité pour non-respect de l’obligation de formation

‘ 4.076,22 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

‘ 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Ordonné à la société Change de remettre à M. [V] [L] une attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte de 20 euros par jour de retard dans les 15 jours de la réception de la notification de la présente décision,

– Ordonné à la société Change le remboursement à Pôle Emploi d’une indemnité représentant un mois d’allocations chômage versées M. [V] [L] en application de l’article L.1235-4 du code du travail,

– Débouté’M. [V] [L] de l’ensemble de ses autres demandes et prétentions,

– Rappelé que l’exécution provisoire en matière prud’homale est de droit pour les remises de documents que l’employeur est tenu de délivrer ainsi que pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R.1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 3.155,19 euros (art. R.1454-28 du code du travail),

– Dit qu’il n’y a pas lieu d’y faire droit pour le surplus,

– Dit que les intérêts légaux porteront sur les sommes dues à compter de la date du prononcé du présent jugement,

– Débouté la société Change de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens.

Le 9 décembre 2021, la société Change a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 20 janvier 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Change, demande à la cour de’:

– Déclarer recevable et bien-fondé l’appel de la société Change,

– Déclarer mal fondé l’appel incident de M. [V] [L],

– Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a (i) requalifié le licenciement intervenu comme étant sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Change à une indemnisation sur ce point, (ii) fait droit aux demandes de M. [L] relatives au non-respect de l’obligation de formation et (iii) aux dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 8 novembre 2021 sur le surplus,

Statuant à nouveau :

– Débouter M. [V] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– Condamner M. [V] [L] à payer à la société Change la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [V] [L] en tous les dépens.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 24 mars 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [V] [L], formant appel incident, demande à la cour de’:

– Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

« Condamne la SAS Change à verser à M. [V] [L] la somme de 4.076.22 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

Débouter M. [V] [L] de l’ensemble de ses autres demandes et prétentions. »

– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

« Juge que le licenciement de M. [V] [L] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Change à verser à M. [V] [L] les sommes de :

-61.143.30 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-12.228.66 euros à titre d’indemnité pour non-respect de l’obligation de formation

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile

Ordonne à la SAS Change de remettre à M. [V] [L] une attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte de 20 euros par jour de retard dans les 15 jours de la réception de la notification de la présente décision.

Ordonne à la SAS Change le remboursement à Pôle Emploi d’une indemnité représentant un mois d’allocations chômage versées à M. [V] [L] en application de l’article L.1235-4 du code du travail. »

Statuant à nouveau :

– Condamner la SAS Change à verser à M. [V] [L] la somme de :

‘ Indemnité pour licenciement nul (24 mois de salaire)’: 97.829,28 euros,

‘ Rappel de salaire d’octobre 2017 à décembre 2018’:3.831,83 euros,

‘ Congés payés afférents’:383,18 euros,

‘ Indemnité pour violation du statut protecteur’:24.457,32 euros,

‘ Indemnité pour non-respect de l’obligation de formation’: 24.457,32 euros,

‘ Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé 24.457,32 euros,

‘ Dommages et intérêts pour licenciement 48.914 euros,

dans des conditions vexatoires

– Condamner la Société Change à verser à M. [V] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la Société Change aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement :

Dans l’état de ses conclusions, M. [L] réclame à la fois la confirmation du jugement qui a retenu seulement l’existence d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la fois la reconnaissance par la cour de l’existence d’un licenciement non pas seulement sans cause réelle et sérieuse mais bel et bien nul.

La cour en déduit que M. [L] reprend sa demande principale de licenciement nul.

Au soutien de la nullité, M. [L] développe quatre moyens, le harcèlement moral, l’état de santé, la violation du statut de salarié protégé et le reproche de son caractère procédurier qui serait formulé à raison du fait qu’il avait annoncé une action en justice.

Ces cas de nullité sont mentionnés à l’article L1235-3-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce c’est à dire issue de la loi du 29 mars 2018, le licenciement litigieux étant survenu le 29 octobre 2019.

M.[L] soutient d’abord qu’il a été victime de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article L1232-1 du code du travail. Plus précisément il fait valoir que son licenciement a été uniquement dicté par la volonté de réduire la masse salariale de l’entreprise (page 6 de ses conclusions), par l’intention avérée de se débarasser de lui (page 7 de ses conclusions).

Il s’appuie en premier lieu sur un mail de M. [O] président de la SAS Change adressé à des collaborateurs Mmes [I] et [Z] et M. [E], en date du 4 janvier 2016 et qui est ainsi rédigé’:

«’Bonsoir,

Pour moi les choses sont simples et je me suis exprimé auprès de [X].

[L] doit être poussé à l’erreur il a déjà un avertissement et on finira au prud’hommes [F], on doit engager une négociation [K] est en charge du dossier.

Voilà pour moi.

[J].’»

Il s’agit d’un message isolé, antérieur de plus de trois années du licenciement intervenu le 29 octobre 2019, rédigé dans un contexte ni précisé ni caractérisé. C’est à bon droit que le premier juge a exactement relevé que ce message n’avait été suivi d’aucun fait, d’aucune dégradation des conditions de travail ni même d’atteinte à ses droits ou à sa santé. Pour le dire autrement M. [L], ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement comme l’exige le mécanisme probatoire de l’article L1154-2 du code du travail.

En outre, les arrêts de travail en 2015 évoquent des troubles anxio-depressifs sans qu’il soit possible de les mettre en lien avec la vie professionnelle. Le dossier médical qui est produit à compter du 18 septembre 2012 fait essentiellement état d’un patient très anxieux à raison de la découverte récente (le 18 septembre 2012) d’une tuméfaction au niveau du mamelon droit. Le médecin à cette date relate les plaintes de M. [L] sur «’l’ambiance générale’» «’l’impression qu’on le pousse vers la sortie de façon insidieuse’» mais ne les reprend pas à son compte. Le 17 avril 2019, le médecin du travail indique que M. [L] est de nouveau sous Seroplex.

M. [L] soutient ensuite qu’il a fait l’objet d’un licenciement à raison de son état de santé. Son état de santé n’est pas évoqué dans la lettre de licenciement reproduite intégralement ci-dessus. Au surplus, aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obstacle à un licenciement prononcé pendant un arrêt maladie ce qui est le cas de M. [L] lequel n’établit pas qu’il a été victime d’un accident du travail à l’époque de son licenciement et non pas en 2015 ainsi qu’il ressort de l’arrêt de travail du 30 octobre 2015.

Les documents les plus proches de la date de licenciement qu’il produit sont relatifs à un simple accident de trajet survenu le 4 septembre 2019 en sorte que l’employeur était en droit de procéder au licenciement et qu’il n’est pas établi que c’est à raison de son état de santé que M. [L] a été licencié.

M. [L] soutient également qu’il a été licencié au mépris de son statut protecteur en ce qu’il aurait informé la direction de la société de sa volonté de se présenter aux prochaines élections du CSE et que par suite, il serait couvert par les dispositions de l’article L2411-6 du code du travail qui stipulent’:’«’L’autorisation de licenciement est requise, pendant une durée de six mois, pour le salarié ayant demandé à l’employeur d’organiser les élections au comité social et économique ou d’accepter d’organiser ces élections. Cette durée court à compter de l’envoi à l’employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu’il soit procédé à des élections.

Cette protection ne bénéficie qu’à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu’au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé l’organisation des élections.’»

En réalité, le 4 octobre 2019 à 19 heures 06, M. [L] adresse à des personnes indiquées sous leurs seuls prénoms [T] et [K] avec copies à [V] et [S] le message suivant’:

Bonsoir,

Etant en arrêt maladie jusqu’au 31 octobre 2019

Je souhaite vous informer que je me présente

Aux élections des DP ou désormais CSE

Selon les modalités définies par les dernières ordonnances portant sur la Loi Travail.

https://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/le-comite-social-et-economique/article/cse-election-de-la-delegation-du-personnel

NB’:il est à rappeler également que nous aurions dû les organiser en janvier 2019 et que nous risquons si nous ne le faisons pas, sauf erreur, un PV d’infraction ou des poursuites pénales car nous avons 6 mois de retard.

«’C’est à l’employeur qu’il appartient, une fois tous les 4 ans, d’organiser les élections de la délégation du personnel du CSE. Son absence d’initiative ou son refus injustifié l’exposent à des poursuites pénales .

lorsque le comité social et économique(CSE) n’a pas été mis en place , un salarié de l’entreprise ou une organisation syndicale peut à tout moment saisir l’employeur pour demander l’organisation d’élections’»

«’Le premier salarié qui a saisi l’employeur d’une telle demande bénéficie d’une protection contre le licenciement, si son initiative est confirmée par une organisation syndicale.’»’

L’employeur doit alors engager la procédure électorale dans le délai d’un mois suivant la date de réception de la demande ainsi faite.’»

La seule lecture de ce mail établit que M. [L] n’a pas adressé ce message à l’employeur comme exigé par la loi mais à des collègues non identifiés et qu’il s’est borné à se porter candidat à des élections qui ne sont pas organisées.

Au surplus sa démarche à la supposer valide n’est pas soutenue par une quelconque organisation syndicale dans l’état des pièces produites.

Par suite, le statut protecteur ne peut être accordé à M. [L] d’autant qu’aucune autre pièce n’établit que lorsque M. [L] écrit ce mail il n’y a plus dans l’entreprise de représentant du personnel. En effet le mail de M. [P] à une date non précisée (il est seulement noté sur le mail 20 février 10.27) par lequel ce salarié fait savoir qu’il a démissionné de son poste de délégué du personnel pour le collège non cadre, ne fait pas la preuve que l’entreprise, en l’absence de toute règle de suppléance, était désormais totalement dépourvue de délégué du personnel.

Par suite la nullité du licenciement n’est pas établie de ce chef.

Enfin, M. [L] voit un moyen de nullité du licenciement en ce qu’on lui a reproché dans la lettre du 29 octobre 2019 son caractère procédurier. Il y reconnaît la preuve qu’il a été licencié à raison du fait qu’il avait annoncé sa volonté d’intenter une action en justice de sorte qu’une liberté fondamentale aurait été violée (article L 1235-3-1,1°).

Le passage litigieux de la lettre est le suivant’:’«’Nous avons également pu constater que vous adoptiez de manière récurrente et impérieuse un ton très suspicieux et procédurier vis-à-vis de l’agence, sans raison valable, ce que nous ne pouvons accepter.’»

Tel que formulé ce grief ne caractérise pas l’atteinte au droit fondamental d’agir en justice car il se borne à faire référence à un état d’esprit et non pas à une action en justice soit déjà engagée soit sur le point de l’être. Au surplus, il sera rappelé sur ce point que le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice (cass.soc. 4 novembre 2020 numéro 19-12.367).

La nullité du licenciement n’est pas encourue.

Il s’ensuit que la cour confirmera le chef du jugement qui a rejeté la demande de nullité du licenciement.

De plus, la cour ne suivra pas M. [L] dans le fait de dire nul le licenciement à raison du caractère infondé des griefs énoncés dans la lettre du 29 octobre 2019.

En effet, dès lors que les griefs articulés dans la lettre de licenciement et qui n’entraînent pas la nullité ne sont pas établis, le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse et il ouvre droit à diverses indemnités au profit du salarié.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse’:

Dans l’etat de la lettre de licenciement intégralement reproduite ci-dessus, il est reproché à M. [L] deux griefs essentiels à savoir de première part des manquements relatifs à son comportement et son attitude au sein de l’agence et de seconde part un déficit de qualité créative et de rendement.

C’est à bon droit par des motifs que la cour fait siens que le premier juge a dit ces griefs insuffisamment caractérisés’; il sera seulement ajouté que l’employeur produit essentiellement des documents datant de 2015 et relatifs à un avertissement,qu’il ne verse aux débats aucune attestation pertinente des salariés qui se seraient plaints du comportement de leur collègue et qu’enfin les attestations élogieuses sur le travail de M.[L] viennent contredire la sévérité de l’appréciation des créations de l’intéressé, étant à cet égard précisé qu’aucun faux n’est avéré dans la production des entretiens d’évaluation s’agissant manifestement de l’imprimé informatique conservé par l’employeur .

En tout état de cause l’employeur échoue dans sa critique de ce chef du jugement et la cour confirmera que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour confirmera également le montant de l’indemnité de licenciement faisant siens les calculs du premier juge.

Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement’:

C’est à bon droit par des motifs que la cour approuve que le premier juge a dit vexatoire le licenciement en relevant notamment l’annonce faite lors d’une réunion du licenciement de M. [L]. La cour confirmera également l’appréciation du préjudice subi, les prétentions supplémentaires de M. [L] sur ce point n’étant pas suffisamment étayées.

Sur le rappel de salaires sur les heures supplémentaires effectuées d’octobre 2017 à décembre 2018′:

En critique de la décision du conseil de prud’hommes, M. [L] explique qu’il a travaillé 123 heures et 30 minutes au-delà des 39 heures stipulées à son contrat de travail et des heures effectuées et payées telles qu’elles ressortent des bulletins de salaires.

M. [L] produit, pour justifier de ces heures supplémentaires, des pages extraites d’un logiciel Domino dont la simple lecture montre qu’il s’agit d’une application informatique destinée à facturer le travail à destination de la clientèle dans la mesure où il liste les «’honoraires Création’».

Il ne permet en aucune façon de s’assurer des heures effectuées par le salarié en sorte que M. [L] échoue à présenter en application de l’article L. 3171-4 du Code du Travail, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la violation du statut protecteur’:

Cette violation n’étant pas établie ainsi qu’il a été dit plus haut à propos de la nullité du licenciement la cour confirmera le jugement de ce chef ainsi que du chef de travail dissimulé qui est nécessairement subordonné à la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires non payées.

Sur l’obligation de formation’:

C’est à bon droit par des motifs que la cour fait siens que le premier juge a relevé qu’aucune formation n’avait été mise en place au profit de M. [L] qui l’avait pourtant sollicitée lors des entretiens d’évaluation.

A hauteur d’appel, la société Change soutient qu’elle s’est toujours attachée à assurer l’adaptation de son salarié à son poste de travail mais n’en justifie pas sinon par affirmation.

Quant au préjudice, la cour fait sienne l’évaluation qu’en a faite le conseil de prud’hommes dans la mesure où M. [L] qui en critique le trop faible montant soutient sans l’établir que ses difficultés à retrouver un emploi sont précisement dues à l’absence de formation quand il travaillait pour la société’ Change.

Sur les intérêts, la remise des documents de rupture, le remboursement à Pôle emploi, les dépens et les indemnités de procédure’:

La cour confirmera par motifs adoptés les chefs du jugement qui ont statué sur les intérêts, la remise des documents de rupture, les dépens et les indemnités de procédure mais, amendant la décision, dira n’y avoir lieu à astreinte.

A hauteur d’appel, aucune considération d’équité ne justifie l’application de l’article 700 du code de procédure civile pour aucune des parties et chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur l’astreinte

Statuant à nouveau de ce chef

Dit n’y avoir lieu à astreinte

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour aucune des parties pour les frais irrépétibles d’appel

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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