Les fouilles intégrales en prison validées

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Les fouilles intégrales en prison validées

Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l’utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l’administration pénitentiaire de veiller, d’une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d’autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Tribunal administratif de Strasbourg, Juge unique (2), 24 mars 2023, 2100129

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2021, M. C, représenté par l’AARPI Thémis, demande au tribunal :

1°) de mettre à la charge de l’Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de dix fouilles corporelles intégrales, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

M. C soutient que :

– son comportement ne soulevait pas de difficultés particulières et ses fréquentations sont connues ;

– il n’est pas établi que des fouilles par palpation n’auraient pas été suffisantes ;

– les fouilles ont une finalité vexatoire ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé.

M. C a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– le code de procédure pénale ;

– la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

– le code de justice administrative ;

En application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, le président du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les litiges visés par cet article.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Merri, magistrate désignée ;

– les conclusions de M. Boutot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

:

1. M. C, alors incarcéré à la maison d’arrêt de Strasbourg, demande de condamner l’Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de dix fouilles corporelles intégrales réalisées entre juin 2019 et juin 2020.

Sur les conclusions à fin d’indemnisation :

2. Aux termes de l’article 57 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : ” Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction au sein de l’établissement pénitentiaire d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens, le chef d’établissement peut également ordonner des fouilles dans des lieux et pour une période de temps déterminés, indépendamment de la personnalité des personnes détenues. Ces fouilles doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Elles sont spécialement motivées et font l’objet d’un rapport circonstancié transmis au procureur de la République territorialement compétent et à la direction de l’administration pénitentiaire. / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes “.

3. Il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l’application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l’un des motifs qu’elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l’intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu’il a pu avoir avec des tiers.

4. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l’utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l’administration pénitentiaire de veiller, d’une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d’autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.

5. Il résulte de l’instruction que M. C a fait l’objet, antérieurement aux fouilles en litige, de plusieurs condamnations pénales pour notamment corruption de mineur de plus de quinze ans, tentative d’extorsion par violence, corruption de mineur par une personne mise en contact avec la victime par un réseau de communications électroniques, détention, acquisition, transport non autorisé de stupéfiants, outrage à personne dépositaire de l’autorité publique et violence avec usage ou menace d’une arme. Il n’est pas davantage contesté que le requérant a été sanctionné à de nombreuses reprises en détention, compte tenu de son comportement violent vis-à-vis de ses codétenus mais également du personnel pénitentiaire. Il est établi qu’à plusieurs reprises, M. C a fait usage d’armes artisanales (morceaux de verre brisé, fourchette, couteau, manche à balai), et qu’il a pu introduire dans une salle d’audience correctionnelle des allumettes dissimulées dans sa bouche.

6. Compte tenu de la dangerosité du requérant, les fouilles corporelles intégrales ne peuvent être regardées comme injustifiées et disproportionnées au regard des exigences de l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 en matière de sécurité des personnes et de bon ordre dans l’établissement pénitentiaire. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que ces fouilles se seraient déroulées dans des conditions et selon des modalités qui pourraient constituer un traitement inhumain ou dégradant. Dans ces conditions, aucune faute de l’Etat n’est caractérisée en l’espèce.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C à fin d’indemnisation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et au garde des Sceaux, ministre de la justice.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.

La magistrate désignée,

D. A

La greffière,

V. IMMELE

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


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