Droit du Numérique : Tribunal administratif de Bordeaux, 21 mars 2023, 2300949

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Droit du Numérique : Tribunal administratif de Bordeaux, 21 mars 2023, 2300949

intérêt particulier, et alors que le choix de construction retenu limite l’atteinte au paysage, la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code des postes et télécommunications électroniques

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 février 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile, représentée par Me Martin, avocat, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 8 novembre 2022 par laquelle le maire de la commune de Cuq s’est opposé à la déclaration préalable qu’elle a déposée le 22 septembre 2022 en vue de l’édification d’un pylône d’antennes de téléphonie mobile sur un terrain sis au lieu-dit ” La Garenne “, cadastré section A n° 721 ;

2°) d’enjoindre au maire de Cuq, à titre principal, de lui délivrer une décision de non-opposition à la déclaration précitée, dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d’instruire de nouveau sa déclaration préalable et de statuer dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cuq la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Free Mobile soutient que :

– elle a précédemment déféré au tribunal la décision du maire de Cuq en date du 8 novembre 2022 ;

– la condition d’urgence est remplie dès lors que, en faisant obstacle à la construction projetée, la décision en litige porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, d’une part, à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire par ses réseaux de téléphonie mobile 3 G et 4 G mais également par son réseau Très Haut Débit (THD), d’autre part, à ses intérêts propres, en l’empêchant de satisfaire aux engagements qu’elle a pris vis-à-vis de l’Etat en matière de couverture par ses propres installations, la zone concernée n’étant pas desservie par ses réseaux comme en rapportent la preuve les cartes qu’elle produit ;

– la décision en cause est insuffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 424-3 et R. 424-5 du code de l’urbanisme ;

– la décision est illégale pour être fondée de manière implicite sur les dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, alors que l’article A 11 du plan local d’urbanisme énonce des prescriptions qui ne sont pas moindres ;

– en s’abstenant de porter une appréciation sur les caractéristiques ou l’intérêt des lieux, le maire de Cuq a fait une inexacte application de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme ou des dispositions équivalentes du plan local d’urbanisme ;

– le classement de la parcelle concernée en zone A dans le plan local d’urbanisme ne fait pas obstacle au projet qui, en tant que construction nécessaire à la mise en place ou au fonctionnement des services publics ou d’intérêts collectifs, rentre dans les exceptions aux restrictions au droit de construire ;

– en outre, le terrain d’assiette, qui est inclus dans un site comportant déjà des superstructures, ne présentant aucun intérêt particulier, et alors que le choix de construction retenu limite l’atteinte au paysage, la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code des postes et télécommunications électroniques ;

– le code de l’environnement ;

– le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 14 mars 2023 à 14h30, ont été entendus :

1) le rapport de M. Bayle, juge des référés ;

2) les observations de Me Candelier, représentant la SAS Free Mobile, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de cette société et a soutenu en outre que, si le terrain d’assiette, d’une superficie de 54 232 m², abrite des vestiges archéologiques, c’est seulement sur une surface d’environ 2 500 m² ;

3) les observations de Mme B et de Mme A, respectivement adjointe au maire et conseillère municipale de Cuq, représentant cette collectivité, qui ont fait valoir que :

– le dossier d’information adressé par la SAS Free Mobile à la commune ne justifiait pas du choix de ne pas recourir à une solution de partage avec les installations existantes, en violation de l’article D. 103-2 du code des postes et télécommunications électroniques ;

– la condition d’urgence ne peut être regardée comme satisfaite dès lors qu’il ressort tant des cartes de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) que des cartes de la SAS Free Mobile sur son site internet que le secteur d’implantation du pylône en cause est desservi par les réseaux 3G comme 4G de cette société ;

– la parcelle d’implantation, cadastrée section A n° 721, est répertoriée comme comprenant des vestiges archéologiques ;

– la parcelle voisine cadastrée section A n° 354 supporte une motte médiévale ;

– le projet portera atteinte au patrimoine paysager ainsi qu’à l’espace boisé classé sur la parcelle précitée ;

– le projet contrevient aux prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles de retrait-gonflement des sols argileux de la commune approuvé par arrêté du 2 février 2016 du préfet de Lot-et-Garonne.

Les parties ont été informées qu’en application de l’article R. 522-8 du code de justice administrative, la clôture de l’instruction était reportée au 17 mars 2023 à 12h00.

Par transmission enregistrée le 16 mars 2023, la commune de Cuq a produit des pièces complémentaires.

Par mémoire enregistré le 17 mars 2023, la SAS Free Mobile conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que la requête. Elle soutient en outre que :

– le moyen tiré du défaut de justification de l’absence de mutualisation des équipements est inopérant, les dispositions du code des postes et télécommunications électroniques n’étant pas au nombre de celles qui sont sanctionnées par les autorisations d’urbanisme, outre que l’article D. 98-6-1 de ce code n’impose pas le recours à un partage des installations existantes ;

– au demeurant, il n’appartient à l’autorité compétente en matière d’urbanisme ni de veiller au respect des dispositions du code des postes et télécommunications électroniques, ni de se prononcer sur l’opportunité du choix de l’implantation ;

– de surcroît, d’une part, le décret n° 2023-4 du 4 janvier 2023, qui définit les zones rurales pour lesquelles l’implantation d’un pylône rend nécessaire la justification en cause, n’était pas applicable à la date du dépôt de la déclaration préalable, d’autre part, l’installation préexistante ne permettait, eu égard à sa situation, d’assurer la couverture du secteur ;

– la commune de Cuq ne peut s’appuyer, pour démontrer l’absence d’utilité du projet, ni sur les cartes de l’ARCEP, trop générales, ni sur celles publiées sur le site internet, à des fins commerciales ;

– le motif tiré d’une contrainte à raison de vestiges archéologiques n’est pas fondé ;

– les prescriptions du plan de prévention des risques naturels ne sont pas applicables aux stations relais de radiotéléphonie mobile ;

– en toute hypothèse, le projet est conforme à ce plan, l’étude géotechnique prévue par le chapitre I du titre II du règlement de ce plan ayant été réalisée.

Considérant ce qui suit

:

1. Par la présente requête, la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile demande au juge des référés d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 8 novembre 2022 par laquelle le maire de la commune de Cuq s’est opposé à la déclaration préalable qu’elle a déposée le 22 septembre 2022 en vue de l’édification d’un pylône d’antennes de téléphonie mobile sur un terrain sis au lieu-dit ” La Garenne “, cadastré section A n° 721.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : ” Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () “.

En ce qui concerne la condition d’urgence :

3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. Il ressort des pièces du dossier que le projet a pour objet d’améliorer la couverture du territoire de la commune de Cuq par les réseaux de téléphonie mobile de 3ème et de 4ème générations de la SAS Free Mobile. D’une part, il est constant que la SAS Free Mobile a pris des engagements à ce titre envers l’Etat dans son cahier des charges. Les cartes détaillées produites à l’instance par la société, qui peuvent être prises en considération alors même que ces documents, qu’elle n’a aucun intérêt à biaiser, ont été dressés par elle, montrent que le secteur d’implantation de l’équipement en litige n’est pas correctement desservi par les réseaux de cet opérateur. La commune de Cuq fait certes valoir que les cartes disponibles sur le site de l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) attestent que la société Free Mobile a satisfait au taux de couverture auquel elle s’était engagée ; toutefois, si elles sont susceptibles d’établir que la société aurait rempli ses obligations en ce qui concerne le taux de couverture de la population globalement dans le département de Lot-et-Garonne, ces cartes ne présentent pas un degré de précision suffisant pour contredire celles fournies par la société et qui se rapportent à la zone concernée, dont la couverture est, de manière manifeste au regard de ces pièces, mal assurée. De même, la commune de Cuq ne peut se prévaloir utilement des cartes publiées par la SAS Free Mobile sur son site internet, qui ont une vocation commerciale. D’autre part, il ne peut être sérieusement contesté que la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile présente un intérêt public. Il suit de ce qui précède que l’opposition du maire de Cuq à la déclaration préalable déposée par la SAS Free Mobile le 22 septembre 2022 porte une atteinte suffisamment grave et immédiate tant aux intérêts de la SAS Free Mobile qu’à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du secteur en cause par les réseaux de téléphonie de cet opérateur. Dès lors, la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite.

En ce qui concerne le doute sérieux sur la légalité de la décision :

5. En l’état de l’instruction, les moyens invoqués par la SAS Free Mobile et tirés de ce que son projet de construction d’un pylône support d’antennes de radio de téléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section A n° 721 ne porte pas atteinte à l’intérêt des lieux et ne contrevient pas aux prescriptions du règlement de la zone A du plan local d’urbanisme sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 8 novembre 2022 par laquelle le maire de Cuq s’est opposé à la déclaration préalable en litige.

6. La commune de Cuq a certes fait valoir en défense, au cours des débats de l’audience, que le terrain d’assiette est affecté d’une servitude au titre de vestiges archéologiques, que le projet porte atteinte à l’intérêt des lieux en raison de la présence d’une motte médiévale ainsi que d’un espace boisé classée sur une parcelle voisine, enfin qu’il contrevient aux prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles de retrait-gonflement des sols argileux de la commune. Si la commune a entendu ainsi demander qu’aux motifs initiaux, soient substitués les motifs tirés de la méconnaissance d’une protection au titre de la présence de vestiges archéologiques, de la violation de l’article A 11 du plan local d’urbanisme et de la contrariété au plan de prévention des risques naturels prévisibles, il ne ressort pas à l’évidence des pièces du dossier, en l’état de l’instruction, que ces derniers motifs soient susceptibles de fonder légalement l’opposition à la déclaration préalable déposée le 22 septembre 2022 par la société Free Mobile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Free Mobile est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision du 8 novembre 2022 du maire de Cuq.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

8. En égard à ce qui précède, la présente ordonnance implique seulement que la commune de Cuq procède à une nouvelle instruction de la déclaration préalable déposée par la SAS Free Mobile le 22 septembre 2022. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’enjoindre à cette collectivité d’instruire à nouveau ladite déclaration et de fixer à un mois à compter de la notification de la présente ordonnance le délai dans lequel devra intervenir une nouvelle décision.

Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :

9. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS Free Mobile tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er

: L’exécution de la décision du 8 novembre 2022 par laquelle le maire de la commune de Cuq s’est opposé à la déclaration préalable déposée par la SAS Free Mobile le 22 septembre 2022 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Cuq de procéder à une nouvelle instruction de cette déclaration préalable et de prendre une nouvelle décision dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Free Mobile et à la commune de Cuq.

Fait à Bordeaux, le 20 mars 2023.

Le juge des référés,

J-M. BAYLE La greffière,

H. MALO

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière


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