Droit du Numérique : Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 21 mars 2023, 21/04117

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Droit du Numérique : Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 21 mars 2023, 21/04117

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 21 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/04117 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PB2B

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 MAI 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021003425

APPELANTE :

S.A.R.L. SEVEN FRUITS

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie Pierre DESSALCES de la SCP DESSALCES & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Stéphane MENNESSON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. DIXIONLINE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent FERRACCI de la SELARL FERRACCI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 04 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Thibault GRAFFIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS, PROCÉDURE – PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon acte sous seing privé du 15 janvier 2020, la SARL Seven Fruits, exploitant une activité de vente de primeurs au détail à [Localité 4] a conclu avec la SARL Dixionline un contrat ayant pour objet la création graphique et la réalisation d’un site internet administrable ainsi qu’un pack de services portant sur le nom de domaine, la boîte mail, l’hébergement, le référencement, l’assistance et la maintenance, pour une durée de 36 mois, moyennant le paiement de 36 mensualités de 154,80 euros TTC devant être prélevées sur le compte bancaire du client par la société Dixionline, pour la première fois 30 mars 2020.

Estimant que la société Dixionline n’avait pas exécuté les prestations promises, la société Seven Fruits a cessé ses règlements dès le mois de mai 2020.

Considérant que les prestations avaient été réalisées mais que le site n’avait pu être mis en ligne faute de validation finale par la société Seven Fruits, la société Dixionline l’a mise en demeure, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 16 juillet 2020, de régler les 34 mensualités restantes.

Par exploit d’huissier en date du 17 mars 2021, la société Dixionline a assigné en paiement la société Seven Fruits devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement du 7 mai 2021, a :

– condamné la société Seven Fruits à payer à la société Dixionline la somme de 5 423,20 euros augmentée des intérêts au taux BCE+10 à compter de la date de la lettre de rappel, soit le 16 juillet 2020,

– dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts,

– condamné la société Seven Fruits à payer à la société Dixionline la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

Par déclaration enregistrée le 25 juin 2021, la société Seven Fruits a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées le 3 janvier 2023 via le RPVA, au visa des articles 1103, 1353 et 1217 du code civil, L. 211-4 du code de procédure civile d’exécution, de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté,

– réformer la décision entreprise dans l’ensemble de ses dispositions,

– débouter la société Dixionline de l’intégralité de ses demandes,

– déclarer bien fondée l’exception d’inexécution invoquée par la société Seven Fruits,

– prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre la société Seven Fruits et la société Dixionline aux torts exclusifs de cette dernière,

– condamner la société Dixionline à rembourser à la société Seven Fruits les sommes perçues par la société Dixionline dans le cadre du jugement de première instance,

– condamner la société Dixionline à rembourser à la société Seven Fruits les sommes versées dans le cadre de l’exécution du contrat,

– condamner la société Dixionline à payer à la société Seven Fruits la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour perte d’activité,

– condamner la société Dixionline à payer à la société Seven Fruits la somme de 1 500 euros pour procédure abusive,

– condamner la société Dixionline à payer à la société Seven Fruits la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Dixionline aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

– son refus de poursuivre le paiement des échéances se justifie du fait de l’absence de réalisation des prestations promises par la société Dixionline,

– la société Dixionline, en sa qualité de professionnel, était tenue de l’informer sur la nécessité de transmettre la validation de la maquette, les coordonnées Paypal et les conditions générales de vente nécessaires au fonctionnement du site marchand,

– le retard de communication de ces éléments en temps utiles par la société Dixionline est imputable à son inaction injustifiée pendant le confinement et son manque de communication envers un client profane en matière de site de vente par internet,

– elle a confié la réalisation de son site à un autre prestataire qui a été opérationnel seulement quinze jours après la conclusion du contrat,

– la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Dixionline est justifiée compte tenu de ses manquements et emporte restitution des sommes versées,

– le défaut de mise en place du site internet lui a causé un préjudice financier tenant la perte d’activité du magasin pendant le Ramadan et les deux confinements,

– la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est justifiée, dès lors que la procédure initiée à son encontre n’est pas justifiée et l’a exposé à des procédure civiles d’exécution (saisies attributions).

***

La société Dixionline sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 23 décembre 2022 la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions, le rejet de toutes les demandes de la société Seven Fruits, la condamnation de la société Seven Fruits au paiement de la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle expose en substance que :

– les prestations commandées ont été réalisées, mais que le site n’a pu être mis en ligne à défaut de validation par la société Seven Fruits,

– la société Seven Fruits a manqué à son devoir de collaboration avec le prestataire en le mettant dans l’impossibilité de finaliser de manière définitive la mise au point du site internet,

– la société Seven Fruits ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude n’est pas fondée à solliciter la résolution judiciaire aux torts de la société Dixionline.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2023.

MOTIFS de la DECISION :

Sur la demande principale :

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Il résulte de ce texte que dans un contrat relatif à l’informatique caractérisé par un fort intuitu personae, un devoir de coopération et de collaboration, fondé sur la bonne foi, pèse sur le client surtout professionnel, qu’une clause ait été ou non stipulée dans le contrat.

Le client doit donc s’impliquer, être actif et exposer ses besoins et ses attentes spécifiques dans la phase préliminaire à la conclusion du contrat et pendant toute la durée de l’exécution du contrat, de manière à permettre au prestataire de répondre efficacement à sa demande. Les demandes du client peuvent être formalisées dans un cahier des charges.

L’absence de réponse du client aux sollicitations insistantes du prestataire caractérise son manquement à son obligation de collaboration.

Or, en l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier et des débats qu’à la suite de la signature du contrat le 15 janvier 2020, la société Dixionline a adressé à la société Seven Fruits le 24 janvier suivant, un courriel lui demandant de lui donner des informations pour préparer la fabrication de son site, et de lui fournir les codes de son compte PayPal pro ainsi que les conditions générales de vente qui seraient visibles sur le futur site web.

Après avoir élaboré une maquette du site de la société Seven Fruits, la société Dixionline a adressé à cette dernière un courriel le 4 mars 2020 afin que cette dernière lui fasse part de ses observations et lui a proposé un rendez-vous avec un responsable pour finaliser le site, le personnaliser davantage et prendre en compte ses souhaits.

Sans réponse, la société Dixionline a envoyé le 12 mars suivant à la société Seven Fruits un SMS afin d’organiser un rendez-vous auquel cette dernière répondait de manière générale sans toutefois proposer une date de rendez-vous.

La société Dixionline adressait le 14 mai suivant par SMS à la société Seven Fruits une nouvelle demande de rendez-vous, indiquant qu’elle ne parvenait pas à la joindre.

Les deux sociétés convenaient alors le jour même par échanges de SMS de la possibilité d’un rendez-vous le 18 mai suivant.

Le 26 mai suivant, la société Dixionline envoyait un mail à la société Seven Fruits lui rappelant qu’à la suite du rendez-vous du 18 mai, elle restait dans l’attente des informations manquantes nécessaires (PayPal pro, conditions générales de vente).

Par SMS en date du 2 juin 2020, apparemment sans réponse, la société Dixionline renouvelait sa demande.

Après plusieurs envois de courriels et de SMS de la part de la société Dixionline, la société Seven Fruits indiquait à cette dernière par SMS qu’elle ne souhaitait pas poursuivre la collaboration.

Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments, que la société Dixionline a réalisé le projet de site Web de la société Seven Fruits pour lequel elle attendait des informations importantes de cette dernière afin de le finaliser, informations qui ne lui seront jamais données (étant rappelé que les conditions générales du contrat signées par la société Seven Fruits prévoient les délais de finalisation du site Web après que le client ait communiqué aux concepteurs du site les informations sollicitées, ce qui en l’espèce ne se produira jamais).

Dans ce contexte, la société Seven Fruits est particulièrement défaillante à rapporter la preuve que la société Dixionline aurait manqué à ses obligations de conseil et d’assistance, notamment en restant silencieuse à ses demandes et à ses attentes alors qu’elle était profane en matière de création de sites Web, contrairement à ce qu’elle soutient.

Il convient au contraire de constater que l’inachèvement de la prestation due par la société Dixionline a été causé par le non-respect par la société Seven Fruits de son obligation de collaboration, peu important à cet égard que les relations entre les parties se soient déroulées durant la période du premier confinement en 2020 (17 mars-11 mai), ce qui n’empêchait nullement la société Seven Fruits de répondre aux demandes d’informations simples faites par la société Dixionline.

La cour constate contrairement à ce que soutient l’appelante que le contrat ne prévoit aucun délai pour la livraison définitive du site Web mais qu’il comporte un calendrier consécutif à la remise de document et/ou à la communication d’information par le client.

Ainsi, la société Seven Fruits ne saurait pouvoir prétendre à ce que le contrat du 15 janvier 2020 soit résilié en raison de l’inexécution par la société Dixionline de ses obligations contractuelles.

Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

La société Seven Fruits qui succombe dans ses demandes en cause d’appel sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Dixionline la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

:

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Condamne la SARL Seven Fruits aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la SARL Dixionline la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


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