Droit du Numérique : Cour d’appel de Lyon, 6ème Chambre, 16 mars 2023, 21/03156

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Droit du Numérique : Cour d’appel de Lyon, 6ème Chambre, 16 mars 2023, 21/03156

l’exécution provisoire du jugement,

– débouté les sociétés Locam SAS et Cohérence Communication SAS du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 29 avril 2021, la SARL Chanteau Bois a formé appel de cette décision.

Par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° RG 21/03156 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NRXG

Décision du Tribunal de Commerce de Saint Etienne

du 26 mars 2021

RG : 2019J00334

S.A.R.L. CHANTEAU BOIS

C/

S.A.S. LOCAM

S.A.S. COHERENCE COMMUNICATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 16 Mars 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. CHANTEAU BOIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me John CURIOZ, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

assisté de Me Yvan de COURREGES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES :

S.A.S. LOCAM

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

S.A.S. COHERENCE COMMUNICATION

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Julien MALLON de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 17 Mai 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Février 2023

Date de mise à disposition : 16 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Charlotte COMBAL, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

Le 2 juillet 2018, la SARL Chanteau Bois dont l’objet social est la construction, la conception et la mise en place de charpentes, a signé avec la SAS Cohérence communication un bon de commande et un contrat de licence d’exploitation de site internet, pour les besoins de son activité.

Le financement de ce contrat est effectué par la société Locam par le versement de 48 mensualités d’un montant de 228 euros TTC chacune.

La SARL Chanteau Bois a signé un procès verbal de livraison et de conformité le 23 juillet 2018.

Le 2 octobre 2018, la société Chanteau Bois a adressé un courrier à la société Cohérence communication, indiquant qu’elle souhaitait exercer son droit de rétractation, invoquant le bénéfice de la prorogation de délai de 12 mois, en l’absence de remise d’un bordereau de rétractation.

Après des impayés, la SAS Locam a, par lettre recommandée du 6 novembre 2018, dont l’accusé de réception a été signé le 8 novembre 2018, résilié le contrat de location financière.

Par acte d’huissier du 2 janvier 2019, la SAS Locam a fait assigner la société Chanteau Bois devant le tribunal de commerce de Saint Etienne aux fins de :

– débouter la société Chanteau Bois de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Chanteau Bois à lui payer la somme de 12.264,92 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 novembre 2018,

– condamner la société Chanteau Bois à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’exécution provisoire,

– condamner la société Chanteau Bois aux dépens.

Par acte d’huissier du 13 septembre 2019, la société Chanteau bois a appelé en cause la société Cohérence communication.

Par ordonnance du juge de la mise en état, les procédures ont été jointes.

La société Chanteau Bois s’est opposée à l’ensemble des demandes, faisant valoir que les dispositions du code de la consommation devaient s’appliquer et qu’elle avait exercé son droit de rétractation, étant précisé qu’aucun formulaire de rétractation n’était présent dans le contrat.

Elle fait également valoir qu’elle a été trompée et que la société Cohérence communication n’a pas respecté ses engagements contractuels, en matière de référencement du site internet et de bon fonctionnement, en dépit de multiples relances.

Le contrat étant nul, le contrat de location financière interdépendant doit être déclaré caduc.

La société Cohérence communication a, quant à elle, fait valoir qu’elle avait rempli ses obligations, que le formulaire de rétractation était accessible en ligne conformément à l’article L 221-21 du code de la consommation, que les articles L 221-1 et suivants du code de la consommation ne s’appliquaient pas, s’agissant d’un contrat signé chez le fournisseur et non hors établissement et dans la mesure où la prestation de services entre dans l’activité de la société Chanteau Bois.

Elle ajoute que le site est bien en ligne et fonctionne comme le démontre le relevé du 28 novembre 2019 produit.

Par jugement du 26 mars 2021, le tribunal de commerce de Saint Etienne a :

– constaté l’indivisibilité des contrats souscrits d’une part entre la SARL Chanteau Bois et la société Cohérence communication et d’autre part entre la société Chanteau Bois et la société Locam,

– débouté la société Chanteau Bois de ses demandes fondées sur le code de la consommation,

– dit que la société Cohérence Communication a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles,

– débouté la société Chanteau Bois de sa demande de résiliation du contrat de fourniture du site internet pour absence d’informations relatives au droit de rétractation,

– débouté la société Chanteau Bois Sarl de sa demande de résiliation du contrat de fourniture de site internet pour manquement aux obligations contractuelles,

– débouté la société Chanteau Bois de sa demande de caducité du contrat de location financière de site internet,

– débouté la société Chanteau Bois de l’ensemble de ses demandes à l’égard des sociétés Locam SAS et cohérence communication SAS,

– dit que l’action de la société Locam SAS est recevable,

– condamné la société Chanteau Bois SARL à verser à la société Locam SAS la somme de 12.264,92 euros TTC correspondant aux loyers échus et impayés et à échoir, majorée d’une clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 6 novembre 2018,

– condamné la société Chanteau Bois SARL à verser à la société Locam SAS la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Chanteau Bois SARL à verser à la société Cohérence Communication la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à 120,27 euros sont à la charge de la société Chanteau Bois SARL,

– dit qu’il n’y a pas lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement,

– débouté les sociétés Locam SAS et Cohérence Communication SAS du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 29 avril 2021, la SARL Chanteau Bois a formé appel de cette décision.

Par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 10 décembre 2021, elle demande à la Cour de :

– réformer le jugement entrepris,

– dire et juger que le droit de rétractation de la société Chanteau bois a été régulièrement exercé,

– subsidiairement dire et juger que la société Cohérence communication a failli dans son obligation de délivrer un site conforme le 23 juillet 2018, date mentionnée sur le procès verbal de réception à la société Chanteau Bois,

– débouter les sociétés Locam et Cohérence communication de toutes leurs demandes fins et conclusions,

– condamner les sociétés Cohérence communication et Locam à verser chacune à la société Chanteau Bois la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Curioz avocat.

A l’appui de ses prétentions,elle soutient tout d’abord qu’elle a fait valoir son droit de rétractation régulièrement, dans la mesure où le délai a été prorogé d’une durée de 12 mois, en l’absence de bordereau de rétractation sur le contrat.

Elle estime en effet remplir les trois conditions posées pour l’application des dispositions protectrices du code de la consommation, puisque le contrat a été conclu hors établissement, à [Localité 7] et non à [Localité 6] comme le prétend la société Cohérence communication, que le nombre de salariés est également inférieur à 5 et que l’objet du contrat n’entrait pas dans le champ de son activité principale.

Ainsi, elle conteste l’appréciation du tribunal, qui a retenu que le site internet entrait bien dans le champ d’activité principale, dans la mesure où le site est personnalisé et permet le dialogue avec les clients et l’accès à un catalogue de services et produits disponibles à la clientèle.

Elle affirme que l’entreprise est spécialisée dans la conception, la construction et la mise en place de charpentes, ce qui ne lui donne aucune compétence en matière informatique.

De plus, elle précise que la création du site ne constitue pas une opération financière comme tente de l’invoquer la société Cohérence communication. En outre, la possibilité de disposer d’un formulaire de rétractation en ligne ne dispense pas le fournisseur d’informer le client par la mention du droit de rétractation et des modalités de celles ci.

En l’absence d’information sur le droit de rétactation, le contrat doit être annulé.

Elle ajoute qu’elle a mis en demeure la société Cohérence communication le 8 août 2019 de confirmer qu’elle avait bien accepté la rétractation.

Ensuite, elle fait valoir que la société Cohérence Communication n’a pas respecté ses obligations contractuelles.

Elle énonce ainsi que le site internet n’a pas été livré dans les temps, que le procès verbal de livraison a été signé vierge par M. Chanteau parmi une liasse présentée et que la date et le lieu d’établissement du document est manifestement de la main d’un tiers.

Elle indique que c’est dans ce contexte, que mécontent de l’absence de création de son site, il a rompu les relations contractuelles et que le site ne peut avoir dès lors été réceptionné.

La mise en ligne n’a en réalité été effectuée que bien plus tard pour les besoins de la cause.

Par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021, la société Cohérence Communication demande à la Cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint Etienne du 26 mars 2021,

En conséquence,

– dire et juger n’y avoir lieu à application du droit de la consommation et débouter la société Chanteau Bois SARL de ses demandes fondées sur le code de la consommation,

– dire et juger que la société Cohérence communication a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles,

– débouter la société Chanteau Bois SARL de sa demande de résiliation de contrat de fourniture de site internet pour défaut d’obligation de délivrance et absence d’informations relatives au droit de rétractation,

– débouter en conséquence la société Chanteau Bois SARL de la totalité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Cohérence communication et de la SAS Locam,

– dire et juger si l’existence d’un délai de rétractation était retenue, qu’il est irrégulier car tardif,

– statuer ce que de droit en conséquence sur les demandes de la société Locam,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Chanteau Bois SARL à verser à la société Cohérence communication la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les frais irrépétibles de première instance,

– faire droit à l’appel incident et condamner la société Chanteau Bois SARL à verser à la société Cohérence Communication la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– condamner la société Chanteau Bois SARL à verser à la société Cohérence communication la somme de 2.000 euros, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

– condamner la société Chanteau Bois SARL aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle a respecté ses obligations contractuelles. Ainsi, elle fait observer que le procès verbal de livraison a été signé le 23 juillet 2018, et que le gérant ne peut prétendre qu’il a signé en blanc un document. Cette signature rend irrecevable toute contestation ultérieure. Le site a été mis en ligne, comme le démontre les extraits du site du 15 septembre 2021 et du 28 novembre 2019, l’extrait du 15 septembre 2021 comportant d’ailleurs la cartouche de cohérence communication. Les échanges de mails concernent surtout les logos et le mail du 20 septembre 2018 concernait une visite post contrôle.

Elle allègue en outre de l’absence d’application du code de la consommation, aux motifs pris que ceux ci portent sur des services financiers, et que le contrat conclu se situe dans le champ de l’activité principale du professionnel, s’agissant de la promotion de l’activité.

Subsidiairement, si la Cour retenait l’application des dispositions du code de la consommation, elle énonce que le bon de commande mentionne la possibilité de se rétracter et la mise à disposition du formulaire en ligne, de sorte que la société Chanteau Bois ne peut se prévaloir d’un délai allongé. Ainsi, à supposer les dispositions du code de la consommation applicables, la rétractation exercée le 2 octobre 2018 est nécessairement tardive.

La société Locam demande, quant à elle, par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 24 septembre 2021 à la Cour de :

– juger non fondé l’appel de la SARL Chanteau Bois : la débouter de toutes ses demandes et confirmer le jugement entrepris,

– condamner la SARL Chanteau Bois à régler à la société Locam une nouvelle indemnité de 2.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.

Elle soutient que le site web est conforme aux dispositions contractuelles et que la société Coherence communication a respecté ses engagements, s’associant aux arguments de cette dernière. Elle ajoute, contrairement à ce que soutient l’appelante, que tous les documents n’ont pas été signés le même jour et qu’ainsi le procès verbal de livraison a été signé à une date distincte. Dès lors, il appartenait à la société Chanteau Bois de ne pas le signer si elle estimait que le site n’était pas terminé.

Elle a manqué à ses obligations de paiement à l’égard de Locam.

En outre, les dispositions du code de la consommation n’ont pas à s’appliquer, le contrat entrant dans le champ de l’activité professionnelle. En effet, comme les premiers juges l’ont relevé, le site était destiné à promouvoir l’activité, mais offrait également une interactivité facilitant le choix des matériaux comme la prise de commande, de sorte que le contrat entrait bien dans le champ de l’activité professionnelle.

De plus, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de bien confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

Or, en l’espèce, le site a été conçu spécifiquement pour la société Chanteau bois et est adapté à ses besoins, de sorte que les dispositions du code la consommation ne s’appliquent pas.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I/- Sur l’application des dispositions du code de la consommation

Aux termes de l’article L 221-3 du code de la consommation les dispositions des sections II, III, VI du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendus aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l’objet de ce contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui ci est inférieur ou égal à cinq.

La société Locam évoque tout d’abord l’exclusion des dispositions du code de la consommation, au visa de l’article L 221-2 du code de la consommation, des contrats portant sur les services financiers conclus à distance et hors établissement.

Mais, en l’espèce, il s’agit d’un contrat de location financière conclu avec Locam, ce qui ne constitue pas un contrat portant sur un service financier. Les contrats de location sont en effet des contrats de louage régis par le code civil qui ne relèvent ni d’une opération de banque, ni de crédit ou d’assurance et n’entrent donc pas dans la définition du service financier.

L’argument est dès lors inopérant.

Ensuite, il convient de relever que la condition liée à l’emploi de moins de 5 salariés ne fait pas débat, étant précisé que la société Chanteau Bois produit en outre aux débats le document d’inscription au registre du commerce et des sociétés, le registre du personnel démontrant que l’entreprise compte moins de cinq salariés.

S’agissant de la condition tenant à un contrat hors établissement contesté, il est produit par la société Chanteau Bois le contrat de location financière portant sur la création d’un site web, entre la société Cohérence Communication et la société Chanteau Bois, signé à [Localité 7] le 2 juillet 2018. Ce siège n’est ni celui du locataire ni celui du fournisseur et l’argumentation selon lesquelles les communes de [Localité 7] et [Localité 6] seraient proches est inopérant.

S’il est produit par la société Cohérence Communication un bon de commande du 2 juillet 2018 mentionnant un lieu de signature à [Localité 6], siège social de la société Cohérence Communication, le gérant de la société Chanteau bois fait valoir qu’il n’a jamais eu ce document, qu’il est produit par la société Cohérence mais que certaines mentions figurant ont manifestement été calquées, les mentions manuscrites lu et approuvé étant plus claires ainsi que sa signature et son nom. Il ajoute que les différents documents n’ont pas pu être signés en des lieux différents. Il explique également que tous les documents ont été signés à [Localité 7] et que celui ci aurait le cas échéant pu l’être dans le cadre d’une liasse mais qu’il n’a rien signé à [Localité 6].

Il ressort en effet du document produit par la société Cohérence Communication intitulé bon de commande du 2 juillet 2018, que la signature du gérant, son nom et la mention lu et approuvé apparaissent en plus clair et n’ont manifestement pas été inscrites en même temps, ce qui accrédite la thèse de M. Chanteau. Le contrat de location produit a été signé à [Localité 7] et il n’est pas plausible que les deux documents aient été signés le même jour en des lieux différents. Il ne peut par ailleurs être retenu que la mention de [Localité 7] serait une erreur matérielle du gérant de la société Chanteau Bois comme l’énonce la société Cohérence communication.

Il convient au regard de ces éléments de retenir que le contrat a été signé à Rennes et donc hors établissement, comme l’a retenu le tribunal de commerce.

S’agissant de la troisième condition pour permettre l’application des dispositions du code de la consommation, il convient de vérifier, si le contrat signé par la SARL Chanteau Bois entre dans le champ de son activité principale.

Un contrat doit être considéré comme n’entrant pas dans le champ de l’activité principale du professionnel, lorsque l’objet n’est pas en lien avec le champ de compétence du professionnel, même s’il peut avoir un rapport direct avec l’exercice de son activité professionnelle.

En l’espèce, l’objet du contrat est la création d’un site internet dans le cadre d’une communication commerciale et publicitaire, alors que la SARL Chanteau Bois a une activité de charpentes et menuiseries. Le site a pour objet de promouvoir l’activité et la possibilité d’accès au catalogue et d’une certaine interactivité ne peut conduire à considérer que le contrat entre dans le champ d’activité principale de la société et du gérant, ce dernier ne disposant d’aucune compétence en matière informatique.

L’argument selon lequel le site serait personnalisé ne peut davantage prospérer, alors que l’objet d’un contrat soit la création du site internet n’entre en tout état de cause pas dans le champ de compétence du professionnel.

En conséquence, les conditions permettant l’application des dispositions du code de la consommation sont réunies, de sorte que le jugement déféré doit être réformé sur ce point.

II/- Sur l’exercice du droit de rétractation

En application de l’article L 221-5 alinéa 2 du code de la consommation, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ansi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en conseil d’Etat.

L’article L 221-9 du code de la consommation dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou avec l’accord du consommateur sur un autre support durable, confirmant l’engagement auprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L 221-5.

L’article L 242-1 dudit code énonce que les dispositions de l’article L 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Selon l’article L 221-18 du code de la consommation le consommateur dispose d’un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement,(…)

Le délai mentionné au premier alinéa court à compter de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L 221-4.

L’article L 221-20 du code de la consommation dispose qu’à défaut d’informations relatives au droit de rétractation, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial.

La société Locam évoque tout d’abord que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fournitures de biens confectionnés, selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisées en application de l’article L 221-28 3° du code de la consommation.

Cependant, en l’espèce, il résulte du bon de commande qu’il porte sur la création d’un site selon la fiche technique dédiée :

logiciel de création et gestion de contenu (GMS)

hébergement, maintenance et gestion du nom de domaine

analyse des visites

référence naturel google.

La fiche technique est peu développée, présentant seulement quelques rubriques en lien avec l’activité de la SARL Chanteau Bois mais qui pourrait être transposable à une autre société avec une activité similaire.

Ainsi, ces éléments constituent des éléments génériques pour la création d’un site Web et ne caractérisent pas un contrat de fourniture de biens, confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé, l’argument ne pouvant qu’être écarté.

Ensuite, il est mentionné sur le bon de commande signé par le représentant de la société Chanteau Bois le 2 juillet 2018 que le client bénéficie d’un droit de rétractation article 7 conformément aux dispositions des articles L 121-16 III et suivants du code de la consommation pouvant être exercé via un formulaire à télécharger sur le site www.cohérence-communication.fr

Si ce document mentionne que la SARL Chanteau accepte les conditions générales au verso, aucun verso n’a été communiqué.

Or, le fait de pouvoir télécharger un formulaire sur un site internet, sans indication dans le contrat du délai de rétractation et sans remise du borderau de rétractation ne répond pas aux exigences précitées, contrairement aux affirmations des intimées.

Dès lors, le délai de rétractation est prolongé selon les modalités de l’article L 221-20 du code de la consommation.

Or, si le contrat a été signé le 2 juillet 2018, la SARL Chanteau Bois a par courrier du 2 octobre 2018 expressément informé la société Cohérence Communication de l’exercice de son droit de rétractation portant sur ce contrat conclu entre elles.

Il ne fait pas débat que la société Cohérence Communication a bien été informée de cette demande de rétractation puisqu’elle a adressé le 16 octobre 2018 un courrier à la société Chanteau Bois, l’informant de ce que celle-ci ne peut être prise en compte.

Néanmoins, au regard des éléments précités, la société Chanteau Bois a bien exercé son droit de rétractation, celui ci étant valide.

Dès lors, le contrat ne peut recevoir application.

Le jugement étant réformé en ce sens.

III/- Sur les conséquences sur le contrat avec la société Locam

Les contrats concommittants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute. La caducité d’un contrat exclut l’application de la clause de ce contrat stipulant une indemnité de résiliation.

En l’espèce l’interdépendance des contrats est établie, de sorte que la rétractation de la société Chanteau Bois à l’égard de la société Cohérence Communication entraîne la caducité du contrat conclu avec Locam.

Les demandes en paiement de la société Locam ne peuvent en conséquence qu’être rejetées.

IV/- Sur la demande de dommages et intérêts formulée par Cohérence Communication

La société Cohérence Communication invoque une procédure abusive pour justifier sa demande de dommages et intérêts à l’égard de la société Chanteau Bois.

Or en l’espèce, la société Chanteau Bois a seulement usé de son droit d’exercer une action en justice et de former un droit de recours et aucun abus dans l’exercice de ce droit n’est démontré. En outre, la société Chanteau Bois obtient gain de cause en appel, de sorte que sa procédure ne peut au surplus être qualifiée d’abusive.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts.

-V/ Sur les demandes accessoires

Les sociétés Locam et Cohérence communication succombant, elles sont condamnées in solidum aux dépens de première instance, le jugement étant réformé sur ce point et aux dépens d’appel, avec recouvrement direct au profit de Maître John Curioz avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner la société Locam et la société Cohérence Communication à payer chacune à la SARL Chanteau Bois la somme de 1.500 euros pour les frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau et y ajoutant

Dit que la SARL Chanteau Bois a régulièrement exercé son droit de rétractation concernant le contrat du 2 juillet 2018 la liant à la SAS Cohérence Communication,

Déclare en conséquence caduc le contrat conclu avec la SAS Locam,

Déboute les SAS Locam et Cohérence Communication de toutes leurs demandes,

Condamne la SAS Cohérence Communication et la SAS Locam à payer à la SARL Chanteau Bois la somme de 1.500 euros chacune pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,

Condamne in solidum la SAS Cohérence Communication et la SAS Locam aux dépens de première instance et d’appel avec recouvrement direct au profit de maître Curioz avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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