Droit du Numérique : Cour d’appel de Bordeaux, 1ère CHAMBRE CIVILE, 21 mars 2023, 22/03391

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Droit du Numérique : Cour d’appel de Bordeaux, 1ère CHAMBRE CIVILE, 21 mars 2023, 22/03391

Avocats à Cahors (46), composé de Maîtres [T], [V], [I] et [S].

L’objet de cette saisine consiste en ce qu’il soit ordonné à la SELARL CAD Avocats, à [Localité 3], de procéder au changement de sa dénomination sociale et de son nom de domaine cadavocats.fr et, partant de son adresse électronique

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 21 MARS 2023

RP

N° RG 22/03391 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZML

SELARL. CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE – CAD

c/

SELARL. CAD AVOCATS

Nature de la décision : IRRECEVABILITE DE L’APPEL

Notifié aux parties

par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : avis bâtonnier tiers rendu le 14 juin 2022 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de BORDEAUX (54679) suivant recours du 13 juillet 2022

APPELANTE :

SELARL. CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE – CAD, représentée par ses gérants, Mrs [G] [P] et [W] [P], avocats au barreau de Nantes, domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

représentée par Maître Marie TASTET de la SARL MARIE TASTET, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Carole COUSON-WARLOP de la SELARL ARTLEX II, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMÉE :

SELARL. CAD AVOCATS, représentée par ses gérantes, Mmes [M] [V], [X] [I] et [H] [T], avocates au barreau de Cahors, domiciliées en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

représentée par Maître Bernard LAMON de la SELEURL NOUVEAU MONDE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le conseil du cabinet d’avocats Conseil Assistance Défense – CAD à Nantes (44) a saisi le 12 janvier 2022 le bâtonnier du barreau de Nantes, aux fins de conciliation et, à défaut, d’arbitrage, de difficultés rencontrées avec le cabinet CAD Avocats à Cahors (46), composé de Maîtres [T], [V], [I] et [S].

L’objet de cette saisine consiste en ce qu’il soit ordonné à la SELARL CAD Avocats, à [Localité 3], de procéder au changement de sa dénomination sociale et de son nom de domaine cadavocats.fr et, partant de son adresse électronique générale liée à ce dernier, [Courriel 4], au motif qu’ils créeraient un risque de confusion avec les signes distinctifs de la SELARL Nantaise Conseil Assistance Défense – CAD, ce qui serait constitutif d’actes de concurrence déloyale au préjudice de cette dernière et de manquements aux principes de confraternité, de loyauté et de délicatesse consacrés par l’article 1.3 du Règlement Intérieur National (RIN).

Les bâtonniers du barreau de Nantes et du barreau du Lot ont sollicité, en application des dispositions de l’article 20.1 du RIN, l’avis de la bâtonnière du barreau de Bordeaux, désignée en qualité de bâtonnier tiers.

Par avis du 14 juin 2022, la bâtonnière de l’ordre des avocats de Bordeaux a considéré :

– que les signes ‘Conseil Assistance Défense – CAD’ d’une part, et ‘CAD Avocats’ d’autre part, ne sont pas emprunts d’un degré élevé de similitude.

– que la dénomination sociale Conseil Assistance Défense – CAD d’une part, et la dénomination sociale CAD Avocats et le nom de dommaine cadavocats.fr d’autre part, sont exploités pour désigner des services rigoureusement identiques : des services d’avocats.

– que la coïncidence alléguée entre les rayonnements géographiques des cabinets d’avocats concernés n’est pas démontrée par la SELARL nantaise Conseil Assistance Défense – CAD d’une part, et a contrario, la SELARL cadurcienne CAD Avocats apporte, par l’examen des décisions accessibles sur le site doctrine.fr, un commencement de preuve de ce que lesdits rayonnements géographiques des cabinets concernés ne coïncideraient pas.

– que le faible degré de similitude entre les signes, conjugué à l’absence de démonstration de l’éventuelle coïncidence des rayonnements géographiques des cabinets concernés, est de nature à exclure tout risque de confusion entre les dénominations Conseil Assistance Défense – CAD d’une part, et CAD Avocats et le nom de domaine cadavocats.fr d’autre part.

Le bâtonnier tiers a ainsi estimé que la SELARL nantaise Conseil Assistance Défense – CAD semblait devoir être déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Par courrier reçu au greffe le 13 juillet 2022, le conseil de la SELARL Conseil Assistance Défense – CAD, a saisi la cour d’appel de Bordeaux d’un recours contre l’avis rendu et par conclusions déposées le 26 janvier 2023, cette société demande à la cour de :

A titre principal,

– juger irrégulière la décision d’arbitrage rendue le 14 juin 2022 ;

– infirmer la décision d’arbitrage en ce qu’elle ne respecte pas les règles applicables en matière de conciliation et d’arbitrage prévues en cas de différends entre avocats nés à l’occasion de l’exercice de leur profession ;

– annuler la décision d’arbitrage en ce qu’elle viole le principe du contradictoire ;

Et, en conséquence :

– renvoyer le présent litige devant un bâtonnier compétent en vue de l’organisation d’une procédure de conciliation entre les parties et en cas d’échec de la conciliation, en vue de l’organisation d’une procédure d’arbitrage ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse extraordinaire où il serait jugé que la décision d’arbitrage est régulière,

– réformer intégralement la décision rendue et ;

– juger à nouveau infondé l’ensemble des arguments soulevés dans cette décision ;

– ordonner à la société CAD AVOCATS de modifier sa dénomination sociale, son nom de domaine et son adresse email pour éviter tout risque de confusion avec les signes antérieurs de la société CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE ‘ CAD ;

– condamner la société CAD AVOCATS à cesser tout acte de concurrence déloyale et parasitaire à l’égard de la société CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE ‘ CAD ;

– condamner la société CAD AVOCATS à verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE ‘ CAD.

En tout état de cause,

– condamner la société CAD AVOCATS à verser à la société CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE – CAD 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions déposées le 7 février 2023, la SELARL CAD Avocats prie la cour de :

A titre liminaire,

– Déclarer irrecevable la demande initiale comme insuffisamment précise et étayée en droit et en fait,

– En conséquence, débouter l’appelante de toutes ses demandes fins et conclusions,

A titre liminaire subsidiaire,

– Débouter l’appelante de toutes ses demandes et la renvoyer à mieux se pourvoir devant un tribunal compétent en matière de propriété intellectuelle,

A titre subsidiaire,

– Annuler la décision dont appel comme irrégulière,

– Evoquer l’instance,

– Débouter l’appelante de toutes ses demandes fins et conclusions,

Dans tous les cas,

– Débouter CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE -CAD de toutes ses demandes,

– Condamner CONSEIL ASSISTANCE DEFENSE- CAD à payer à CAD AVOCATS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 7 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

A l’audience de plaidoirie, la SELARL CAD Avocats a soulevé l’irrecevabilité de l’appel en ce que cette voie de recours n’est pas ouverte à l’égard de la décision déférée qui constitue un simple avis du bâtonnier.

L’appelante a répliqué qu’elle avait saisi le bâtonnier de Nantes d’une demande de conciliation et d’arbitrage et non d’avis et que la notification de la décision entreprise indique bien la nature, les délais et modalités du recours ouvert devant la cour d’appel conformément aux dispositions de l’article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

S’il est exact que la saisine initiale du bâtonnier de Nantes portait sur une demande de conciliation et à défaut d’arbitrage (pièce n°17 appelante), il est non moins vrai que la décision déférée à la cour procède uniquement d’une demande d’avis à un bâtonnier tiers désigné le 11 mars 2022 à la demande des bâtonniers de Nantes et du Lot en application des dispositions de l’article 20.1 du RIN (pièce 7 intimée).

Il apparaît aussi que l’acte déféré à la cour s’intitule ‘AVIS BATONNIER TIERS’, que son dispositif mentionne non une décision de nature juridictionnelle mais un simple avis aux termes duquel la bâtonnière de Bordeaux a estimé que la SELARL nantaise Conseil Assistance Défense – CAD semblait devoir être déboutée de l’intégralité de ses demandes.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la bâtonnière n’a pas procédé à la conciliation préalable ni organisé le débat contradictoire imposés par les articles 179-1 et 179-4 du décret précité du 27 novembre 1991 en matière d’arbitrage comme le relèvent les deux parties

Les dispositions de l’article 20-1 du RIN n’ayant pas pour objet et ne pouvant avoir légalement pour effet de réglementer la procédure d’arbitrage du bâtonnier applicable en cas de différend professionnel entre deux avocats de barreaux distincts, mais uniquement d’obtenir, en cas de désaccord de leurs bâtonniers respectifs, un avis d’un bâtonnier tiers qui ne se confond pas avec la procédure d’arbitage, qui ne tranche pas le litige entre avocats (CE 29 janvier 2014 JCP 2014.244), et n’ouvre pas droit en conséquence à un recours, faute de faire grief aux parties

(Civ.1ère 3 mai 2018.17-17.717).

Par ailleurs, en vertu des dispositions des articles 536 et 680 du code de procédure civile, l’indication erronée de l’existence d’un recours ou de son délai n’a pas pour effet de le rendre recevable (Com.2 mai 1977 D.1978 IR57), de sorte que les mentions inexactes de la notification de l’avis déféré à la cour sur la nature, les formes et délais du recours sont sans conséquence sur l’irrecevabilité de l’appel qui sera prononcée sans qu’il soit utile d’examiner les autres moyens d’irrecevabilité ou de nullité invoqués par les parties.

Sur les demandes annexes

Au regard des circonstances du litige et du fait que l’appelante a pu être induite en erreur sur l’ouverture du recours qu’elle a exercé à l’encontre de l’avis du 14 juin 2022, chaque partie supportera ses propres dépens et frais hors dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare l’appel irrecevable;

Dit n’y avoir lieu à indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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