Droit du Numérique : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 9 septembre 2022, 19/02291

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Droit du Numérique : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 9 septembre 2022, 19/02291

constatées en interne sur le chiffre d’affaires d’ores et déjà en baisse de 13 % au 31août de cette année par rapport à la même date lors de l’exercice précédent, ne permettent pas de laisser entrevoir un redressement de l’activité économique de 1′ entreprise trop fortement concurrencée par l’économie numérique

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2022

N°2022/ 274

Rôle N° RG 19/02291 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDYJY

SARL SARL INTERNATIONAL AUTO PARTS

C/

[O] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :09/09/2022

à :

Me Christophe MAMELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Anne-sylvie VIVES, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 17 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00096.

APPELANTE

SARL INTERNATIONAL AUTO PARTS, demeurant [Adresse 1]

ayant constitué Me Christophe MAMELLI de la SELARL SAJEF AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, absent à l’audience.

INTIME

Monsieur [O] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Anne-sylvie VIVES, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, et M. Ange FIORITO, Conseiller, chargés du rapport.

M. Ange FIORITO, Conseiller,est chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Selon contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2013, M.[R] a été recruté par la SARL International Auto Parts en qualité de technico-commercial. Le 24 octobre 2016, il a été licencié pour motif économique.

Le 15 février 2017, M.[R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une contestation de son licenciement.

Par jugement du 17 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Toulon a’:

– constaté que le licenciement de M.[R] ne reposait sur aucun motif économique,

– constaté la violation de l’obligation de reclassement,

– constaté que la lettre de licenciement ne mentionnait pas le nom du signataire,

– dit et jugé le licenciement de M.[R] dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

– condamné la SARL International Auto Parts à payer à M.[R] les sommes suivantes’:

– 25’000’€ nets à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif’;

– 1’500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens’;

– dit que les sommes allouées à titre d’indemnité et de dommages-intérêts s’entendent en nets de charges et toutes contributions sociales’;

– débouté du surplus de ses demandes’;

– débouté la SARL International Auto Parts de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– laissé les dépens à la charge de la SARL International Auto Parts.

Le 8 février 2019 la SARL International Auto Parts a fait appel de ce jugement.

Selon ses conclusions du 6 mai 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SARL International Auto Parts demande de’:

– réformer l’intégralité du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon en date du 17 décembre 2018 en ce qu’il a :

– constaté que le licenciement de M.[R] ne reposait sur aucun motif économique’;

– constaté le non-respect de l’obligation de recherche préalable de reclassement’;

– constaté que la lettre de licenciement ne mentionnait pas le nom du signataire’;

– dit et jugé que le licenciement de M.[R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

– l’a condamnée à payer à M.[R] les sommes de :

– 25.000€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif’;

– 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens’;

statuant à nouveau’;

– dire et juger que le licenciement économique repose sur une cause économique réelle et sérieuse’;

– débouter M.[R] de l’ensemble de ses demandes’;

en tout état de cause’;

– condamner M.[R] à lui verser la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit du Cabinet [W].

A l’issue de ses conclusions du 10 mai 2021 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M.[R] demande de’:

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 17 décembre 2018 en ce qu’il a jugé que le licenciement économique ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, le non-respect de l’obligation de reclassement, l’absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement mais le réformer sur le quantum de l’indemnisation allouée’;

ainsi’;

– constater que son licenciement ne repose sur aucun motif économique,

– constater la violation de l’obligation de reclassement,

– constater que la lettre de licenciement ne mentionne pas le nom du signataire,

– constater, dire et juger son dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

en conséquence’;

– condamner la SARL International Auto Parts à lui payer la somme de 50’000’€ nets à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif’;

– dire que les sommes allouées à titre d’indemnité et de dommages-intérêts s’entendent en nets de charges et toutes contributions sociales’;

– condamner la SARL International Auto Parts à lui payer la somme de 3’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens’;

– condamner la SARL International Auto Parts aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 mai 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

La SARL International Auto Parts, avisée à la diligence du greffe le 17 février 2022 de la fixation de l’audience de plaidoiries à la date du 31 mai 2022 à 14’h’00 n’a pas comparu.

SUR CE’:

La lettre de licenciement adressée à M.[R] comprend une signature imputée à «’la direction’» sans mentionner expressément son auteur ni comprendre des indications permettant, implicitement, de déduire son identité. Cependant, il ressort de la convocation à entretien préalable à licenciement et de la remise à M.[R] des documents d’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle que cette signature correspond à celle de M.[F], gérant de la SARL International Auto Parts. Dès lors,le moyen tiré du défaut d’identificaiton du signataire de la lettre de licenciement est inopérant.

L’article L.’1233-3 du code du travail, dans sa version issue de la loi 2008-596 du 25 juin 2008, en vigueur lors du licenciement de M.[R], prévoit que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La jurisprudence applicable à ces dispositions retient enfin qu’une réorganisation peut être une cause économique de licenciement si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

En l’espèce, la SARL International Auto Parts exerçait son activité dans les mêmes locaux qu’une société DPM’83. Ces deux sociétés avaient le même objet, à savoir le commerce de détail d’équipements automobile. Elles bénéficiaient du même gérant et du même associé et appartenaient à une société Holding [F] Finance.

La lettre de licenciement adressée le 24 octobre 2016 par la SARL International Auto Parts à M.[R] est rédigée dans les termes qui suivent’:

«’A la suite de notre entretien du mercredi 12 octobre 2016, nous vous informons que notre entreprise est contrainte de vous licencier pour motif économique.

Les éléments et autres causes justifiant ce motif économique, et plus particulièrement les graves difficultés économiques rencontrées nécessitant une réorganisation de la société pour en sauvegarder la compétitivité, vous ont été exposés lors de cet entretien et sont pour rappel les suivants :

Depuis ces dernières aimées, le volume de notre activité n’a cessé de diminuer et les résultats d’exploitation, témoignant de la viabilité économique de notre société, se sont indéniablement et très fortement dégradés, en enregistrant un dernier exercice fortement dégradé :

– Exercice 2015 : Résultat bénéficiaire de 542 €

– Exercice 2014 : Résultat bénéficiaire de 14.674 €

Ce résultat s’inscrit dans un contexte global marqué par une dégradation manifeste des éléments comptables suivants :

– Un montant des charges d’exploitation de la société toujours élevé : 314.413,00 € en 2015, 557.753,00 € en 2014

Charges qui restent trop élevées par rapport à nos produits d’exploitation fortement dégradés en 2015 : production vendue de l’année en forte baisse de 45 % (316.192,00 € en 2015 contre 575.738 en 2014).

Ainsi, parmi les charges d’exploitation de la société :

– Le poste « salaires et charges » reste le poste plus important et la cause principale de notre déficit :

– 70.001€ (salaires) et 14.726 € (charges) au 31décembre 2015

– Représentant plus de 26 % des charges d’exploitation de la société au 31décembre 2015 et ce malgré la baisse de rémunération de la gérance mise en place au cours de cet exercice afin d’endiguer une la baisse continue des produits d’exploitation (7.000 € en 2015 contre 20.000,00 euros en 2014).

Le résultat d’exploitation qui constitue l’indicateur essentiel de la vitalité de notre activité économique a chuté de 90,07 % entre 2014 et 2015 passant de 17.923 euros à 1.779 euros.

Au bénéfice de l’ensemble de ces éléments, il est constant que le résultat net issu de notre activité est en très forte et continue dégradation depuis 2 ans :

– exercice 2015 : Résultat bénéficiaire de 542 euros

– exercice 2014 : Résultat bénéficiaire de 14.674 euros

– Soit une baisse de 96% du résultat opérationnel.

Dans ce contexte, la baisse continue de nos produits d’exploitation sur ces deux dernières années (- 259.546 euros) et les perspectives constatées en interne sur le chiffre d’affaires d’ores et déjà en baisse de 13 % au 31août de cette année par rapport à la même date lors de l’exercice précédent, ne permettent pas de laisser entrevoir un redressement de l’activité économique de 1′ entreprise trop fortement concurrencée par l’économie numérique et le développement des sites spécialisées dans la vente de pièces automobiles.

Notre société se ù:ouve aujourd’hui confrontée à la fois à des difficultés d’équilibre de gestion et de trésorerie insuffisante, qui nous imposent de réduire notre masse salariale, qui représente aujourd’hui plus de 26 % des charges de 1’entreprise.

En synthèse, le danger pour notre société résulte, non seulement dans une rétractation sévère de ses pr6duits d’exploitation et de son domaine d’activité mais encore par une concurrence accrue et agressive de 1′économie numérique et des sites spécialisés dans notre domaine d’activité.

C’est dans ce contexte précis, marqué à la fois par une dégradation de ses résultats mais aussi par un danger remettant en cause la compétitivité globale de son modèle économique que notre société a entendu mettre en oeuvre diverses mesures de réorganisation visant à sauvegarder sa compétitivité, à anticiper des difficultés économiques plus importantes et ainsi éviter un dépôt de bilan.

Plus précisément, ces difficultés économiques combinées à la nécessaire sauvegarde de la compétitivité de la société imposent de réorganiser en profondeur son activité en procédant, entre autre mesure, à une réduction des charges de la société (rémunération de la gérance en baisse de 65 % dès 2015, réduction des déplacements et des frais consécutifs, renégociation des contrats de location) et à une compression d’effectif conduisant à la suppression de votre poste de Technico-commercial dont les fonctions et tâches seront directement prises en charge par la gérance.

Bien entendu, la direction de la société a tout mis en oeuvre pour tenter un reclassement en ce qui vous concerne. Toutefois, la taille réduite de notre structure et 1’absence de poste disponible susceptible de vous être présenté au sein de notre périmètre de reclassement, que ce soit par la voie d’une adaptation voire d’une formation, n’ont pas permis d’aboutir en ce sens.

La présente lettre recommandée constitue donc la notification de votre licenciement pour motif économique pour suppression de votre emploi’».

M.[R] produit aux débats les témoignages de M.[B] et de M.[K], anciens salariés de la société DPM’83 travaillant dans les mêmes locaux que M.[R], qui témoignent respectivement, d’une part, que de mars 2014 à février 2016, M.[R] réalisait des recherches de pièces détachées pour la société DPM 83 et, d’autre part, que pendant l’été 2016, M.[R] faisait des recherches et des ventes de pièces détachées pour la société DPM 83.

Par ailleurs, il est démontré par M.[R] que, après un entretien préalable à licenciement du 12 octobre 2016, un formulaire d’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle lui a été remis par la société DPM 83.

En outre, M.[R] bénéficiait de l’adresse courriel suivante «'[Courriel 3]’».

De surcroît, M.[R] verse aux débats des factures relatives aux clients PDF et LLS, au nom de la société DPM 83, le mentionnant en qualité de représentant de cette société. Il produit en outre aux débats, le détail des ventes qu’il a réalisé pour le compte de la SARL International Auto Parts en 2014 et 2015 concernant divers clients, dont le client PDF , un extrait de la comptabilité de la société DPM’83 démontrant la réalisation par ses soins d’un chiffre d’affaires en 2015 de 313’680,90’euros au profit de cette société concernant le client PDF et, concernant le client LLS, un chiffre d’affaires réalisé par ses soins pour un montant de 341’324,03’euros en 2016.

Il est ainsi établi que M.[R], technico-commercial de la SARL International Auto Parts, a exercé au cours des années 2015 et 2016 la majeure partie de son activité au profit d’une société DPM 83 qui n’avait pas la qualité d’employeur de ce dernier et que la baisse de chiffre d’affaires invoquée par la SARL International Auto Parts pour procéder à son licenciement trouve sa cause dans la confusion entretenue par le gérant de ces deux sociétés qui a appauvri la SARL International Auto Parts au profit de la société DPM 83.

L’article L.’1233-4 du même code, dans sa version issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, applicable au litige, énonce que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie, que le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure et que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il a été retenu que M.[R] a exercé son activité au profit de la société DPM’83, appartenant au même groupe que la SARL International Auto Parts. Cette dernière, qui se borne à soutenir que compte tenu de son effectif restreint, elle ne pouvait procéder au reclassement de M.[R] en interne, ne justifie pas de ses recherches de reclassement au sein du groupe auquel elle appartenait.

Il ressort de ce qui précède que les difficultés économiques de la SARL International Auto Parts trouvent leur cause dans le comportement fautif de la SARL International Auto Parts et que cette dernière ne justifie pas d’une tentative de reclassement de M.[R] au sein du groupe auquel elle appartenait. Le licenciement pour motif économique de M.[R] s’avère en conséquence privé de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’ancienneté de M.[R] dans l’entreprise et d’un salaire mensuel moyen de 3’504’euros bruts au cours des 12 derniers mois de travail, le conseil de prud’hommes a fait une juste indemnisation du préjudice subi par M.[R] à raison de la rupture de son contrat de travail en lui allouant la somme de 25’000’euros à titre de dommages- intérêts.

Enfin la SARL International Auto Parts, partie perdante qui sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles et condamnée aux dépens, devra payer à M.[R] la somme de 2’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,

DECLARE la SARL International Auto Parts recevable en son appel;

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 17 décembre 2018′;

Y AJOUTANT;

CONDAMNE la SARL International Auto Parts à payer à M.[R] la somme de 2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SARL International Auto Parts aux dépens.

Le Greffier Le Président


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