Procédure collective : le relevé de forclusion

·

·

Procédure collective : le relevé de forclusion
Ce point juridique est utile ?

L’article L 622-24 alinéa 2 du code de commerce prévoit que ‘les créanciers titulaires d’une sureté publiée (…) sont avertis personnellement, ou s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration [deux mois]court à leur égard à compter de la notification de l’avertissement’ qui leur est adressé par le mandataire judiciaire.

La jurisprudence constante considère que l’avertissement doit être réalisé par le mandataire judiciaire dès lors qu’il s’agit d’une sûreté ou un contrat ayant donné lieu à publication, peu importe que sa validité soit mise en cause ultérieurement, et soit effectivement reçu par le créancier pour faire courir le délai de déclaration de créance.

L’article L 622-26 du même code prévoit la possibilité pour le créancier d’exercer une action en relevé de forclusion dans le délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture s’agissant des créanciers chirographaires ou, pour les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, dans le délai de 6 mois à compter de l’avis qui leur est donné.

En l’espèce, l’avertissement visé à l’article L 622-24 du code de commerce a bien été adressé sous la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception le 29 novembre 2017 à M. [K] à l’adresse figurant sur l’état des inscriptions soit, au [Adresse 2] à [Localité 5] qui était par ailleurs l’adresse déclarée par M. [K] dans l’acte de cession du fonds de commerce, que le mandataire judiciaire pouvait légitimement croire être celle du créancier.

——-

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2023

N° 2023/108

Rôle N° RG 19/01116 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDU2D

[Z] [K]

(AJPartielle n°2019/002702 du 08/03/2019 BAJ AIX-EN-PROVENCE)

C/

[S] [J]

Société BAR DES SPORTS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascale PENARROYA-LATIL

Me Florent LADOUCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 08 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2018/4817.

APPELANT

Monsieur [Z] [K]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/002702 du 08/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître [S] [J]

Es qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société BAR DES SPORTS, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SARLU BAR DES SPORTS

dont le siège social est sis, [Adresse 2]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2023

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Rappel des faits, de la procédure et des prétentions des parties

M. [Z] [K] a cédé à la Sarl Bar des Sports en cours d’immatriculation, par acte sous seings privés enregistré à la recette des impots de [Localité 4] le 26 mai 2014, un fonds de commerce de débit de boisson situé [Adresse 2] à [Localité 5], pour le prix de 85 000 euros, payable au moyen de 85 versements mensuels égaux de 1 000 euros chacun, jusqu’à total règlement de la somme due, le tout sans intérêts.

M. [Z] [K] a fait publier au greffe du tribunal de commerce de Draguignan une inscription du privilège du vendeur et une inscription de priviliège de nantissement sur le fonds de commerce de la Sarl Bar des Sports.

La Sarl Bar des Sports a cessé tout versement à compter de janvier 2016.

Par jugement en date du 10 octobre 2017, le tribunal de commerce de Draguignan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la Sarl Bar des Sports, fixé la date de cessation des paiements au 15 janvier 2016 et désigné Me [J] en qualité de mandataire judiciaire.

Le jugement a été publié au Bodacc le 17 octobre 2017.

Me [J] a, par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 novembre 2017, adressé à M. [K], [Adresse 2] à [Localité 5], en tant que créancier titulaire d’une sureté publiée, l’avertissement prévu aux articles L 622-24 et R 622-21 et invité ce dernier à déclarer sa créance au passif de la procédure collective.

Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 05 décembre 2017, publié au Bodacc le 10 décembre 2017.

Le 22 mars 2018, M. [Z] [K] a adressé un courrier à Me [J] ès qualités dans lequel il lui faisait part que M. [M] à qui il a vendu son commerce ‘le bar des sports’ ne lui avait pas réglé les échéances mensuelles convenues et lui devait depuis janvier 2016 la somme de 27 000 euros. Il indiquait en outre que l’acte de vente prévoyait une clause ‘de sécurité’ à son profit en cas de non paiement. Il réclamait le versement de l’arriéré et la reprise des échéances.

En réponse à ce courrier, Me [J] l’informait par courrier du 4 avril 2018 adressé cette fois-ci, [Adresse 3], qu’il lui avait adressé un avis d’avoir à déclarer sa créance, ce que ce dernier n’avait pas fait et que, dès lors, celle-ci était inopposable.

Par courrier du 14 avril 2018, le conseil de M. [Z] [K] a effectué une déclaration de créance à hauteur de la somme de 80 010 euros à titre privilégié et de 29 350 euros à titre chirographaire entre les mains de Me [J], qui l’a contestée, et saisi le 2 août 2018 le juge commissaire d’une demande de relevé de forclusion, aux fins de déclarer la créance opposable à la liquidation judiciaire de la Sarl Bar des Sports.

Par ordonnance du 04 octobre 2018, le juge commissaire a rejeté la demande du requérant qui a saisi le tribunal de commerce d’une opposition dirigée contre cette ordonnance.

Par jugement en date du 8 janvier 2019, le tribunal de commerce a débouté M. [Z] [K] de ses demandes et confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance en date du 4 octobre 2018, condamné celui-ci au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.

M. [Z] [K] a fait appel du jugement par déclaration en date du 16 janvier 2019.

Pour fonder sa décision, le tribunal de commerce a retenu que le mandataire judiciaire a adressé le 29 novembre 2017 à M. [K], [Adresse 2] à [Localité 5], une lettre recommandée avec accusé de réception, l’invitant à produire sa créance au passif de la procédure ; que l’adresse du destinataire est celle figurant sur l’inscription de privilège du vendeur et l’inscription de privilège de nantissement sur le fonds de commerce publiée au greffe du tribunal de commerce de Draguignan ; que le courrier a été distribué le 1er décembre 2017 et l’avis de réception a été retourné signé, sans autre mention ; qu’il appartenait au créancier bénéficiaire d’une inscription de privilège de faire enregistrer et publier toute modification de cette adresse sur l’inscription enregistrée, ce qu’il n’a pas fait.

Aux termes de ses dernières écritures déposées et notifiées par RPVA le 22 décembre 2022, M. [Z] [K] sollicite de la cour :

– de débouter Me [J] ès qualité de ses demandes ;

– d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– de dire et juger l’avis en date du 27 novembre 2017 adressé par Me [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarlu Bar des Sports, irrégulier ;

– de dire et juger que le délai de forclusion n’a pas couru à l’encontre de M. [K].

En conséquence,

– le relever de la forclusion encourue et fixer au passif de la Sarlu Bar des Sports, la créance privilégiée de M. [Z] [K] à hauteur de 80 010 euros ;

– fixer au passif de la Sarl Bar des Sports la créance chirographaire de M. [Z] [K] à hauteur de 29 350 euros ;

– dire et juger que les frais irrépétibles de la procédure seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Bar des Sports.

Il invoque les dispositions de l’article 4-1 de l’arrêté du 7 février 2007 pris en application de l’article R 2-1 du code des postes et des communications électroniques fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux et soutient que la remise du pli recommandé à une personne n’ayant pas qualité pour le recevoir ou n’étant pas habilité à le recevoir pour le compte du destinataire ne peut faire courir le délai visé à l’article R 622-21 du code de commerce ; qu’il suffisait d’un examen des signatures figurant sur l’avis de réception et sur l’acte de cession du fonds de commerce pour s’apercevoir que les signatures étaient différentes et que celle figurant sur l’avis de réception n’était pas celle du cédant mais celle de M. [M], gérant de la Sarl Bar des Sports alors en redressement judiciaire à qui le pli recommandé avait été indument remis. Il soutient par ailleurs que l’avertissement du 29 novembre 2019 comporte des mentions erronées et mentionne un jugement de liquidation judiciaire postérieur à la date de l’avertissement et que le liquidateur n’ayant pas démontré avoir satisfait à ses obligations, le délai n’a pu courir à son encontre, étant par ailleurs de bonne foi.

Aux termes de ses dernières écritures déposées et notifiées par RPVA le 3 janvier 2023, Maître [J] es qualités demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [K] de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Il fait valoir pour l’essentiel la nullité du nantissement du fonds et partant, que l’appelant étant un créancier chirographaire, celui-ci se trouve forclos en sa demande de relevé de forclusion dans la mesure où le délai de 6 mois part à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture soit à compter du 17 octobre 2017 ; que dans l’hypothèse où le nantissement serait déclaré valable, le délai de forclusion courant à compter de la réception du courrier, soit le 1er décembre 2017, la requête en relevé de forclusion a été déposée hors délai.

Concernant l’adresse à laquelle l’avis a été envoyé, il s’agit de l’adresse figurant sur le nantissement et qui résulte de l’acte de cession lui-même qui stipule que le cédant fait élection de domicile à son siège social tel que mentionné en tête des présentes, soit le [Adresse 2] à [Localité 5]. Il fait valoir en outre que l’appelant ne démontre pas que la signature figurant sur l’accusé de réception ne serait pas la sienne.

L’avis de fixation à l’audience des plaidoiries du 02 février 2023 a été envoyé aux parties et la clôture a été prononcée le 05 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens soutenus à l’appui de leurs prétentions.

MOTIFS

Sur le relevé de forclusion :

L’article L 622-24 alinéa 2 du code de commerce prévoit que ‘les créanciers titulaires d’une sureté publiée (…) sont avertis personnellement, ou s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration [deux mois]court à leur égard à compter de la notification de l’avertissement’ qui leur est adressé par le mandataire judiciaire.

La jurisprudence constante considère que l’avertissement doit être réalisé par le mandataire judiciaire dès lors qu’il s’agit d’une sûreté ou un contrat ayant donné lieu à publication, peu importe que sa validité soit mise en cause ultérieurement, et soit effectivement reçu par le créancier pour faire courir le délai de déclaration de créance.

L’article L 622-26 du même code prévoit la possibilité pour le créancier d’exercer une action en relevé de forclusion dans le délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture s’agissant des créanciers chirographaires ou, pour les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, dans le délai de 6 mois à compter de l’avis qui leur est donné.

En l’espèce, l’avertissement visé à l’article L 622-24 du code de commerce a bien été adressé sous la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception le 29 novembre 2017 à M. [K] à l’adresse figurant sur l’état des inscriptions soit, au [Adresse 2] à [Localité 5] qui était par ailleurs l’adresse déclarée par M. [K] dans l’acte de cession du fonds de commerce, que le mandataire judiciaire pouvait légitimement croire être celle du créancier.

Ainsi que l’ont à juste titre relevé les premiers juges, l’accusé de réception mentionnait une date de remise au destinataire et comportait une signature, sans autre indication, de sorte qu’il ne peut être fait grief au mandataire judiciaire qui n’a eu connaissance de la nouvelle adresse de M. [K], [Adresse 3], qu’à la réception du courrier de ce dernier daté du 22 de mars 2018, soit postérieurement à l’écoulement du délai de deux mois visé à l’article R 622-24, de ne pas avoir accompli les obligations qui lui incombaient.

Si l’avertissement daté du 29 novembre 2017, réceptionné le 1er décembre 2017, fait référence à un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire rendu le 5 décembre 2017 à l’encontre de la SARLU Bar des Sports, et non au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire rendu le 10 octobre 2017, publié au Bodacc le 17 octobre 2017, cette indication erronée qui relève de l’erreur matérielle, est en l’espèce inopérante puisque le créancier n’a pas été destinataire de cet avertissement.

Le fait que M. [Z] [K] n’ait pas personnellement et effectivement réceptionné cet avertissement, résulte de la négligence de celui-ci à qui il incombait en tant que créancier bénéficiaire d’une sûreté publiée, de faire enregistrer toute modification sur l’inscription enregistrée, et notamment, de solliciter une modification en cas de changement d’adresse, ce qu’il n’a pas fait.

La remise de cet avertissement au créancier a fait courir le délai de deux mois pour effectuer la déclaration de créance, ainsi que le délai de six mois visé au dernier alinéa de l’article L 622-26 du code de commerce, laissé au créancier retardataire, pour saisir le juge commissaire d’une demande en relevé de forclusion.

M. [Z] [K] ne peut se prévaloir de sa négligence, dès lors qu’il lui incombait en tant que créancier bénéficiaire d’une sûreté publiée, de faire enregistrer toute modification sur l’inscription enregistrée, et notamment, de solliciter une modification en cas de changement d’adresse, ce qu’il n’a pas fait. Il est par conséquent mal fondé à soutenir que l’avertissement du mandataire judiciaire, délivré le 19 novembre 2017, n’a pu faire courir le délai prévu à l’article R 622-24 du code de commerce.

Il y a lieu par conséquent de débouter M. [Z] [K] de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires

M. [Z] [K] succombant en son appel sera condamné aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu à prononcer de condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute M. [Z] [K] de ses demandes ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Draguignan le 8 janvier 2019 en toutes ses dispositions ;

Dit n’y avoir lieu à prononcer une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] [K] aux dépens de l’instance d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Chat Icon