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Pour déterminer les résultats de la SASU Océames, le vérificateur s’est fondé, à défaut de déclarations, de comptabilité et de toute pièce justificative, sur les encaissements bancaires. La société requérante fait valoir que le service vérificateur aurait dû mettre en œuvre plusieurs méthodes de reconstitution de ses recettes et prendre en compte ses conditions d’exploitation. Toutefois, l’administration n’est tenue par aucune disposition législative ou règlementaire d’utiliser plusieurs méthodes de reconstitution. A ce titre, la SASU Océames n’est pas fondée à se prévaloir de la documentation de base 4 G 3343 n°4, qui précise que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l’application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et qui n’a en tout été de cause pas été reprise par la doctrine en vigueur depuis 2012. Le caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la reconstitution n’est par suite pas établi. En se bornant à soutenir que certains encaissements bancaires pourraient correspondre à des remboursements, des indemnités non imposables, des virements de compte à compte, ou autre, et à invoquer sans autre précision ni justification les conditions de son exploitation, la société requérante n’établit pas davantage la surévaluation de son chiffre d’affaires.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Océames a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations, amendes et intérêts de retard, des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2014 et 2015 et des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 1901013 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 811 euros prononcé en cours d’instance et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 juin 2021 et 31 août 2022, la SASU OCEAMES, représentée par Me Dumont, avocat, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce qui concerne sa réponse aux moyens tirés de l’insuffisance de motivation de l’avis de mise en recouvrement et de l’absence de justification de la pénalité de 100 % pour opposition au contrôle ;
– le jugement est entaché d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation et de contradiction de motifs ;
– l’administration fiscale n’a pas respecté les droits de la défense ;
– l’administration fiscale ne justifie pas de l’envoi de l’avis de vérification et de la charte du contribuable vérifié avant l’engagement du contrôle dès lors que l’accusé de réception n’indique pas le contenu du pli et n’est pas signé par son gérant, que la mention manuscrite de la date de présentation a pu être apposée postérieurement et que l’avis de passage n’est pas produit ; elle n’a pas disposé d’un délai suffisant entre son information du contrôle et la première intervention du vérificateur ; les droits de la défense n’ont pas été respectés en ce que la charte du contribuable vérifié ne lui a pas été communiquée ;
– il n’est pas justifié de l’envoi et de la remise de la proposition de rectification, ni par suite de ce que cette proposition de rectification lui a été adressée au moins trente jours avant la mise en recouvrement des impositions ;
– en matière de TVA, imposition communautaire, l’obligation de motiver la proposition de rectification s’impose en vertu de l’article 296 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union ;
– la proposition de rectification est insuffisamment motivée, notamment en ce qui concerne l’opposition au contrôle, les encaissements regardés comme des recettes, l’application du taux normal de TVA et le taux de charges ;
– elle n’a pas été destinataire d’une mise en demeure préalable à la taxation d’office de ses résultats ; le 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales est illégal, inconstitutionnel et inconventionnel ;
– l’administration fiscale ne lui a pas communiqué les renseignements obtenus de tiers sur lesquels sont fondés les rectifications, concernant notamment les encaissements bancaires ;
– le procès-verbal d’opposition à contrôle ne pouvait être dressé, dès lors que le courrier de première mise en garde du 4 décembre 2016 était prématuré et que l’administration fiscale ne justifie pas de ce que contenait le pli qu’elle a reçu ; l’opposition au contrôle a été constatée dans des délais très courts ; elle n’est pas avérée faute pour l’administration fiscale de démontrer la volonté du contribuable de faire obstacle à la mise en œuvre du contrôle ;
– l’avis de mise en recouvrement est insuffisamment motivé, notamment en ce qu’il ne vise pas les articles appliqués en matière de TVA, d’intérêts de retard et de majoration ;
– l’administration fiscale ” n’a pas suffisamment motivé la décision de rejet ” ;
– elle ” n’a pas respecté son délai de reprise pour notifier ” ;
– ces irrégularités sont des irrégularités substantielles au sens de l’article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
– elle conteste la méthode de reconstitution des recettes alors que l’administration fiscale doit selon sa propre doctrine mettre en œuvre plusieurs méthodes et qu’elle doit tenir compte des conditions d’exploitation de l’activité vérifiée ;
– le taux de charges de 50 % n’est pas expliqué ; ses charges sont manifestement sous-évaluées ; la période prise en compte ne correspond pas à celle de ses exercices comptables ;
– l’administration fiscale n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’absence de déductibilité de la taxe mentionnée sur les factures de ses fournisseurs pour des montants de 116,34 euros en 2014, 743,97 euros en 2015 et 1 013,38 euros en 2016 ;
– le profit sur le trésor doit être minoré à hauteur des rappels de TVA contestés ;
– le service n’a pas indiqué pourquoi les encaissements devaient être regardés comme des recettes plutôt que des remboursements, des indemnités non imposables, des virements de compte à compte ou autre ; la somme de 558,10 euros correspond à des remboursements divers ;
– ses charges sont sous-évaluées ; le taux de charges devrait être porté à 75 % au titre du réalisme économique ;
– les revenus regardés comme distribués à M. C n’ont pas été appréhendés par celui-ci faute de résultat bénéficiaire ; elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative exprimée dans une note du 19 septembre 1957 selon laquelle il n’y a pas de distribution lorsque les avances taxables ont été remboursées avant la clôture de l’exercice ; la qualité de maître de l’affaire de M. C n’est pas établie ;
– la majoration de 1,25 des revenus et des charges prévue par le 7 de l’article 158 du code général des impôts constitue une sanction automatique contraire à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux articles 7 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
– les pénalités doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des droits ;
– les intérêts de retard ne sont pas motivés ;
– eu égard à son taux, l’intérêt de retard constitue une sanction ; à défaut de débat oral et contradictoire, et d’invitation à régulariser, elle doit être déchargée des intérêts de retard irrégulièrement mis à sa charge ; le montant de ces intérêts peut être modulé par l’administration et par le juge ; il doit être réduit à celui de l’intérêt légal, qui correspond au préjudice effectivement subi par le Trésor ;
– la majoration de 100 % sanctionnant l’opposition à contrôle doit être décidée par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire ;
– elle n’est pas suffisamment motivée quant à la matérialité de l’infraction, à l’intention frauduleuse, à la possibilité de présenter des observations et de faire appel au conseil de son choix, au délai de trente jours pour présenter des observations, ainsi qu’au calcul de son montant ;
– l’élément matériel de la sanction n’est pas constitué dès lors que l’opposition au contrôle n’est pas avérée, la première mise en demeure étant prématurée, le contenu du pli n’étant pas établi et la seconde mise en demeure n’ayant pas été reçue.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la SASU Océames.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 septembre 2022, l’instruction a été close au 6 octobre 2022, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code des postes et des communications électroniques ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme DORION,
– les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
– et les observations de Me Dumont pour la SASU Océames.
:
1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Océames, qui exerce une activité de construction, études, aménagement et maîtrise de services, et dont M. C est le gérant, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur ses déclarations fiscales de la période du 1er janvier 2014 au 1er septembre 2016. En l’absence de dépôt des déclarations d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période vérifiée et de présentation de la comptabilité, après avoir dressé un procès-verbal d’opposition à contrôle, le service vérificateur a reconstitué les recettes des exercices 2014 et 2015 sur la base des encaissements bancaires figurant sur les relevés de compte obtenus par l’exercice du droit de communication et retenu un taux forfaitaire de charges de 50 % au titre du réalisme économique. Les impositions qui en ont résulté ont été majorées de la pénalité de 100 % pour opposition au contrôle et mises en recouvrement le 31 août 2017 pour des montants de 45 016 euros en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et de 54 537 euros en ce qui concerne la TVA. En cours d’instance devant le tribunal, l’administration fiscale ayant admis la déductibilité de la taxe mentionnée sur une facture de charges, les premiers juges ont, par le jugement attaqué du 27 mai 2021 prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement correspondant. La SASU Océames relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande de décharge des impositions mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : ” Les jugements sont motivés. “
3. Pour écarter le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’avis de mise en recouvrement, le tribunal a répondu au point 14 du jugement attaqué que cet avis était suffisamment motivé par référence à la proposition de rectification et à la lettre de motivation des pénalités du 22 juin 2017. Aucune des multiples références textuelles citées n’imposant une obligation particulière de motivation, le tribunal n’avait pas à ” expliquer pourquoi les articles 11, 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et biens d’autres textes n’auraient pas été méconnus ” dès lors que ces bases légales étaient invoquées à l’appui du même moyen relatif à l’obligation de motiver l’avis de mise en recouvrement. Pour écarter le moyen tiré de ce que la majoration pour opposition à contrôle fiscal n’était pas motivée et n’apparaissait pas dans un paragraphe spécifique de la proposition de rectification, le tribunal a indiqué au point 30 du jugement attaqué, d’une part, que la proposition de rectification du 22 juin 2017 mentionne les motifs de droit et de fait qui fondent la majoration de 100 %, et en détaille le montant, par impôt et par année, d’autre part, qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à l’administration de regrouper toutes les pénalités au même endroit et en fin de document. Il a ainsi suffisamment répondu aux moyens qui lui étaient présentés. Les premiers juges n’ont pas davantage entaché leur décision d’insuffisance de motivation, en ce qui concerne le bien-fondé de la pénalité de 100 % pour opposition à contrôle, en se bornant à renvoyer au point 3 du jugement relatif aux éléments de faits de nature à caractériser la situation d’opposition à contrôle. Il s’ensuit que le moyen d’insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté dans toutes ses branches.
4. En second lieu, les moyens par lesquels la SASU Océames soutient que le tribunal a entaché sa décision d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation et de contradiction de motifs, relèvent du bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
S’agissant de l’avis de contrôle :
5. Aux termes de termes de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales : ” () une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification. / () “. Aux termes de l’article R. 1-1-6 du code des postes et des communications électroniques : ” Lorsque la distribution d’un envoi postal recommandé relevant du service universel est impossible, le destinataire est avisé que l’objet est conservé en instance pendant quinze jours calendaires. A l’expiration de ce délai, l’envoi postal est renvoyé à l’expéditeur lorsque celui-ci est identifiable. “.
6. Il incombe à l’administration d’établir que l’avis de vérification prévu par ces dispositions a été régulièrement notifié au contribuable. En cas de retour à l’expéditeur du pli recommandé contenant cette proposition, le contribuable ne peut être regardé comme l’ayant reçu que s’il est établi qu’il a été avisé, par la délivrance d’un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n’a été retourné à l’expéditeur qu’après l’expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l’enveloppe, soit, à défaut, d’une attestation de l’administration postale ou d’autres éléments de preuve. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d’une notification régulière, le pli recommandé retourné à l’administration auquel est rattaché un volet ” avis de réception ” sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l’enveloppe ou l’avis de réception, l’indication du motif pour lequel il n’a pu être remis.
7. En l’espèce, l’avis de vérification du 2 décembre 2016 a été notifié à la SASU Océames par lettre recommandée dont l’accusé réception a été retourné au service avec les mentions ” pli avisé et non réclamé “, ” présentation le 5 décembre 2016 ” et ” absent avisé le 05/12/16 “. Il ressort de ces mentions précises et concordantes que le pli recommandé a été présenté à la SASU Océames le 5 décembre 2016 et est par suite regardé lui avoir été notifié à cette date. Si la société requérante soutient que l’AR postal, qui comporte seulement la mention ” BR1 doc 7293 “, ne permet pas de s’assurer que le pli comportait l’avis de vérification et la charte du contribuable vérifié, aucune disposition législative ou règlementaire, non plus qu’aucun principe n’impose que le contenu du pli figure sur l’avis de réception et il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’un pli recommandé ayant un autre objet aurait pu être adressé à la SASU Océames à cette date. Enfin, il ne saurait être demandé à l’administration fiscale de produire l’avis de passage remis à l’intéressée ni, s’agissant d’un pli non distribué, un accusé de réception signé. Il s’ensuit que la SASU Océames doit être regardée, ainsi que l’a jugé le tribunal, comme ayant été régulièrement informée de l’engagement d’une procédure de vérification.
8. En outre, ainsi que le fait valoir le ministre en défense, copie de l’avis de contrôle a été adressé à la société Océames par un second courrier recommandé du 4 janvier 2017, et par courriers simples adressés, l’un à l’adresse du siège social de la contribuable, l’autre à l’adresse de son représentant légal. Si la contribuable n’a retiré le pli recommandé que le 20 janvier 2017, le jour même de la première intervention sur place, la société Océames est néanmoins réputée avoir été informée du contrôle dans un délai suffisant pour lui permettre d’être présente ou représentée.
S’agissant de l’opposition au contrôle fiscal :
9. Aux termes des articles L. 67 et L. 68 du livre des procédures fiscales : ” La procédure de taxation d’office () n’est applicable que si le contribuable n’a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d’une mise en demeure. () / Il n’y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure () si un contrôle fiscal n’a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. “. Selon l’article L. 74 : ” Les bases d’imposition sont évaluées d’office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers “. Enfin, aux termes de l’article L. 76 du même livre, dans sa rédaction applicable à la date du contrôle en litige : ” Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d’office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. () / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 67. “.
10. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, lorsque les bases de l’imposition d’un contribuable ont été évaluées d’office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l’intéressé, qui s’est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d’imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu’ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d’imposition d’office, et notamment de celles tenant à l’obligation qui pèse sur le service de mettre en demeure le contribuable de régulariser sa situation, de lui notifier une proposition de rectification motivée, et de l’informer sur l’origine et la teneur des renseignements obtenus de tiers et utilisés pour fonder l’imposition. Si l’administration adresse néanmoins au contribuable une proposition de rectification, les irrégularités entachant cette notification demeurent sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition. Aucune disposition ou stipulation non plus qu’aucun principe de valeur supra législative n’impose au service, spécifiquement en matière de TVA, d’adresser une proposition de rectification motivée au contribuable qui s’est opposé au contrôle.
11. En l’espèce, il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal d’opposition du 5 mai 2017 et de la proposition de rectification du 22 juin 2017, que le service vérificateur a adressé à la contribuable, le 2 décembre 2016, un avis de vérification de comptabilité fixant la date de première intervention au 22 décembre 2016, par un pli recommandé présenté le 5 décembre 2016 qui n’a pas été retiré, que par un nouveau courrier recommandé du 4 décembre 2017, distribué le 20 janvier, le vérificateur a fixé un rendez-vous le 20 janvier auquel le représentant de la société ne s’est pas présenté, que si la comptable de l’entreprise a sollicité un rendez-vous le 23 janvier, pour le 7 février 2017, aucune comptabilité n’ayant été présentée, un procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité a été dressé le 7 février, que le mandat de représentation et le questionnaire relatif aux modalités de tenue de la comptabilité informatique que M. C et la comptable de l’entreprise s’étaient engagés à fournir n’ont pas été retournés au service, que le rendez-vous prévu le 31 mars n’a pu avoir lieu, au motif de l’impossibilité d’établir la comptabilité faute de pièces justificatives et d’une hospitalisation de M. C dont il n’est pas justifié, que personne ne s’est présenté au rendez-vous reporté au 18 avril, bien que par un courrier recommandé du 29 mars, distribué le 3 avril, le service vérificateur ait mis en garde la société requérante et l’ait informée des conséquences de l’opposition à contrôle, qu’en réponse, l’intéressée a adressé au vérificateur le 21 avril un courrier ne lui permettant pas d’établir les bases d’imposition. Dans ces conditions, alors même que la première mise en garde du 4 janvier 2017 serait prématurée, la situation d’opposition à contrôle fiscal était caractérisée et pouvait être régulièrement constatée le 5 mai 2017, à la date à laquelle le vérificateur en a établi le procès-verbal.
12. La situation d’opposition étant établie et régulièrement constatée, les moyens tirés de l’absence de justification de la notification de la proposition de rectification, de l’insuffisance de motivation de la proposition de rectification, de l’absence de mise en demeure préalable à l’évaluation d’office des résultats imposables, du défaut de communication des renseignements obtenus de tiers sur lesquels sont fondés les rectifications, et du non-respect du délai de 30 jours avant la mise en recouvrement des impositions, sont inopérants. Il en est de même des moyens tirés de ce que le 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales serait illégal, inconstitutionnel et inconventionnel, dès lors qu’en tout état de cause l’évaluation d’office des bases d’imposition est fondée, non sur le défaut de déclaration, mais sur l’opposition à contrôle en application de l’article L. 74 du livre des procédures fiscales.
S’agissant de l’avis de mise en recouvrement :
13. Aux termes de l’article L. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : ” Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité. / () “. Aux termes de l’article R. 256-1 du même code : ” L’avis de mise en recouvrement prévu à l’article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l’objet de cet avis. () / Lorsque l’avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l’article L. 57 ou à la notification prévue à l’article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l’informant d’une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications “.
14. Il résulte de l’instruction, ainsi que l’a jugé le tribunal, que l’avis de mise en recouvrement fait référence à la proposition de rectification du 22 juin 2017 et à la lettre du même jour de motivation de la majoration, qui sont elles-mêmes motivées. Il est ainsi suffisamment motivé et conforme aux dispositions de l’article R. 261-1 du livre des procédures fiscales, alors même qu’il ne vise pas lui-même les textes dont l’administration fiscale a fait application pour assoir les rectifications et majorations.
S’agissant des autres moyens tenant à la régularité de la procédure d’imposition :
15. Les moyens tirés du non-respect des droits de la défense, de l’insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation, au demeurant inopérant, et du non-respect du délai de reprise, qui est relatif au bien-fondé de l’imposition, soulevés sans autre argumentation à la page 12 de la requête d’appel, sont dépourvus des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
16. Il résulte de ce qui précède qu’au regard de la loi fiscale, l’ensemble des moyens tirés des irrégularités dont la procédure d’imposition serait entachée doit être écartés.
17. La société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la garantie contre les changements de doctrine qui n’est pas applicable en matière de procédure d’imposition.
18. Enfin, les irrégularités de procédure invoquées n’étant pas avérées, le moyen tiré de ce que ces irrégularités seraient substantielles au sens de l’article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ne peut qu’être également écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
19. Aux termes de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales : ” Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition. “. Les bases d’imposition ayant été évaluées d’office en application de l’article L. 74 du livre des procédures fiscales, la SASU Océames supporte la charge de la preuve de l’exagération des impositions.
S’agissant de la reconstitution des recettes :
20. Pour déterminer les résultats de la SASU Océames, le vérificateur s’est fondé, à défaut de déclarations, de comptabilité et de toute pièce justificative, sur les encaissements bancaires. La société requérante fait valoir que le service vérificateur aurait dû mettre en œuvre plusieurs méthodes de reconstitution de ses recettes et prendre en compte ses conditions d’exploitation. Toutefois, l’administration n’est tenue par aucune disposition législative ou règlementaire d’utiliser plusieurs méthodes de reconstitution. A ce titre, la SASU Océames n’est pas fondée à se prévaloir de la documentation de base 4 G 3343 n°4, qui précise que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l’application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et qui n’a en tout été de cause pas été reprise par la doctrine en vigueur depuis 2012. Le caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la reconstitution n’est par suite pas établi. En se bornant à soutenir que certains encaissements bancaires pourraient correspondre à des remboursements, des indemnités non imposables, des virements de compte à compte, ou autre, et à invoquer sans autre précision ni justification les conditions de son exploitation, la société requérante n’établit pas davantage la surévaluation de son chiffre d’affaires. Il n’est notamment pas établi que la somme de 558,10 euros correspond à des remboursements divers et non à un produit de l’activité.
S’agissant des charges :
21. Si la SASU Océames fait valoir que le taux de charges de 50 % retenu par le service n’est pas expliqué et que ses charges sont manifestement sous-évaluées, elle ne produit aucune justification de la réalité de ses charges et n’apporte dès lors pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les charges qu’elle a effectivement supportées ont excédé le taux de charges de 50 % appliqué par le service au titre du réalisme économique. Est sans incidence à cet égard la circonstance que la période d’imposition ne correspond pas à celle de ses exercices comptables, dès lors que le taux forfaitaire de charge a été appliqué sur toute la période considérée.
S’agissant du taux de TVA :
22. Il incombe au juge, pour l’application des dispositions relatives au régime de taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, de déterminer, au vu de l’instruction, si l’intéressé peut bénéficier d’un tel régime de faveur. En l’absence de toute précision sur ses opérations et de toute pièce justificative, la SASU Océames ne saurait revendiquer le bénéfice d’un taux réduit. C’est dès lors à bon droit que l’administration fiscale a appliqué aux résultats de la société Océames le taux normal de TVA.
S’agissant de la TVA déductible :
23. Aux termes de l’article 271 du code général des impôts : ” I. – 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération () II. – 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l’article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ;() 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d’importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels “.
24. La SASU Océames soutient que l’administration fiscale n’a pas justifié son refus de déduction de la taxe mentionnée sur les factures de ses fournisseurs pour des montants de 116,34 euros en 2014, 743,97 euros en 2015 et 1 013,38 euros en 2016. Toutefois, il résulte de l’instruction que la société requérante n’a fourni au vérificateur aucune pièce justificative de ses charges au cours du contrôle. Au vu des tableaux récapitulatifs assortis de quelques justificatifs produits en première instance à l’appui du mémoire en réplique, l’administration fiscale a prononcé le dégrèvement correspondant, au titre de l’année 2014, à une facture émanant du greffe du tribunal de commerce d’Evry et une facture Office Dépôt, soit un dégrèvement en droits de 14 euros, la facture Boulanger du 30 janvier 2014 étant illisible et inexploitable, au titre de l’année 2015, à diverses factures listées dans le mémoire en défense du 1er février 2021 pour un montant en droits de 377 euros, l’année 2016 n’étant pas en litige. Le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement correspondant. La société Océames reprend son moyen appel sans plus de précision, alors qu’elle supporte la charge de la preuve et que les justificatifs produits, notamment les tickets de caisse sans mention du nom du client, ne peuvent être rattachés à l’activité de l’entreprise. Par suite, ainsi que l’a jugé le tribunal au point 18 du jugement attaqué, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ces documents ne peut être admise.
S’agissant du profit sur le Trésor :
25. Lorsqu’un contribuable a fait l’objet de redressements en matière d’impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d’imposition à l’impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d’un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d’un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l’impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s’il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors qu’ainsi qu’il a été dit aux points précédents, les rappels de TVA sont justifiés, l’administration fiscale a à bon droit réintégré dans les résultats de la SASU Océames un profit sur le Trésor d’un montant égal à celui des droits de taxe sur la valeur ajoutée éludés.
En ce qui concerne les revenus distribués à M. C :
26. Si la proposition de rectification adressée à la SASU Océames constate l’existence de revenus devant être regardés comme distribués à M. C, les impositions qui en résultent ont été mises à la charge de ce dernier. La SASU Océames n’est par suite pas recevable à contester les impositions concernant un autre contribuable. De même, les moyens dirigés contre la majoration de 1,25 prévue par le 7 l’article 158 du code général des impôts sont relatifs aux revenus distribués à M. B et sont dès lors inopérants au regard des impositions en litige.
En ce qui concerne les intérêts de retard et les pénalités :
27. Dès lors qu’il n’est pas fait droit à ses conclusions à fin de décharge des impositions contestées en principal, la société requérante n’est pas fondée à demander la décharge ou la réduction des intérêts de retard et majorations à concurrence de la décharge des droits.
S’agissant des intérêts de retard :
28. Aux termes du I. de l’article 1727 du code général des impôts : ” Toute créance de nature fiscale, dont l’établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard. A cet intérêt s’ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. () “.
29. L’intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l’Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l’impôt aux dates légales. Si l’évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d’une sanction, dès lors que son niveau n’est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut de débat oral et contradictoire et du défaut d’invitation à régulariser, doivent être écartés. La SASU Océames n’est pas davantage fondé à soutenir que le montant de ces intérêts devrait être modulé au taux de l’intérêt légal.
S’agissant de la majoration pour opposition au contrôle :
30. Aux termes de l’article 1732 du code général des impôts : ” La mise en œuvre de la procédure d’évaluation d’office prévue à l’article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L’application d’une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l’État ; / () “.
31. En premier lieu, aux termes de l’article L. 80 E du livre des procédures fiscales : ” La décision d’appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. “. Aux termes de l’article R. 80 E-1 de ce livre : ” La décision d’appliquer les majorations et amendes mentionnées à l’article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire “.
32. En l’espèce, la proposition de rectification signée par l’inspecteur vérificateur est visée et contresignée par son supérieur hiérarchique, une inspectrice divisionnaire des finances publiques. Le moyen tiré de ce que la majoration n’a pas été décidée par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire manque en fait.
33. En deuxième lieu, en vertu de l’article L. 80 D du même livre, les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales doivent être motivées. La proposition de rectification du 22 juin 2017 mentionne l’article 1732 du code général des impôts, et précise que le contrôle n’ayant pas pu avoir lieu du fait du contribuable, les bases d’imposition ont été évaluées d’office en application de l’article L. 74 du livre des procédures fiscales. La majoration pour opposition à contrôle fiscal est, ainsi, suffisamment motivée.
34. En dernier lieu, ainsi qu’il a été dit au point 11 du présent arrêt, la situation d’opposition à contrôle fiscal était caractérisée et pouvait être régulièrement constatée à la date à laquelle le vérificateur en a établi le procès-verbal le 5 mai 2017. L’administration fiscale était par suite fondée à appliquer aux impositions la majoration de 100 % prévue par l’article 1732 du code général des impôts.
35. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Océames n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête de la SASU Océames est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Océames et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l’audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023.
La rapporteure,
O. DORION Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,