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La société Orange, en sa qualité d’exploitante de réseaux de télécommunications ouverts au public, est titulaire d’un droit de passage sur le domaine public routier du département afin d’y implanter ses ouvrages. Toutefois, ce droit ne peut s’exercer que dans les conditions prévues, en particulier, par le règlement de voirie, et l’autorité compétente pour édicter ce règlement peut subordonner l’exercice de ce droit aux conditions indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elle a la charge et en garantir un usage correspondant à sa destination.
En imposant aux opérateurs de réseaux une distance latérale, sur les routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, entre 4 et 8,50 mètres à partir du bord de la chaussée, l’article 62 du règlement de voirie routière a porté aux droits des concessionnaires d’occuper le domaine public une atteinte qui ne trouve pas de justification dans les nécessités de la sécurité routière et de la protection de ce domaine .
Par ailleurs, l’obligation de compactage qu’elles mettent à la charge des opérateurs ne se limite pas au contrôle de compactage après le remblai des tranchées creusées par les opérateurs de réseaux, pour la mise en place de leurs installations, mais s’étend à une obligation de contrôle de compactage sur différents points de la chaussée. Par suite et comme l’ont estimé les premiers juges, ces contrôles, compte tenu de l’importance des moyens techniques qu’ils requièrent et de leur coût, portent une atteinte excessive aux droits des opérateurs.
Les dispositions suivantes du règlement de voirie d’un département (art. 62) ont été censurées par les juges :
” L’implantation de tout obstacle latéral agressif en bordure d’une route départementale risquant d’aggraver les conséquences d’une sortie accidentelle de chaussée doit satisfaire, dans le cadre des possibilités offertes par les conditions locales, aux exigences de la voirie et de la sécurité routière./ En dehors des agglomérations, les supports de lignes nouvelles, électriques, télécommunications ou autres obstacles, seront implantés hors de la plate-forme routière./ Le long des routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, les supports seront implantés à une distance minimale du bord de chaussée de :/ – 4m sans protection,/ – 7m dans le cas d’une route nouvelle,/ – 8,50 m dans le cas d’une route à 2×2 voies comportant un terre-plein central./ Le long des routes départementales classées dans le réseau de développement local, les supports de lignes nouvelles seront implantés au-delà des fossés, parapets ou glissières de sécurité, s’il en existe, et, à défaut, à la limite de l’emprise de la route ou au-delà. En tout état de cause, l’implantation ne pourra s’opérer à moins de 2 m du bord de la chaussée./ En cas d’impossibilité avérée d’implanter le support en dehors des zones de sécurité dont la distance est précisée ci-dessus, il sera demandé au concessionnaire :/ – de privilégier l’enfouissement de ses réseaux, de l’isoler par un dispositif de retenue conforme aux normes en vigueur “.
Les dispositions précitées du règlement de voirie présentent un caractère impératif et ne constituent pas une simple recommandation, dès lors qu’elles imposent à l’opérateur de respecter pour l’implantation de ses réseaux des distances comprises, pour les routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, entre 4 et 8,50 mètres du bord de la chaussée .
À supposer même que l’article 62 du règlement de voirie réponde à des impératifs réels de sécurité routière, le département ne justifie pas plus en appel qu’en première instance de la nécessité d’imposer aux opérateurs des marges latérales de l’importance de celles fixées pour les routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, soit entre 4 et 8,50 mètres du bord de la chaussée. S’il est vrai que le dernier paragraphe des dispositions litigieuses permet à l’opérateur de réseaux, à titre dérogatoire, en cas d’impossibilité avérée de respecter les règles de distance, d’implanter les réseaux par enfouissement et isolation par un dispositif de retenue, cette dérogation, dont l’obtention nécessite la démonstration d’une ” impossibilité avérée ” – dont la nature technique ou juridique n’est au demeurant pas définie – est sans incidence quant à l’appréciation de la légalité des dispositions des paragraphes 2 et 4 de l’article 62 du règlement de voirie, laquelle doit s’opérer, quand le respect d’une distance est possible, au regard de la pertinence des règles de distance posées pour l’implantation des réseaux.
Si le département se prévaut par ailleurs de la dérogation posée aux règles de distances imposées à l’article 62 par le premier paragraphe de ce même article, lequel doit être interprété comme dispensant de l’obligation de respecter les règles de distance les réseaux ne constituant pas ” un obstacle latéral agressif ” en bordure d’une route départementale, en l’absence tant de définition de cette dernière notion que d’élément permettant de considérer que des obstacles latéraux non agressifs pourraient être mis en place, cette dérogation ne saurait être regardée comme permettant de se dispenser effectivement du respect des règles de distance prévues par le même article 62.
A également été sanctionné l’article 74 du règlement de voirie : ” Les contrôles de compactage sont réalisés par l’intervenant avec du matériel permettant d’apprécier la qualité de compactage du remblai des tranchées (le pénétromètre dynamique est le plus adapté)./ Ces contrôles ont pour objet de garantir l’absence de tassements des remblais et la pérennité de la chaussée après sa réfection./ Ils portent sur la nature des matériaux, leur état, ainsi que sur les conditions de mise en œuvre au regard des objectifs prescrits dans la permission de voirie./ Leurs résultats doivent être validés par le service gestionnaire de la voirie départementale avant la réfection définitive de la chaussée./ Le nombre minimum de points de contrôle est fonction de la longueur de la tranchée réalisée./ Le contrôle est obligatoire, hors agglomération comme en agglomération :/ – sur chaque voie de circulation en traversée de chaussée,/ – tous les 30m sous chaussée,/ – tous les 50 m sous trottoir et accotement./ Le plan de repérage des contrôles et les résultats sont remis au service gestionnaire de la voirie départementale avant la réfection définitive de la chaussée./ En cas de résultats non satisfaisants, l’intervenant doit exécuter un complément de compactage./ Si les résultats ne sont toujours pas satisfaisants, l’intervenant doit reprendre entièrement le remblayage et la réfection sur toute la longueur de la tranchée concernée. Il prend également en charge le coût des contrôles avant et après réfection. / Le gestionnaire de la voirie départementale se réserve le droit de faire effectuer, par l’occupant, des contrôles de compactage et des sondages contradictoires. / Le laboratoire interne du département peut également intervenir à la demande et à l’initiative du gestionnaire de la voirie départementale pour effectuer des contrôles ; il appartient à l’occupant de faciliter cette intervention.
Si les résultats ne sont pas satisfaisants, l’occupant devra reprendre entièrement ses prestations sur toute la longueur ou la surface concernée. Il prendra également en charge les contrôles avant et après réfection, le délai de garantie étant reporté “.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Orange a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler les paragraphes 2 à 4 de l’article 62, et l’article 74 du règlement de voirie départemental de Vaucluse.
Par un jugement n° 1902948 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les dispositions des paragraphes 2 à 4 de l’article 62 et des dispositions de l’article 74 de ce règlement de voirie.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille le 13 septembre 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse, et un mémoire en réplique du 29 août 2022, le département de Vaucluse, représenté par Me Pontier, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– le jugement de première instance est entaché d’une erreur quant à l’appréciation de l’article 62 du règlement de voirie ; en effet, en vertu des articles L. 47 du code des postes et des communications électroniques et R. 141-14 du code de la voirie routière, la sécurité routière fait partie des exigences essentielles et le gestionnaire de la voirie peut, par le règlement de voirie, limiter l’implantation de l’ouvrage en bordure de voie si cette limitation est proportionnée au but poursuivi, notamment au regard de la sécurité routière ; à cet égard, c’est à tort que le tribunal pour retenir le caractère disproportionné des contraintes posées aux alinéas 2 et 4 de l’article 62 du règlement de voirie a écarté la référence aux données statistiques nationales ; en tout état de cause, en ce qui concerne la sécurité routière au niveau du département de Vaucluse, l’essentiel des accidents mortels en 2020 est concentré sur les routes départementales ; or, les restrictions posées par l’article 62 du règlement de voirie portent, d’une part, sur les axes importants hors agglomération et les routes d’intérêt régional, dont la fréquentation, notamment touristique, les rend plus accidentogènes et, d’autre part, sur les routes d’intérêt local dont la fréquentation amoindrie justifie la possibilité d’ériger un ouvrage à une distance plus réduite ;
– ensuite, c’est à tort que le tribunal s’est fondé sur le fait que les règles d’implantation reposaient sur la seule nature de la voie, alors que le premier alinéa de l’article 62 du règlement circonscrit l’application de ces règles d’implantation à ” …tout obstacle latéral agressif en bordure d’une route départementale risquant d’aggraver les conséquences d’une sortie accidentelle de chaussée … ” ; compte tenu de ces dispositions, les distances imposées par l’article 62 du règlement ne concernent qu’un nombre restreint d’ouvrages, soit ceux qui sont particulièrement dangereux en bordure de routes départementales dont la fréquentation est accrue en raison de leur importance ;
– par ailleurs, le tribunal n’a pas tiré toutes les conséquences de la dérogation posée au 5ème alinéa de l’article 62 du règlement de voirie, tenant à la possibilité de procéder à un enfouissement des réseaux ; en effet, s’il est reproché à cette dérogation d’imposer de nouvelles obligations pour en bénéficier, ce qui contribuerait à porter une atteinte excessive au droit d’occupation du domaine public routier par la société Orange, l’octroi de cette dérogation est subordonné à l’impossibilité d’implanter l’ouvrage dans le respect des règles de distance définies par les alinéas précédents de l’article 62 ; contrairement à ce qu’a estimé le tribunal administratif, les exigences posées par la dérogation, loin de porter une atteinte excessive au droit d’occupation du domaine public permettent de concilier ce droit avec les règles essentielles de la sécurité routière ;
– en outre, l’ article 62 exclut de son champ d’application, quant au respect de règles de distance latérale, l’implantation de tout ” obstacle latéral non agressif ” et n’impose donc pas de contraintes excessives ;
– concernant l’article 74 du règlement de voirie, l’obligation de contrôle de compactage n’est imposée que lorsque les travaux requièrent le remblayage de tranchées, et ce contrôle est limité au compactage du remblai des tranchées réalisées sur le domaine public par l’opérateur ; c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le contrôle de compactage portait une atteinte excessive au droit d’occupation du domaine public routier ; par ailleurs, les contrôles imposés par l’article 74 sont rendus nécessaires lorsque les travaux ont pour objet la formation d’une tranchée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2022, et un mémoire du 1er mars 2023 non communiqué, la société Orange, représentée par Me de Moustier, conclut au rejet de la requête du département de Vaucluse et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le département de Vaucluse ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code des postes et des communications électroniques ;
– le code de la voirie routière ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
– les conclusions de Mme Françoise Perrin rapporteure publique,
– et les observations de Me Decombe substituant Me Pontier , représentant le département de Vaucluse, et de Me Gautier-Lucas, représentant la société Orange ;
:
1. La société Orange a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler le règlement de voirie départemental de Vaucluse et notamment les paragraphes 2 à 4 de son article 62 et son article 74.
2. Par un jugement n° 1902948 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les dispositions des paragraphes 2 à 4 de l’article 62 et celles de l’article 74 du règlement de voirie départemental de Vaucluse.
3. Par la présente requête, le département de Vaucluse relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D’une part, aux termes de l’article L. 113-3 du code de la voirie routière : ” Sous réserve des prescriptions prévues à l’article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (…) peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (…) “. En application de l’article L. 113-4 de ce code : ” Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L.46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques “. L’article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques dispose : ” Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de passage, sur le domaine routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l’exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées mentionnées à l’article L. 48, dans les conditions indiquées ci-après./ Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier peuvent autoriser les exploitants de réseaux ouverts au public à occuper ce domaine, dans les conditions précisées ci-après./ (…) L’installation des infrastructures et des équipements doit être réalisée dans le respect de l’environnement et de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public “. En vertu de l’article L. 47 du même code, dans sa rédaction applicable : ” Les exploitants de réseau ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation./ Les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des réseaux et de leurs abords sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l’article L. 115-1 du code de la voirie routière./ L’occupation du domaine public routier fait l’objet d’une permission de voirie, délivrée par l’autorité compétente (…)/ L’autorité mentionnée à l’alinéa précédent doit prendre toutes dispositions utiles pour permettre l’accomplissement de l’obligation d’assurer le service universel des communications électroniques. Elle ne peut faire obstacle au droit de passage des exploitants de réseaux ouverts au public qu’en vue d’assurer, dans les limites de ses compétences, le respect des exigences essentielles, la protection de l’environnement et le respect des règles d’urbanisme (…) “.
5. D’autre part, en vertu de l’article L. 131-7 du code de la voirie routière, le conseil départemental exerce les mêmes attributions que celles dévolues au conseil municipal par l’article L. 141-11 du même code, en application duquel : ” Le conseil municipal détermine, après concertation avec les services ou les personnes intervenant sur le domaine public, les modalités d’exécution des travaux de réfection des voies communales dans lesquelles des tranchées ont été ouvertes (…) “. Aux termes de l’article R 141-14 de ce code, applicable aux travaux de remblaiement des tranchées ouvertes sur les routes départementales et aux travaux de réfection de celles-ci par l’article R 131-11 dudit code : ” Un règlement de voirie fixe les modalités d’exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l’art. Il détermine les conditions dans lesquelles le maire peut décider que certains des travaux de réfection seront exécutés par la commune (…) “.
6. Il résulte de ces dispositions que la société Orange, en sa qualité d’exploitante de réseaux de télécommunications ouverts au public, est titulaire d’un droit de passage sur le domaine public routier du département de Vaucluse afin d’y implanter ses ouvrages. Toutefois, ce droit ne peut s’exercer que dans les conditions prévues, en particulier, par le règlement de voirie, et l’autorité compétente pour édicter ce règlement peut subordonner l’exercice de ce droit aux conditions indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elle a la charge et en garantir un usage correspondant à sa destination.
S’agissant des paragraphes 2 à 4 de l’article 62 du règlement de voirie :
7. Aux termes de l’article 62 du règlement de voirie : ” L’implantation de tout obstacle latéral agressif en bordure d’une route départementale risquant d’aggraver les conséquences d’une sortie accidentelle de chaussée doit satisfaire, dans le cadre des possibilités offertes par les conditions locales, aux exigences de la voirie et de la sécurité routière./ En dehors des agglomérations, les supports de lignes nouvelles, électriques, télécommunications ou autres obstacles, seront implantés hors de la plate-forme routière./ Le long des routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, les supports seront implantés à une distance minimale du bord de chaussée de :/ – 4m sans protection,/ – 7m dans le cas d’une route nouvelle,/ – 8,50 m dans le cas d’une route à 2×2 voies comportant un terre-plein central./ Le long des routes départementales classées dans le réseau de développement local, les supports de lignes nouvelles seront implantés au-delà des fossés, parapets ou glissières de sécurité, s’il en existe, et, à défaut, à la limite de l’emprise de la route ou au-delà. En tout état de cause, l’implantation ne pourra s’opérer à moins de 2 m du bord de la chaussée./ En cas d’impossibilité avérée d’implanter le support en dehors des zones de sécurité dont la distance est précisée ci-dessus, il sera demandé au concessionnaire :/ – de privilégier l’enfouissement de ses réseaux, de l’isoler par un dispositif de retenue conforme aux normes en vigueur “.
8. Les dispositions précitées du règlement de voirie présentent un caractère impératif et ne constituent pas une simple recommandation, dès lors qu’elles imposent à l’opérateur de respecter pour l’implantation de ses réseaux des distances comprises, pour les routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, entre 4 et 8,50 mètres du bord de la chaussée .
9. À supposer même que l’article 62 du règlement de voirie réponde à des impératifs réels de sécurité routière, le département ne justifie pas plus en appel qu’en première instance de la nécessité d’imposer aux opérateurs des marges latérales de l’importance de celles fixées pour les routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, soit entre 4 et 8,50 mètres du bord de la chaussée. S’il est vrai que le dernier paragraphe des dispositions litigieuses permet à l’opérateur de réseaux, à titre dérogatoire, en cas d’impossibilité avérée de respecter les règles de distance, d’implanter les réseaux par enfouissement et isolation par un dispositif de retenue, cette dérogation, dont l’obtention nécessite la démonstration d’une ” impossibilité avérée ” – dont la nature technique ou juridique n’est au demeurant pas définie – est sans incidence quant à l’appréciation de la légalité des dispositions des paragraphes 2 et 4 de l’article 62 du règlement de voirie, laquelle doit s’opérer, quand le respect d’une distance est possible, au regard de la pertinence des règles de distance posées pour l’implantation des réseaux.
10. Si le département se prévaut par ailleurs de la dérogation posée aux règles de distances imposées à l’article 62 par le premier paragraphe de ce même article, lequel doit être interprété comme dispensant de l’obligation de respecter les règles de distance les réseaux ne constituant pas ” un obstacle latéral agressif ” en bordure d’une route départementale, en l’absence tant de définition de cette dernière notion que d’élément permettant de considérer que des obstacles latéraux non agressifs pourraient être mis en place, cette dérogation ne saurait être regardée comme permettant de se dispenser effectivement du respect des règles de distance prévues par le même article 62. En conséquence, en imposant aux opérateurs de réseaux une distance latérale, sur les routes départementales classées dans le réseau d’intérêt régional ou dans le réseau de développement territorial, entre 4 et 8,50 mètres à partir du bord de la chaussée, l’article 62 du règlement de voirie routière a porté aux droits des concessionnaires d’occuper le domaine public une atteinte qui ne trouve pas de justification dans les nécessités de la sécurité routière et de la protection de ce domaine .
S’agissant de l’article 74 du règlement de voirie :
11. Aux termes de l’article 74 du règlement de voirie : ” Les contrôles de compactage sont réalisés par l’intervenant avec du matériel permettant d’apprécier la qualité de compactage du remblai des tranchées (le pénétromètre dynamique est le plus adapté)./ Ces contrôles ont pour objet de garantir l’absence de tassements des remblais et la pérennité de la chaussée après sa réfection./ Ils portent sur la nature des matériaux, leur état, ainsi que sur les conditions de mise en œuvre au regard des objectifs prescrits dans la permission de voirie./ Leurs résultats doivent être validés par le service gestionnaire de la voirie départementale avant la réfection définitive de la chaussée./ Le nombre minimum de points de contrôle est fonction de la longueur de la tranchée réalisée./ Le contrôle est obligatoire, hors agglomération comme en agglomération :/ – sur chaque voie de circulation en traversée de chaussée,/ – tous les 30m sous chaussée,/ – tous les 50 m sous trottoir et accotement./ Le plan de repérage des contrôles et les résultats sont remis au service gestionnaire de la voirie départementale avant la réfection définitive de la chaussée./ En cas de résultats non satisfaisants, l’intervenant doit exécuter un complément de compactage./ Si les résultats ne sont toujours pas satisfaisants, l’intervenant doit reprendre entièrement le remblayage et la réfection sur toute la longueur de la tranchée concernée. Il prend également en charge le coût des contrôles avant et après réfection. / Le gestionnaire de la voirie départementale se réserve le droit de faire effectuer, par l’occupant, des contrôles de compactage et des sondages contradictoires. / Le laboratoire interne du département peut également intervenir à la demande et à l’initiative du gestionnaire de la voirie départementale pour effectuer des contrôles ; il appartient à l’occupant de faciliter cette intervention. Si les résultats ne sont pas satisfaisants, l’occupant devra reprendre entièrement ses prestations sur toute la longueur ou la surface concernée. Il prendra également en charge les contrôles avant et après réfection, le délai de garantie étant reporté “.
12. Il s’évince de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient en appel le département de Vaucluse, l’obligation de compactage qu’elles mettent à la charge des opérateurs ne se limite pas au contrôle de compactage après le remblai des tranchées creusées par les opérateurs de réseaux, pour la mise en place de leurs installations, mais s’étend à une obligation de contrôle de compactage sur différents points de la chaussée. Par suite et comme l’ont estimé les premiers juges, ces contrôles, compte tenu de l’importance des moyens techniques qu’ils requièrent et de leur coût, portent une atteinte excessive aux droits des opérateurs.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le département de Vaucluse n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les dispositions des paragraphes 2 à 4 de l’article 62 et celles de l’article 74 du règlement de voirie départemental de Vaucluse.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département de Vaucluse demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de Vaucluse au bénéfice de la société Orange la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête du département de Vaucluse est rejetée.
Article 2 : Le département de Vaucluse versera à la société Orange la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Orange et au département de Vaucluse.
Délibéré après l’audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 21TL03890