Régler l’intégralité d’une commande sans aucune contrepartie constitue bien un trouble manifestement illicite auquel les juges peuvent mettre fin.
Selon l’article 873 du code de procédure civile, « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03946 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IUUD
CC
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
09 novembre 2022 RG :2022R00066
[J]
C/
[U]
Grosse délivrée
le 07 JUIN 2023
à Me Philippe PERICCHI
Me Georges POMIES RICHAUD
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 07 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 09 Novembre 2022, N°2022R00066
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [K] [J] Exploitant sous l’enseigne ‘RAIMBA AUTO’ immatriculé au RCS DE POITIERS sous le N° A 909 267 668
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Stéphanie FUSELIER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne GAS’CAR inscrit au RCS de NIMES sous le n° 910 840 982,
né le 04 Mai 1988 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Audrey NGUYEN PHUNG de la SARL NGUYEN PHUNG, MONTFORT, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 Mai 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 07 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 8 décembre 2022 par Monsieur [K] [J] à l’encontre de l’ordonnance prononcée le 9 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° 2022R00066.
Vu l’avis du 14 décembre 2022 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 11 mai 2023.
Vu l’ordonnance de référé rendue le 7 avril 2023 par le Premier président de la cour d’appel de Nîmes,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 mai 2023 par l’appelant et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 mai 2023 par Monsieur [O] [U], intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l’ordonnance du 14 décembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 4 mai 2023.
* * *
Monsieur [K] [J] exerce une activité d’intermédiaire sous l’enseigne Raimba Auto. Monsieur [O] [U] exerce une activité de vente et location de véhicules utilitaires sous l’enseigne Gas’Car.
Par actes sous signature privée des 29 mars et 5 avril 2022, Monsieur [U] a passé commande auprès de Monsieur [J] de 7 véhicules utilitaires de 20m3 avec hayon d’origine allemande, les plus vieux étant de 2009 et ayant un kilométrage de 160 000 kilomètres. Monsieur [J] s’est engagé à livrer ces véhicules au plus tard le 9 avril 2022.
L’intégralité de la commande a été réglée pour un montant de 61 145 euros.
Dans la perspective de cette livraison, Monsieur [U] aurait régularisé un contrat de location de matériel avec la société Avantras, prévoyant, à compter du 10 avril 2022, la location de ces 7 véhicules utilitaires, moyennant la somme de 1 350 euros par mois.
Le 9 avril 2022, la marchandise n’aurait pas été livrée et par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mai 2022, restée sans réponse, Monsieur [U] a mis en demeure Monsieur [J] d’exécuter son obligation de livraison au titre des contrats conclus les 29 mars et 5 avril 2022.
Par courrier recommandé du 25 mai 2022, le conseil de Monsieur [U] a renouvelé cette mise en demeure qui est demeurée infructueuse.
Par exploit du 18 juillet 2022, Monsieur [O] [U] a fait assigner Monsieur [K] [J] devant le président du tribunal de commerce de Nîmes aux fins de le voir condamner à exécuter les conventions conclues en livrant les 7 véhicules commandés, et ce sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, et à lui payer les sommes de 3 597,99 euros au titre des échéances de crédits payées alors que les véhicules n’ont pas été livrés, de 24 752,01 euros au titre de la perte de gains financiers et de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ordonnance du 9 novembre 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes, statuant en référé, a, au visa des articles 514, 514-1 alinéa 3, 873 du code de procédure civile, des articles 1101, 1103, 1104, 1217, 1221 du code civil, des actes passés entre les parties des 29 mars et 5 avril 2022, des jurisprudences constantes, des éléments énoncés, des pièces et conclusions versées aux débats, :
-Reçu Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, en ses demandes, fins et écritures ;
-Dit recevable et bien fondée l’action formée par Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, à l’encontre de Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto ;
-Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à livrer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, les 7 véhicules commandés sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé dans un délai de 16 jours suivant la signification de la présente ordonnance ;
-Dit que l’astreinte commencera à courir 16 jours après la signification de la présente ordonnance ;
-Réservé la liquidation de l’astreinte ;
-Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à payer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, la somme provisionnelle de 24 752,01 euros au titre de la perte de gains financiers, suivant le contrat de location passé entre Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, es qualité de bailleur, et le locataire la société Avanatras, en date du 29 mars 2022, avec effet au 10 avril, soit 24 heures après la date de livraison prévue, suivant les actes sous signature privée en date des 29 mars et 5 avril 2022 ;
-Dit que la demande provisionnelle de 3 597,99 euros réclamée au titre des échéances de crédits payés alors que les véhicules n’ont pas été livrés, se heurte à une contestation sérieuse de sorte qu’elle ne relève pas du pouvoir du juge des référés ;
-Dit n’y avoir lieu à référé sur ladite demande ;
-Dit que les contestations soulevées par Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, ne démontrent pas de lien avec l’affaire nous concernant, selon les actes sous signature privée passés entre les parties en date des 29 mars et 5 avril 2022, dont un montant de 61 145 euros a été réglé sans aucune contrepartie ;
-Débouté Monsieur [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, de l’intégralité de ses prétentions ;
-Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à régler à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, la somme de 800 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
-Dit la présente décision exécutoire de plein droit ;
-Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.
Le 8 décembre 2022, Monsieur [K] [J] a relevé appel de cette ordonnance aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a dit que la demande provisionnelle de 3 597,99 euros réclamée au titre des échéances de crédits payés alors que les véhicules n’ont pas été livrés, se heurte à une contestation sérieuse de sorte qu’elle ne relève pas du pouvoir du juge des référés et n’y avoir lieu à référé sur ladite demande.
Par acte du 30 décembre 2022, Monsieur [O] [U], exerçant sous l’enseigne Gas’Car, a saisi le premier président de la cour d’appel de Nîmes, en référé, aux fins que soit ordonnée la radiation de la procédure d’appel, pour défaut d’exécution de la décision de première instance, et qu’il lui soit alloué la somme de 1 500 euros en contrepartie des frais irrépétibles qu’il a dû engager dans l’instance.
Par ordonnance de référé du 7 avril 2023, le premier président de la cour d’appel de Nîmes a, au visa de l’article 524 du code de procédure civile, :
-Débouté Monsieur [J] de sa demande de nullité de l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ;
-Débouté Monsieur [J] de sa demande d’irrecevabilité de l’action engagée par Monsieur [U] ;
-Débouté Monsieur [U] de sa demande de radiation de l’instance pendant devant la cour d’appel de Nîmes ;
-Ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant l’ordonnance de référé prononcée par le tribunal de commerce de Nîmes le 9 novembre 2022 ;
-Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [J] ;
-Condamné Monsieur [U] aux dépens de cette procédure.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [K] [J], appelant, demande à la cour, au visa de l’article 873 du code de procédure civile, des articles 1101, 1103, 1104, 1217, 1221 du code civil, de
-Confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a débouté Monsieur [O] [U] de sa demande provisionnelle de 3 397,99 euros réclamée au titre des échéances de crédits payées en ce qu’elle se heurte à une contestation sérieuse ne relevant pas du pouvoir du juge des référés ;
En conséquence,
-Débouter Monsieur [O] [U] de sa demande provisionnelle de 13 192,63 euros réclamée au titre des échéances de crédits payées en ce qu’elle se heurte à une contestation sérieuse ne relevant pas du pouvoir du juge des référés ;
-Débouter, pour les raisons sus énoncées, Monsieur [O] [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Infirmer, pour les raisons sus énoncées, l’ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Nîmes (juridictions des référés) le 8 décembre 2022 en ce qu’elle a :
Reçu Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, en ses demandes, fins et écritures ;
Dit recevable et bien fondée l’action formée par Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, à l’encontre de Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto ;
Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à livrer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, les 7 véhicules commandés sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé dans un délai de 16 jours suivant la signification de la présente ordonnance ;
Dit que l’astreinte commencera à courir 16 jours après la signification de la présente ordonnance ;
Réservé la liquidation de l’astreinte ;
Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à payer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, la somme provisionnelle de 24 752,01 euros au titre de la perte de gains financiers, suivant le contrat de location passé entre Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, es qualité de bailleur, et le locataire la société Avanatras, en date du 29 mars 2022, avec effet au 10 avril, soit 24 heures après la date de livraison prévue, suivant les actes sous signature privée en date des 29 mars et 5 avril 2022 ;
Dit que les contestations soulevées par Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, ne démontrent pas de lien avec l’affaire nous concernant, selon les actes sous signature privée passés entre les parties en date des 29 mars et 5 avril 2022, dont un montant de 61 145 euros a été réglé sans aucune contrepartie ;
Débouté Monsieur [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, de l’intégralité de ses prétentions ;
Condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à régler à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, la somme de 800 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
Dit la présente décision exécutoire de plein droit.
Statuant à nouveau,
-Juger, pour les raisons sus énoncées, qu’il existe une contestation sérieuse ;
-Juger, pour les raisons sus énoncées, qu’il n’existe pas de trouble manifestement excessif ;
-Juger, pour les raisons sus énoncées, que la juridiction des référés est incompétente pour statuer ;
-Débouter, pour les raisons sus énoncées, Monsieur [O] [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Condamner, pour les raisons sus énoncées, Monsieur [O] [U] à payer à Monsieur [K] [J] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir qu’il existe des contestations sérieuses relevant tant des relations complexes entre les différents acteurs que de la licéité des actes contractuels invoqués. En effet, il a été trompé à deux reprises le 4 février 2022 lorsqu’on lui a fait croire à l’existence d’un accord sur des tournées pour Amazon, en contrepartie d’un règlement de 10 000 euros payés en espèces et le 12 février 2022 lorsqu’il lui a été proposé un contrat de sous-traitance à une société qui n’a jamais existé. L’appelant soutient que l’acte d’engagement du 29 mars 2022 ne porte que sur 3 véhicules et que le contrat du 5 avril 2022 est un faux. Les véhicules demandés ont bien été livrés le 9 mai 2022 et il appartenait à l’intimé de faire les formalités nécessaires auprès des autorités françaises compétentes pour les immatriculer afin de permettre leur circulation sur le territoire national. Il existe également une contestation sérieuse sur la qualité à agir de l’intimé qui a créé une société reprenant son activité exercée auparavant à titre personnel, sans oublier que les factures ont établies à l’ordre d’une société Avanatrans, actuellement en liquidation judiciaire, que le contrat de location de matériel comporte des signatures à l’authenticité douteuse.
L’appelant expose enfin qu’il n’y a pas de trouble manifestement illicite car les véhicules ont été livrés et qu’il appartenait à l’intimé d’effectuer les formalités administratives.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [O] [U], intimé, demande à la cour, au visa de l’article 873 du code de procédure civile, des pièces versées aux débats, de :
Sur la procédure,
Ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture du 4 mai 2023,
Subsidiairement,
Rejeter les conclusions et pièces notifiées par Monsieur [J] le 3 mai 2023 comme étant tardives,
Sur le fond,
-Réformer la décision dont appel en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé s’agissant de la demande provisionnelle réclamée au titre des échéances de crédit payées ;
Et statuant à nouveau,
-Condamner Monsieur [K] [J] à payer à titre provisionnel à Monsieur [U] les sommes suivantes : 13 192,63 euros au titre des échéances de crédits payées alors que les véhicules n’ont pas été livrés,
-Confirmer la décision dont appel pour le surplus ;
En conséquence,
-Condamner Monsieur [K] [J], sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à livrer les véhicules commandés par Monsieur [U] ;
-Condamner Monsieur [J] à indemniser Monsieur [U], à titre provisionnel, au titre de la perte des gains financiers ;
En conséquence,
-Condamner Monsieur [K] [J] à payer à Monsieur [U] la somme de 90 757,67 euros à ce titre ;
-Débouter Monsieur [K] [J] de l’intégralité de ses prétentions ;
-Condamner Monsieur [J] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’intimé expose qu’au jour de la passation des commandes, la société Gas’Car n’existait pas, qu’il a passé les commandes à titre individuel et que cet engagement n’a pas été repris par la société en cours de formation. Sa qualité à agir est donc établie. Il soutient que le trouble manifestement illicite est constitué par les manquements de Monsieur [J] à son obligation contractuelle de délivrance. En effet, il n’a jamais demandé une livraison des véhicules à [Localité 6], livraison dont il n’est au demeurant pas justifié. L’appelant ne lui a jamais remis les documents administratifs des véhicules achetés et il ne pouvait donc procéder à aucune formalité administrative.
L’intimé fait valoir que l’existence de contestations sérieuses n’est pas un obstacle à une demande présentée sur le fondement de l’article 873 alinéa 1 du code de procédure civile. Il conteste chacune des contestations évoquées, certaines ne concernant pas le présent litige (à savoir les tromperies prétendues), d’autres étant inopérantes (les factures éditées au nom d’une société Avanatrans n’étant pas de son fait et ne correspondant pas à une demande de sa part, achat effectif des 7 véhicules demandés dans l’acte du 5 avril 2022 qui n’a jamais été taxé de faux avant l’instance d’appel, perception effective de la somme évoquée dans cet acte du 5 avril 2022).
L’intimé forme appel incident pour être indemnisé du préjudice subi par sa souscription de deux contrats de crédit de 35 000 euros chacun destiné à financer les véhicules. En effet, les échéances n’ont pu être amorties par les loyers que la société Avanatrans devait lui payer dans le cadre d’un contrat de location devant débuter le 10 avril 2022. Répondant aux critiques émises par l’appelant sur cette prétention, il prétend verser toutes les pièces justificatives venant au soutien de sa demande, indique qu’il s’agit de crédits contractés à titre personnel car il n’y avait pas d’élément comptable relatif à l’entreprise et relève que l’appelant a aussi contracté des crédits antérieurement à l’achat de véhicules, de sorte qu’il est mal venu de lui faire ce reproche.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la demande de rabat de clôture :
L’appelant ayant notifié ses écritures la veille de l’ordonnance de clôture, l’intimé a été amené à produire une nouvelle pièce, ce qu’il n’a pas été en mesure de faire le jour de la clôture.
Par conséquent, au vu du motif grave constitué par l’atteinte au principe du contradictoire, il y a lieu de révoquer l’ordonnance de clôture et de fixer la nouvelle clôture au 11 mai 2023.
Sur la procédure :
Monsieur [J] ne conteste pas la qualité à agir de Monsieur [U] exerçant sous l’enseigne Gas’Car car il ne forme aucune demande de fin de non-recevoir dans le dispositif de ses écritures.
La cour n’est donc pas saisie de la disposition de l’ordonnance déférée relative à la recevabilité de l’action.
Sur le fond :
Selon l’article 873 du code de procédure civile, « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
Sur l’obligation de faire :
Selon acte d’engagement du 29 mars 2022, Monsieur [J] devait fournir 5 véhicules d’origine allemande à Monsieur [U] représentant la société Gas’Car. Selon acte d’engagement du 5 avril 2022, Monsieur [J] devait fournir 2 véhicules supplémentaires.
La validité de ces engagements est contestée mais le moyen n’est pas sérieux. En effet, les actes ont été également signés par un témoin, mentionné comme personne physique et non représentant d’une personne morale. Il n’y a donc pas lieu de rechercher s’il était à cette époque représentant légal de la société Avanatrans. Monsieur [J] ne produit pas d’attestation de cette personne physique venant corroborer son allégation.
En outre, Monsieur [U] justifie avoir réglé les sommes prévues par cet acte d’engagement sur le compte de Monsieur [J], ce qui n’est pas contesté par ce dernier. Seules les dates de versement sont discutées mais Monsieur [U] démontre avoir viré la somme de 43 675 euros le 1er avril 2022 et la somme de 17 470 euros le 11 avril 2022.
La seule divergence porte sur le nombre de véhicules à livrer par Monsieur [J] qui aurait été au nombre de 7 en vertu de ces deux actes d’engagement, alors que le litige porte sur l’absence ou non de livraison de 6 véhicules. Mais les parties sont d’accord pour retenir un litige portant en définitive sur une obligation à livrer 6 véhicules.
Face à cet engagement qui n’est pas contestable, Monsieur [J] développe plusieurs contestations. Tout d’abord, il se prétend victime de tromperies commises par des tiers à la présente instance, ce qui n’a aucune incidence sur son obligation de délivrance à l’égard de Monsieur [U], qui n’est pas concerné par les faits décrits par l’appelant. Il soutient ensuite que l’intimé a donné son accord à l’achat de véhicules belges ne présentant pas les caractéristiques mentionnées dans les actes d’engagement et sur un lieu de livraison à [Localité 6], lieu de résidence des chauffeurs de la société Avanatrans (qui devait louer ces véhicules). Ces allégations, contestées par la partie adverse, ne sont justifiées par aucune pièce, de sorte que le moyen n’est pas sérieux. Il l’est d’autant moins, qu’après avoir reconnu en première instance ne pas avoir livré les véhicules (pièce 9 de l’intimé), Monsieur [J] produit en cause d’appel des factures d’achat établies au nom de la société Avanatrans, tiers à la présente instance. Puis il développe longuement sur le fait que Monsieur [U] n’a pas procédé aux formalités administratives nécessaires à la mise en circulation de ces véhicules alors qu’il n’en est pas l’acquéreur au vu de cette facturation, ce qui rend l’argument inopérant.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est à juste titre que l’ordonnance déférée retient que Monsieur [U] a réglé l’intégralité de la commande pour un montant de 61 145 euros sans aucune contrepartie, ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné Monsieur [J] exploitant sous l’enseigne Raimba Auto à livrer à Monsieur [O] [U] exerçant sous l’enseigne Gas’car les véhicules commandés sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sauf à modifier le nombre de véhicules ‘ 6 et non 7 ‘ et le délai accordé pour cette livraison qui sera réduit à 15 jours à compter de la signification de l’arrêt.
Sur la demande de provision :
Monsieur [U] produit un contrat de location signé par lui-même en tant que loueur avec la société Avanatrans locataire, portant sur la location de 7 véhicules de type utilitaire consentie pour une durée indéterminée à compter du 10 avril 2022.
Il justifie, par la production des statuts de la société Avanatrans, que le locataire avait la qualité de gérant de ladite société.
Cependant, il ressort des pièces produites par l’intimé qu’il n’a effectué le paiement concernant les deux véhicules supplémentaires (objet du contrat du 5 avril 2022) que le 11 avril 2022. En outre, les parties se sont accordées sur une livraison finale de 6 véhicules et non 7.
Il existe donc une contestation sérieuse sur le point de départ du contrat de location qui ne peut être antérieur à la date prévisible de livraison des véhicules et sur le nombre de ceux-ci. Il n’appartient pas au juge des référés de se livrer à une analyse du contrat de location, qui relève du juge du fond et la demande de provision au titre des gains financiers doit être rejetée.
Monsieur [U] produit deux contrats de crédit d’un montant de 35 000 euros émanant de la Banque Postale et de Franfinance. Il justifie du versement des fonds par ces deux établissements prêteurs les 21 et 28 mars 2022. Il s’agit toutefois de crédits contractés à titre personnel de sorte qu’il n’est pas établi que ces prêts étaient destinés à l’achat des véhicules commandés à Monsieur [J].
L’ordonnance déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de provision au titre des échéances de crédit payées.
Sur les frais de l’instance :
Monsieur [J], qui succombe sur sa contestation relative à l’obligation de livrer 6 véhicules d’ores et déjà payés, devra supporter les dépens de l’instance et payer à Monsieur [O] [U] une somme équitablement arbitrée à 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Révoque l’ordonnance de clôture du 14 décembre 2022 et fixe la nouvelle clôture de l’affaire au 11 mai 2023.
Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :
condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à livrer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, les 7 véhicules commandés sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé dans un délai de 16 jours suivant la signification de la présente ordonnance et dit que l’astreinte commencera à courir 16 jours après la signification de la présente ordonnance,
condamné Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto, à payer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, la somme provisionnelle de 24 752,01 euros au titre de la perte de gains financiers, suivant le contrat de location passé entre Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, es qualité de bailleur, et le locataire la société Avanatras, en date du 29 mars 2022, avec effet au 10 avril, soit 24 heures après la date de livraison prévue, suivant les actes sous signature privée en date des 29 mars et 5 avril 2022 ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne Monsieur [K] [J], exploitant sous l’enseigne Raimba Auto , à livrer à Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, les 6 véhicules commandés sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé dans un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt,
Dit que l’astreinte commencera à courir 16 jours après la signification du présent arrêt,
Rejette la demande de provision de Monsieur [O] [U] exploitant sous l’enseigne Gas’Car, d’un montant de 24 752,01 euros au titre de la perte de gains financiers, suivant le contrat de location passé entre Monsieur [O] [U], exploitant sous l’enseigne Gas’Car, es qualité de bailleur, et le locataire la société Avanatrans, en date du 29 mars 2022, avec effet au 10 avril 2022,
Confirme l’ordonnance du 9 novembre 2022 en ses autres dispositions déférées à la cour,
Y ajoutant,
Dit que Monsieur [J] exerçant sous l’enseigne Raimba Auto supportera les dépens d’appel et payera à Monsieur [J] exerçant sous l’enseigne Raimba Auto une somme de 1500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,