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Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la cour estime que l’activité de restauration rapide ne répond pas aux mêmes critères qu’une activité de restauration traditionnelle, de sorte que la restauration offerte par la société MY FABULOUS lors de son entrée dans les lieux en novembre 2014 était différente de celle proposée par la société ZASH. Ceci est d’autant plus incontestable que, d’une part, le bail signé le 1er septembre 2013 par la société ZASH exclut «’la restauration sédentaire de type traditionnel’», et d’autre part, la clause de non-concurrence insérée au bail de la société MY FABULOUS a pour vocation d’empêcher l’installation d’une activité de restauration traditionnelle et non une activité de restauration rapide qui par définition n’est pas sédentaire.
* * * ARRET N° du 21 février 2023 R.G : N° RG 21/01753 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FB24 SARL MY FABULOUS c/ Etablissement Public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L ‘HABITAT Formule exécutoire le : à : la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE COUR D’APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE-1° SECTION ARRET DU 21 FEVRIER 2023 APPELANTE : d’un jugement rendu le 03 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de REIMS SARL MY FABULOUS [Adresse 3] [Localité 2] Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et par Me François BARRY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant INTIMEE : Etablissement Public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT établissement public à caractère industriel et commercial, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège [Adresse 4] [Localité 2] Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et par Me François BLANGY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Madame Florence MATHIEU conseillère, et Madame Sandrine PILON conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Ils en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Madame Elisabeth JUNGBLUTH, présidente de chambre Madame Sandrine PILON, conseillère Madame Florence MATHIEU, conseillère GREFFIER : Madame Frédérique ROULLET, greffière lors des débats, Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé DEBATS : A l’audience publique du 10 janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 février 2023, ARRET : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 février 2023 et signé par Madame Elisabeth JUNGBLUTH présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE Selon acte dressé par Maître [K] [N], notaire associé à [Localité 2], en date du 28 novembre 2014, l’établissement public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT (ci après dénommé « [Localité 2] HABITAT ») a consenti à la SARL MY FABULOUS un bail commercial d’une durée de neuf ans portant sur des locaux commerciaux composant les lots n°1 et 2 de l’ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 2] (51) à usage exclusif de restaurant, pizzeria, traiteur sur place, en livraison ou à emporter, moyennant un loyer annuel en principal de 40.800 euros hors taxes et hors charge, outre 1.506 euros par an pour les deux places de stationnement, payable à compter du 01 septembre 2015 avec minoration à 28.560 euros la première année. Se plaignant de l’installation en juillet 2017 d’un commerce concurrent voisin sous l’enseigne CAMPUS GRILL, en méconnaissance de l’exclusivité d’exploitation stipulée au bail, et de la diminution consécutive de son chiffre d’affaires, la Sarl MY FABULOUS a cédé son droit au bail à une société exerçant une activité de centre de santé médico-dentaire, par acte notarié en date du 26 juillet 2019 auquel le bailleur est intervenu. Estimant avoir subi un préjudice financier, elle a sollicité de [Localité 2] HABITAT un dédommagement ; en l’absence de solution amiable, elle a fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Reims, par acte d’huissier en date du 13 décembre 2019 en sollicitant la somme globale de 310.320 euros au titre des préjudices subis du fait de la violation de la clause contractuelle d’exclusivité d’exploitation, outre une indemnité pour frais irrépétibles. Par jugement rendu le 3 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a’: – déclaré prescrite la demande d’indemnisation de la société MY FABULOUS, – débouté l’établissement public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, – rejeté les demandes formées par la société MY FABULOUS au titre desfrais irrépétibles et des dépens, – condamné la société MY FABULOUS à payer à l’établissement public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles. Par un acte en date du 3 septembre 2021, la Sarl MY FABULOUS a interjeté appel de ce jugement. Par une ordonnance rendue le 21 juin 2022, le conseiller de la mise en état a enjoint à l’établissement public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT de produire dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance les pièces suivantes’: la copie du tableau récapitulatif par corps de métiers des travaux d’agencements à réaliser par la société Zash qui est annexé au bail commercial passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne portant sur le local du [Adresse 1] à [Localité 2], la copie des travaux réalisés par la société Zash dans le local donné à bail par [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne autre(s) que les travaux d’agencements récapitulés par corps de métiers figurants dans l’annexe du bail passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat, la copie des consentements écrits de [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne aux modification(s), changement(s) de distribution, démolition(s) ou construction(s) réalisés par la société Zash portant sur le local donné à bail par [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne autre(s) que les travaux d’agencements récapitulés par corps de métiers figurants dans l’annexe du bail passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat, a copie de la transaction ou tout acte ayant pour vocation d’éteindre toutes les contestations nées ou à naître sur le litige évoqué par la société Zash, passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne, postérieur(s) au Bureau du conseil d’administration du 7 octobre 2016, la copie de toutes les formalités nécessaires à la régularisation de la démarche transactionnelle ou ayant pour vocation d’éteindre toutes les contestations nées ou à naître sur le litige évoqué par la société Zash, la copie des avenants du bail commercial du 1er septembre 2013 passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne et, notamment, sur le changement de destination de celui-ci, la justification de toutes factures relatives aux travaux entrepris suite à la transaction ou acte ayant eu pour vocation d’éteindre toutes les contestations nées ou à naître sur le litige évoqué par la société Zash, passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne, postérieur(s) au Bureau du conseil d’administration du 7 octobre 2016. Par bordereau du 12 décembre 2022, [Localité 2] HABITAT a procédé à une communication partielle, à savoir’: la copie de la transaction ou tout acte ayant pour vocation d’éteindre toutes les contestations nées ou à naître sur le litige évoqué par la société Zash, passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne, postérieur(s) au Bureau du conseil d’administration du 7 octobre 2016, la copie des avenants du bail commercial du 1er septembre 2013 passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne et, notamment, sur le changement de destination de celui-ci, la justification de toutes factures relatives aux travaux entrepris suite à la transaction ou acte ayant eu pour vocation d’éteindre toutes les contestations nées ou à naître sur le litige évoqué par la société Zash, passé entre la société Zash et [Localité 2] Habitat Champagne ‘ Ardenne, postérieur(s) au Bureau du conseil d’administration du 7 octobre 2016. Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 16 décembre 2022, la Sarl MY FABULOUS conclut à l’infirmation partielle du jugement déféré et demande à la cour de condamner à l’établissement public [Localité 2] HABITAT CHAMPAGNE-ARDENNE OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT à lui payer les sommes de’:
– 310.320 euros au titre des préjudices subis du fait de la violation de la clause contractuelle d’exclusivité d’exploitation,
– 4.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Elle expose que l’intimée n’a pas produit toutes les pièces sollicitées conformément à l’ordonnance du conseiller de la mise en état.
En substance, elle se prévaut de la clause 19.1 du bail commercial par laquelle le bailleur est interdit d’exploiter ou de faire exploiter, directement ou indirectement, dans le reste de l’immeuble, un commerce semblable sous peine de dommages et intérêts ; elle considère que [Localité 2] HABITAT a violé cette clause en consentant un bail commercial en vertu duquel a été exploité à partir de juillet 2017 dans le local voisin un commerce de restauration sédentaire concurrent du sien, alors qu’y était auparavant exercée une activité non concurrente de vente de sandwich, croissants et pâtisserie sous enseigne MELTING CUP. Elle affirme que des travaux ont été entrepris en juillet 2017 pour permettre l’extraction de chaud et donc la cuisine de restauration, alors que l’ancienne activité voisine était un point froid.
Elle soutient que sa demande n’est pas prescrite au sens de l’article 2224 du code civil dès lors que la violation de la clause est un préjudice continu ayant commencé en juillet 2017 et qui en tout état de cause a été porté à sa connaissance à cette date. Elle précise que seules trois pièces ont été communiquées par l’intimée la veille de l’ordonnance de clôture, de sorte que ladite communication est incomplète mais permet toutefois de démonter que la construction de la gaine d’extraction (9 décembre 2016) est postérieure à la conclusion de la transaction critiquée. Enfin, elle indique que la mise en ‘uvre de la clause de conciliation préalable a eu un effet suspensif sur la prescription de l’action.
Elle expose que l’autorisation des travaux de transformation du local contigu en restaurant caractérise l’exploitation indirecte par [Localité 2] HABITAT du fonds de commerce de restauration concurrent.
Concernant le préjudice, elle met en avant un rapport d’évaluation de préjudice financier du 8 novembre 2019 établi par son expert comptable ainsi que les bilans et comptes de résultat 2016, 2017 et 2018 . Elle demande à être indemnisée d’une perte de marge brute d’exploitation, d’une perte de valeur de son fonds de commerce, outre les amendes et intérêts de retard qu’elle a dû régler. Elle conteste avoir aggravé son préjudice en cédant son bail au prix de 85.000 euros dès lors qu elle n’a pas pu céder son fonds de commerce, en raison de l’activité voisine concurrente, et considère,que [Localité 2] HABITAT est mal fondée à lui faire ce reproche alors qu’elle a autorisé le changement de destination sans former d’observation à ce sujet; enfin, elle réfute les critiques concernant la qualité des services qu’elle proposait en indiquant qu’elle bénéficiait de très nombreux avis élogieux sur internet et qu’elle s’était vu décerner de nombreux prix d’excellence dont notamment celui de meilleur Hamburger de la ville de [Localité 2] 2016 et 2018.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 13 décembre 2022 [Localité 2] HABITAT conclut à l’infirmation partielle du jugement déféré en ce qu’il a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et demande à la cour de lui allouer la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts, outre 10.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
En substance, il soutient que la demande est prescrite puisque la société MY FABULOUS avait connaissance de la signature du bail sur le local voisin à usage de restauration rapide conclu avec la société ZASH, avec effet au 01 septembre 2013, dont la destination n’a pas été modifiée depuis
lors.
Il affirme que la Sarl MY FABULOUS avait connaissance dès le 28 novembre 2014 de l’existence d’un restaurant exploité par la société ZASH et donc des faits lui permettant d’exercer une action en violation de la clause qu’elle invoque, de sorte que l’action engagée par acte du 13 décembre 2019 est prescrite. Il estime que la Sarl MY FABULOUS ne démontre pas un changement d’activité de la société ZASH en raison des travaux réalisés en 2017. Enfin, il précise que les parties n’ont jamais entendu recourir à la médiation, de sorte qu’il n’existe aucune cause de suspension de la prescription.
Sur le fond, il conteste tout manquement contractuel, dès lors que la société MY FABULOUS connaissait l’activité exercée dans le local voisin avant la conclusion du bail. Il affirme que les travaux de pose d’une canalisation d’évacuation sont sans rapport avec cette activité et n’ont eu pour but que de respecter les normes sanitaires. Il ajoute qu’il n’a pas exploité directement ou indirectement un commerce au sens de la clause du bail et affirme par ailleurs que les activités pratiquées dans les deux locaux sont distinctes. Il considère par ailleurs que le préjudice revendiqué est inexistant et en tout état de cause sans lien de causalité avec le grief allégué.
Il ajoute que l’activité exercée par la société ZASH avec le code APE 5610C est strictement limité à la restauration rapide alors que celle exercée par la société MY FABULOUS est une activité de restauration traditionnelle.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, telle défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En l’espèce, la société MY FABULOUS, qui exploitait son commerce de restauration traditionnelle fonde son action sur la violation de la clause stipulée à l’article 19.1 du bail signé le 28 novembre 2014 dans les termes suivants:
« 19.1 NON CONCURRENCE :
le BAILLEUR se défend catégoriquement d’exploiter ou de faire exploiter, directement ou indirectement, dans le reste de l’immeuble, un commerce semblable à celui du PRENEUR ou susceptible de le concurrencer, à peine de tous dommages et intérêts sans préjudice du droit qu’aurait ce dernier de faire procéder à la fermeture de l’entreprise concurrente ».
S’agissant de l’activité exercée par le preneur, il était stipulé: «’De convention expresse entre les parties, déterminante de leur consentement aux présentes, les biens loués seront affectés à l’usage exclusif de restaurant, pizzeria, traiteur sur place, en livraison ou à emporter’».
[Localité 2] HABITAT justifie de son côté avoir signé avec la société ZASH le 1er septembre 2013 un autre bail commercial portant sur le local voisin situé dans le lot n°3 du même ensemble immobilier, dont la destination est stipulée en ces termes: « Sandwicherie, saladerie, vente de boisson chaude ou froide, de produits de viennoiserie et pâtisserie, à consommer sur place, à emporter ou à livrer, et plus généralement tous types de restauration de type « rapide » dans la limite définie par le code APE5610C, à l’exclusion donc de la restauration sédentaire de type traditionnel dont le bailleur se réserve de favoriser l’implantation dans d’autres cellules du même immeuble’».
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la cour estime que l’activité de restauration rapide ne répond pas aux mêmes critères qu’une activité de restauration traditionnelle, de sorte que la restauration offerte par la société MY FABULOUS lors de son entrée dans les lieux en novembre 2014 était différente de celle proposée par la société ZASH. Ceci est d’autant plus incontestable que, d’une part, le bail signé le 1er septembre 2013 par la société ZASH exclut «’la restauration sédentaire de type traditionnel’», et d’autre part, la clause de non-concurrence insérée au bail de la société MY FABULOUS a pour vocation d’empêcher l’installation d’une activité de restauration traditionnelle et non une activité de restauration rapide qui par définition n’est pas sédentaire.
Le point départ de la prescription de l’action de la société MY FABULOUS ne peut donc pas être fixée à la date de la signature du bail du 28 novembre 2014.
La société MY FABULOUS indique que c’est le changement d’activité de la société ZASH, à partir du 1er septembre 2017, avec la création d’une activité de restauration chaude, de cuisson et de vente de kebabs, de frites et d’assiettes chaudes, qui a entraîné une violation de la clause du bail qu’elle invoque.
Il résulte de la copie du protocole transactionnel signé entre [Localité 2] HABITAT et la société ZASH du 9 décembre 2016 que [Localité 2] HABITAT a validé la réalisation de travaux transformant les locaux exploités par la société ZASH, à l’issue de la tenue du bureau du conseil d’administration du 7 octobre 2016. En effet, il ressort de ces documents que [Localité 2] HABITAT a notamment pris en charge les travaux d’installation de «’gaines, insufflation de la hotte de cuisine et système anti-incendie’», pour un montant 15.648,66 euros, outre la maîtrise de l’ouvrage.
Ainsi, à hauteur de cour, grâce aux pièce produites dans le cadre de la procédure d’incident, la société MY FABULOUS démontre la transformation de l’activité de la société ZASH, laquelle s’est matérialisée par des travaux de construction d’un tuyau d’évacuation des fumées et des odeurs. Le point de départ de la prescription doit donc être décalé a minima, au 9 décembre 2016, de sorte que l’assignation de la société MY FABULOUS ayant été délivrée à l’intimée le 13 décembre 2019, il y a lieu de constater que la société MY FABULOUS est recevable en son action.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré de ce chef.
*Sur la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur la violation de la clause de non-concurrence
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait.
L’article 1104 du même code énonce que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
La clause de non concurrence précitée insérée au bail de la société MY FABULOUS interdit à [Localité 2] HABITAT de faire exploiter dans le même immeuble un commerce susceptible de faire concurrence à cette dernière.
La société MY FABULOUS démontre que la société [Localité 2] HABITAT a assuré la maîtrise d’ouvrage directe de la transformation du local exploité par la société ZASH. En effet, dans le protocole d’accord transactionnel signé entre [Localité 2] HABITAT et la société ZASH le 9 décembre 2016, il est mentionné que «’En août 2016, la SARL ZASH a soumis à [Localité 2] HABITAT un projet d’aménagement de son activité commerciale ainsi qu’une transformation du local (annexe1)’».
Il est notamment stipulé que « [Localité 2] HABITAT accepte de financer les travaux réalisés par la SARL ZASH afin de diversifier son offre commerciale’; et tels que ces travaux sont décrits et évalués par la SARL ZASH dans le cadre du document comportant descriptif des travaux et évaluation des coûts (…)’».
Ces éléments caractérisent la violation par [Localité 2] HABITAT de la clause contractuelle de non-concurrence insérée au bail de la société MY FABULOUS daté du 28 novembre 2014, de nature à engager la responsabilité de [Localité 2] HABITAT en sa qualité de bailleur.
Au soutien de sa demande en paiement, la société MY FABULOUS prouve qu’à partir de la transformation du local exploité par la société ZASH à l’issue des travaux ayant permis de la restauration chaude de cuisson sous l’enseigne «’Campus Grill’», cet établissement a offert une restauration chaude concurrençant celle proposée par la société MY FABULOUS. A ce titre, la société MY FABULOUS produit un constat d’huissier établi par Maître [T], le 1er juillet 2019, aux termes duquel il est prouvé que la société ZASH a adopté une carte offrant des produits de même type que ceux proposés par la société MY FABULOUS. L’huissier a notamment constaté que les photographies de «’la salade Caesar’» utilisées par la société MY FABULOUS depuis 2016 sont reproduites à l’identique par la SARL ZASH sur sa page Facebook avec le logo «’Campus Grill’», ce qui prête à confusion sur la distinction entre les deux commerces de restauration à l’égard des consommateurs.
[Localité 2] HABITAT communique deux avis négatifs sur la qualité de la restauration et du service offert par la SARL MY FABULOUS, publiés sur les réseaux sociaux en septembre et novembre 2018. Ces commentaires négatifs sont postérieurs à la communication de My Fabulous sur son propre site internet le 23 août 2016, vantant son classement sur le podium du meilleur burger à [Localité 2].
La société MY FABULOUS produit les bilans et comptes de résultat 2016, 2017 et 2018 ainsi qu’un rapport d’évaluation de son préjudice financier rédigé par Monsieur [W] [V], expert comptable et commissaire aux comptes, daté du 8 novembre 2019, aux termes duquel ce professionnel évalue le préjudice financier à la somme globale de 310.320 euros pour la période de septembre 2017 à juin 2019 se décomposant comme suit’:
– 129.619 euros au titre de la perte d’exploitation (perte de marge brute)
– 176.351 euros au titre de la perte de valeur du fonds de commerce,
– 4.350 euros au titre des amendes et intérêts de retard de l’administration fiscale et de l’Urssaf.
Ce technicien a pris en considération comme base de référence douze mois de septembre 2016 à septembre 2017 et a étudié en comparaison le chiffre d’affaires de septembre 2017 (après installation du concurrent) à juin 2019 (mois de fermeture de la pizzeria et de cession du droit au bail).
Il résulte de ces pièces que le chiffre d’affaires mensuel moyen avant l’installation du concurrent était de 34.985 euros et est passé à 26.320 euros, soit une perte de marge brute de 8.664 euros mensuelle, à laquelle un taux de marge de 68% a été appliqué (ce qui permet d’évaluer la perte de chiffre d’affaires en lien avec la zone de chalandise), ce qui porte à 129.619 euros la perte de marge d’exploitation.
S’agissant de la perte de la valeur du fonds de commerce, le taux moyen de 59% du chiffre d’affaires hors taxes (source du Bodacc) a été appliqué par le technicien pour retenir la somme de 176.351 euros (déduction faite de la somme de 85.000 euros correspondant au prix de vente du droit au bail).
Il est indéniable que la perte d’exploitation subie sur la période concernée a engendré des difficultés de trésorerie et donc des majorations, pénalités et intérêts de retard.
Au vu de ces éléments, la cour estime que le préjudice financier subi par la SARL MY FABULOUS s’analyse en la perte de chance de ne pas avoir pu maintenir et/ou augmenter sa marge d’exploitation, céder son fonds de commerce à un meilleur prix et avoir dû faire face à des pénalités et intérêts de retard, qu’il convient de fixer à 25% compte tenu de la nature de l’activité, de la durée pendant laquelle elle a été exercée et de sa localisation.
Dans ces conditions, [Localité 2] HABITAT ayant par son action soutenu l’activité de la SARL ZASH, en violation de son obligation de non-concurrence, il convient de la condamner à payer à la Sarl MY FABULOUS la somme de 77.580 euros.
*Sur les autres demandes
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, [Localité 2] HABITAT succombant, elle sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.
Les circonstances de l’espèce commandent de condamner [Localité 2] HABITAT à payer 4.000 euros à la société MY FABULOUS à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de rejeter la demande en paiement sur ce même fondement de [Localité 2] HABITAT.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims, en toutes ses dispositions. Et statuant à nouveau, Déclare la société MY FABULOUS recevable en son action en responsabilité formée à l’encontre de [Localité 2] HABITAT. Condamne [Localité 2] HABITAT à payer à la SARL MY FABULOUS les sommes de’: – 77.580 euros au titre du préjudice financier subi en raison de la violation de la clause contractuelle d’exclusivité d’exploitation – 4.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles. La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement. Condamne [Localité 2] HABITAT aux dépens de première instance et d’appel. La greffière La présidente