Contrat de sous traitance en matière de transport routier
Au terme de l’article 12.3 du contrat-type applicable au contrat de sous traitance en matière de transport routier, dans sa version applicable en octobre 2017, date de début des relations contractuelles entre les parties : ‘Pendant la période de préavis, les parties s’engagent à maintenir l’économie du contrat.’
Perte de la marge brute
Ce préjudice consiste donc en la perte de la marge brute qu’il aurait pu réaliser en poursuivant ses relations contractuelles avec son cocontractant, pendant la durée du préavis non respecté. (Cf pour exemples Com., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.228 et 26 octobre 2022 pourvoi n° 21-12848)
Ce préjudice peut aussi se calculer, en indemnisant le chiffre d’affaires perdu sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la perte sans préavis de ce chiffre d’affaires. Il en va ainsi par exemple des frais d’essence et frais de péage qui auraient été exposés pendant trois mois si le préavis avait été respecté et qui ne l’ont pas été du fait de la rupture du contrat sans préavis. A l’inverse, les coûts non variables que le sous-traitant a mis en place pour répondre à la demande de l’opérateur de transport (par exemple, embauche d’un salarié, location d’un camion, assurance du camion…) ont été exposés en pure perte puisque le sous traitant a dû les régler pendant trois mois sans percevoir le chiffre d’affaires qui aurait permis de les compenser et en outre de dégager une marge.
Rupture de l’activité sans préavis
L’indemnisation de la perte que le sous-traitant a fait revient donc à l’indemniser des coûts qu’il a exposés pour faire face à la ligne de transport commandée et dont il n’a pu faire l’économie pendant trois mois du fait de la rupture de l’activité sans préavis.
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 19/01/2023
la SELARL CELCE-VILAIN
la SELARL ACTE – AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 19 JANVIER 2023
N° : 3 – 23
N° RG 20/01774
N° Portalis DBVN-V-B7E-GGOS
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 09 Juillet 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2552 2266 0742
la S.A.S. BRELET TRANSPORT
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me François OILLIC, membre de la SELARL OILLIC AUDRAIN ASSOCIES, avocat au barreau de Nantes
D’UNE PART
INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2523 1986 8230
la S.A.R.L. DG EUROPE EXPRESS
Représentée par son gérant
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Gaëtane MOULET, membre de la SELARL ACTE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 17 Septembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 Décembre 2021
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 24 NOVEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 19 JANVIER 2023.
Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en remplacement de Madame Carole CAILLARD, Présidente de Chambre empêchée, assistée de Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier, a rendu l’arrêt par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Brelet transport qui exploite un fonds de commerce de transport routier de marchandises a sous-traité à la SARL DG Europe Express qui exerce une activité de transport routier de frets interurbains, à compter du 23 octobre 2017, une ligne de transport de nuit entre [Localité 4] et la région parisienne pour le compte de l’un de ses clients, la société Amazon.
Se prévalant de ce que son client Amazon l’a informée le 6 novembre 2018 de l’arrêt immédiat de la prestation ainsi sous-traitée à la SARL DG Europe Express, sans préavis, la société Brelet transport a informé cette dernière de l’arrêt de la ligne. Le dernier transport a eu lieu le 5 novembre 2018.
La société DG Europe Express a ensuite adressé à la société Brelet transport quatre factures pour un montant de 23 730,24 euros TTC au titre du préjudice subi du fait de la brusque rupture de la relation commerciale.
Par acte du 18 octobre 2019, la société DG Europe Express a fait assigner la société Brelet transport devant le tribunal de commerce d’Orléans afin d’obtenir la condamnation de cette dernière à lui régler des dommages et intérêts à hauteur de 22.680€ au titre du préavis légal de trois mois, outre la somme de 1050,84€ au titre d’une facture du 5 novembre 2018, la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1231-1 du Code civil et une somme de 4000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Brelet transport a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce au cas où la SARL DG Europe Express fonderait son action sur l’article L442-1 II du Code de commerce et à défaut, a conclu au débouté de toutes les demandes, en précisant que la somme de 1050,84€ avait été réglée, outre une demande d’indemnité à hauteur de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal de commerce d’Orléans a statué comme suit :
Se déclare compétent pour juger du présent litige,
Constate que la facture du 30 novembre 2018 d’un montant de 1050,84€ a été réglée,
Condamne la société Brelet transport à payer à la SARL DG Europe Express :
* les factures n° 0002321 et 0002343, soit la somme de 14.370,84€ TTC en dommages et intérêts au titre de l’absence de préavis,
* la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en raison de la résistance abusive,
* la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Brelet transport aux entiers dépens.
La SAS Brelet transport a relevé appel du jugement par déclaration du 17 septembre 2020 en intimant la société DG Europe Express et en joignant à la déclaration d’appel un document dans lequel sont critiqués tous les chefs du jugement sauf ceux par lequel le tribunal s’est déclaré compétent pour juger du présent litige et a constaté que la facture du 30 novembre 2018 d’un montant de 1050,84€ avait été réglée.
La société DG Europe Express a également relevé appel du jugement par déclaration du 5 octobre 2020 en critiquant le jugement uniquement en ce qu’il a condamné la société Brelet transport à lui payer les factures n° 0002321 et 0002343, soit la somme de 14.370,84€ TTC en dommages et intérêts au titre de l’absence de préavis. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro 20/1936.
Par ordonnance d’incident en date du 1er avril 2021, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de l’appel régularisé par la société DG Europe Express enrôlé sous le numéro RG 20-01936, en l’absence de dépôt de conclusions dans le délai de trois mois prévu par l’article 908 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 19 décembre 2021, la société Brelet transport demande à la cour de :
Vu le jugement du Tribunal de Commerce d’Orléans n°2019005320 du 9 juillet 2020,
Vu la déclaration d’appel n°20/01383 de la SAS Brelet transport,
Vu l’article L. 1432-4 du code des transports,
Vu l’article 12.2 du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants,
Vu les articles 1231 à 1231-6 et 1240 du code civil,
Vu les pièces du dossier,
Vu la jurisprudence,
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
Déclarer l’appel de SAS Brelet transport recevable et bien fondé ;
Déclarer que le jugement du Tribunal de commerce d’Orléans n°2019005320 du 9 juillet 2020 est erroné en fait et en droit, sauf en ce qui concerne le paiement de la facture n°0002321 du 30 novembre 2018 à hauteur de 1050,84 euros TTC,
Déclarer que la SARL DG Europe Express ne justifie ni du principe ni du quantum du préjudice qu’elle allègue ;
En conséquence,
Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce d’Orléans n°2019005320 du 9 juillet 2020 en ce qu’il a condamné la SAS Brelet transport à payer à la SARL DG Europe Express la somme de 14 370,84 euros au titre de l’absence d’un préavis de rupture, 1000 euros au titre d’une prétendue résistance abusive et 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouter la SARL DG Europe Express de ses demandes ;
Condamner la SARL DG Europe Express à payer à la SAS Brelet transport la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel, recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
En tout état de cause, Débouter la SARL DG Europe Express de sa demande de condamnation de la SAS Brelet transport à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qui concerne la présente procédure d’appel, au vu des justificatifs de la SAS Brelet transport de recherche d’un accord amiable.
Par dernières conclusions du 17 décembre 2021, la société DG Europe Express demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et suivants du Code civil
Vu l’article L1432-4 du Code des transports,
Vu le contrat-type,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Déclarer la société Brelet transport mal fondée en son appel.
En conséquence, l’en débouter.
Déclarer la société DG Europe Express recevable et bien fondée en son appel.
En conséquence,
Déclarer que la société Brelet transport a procédé à une brusque rupture de la ligne
quotidienne de transport de nuit existant entre les parties depuis 2017.
Condamner la société Brelet transport à régler à la société DG Europe Express la somme de 22.680 € TTC au titre de l’indemnisation du préavis de trois mois.
Condamner la société Brelet transport à régler à la société DG Europe Express la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1231-1 du code civil en indemnisation de sa résistance abusive.
Condamner la société Brelet transport à régler à la société DG Europe Express la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la société Brelet transport aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Acte avocats associés.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 décembre 2021.
Par message du 1er février 2022 envoyé aux parties par voie électronique et à l’audience, le président de la chambre commerciale a soulevé d’office l’éventuelle absence d’effet dévolutif opérée par la déclaration d’appel, sauf justification d’un empêchement technique nécessitant le recours à une annexe (cf l’arrêt de la Cour de cassation, publié au bulletin, Civ 2 du 13 janvier 2022, pourvoi n°20-17516), ainsi que le fait que dans ses conclusions, l’intimée ne sollicitait pas l’infirmation partielle du jugement en ce qu’il lui avait alloué la somme de 14.370,84€ TTC à titre de dommages et intérêts en principal et celle de 1000€ de dommages et intérêts pour résistance abusive alors qu’elle demandait des sommes supérieures.
La société Brelet a formé des observations par notes en délibéré du 14 février 2022 et du 27 avril 2022
Par arrêt avant dire droit du 2 juin 2022, la cour de céans a :
– ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s’expliquer sur les nouvelles dispositions du code de procédure civile (article 901) modifiées par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et des articles 3 et 4 de l’arrêté technique du 20’mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, issues de l’arrêté du 25’février 2022 et sur leur application au présent litige ;
– dit que l’affaire sera à nouveau examinée sur ce seul point à l’audience du jeudi 23 juin 2022 à 14 h00, les parties étant invitées à former leurs observations au plus tard le mardi 21 juin 2022,
– réservé les dépens.
Par message transmis par voie électronique le 14 juin 2022, la société DG europe express a relevé que l’article 3 de l’arrêté du 25 février 2022 dispose que celui-ci entre en vigueur à compter du 27 février 2022 et est applicable aux instances en cours, de sorte qu’il est applicable à toute procédure n’ayant pas donné lieu à un arrêt mettant fin à l’appel.
Par arrêt du 6 octobre 2022, la cour a statué ainsi :
– dit que la cour est régulièrement saisie de l’appel formé par la société Brelet Transport ;
– dit que la société DG Europe Express a subi un préjudice du fait de la résiliation du
contrat par la société Brelet Transport sans respect d’un préavis de trois mois ;
Avant dire droit sur le montant du préjudice indemnisable,
– ordonné la réouverture des débats afin de permettre à la société DG Europe express de justifier de la marge brute ou du taux de marge brute réalisé avec la société Brelet transport avant la résiliation du contrat au 7 novembre 2018, et/ou de produire tous éléments permettant de la calculer et autorise les parties parties à former leurs observations et pièces sur ce seul point ;
– dit que l’affaire sera à nouveau examinée sur cette seule question à l’audience du jeudi 24 novembre 2022 à 14 heures ;
– réservé les dépens.
Par conclusions sur réouverture des débats du 9 novembre 2022 (avis de réception adressé par la cour le 9 novembre 2022 à 18h31), la société Brelet demande à la cour de :
Vu l’arrêt de la cour du 6 octobre 2022,
Vu l’article 12.2 du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants,
Vu les articles 1231 à 1231-6 et 1240 du code civil,
Vu les pièces du dossier et la jurisprudence,
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
Dire que la société DG Europe Express ne justifie pas de la marge nette réalisée avec la société Brelet transport avant la résiliation du contrat et ne produit aucun élément permettant de la calculer,
En conséquence,
Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce d’Orléans n°2019005320 du 9 juillet 2020 en ce qu’il a condamné la SAS Brelet transport à payer à la SARL DG Europe Express la somme de 14 370,84 euros au titre de l’absence d’un préavis de rupture, 1000 euros au titre d’une prétendue résistance abusive et 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouter la SARL DG Europe Express de ses demandes ;
Condamner la SARL DG Europe Express à payer à la SAS Brelet transport la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel, recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
En tout état de cause, Débouter la SARL DG Europe Express de sa demande de condamnation de la SAS Brelet transport à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qui concerne la présente procédure d’appel, au vu des justificatifs de la SAS Brelet transport de recherche d’un accord amiable.
Elle fait valoir que la société DG a accepté la ligne de transport de nuit affrétée par la société Amazon qu’elle lui a sous-traitée car elle lui permettait d’affecter à cette prestation l’un de ses tracteurs qui était utilisé uniquement en journée, ce qui n’a pas été démenti par la société DG, et que c’est donc de mauvaise foi que la société DG prétend qu’elle s’était ‘équipée en parc pour exécuter cette ligne’, que d’ailleurs elle ne prouve pas avoir acquis un tracteur, la remorque ayant été mise à disposition par la société Brelet, spécifiquement pour exécuter cette prestation. Elle ajoute que la société DG a indiqué avoir gardé le personnel affecté dans ses effectifs, ce qui signifie qu’elle l’a affecté à une autre ligne et que les salaires et charges sociales afférents ont
été absorbées et n’ont pas constitué un préjudice.
Elle soutient encore que la somme de 22.680€ sollicitée ne peut être la marge nette perdue, ce qui correspondrait à un taux de marge nette de 71,42% alors qu’il était de 3,12 % pour l’ensemble des entreprises de transports de marchandises en 2017, étant ajouté que des ‘frais fixes’ ne sont pas équivalents à une marge nette et qu’en outre, l’indemnisation d’un préjudice n’est pas soumise à la TVA. Elle souligne que la société DG ne justifie par aucune pièce des charges qu’elle invoque (salaires et charges sociales, frais d’entretien et d’assurance du tracteur, maintenance…) et que leur charge n’est pas directement liée à l’absence de préavis puisque leur charge n’est pas directement liée à l’absence de préavis.
Par conclusions sur réouverture des débats du 9 novembre 2022, la société DG Europe expresse demande à la cour de condamner la société Brelet transport à lui régler la somme de 22.680 € TTC au titre de l’indemnisation du préavis de trois mois.
Elle fait valoir qu’en vertu de l’article 12-3 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, dont la cour a retenu l’application, la société DG doit recevoir en indemnisation ce qu’elle aurait touchée de la société Brelet si celle-ci avait respecté le délai de préavis de 3 mois, ses charges fixes n’ayant pas pu, compte tenu de la brutalité de la rupture, être diminuées, et que la somme de 22.680 € TTC qu’elle réclame au titre du délai de préavis de trois mois dont elle aurait dû bénéficier ne correspond pas à la prestation journalière de 420€ HT/jour mais seulement aux frais fixes journaliers de 300€ HT/jour.
Elle ajoute que son expert comptable confirme que la somme correspondant à 3 mois de marge brute mensuelle ne couvre pas la perte subie puisqu’elle n’intègre pas les 300 €/jour de charges fixes qu’elle détaille dans ses conclusions (salarié, véhicule, quote part des frais de structure, maintenance, infrastructure), que le chiffre d’affaires de 420€ HT/jour permet de régler les charges fixes et les charges variables, ce qui constitue ensuite la marge brute et que celle-ci ne permet donc pas d’indemniser des charges fixes qui n’ont pas pu être réduites le temps d’un préavis, compte tenu de la rupture brutale.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Dans son arrêt du 6 octobre 2022, la cour a retenu que la société DG avait subi un préjudice du fait de la résiliation du contrat par la société Brelet sans respect d’un préavis de trois mois et a réouvert les débats afin de permettre à la société DG de justifier de la marge brute ou du taux de marge brute réalisé avec la société Brelet avant la résiliation du contrat au 7 novembre 2018, et/ou de produire tous éléments permettant de la calculer.
Au terme de l’article 12.3 du contrat-type applicable au contrat de sous traitance en matière de transport routier, dans sa version applicable en octobre 2017, date de début des relations contractuelles entre les parties :
‘Pendant la période de préavis, les parties s’engagent à maintenir l’économie du contrat.’
Le préjudice consécutif à la rupture sans préavis n’est pas égal au chiffre d’affaires que le sous-traitant réalisait avant la rupture du contrat mais est constitué de la perte que le sous-traitant a fait ou du gain dont il a été privé pendant la période d’absence du préavis c’est à dire ici trois mois.
Ce préjudice consiste donc en la perte de la marge brute qu’il aurait pu réaliser en poursuivant ses relations contractuelles avec son cocontractant, pendant la durée du préavis non respecté. (Cf pour exemples Com., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.228 et 26 octobre 2022 pourvoi n° 21-12848)
Ce préjudice peut aussi se calculer, ainsi que l’indique l’appelante en page 10 de ses conclusions récapitulatives, en indemnisant le chiffre d’affaires perdu sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la perte sans préavis de ce chiffre d’affaires. Il en va ainsi par exemple des frais d’essence et frais de péage qui auraient été exposés pendant trois mois si le préavis avait été respecté et qui ne l’ont pas été du fait de la rupture du contrat sans préavis. A l’inverse, les coûts non variables que le sous-traitant a mis en place pour répondre à la demande de l’opérateur de transport (par exemple, embauche d’un salarié, location d’un camion, assurance du camion…) ont été exposés en pure perte puisque le sous traitant a dû les régler pendant trois mois sans percevoir le chiffre d’affaires qui aurait permis de les compenser et en outre de dégager une marge.
L’indemnisation de la perte que le sous-traitant a fait revient donc à l’indemniser des coûts qu’il a exposés pour faire face à la ligne de transport commandée et dont il n’a pu faire l’économie pendant trois mois du fait de la rupture de l’activité sans préavis.
C’est en ce sens que la société DG demande de calculer son préjudice en sollicitant dans ses factures, le remboursement des ‘frais fixes’, qu’il a expliqués dans son courrier du 1er mars 2019 (sa pièce 3) être ‘les charges humaines et matérielles, inhérentes à la traction’. La cour avait relevé dans son arrêt du 6 octobre 2022 qu’elle ne produisait pas le courriel du 18 décembre 2018 mentionné dans son courrier et détaillant ces charges. Elle détaille toutefois dans ses conclusions sur réouverture ces charges comme suit :
– salarié : 158€ par jour
– véhicule (financement, frais d’entretien et assurance) : 58,96€
– quote-part des frais de structure : 39,90€
– maintenance : 37,54€,
– infrastructure hors péage : 3,50 € ,
soit un total de 297,90€.
Ainsi que l’indique l’appelante, la société DG ne justifie par aucune pièce comptable des charges ainsi évoquées. Il ressort toutefois des échanges de courriels entre les parties courant octobre 2017 à l’occasion de la mise en place de la ligne de transport que cette ligne a nécessité un conducteur de nuit (‘nous avons le conducteur mais il ne sera opérationnel que vers le 23 octobre (attente de délivrance de sa carte). Le
fait que la société DG l’ait gardé dans ses effectifs nonobstant la rupture du contrat relève d’une organisation interne propre à la société DG mais ne signifie pas qu’elle n’a subi aucun préjudice. En outre, le comptable de la société DG a attesté en pièce 5 l’authenticité des factures.
En revanche, la société DG ne justifie pas ‘s’être équipée en parc’ c’est à dire avoir acquis ou loué un tracteur pour exécuter la ligne de transport, alors que la société Brelet a expressément soulevé le fait que la ligne permettait à la société DG d’utiliser le tracteur qu’elle avait déjà et était utilisé uniquement en journée. La société DG n’a d’ailleurs pas contesté ce point dans son courrier en réponse (sa pièce 3) puisqu’elle indique ‘quant à l’optimisation de notre moyen matériel, je vous laisserai sur votre interprétation, ce détail ne venant pas modifier l’appréciation du préavis de rupture de ce contrat’.
En conséquence, en l’absence de justificatif de l’existence d’un préjudice au titre d’un équipement en véhicule, ce poste de 58,96€ ne sera pas pris en compte. Les postes ‘quote-part des frais de structure’, ‘maintenance’ et ‘infrastructure hors péage’ ne sont non plus justifiés par aucune pièce, ni dans leur principe ni dans leur quantum.
Dès lors, la perte que le sous-traitant a fait, en raison de la rupture de la ligne sans respect d’un délai de préavis de trois mois revient à indemniser le coût en personnel que la société DG a mis en place pour faire face à la ligne commandée par la société Brelet et qu’elle a continué à assumer pendant trois mois sans percevoir le chiffre d’affaires correspondant, soit la somme de 9954€ (158€ par jour pendant 63 jours, nombre de jours retenus dans les factures émises par la société DG).
La société Brelet doit être condamnée à payer à la société DG la somme de 9954€ et la société DG déboutée du surplus de sa demande au titre de la réparation de son préjudice.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
La société DG demande en application de l’article 1231-1 du Code civil, une somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts en raison de la ‘résistance abusive’ de la société Brelet depuis sa demande d’indemnisation et de sa ‘particulière mauvaise foi’.
L’indemnisation du préjudice liée à l’absence de délai de préavis a pourtant d’ores et déjà été octroyée à hauteur de la somme de 9954€au vu des éléments dont la cour disposait et la société DG n’explicite pas ni a fortiori ne démontre le préjudice supplémentaire qu’elle prétend avoir subi.
La demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera dès lors rejetée, par infirmation du jugement sur ce chef.
Sur les autres demandes
Même s’il n’est pas fait droit à la demande de la société DG en sa totalité, son action était fondée en son principe. Par suite, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la société Brelet, outre le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Acte avocats associés qui en fait la demande expresse et le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Brelet à régler à la société DG la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, au regard des circonstances du litige, l’équité ne commande pas de faire application devant la cour des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et les demandes formées en appel sur ce fondement seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Vu l’arrêt de la cour de céans du 6 octobre 2022 ;
– Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles;
– Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
– Condamne la société Brelet transport à payer à la société DG Europe express la somme de 9954€ au titre de l’indemnisation du préjudice subi du fait du non respect du préavis de trois mois,
– Rejette le surplus de la demande formée par la société Brelet transport au titre du non respect du préavis et sa demande à hauteur de 2000€ au titre de la résistance abusive ;
– Rejette les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la société Brelet transport aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Fanny CHENOT, Conseiller à la chambre commerciale de la Cour d’Appel d’ORLEANS, pour le président de chambre empêché et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER P/ LE PRÉSIDENT EMPECHE