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En effet, les ventes en ligne de maillots de football destinés à des particuliers résidant dans un pays membre de l’Union Européenne (France, Espagne, Italie, Grande Bretagne, Allemagne) n’avaient pas été assujetties à la TVA française.
Aux termes de ses premières explications, M. [K] considérait que son client était la société Amazon et qu’il était dispensé du paiement de la TVA en raison du caractère intra-communautaire des ventes réalisées. Les services fiscaux relevaient quant à eux que les ventes transitaient par des plateformes, dont Amazon, mais étaient réalisées au profit de particuliers, de sorte qu’elles auraient du être soumises à la TVA française.
En droit, la responsabilité des experts’comptables est une responsabilité contractuelle s’appréciant tant au regard de la lettre de mission qui lie les parties que par référence au comportement d’un professionnel normalement compétent et diligent. S’agissant d’une responsabilité relevant d’une obligation de moyen, le demandeur doit caractériser l’existence d’une faute, des préjudices allégués et du lien de causalité entre les deux.
Par ailleurs, la profession d’expert-comptable est soumise à des règles professionnelles relevant à la fois du corpus déontologique imposant de remplir les missions conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables et du régime de responsabilité contractuelle de droit commun susceptible d’être mobilisé en raison de manquements dans l’exercice des fonctions.
L’article 7 du décret n° 97-586 du 30 mai 1997 impose au conseil supérieur national de l’ordre des experts-comptables d’établir un code de déontologie et d’en faire respecter les prescriptions en prenant toutes les mesures nécessaires à cet effet.
En application de ces dispositions, l’article 155 du code de déontologie, dans sa version issue du décret du 30 mars 2012, a prévu que dans la mise en ‘uvre de leur mission, les experts-comptables sont tenus vis-à-vis de leur client à un devoir d’information et de conseil qu’ils remplissent dans le respect des textes en vigueur.
Ainsi, l’expert-comptable, qui ne peut s’exonérer de son obligation, manque à son devoir de conseil lorsqu’il n’a pas su rappeler l’obligation d’assujettissement à régime de taxation auquel était soumis son client alors qu’il aurait dû effectuer les rapprochements utiles à caractériser l’activité de celui-ci.
L’expert-comptable doit donc mettre en ‘uvre les moyens suffisants pour vérifier les règles de TVA auxquelles son client est soumis.
S’il est chargé d’une mission d’établissement des comptes annuels, il doit vérifier, au minimum par sondages, que les mentions relatives à la TVA récupérable figurant au bilan ont donné lieu aux déclarations correspondantes de sorte à assurer la cohérence, la vraisemblance et la sincérité des comptes annuels. L’expert-comptable doit, en conséquence de ces vérifications, alerter son client sur les anomalies qu’il détecte et sur les actes à accomplir afin de se mettre en conformité avec ses obligations déclaratives.
Il lui incombe de procéder, certes sans immixtion dans la gestion, à des investigations plus poussées dans les comptes internes lorsqu’il soupçonne quelque anomalie et il doit savoir renoncer à sa mission plutôt que d’établir sciemment une comptabilité incomplète ou erronée lorsqu’il se heurte à un refus de communication de pièces de son client et si les irrégularités persistent en dépit de ses mises en garde.
Enfin, le devoir de conseil s’impose à l’expert-comptable quelles que soient les compétences personnelles du client, sauf la faute personnelle de ce dernier laquelle est de nature à atténuer, sans la supprimer, celle du professionnel du chiffre. L’obligation d’information et le devoir de conseil ont en effet pour corollaire nécessaire le devoir de coopération du client qui, de son côté, s’oblige à fournir, sans obstruction, les informations, documents et éléments permettant à l’expert-comptable d’accomplir sa mission.
En l’espèce, le tribunal de commerce a retenu dans son jugement du 23 mars 2021 que le cabinet LP Conseil avait reconnu avoir commis une erreur en considérant que les ventes effectuées par M. [K] relevaient du régime des livraisons intracommunautaires non-soumises à TVA française.
Toutefois, le défaut de coopération du client étant caractérisé. Néanmoins, le cabinet LP Conseil se devait, en présence d’un client rétif, d’exiger par un écrit circonstancié les factures et relevés de compte manquants et d’alerter sur les risques fiscaux encourus au regard des défaillances dans la production de ces informations, ce qu’il ne justifie pas avoir fait.
1ère Chambre
ARRÊT N°14/2023
N° RG 21/02336 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RRIS
M. [T] [F] [E] [K]
C/
S.A.R.L. LP CONSEIL
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 Mai 2022
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 17 janvier 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 27 septembre 2022 à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [T] [F] [E] [K] exerçant sous l’enseigne [K] TORAL, inscrit au RCS de Rennes sous le n° 442 659 371 et dont le siège social est
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, avocate au barreau de RENNES
INTIMÉES :
La société LP CONSEIL, SARL inscrite au RCS de Rennes sous le numéro 479 393 803 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne BOIVIN-GOSSELIN, avocate au barreau de RENNES
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, Société d’Assurances Mutuelles immatriculée au RCS du Mans sous le numéro 775 652 126 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Anne BOIVIN-GOSSELIN, avocate au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [T] [K] s’est immatriculé le 8 juillet 2002 sous le nom commercial de “[K] Toral” pour l’exercice à titre individuel d’une activité d’achat-revente de véhicules qu’il effectuait au moyen de petites annonces dans la presse. À compter du 12 septembre 2007, il a adjoint une activité de vente de vêtements par Internet. Son lieu d’exploitation professionnel était établi au [Adresse 2] à [Localité 10], qui constituait par ailleurs son domicile personnel. Il avait pour comptable M. [C], domicilié [Adresse 4] à [Localité 9] (35).
En 2009, il faisait l’objet d’un redressement fiscal portant sur le paiement de la TVA pour les années 2006, 2007 et 2008.
En 2013, il réorientait son activité pour vendre exclusivement des maillots de football neufs sur internet en France, en Europe et hors l’Union Européenne. Il était jusqu’au mois de juillet 2018 immatriculé sous le seul code activité 4511Z correspondant au commerce de voitures et de véhicules légers mais, en juillet 2018, à la faveur du second contrôle fiscal, il s’immatriculait en qualité de commerce de détail et d’habillement en magasin spécialisé (4771Z) bien que son activité demeurait néanmoins exercée exclusivement sur internet et qu’il ne disposait d’aucun magasin ou lieu de vente.
Les ventes de maillots étaient réalisées par le biais des “marketplaces” tels que Amazon, Ebay, Price Minister, Destock Affaires, Go-Sport ou encore C-Discount au profit de clients particuliers situés en France, dans l’Union Européenne ou hors de l’Union Européenne.
En décembre 2014, en raison de soucis de santé, son comptable M. [C] transmettait son portefeuille de clientèle au cabinet LP Conseil représenté par M. [W] [P], lequel établissait les attestations de présentation des comptes annuels de M. [K] pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017.
Par lettres de mission du 20 avril 2015, renouvelée le 10 mars 2016 puis le 16 février 2017, M. [K] confiait au cabinet LP Conseil la mission comptable de tenir la comptabilité à partir des pièces comptables classées par les soins du client, d’établir la déclaration de TVA, d’éditer les documents comptables obligatoires (journaux, grand-livre, balance, journal centralisateur), de présenter les comptes annuels (révision des comptes, établissements des comptes annuels au 31 décembre, établissement de la déclaration fiscale de l’exercice, télédéclarations et télépaiements des impôts et taxes, compte-rendu de travaux et présentation commentée des comptes de l’exercice, assistance courante en matière comptable et fiscale).
Une demande de remboursement de TVA d’un montant de 15.000 € était transmise le 17 octobre 2017 par le cabinet LP Conseil au centre des finances publiques de [Localité 11] qui réclamait, le 30 janvier 2018, le relevé des opérations ayant ouvert le droit à déduction de la TVA et la copie des principales factures concernées ainsi que des précisions sur la nature exacte de l’activité commerciale, les pays destinataires des ventes à l’export et en intra-communautaire. Le cabinet LP Conseil faisait suivre le 5 février 2018 les éléments sollicités.
Une vérification de comptabilité était alors conduite par l’administration fiscale du 12 juin au 11 septembre 2018 portant sur l’ensemble des déclarations fiscales effectuées entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017 et concluant à une comptabilité non probante, ni sincère. En effet, les ventes en ligne de maillots de football destinés à des particuliers résidant dans un pays membre de l’Union Européenne (France, Espagne, Italie, Grande Bretagne, Allemagne) n’avaient pas été assujetties à la TVA française.
Une proposition de rectification était établie le 18 septembre 2018 par l’administration fiscale qui détaillait les anomalies suivantes :
– absence d’inventaire de stock de marchandises au titre des exercices clos des 31/12/2015, 31/12/2016 et 31/12/2017 et non transmission au cabinet comptable,
– utilisation à des fins professionnelles (dépenses fournisseurs et encaissements de clients) sur les exercices clos les 31/12/2015, 31/12/2016 et 31/12/2017 d’un compte Crédit Agricole n° 425002800 pourtant clôturé en comptabilité au 1er avril 2015 et non transmission au cabinet comptable des écritures de ce compte,
– absence de traces en comptabilité des achats et ventes de maillots effectués par la plate-forme Ebay auprès de fournisseurs anglais et payés par Paypal, et non transmission au cabinet comptable des écritures de ce compte,
– absence de factures clients pour les ventes réalisées sur la plate-forme Amazon.
Aux termes de ses premières explications, M. [K] considérait que son client était la société Amazon et qu’il était dispensé du paiement de la TVA en raison du caractère intra-communautaire des ventes réalisées. Les services fiscaux relevaient quant à eux que les ventes transitaient par des plateformes, dont Amazon, mais étaient réalisées au profit de particuliers, de sorte qu’elles auraient du être soumises à la TVA française.
La direction générale des finances publiques de Bretagne reconstituait dès lors le chiffre d’affaires de M. [K] pour les exercices clos de 2015, 2016 et 2017 et, appliquant la pénalité de 40 % pour mauvaise foi, opérait un redressement fiscal en ces termes :
Sur l’exercice 2015 :
– 24.401 € de droits éludés,
– 2.294 € d’intérêts de retard,
– 9.760 € de majoration pour manquement délibéré du cotisant,
Sur l’exercice 2016 :
– 35.181 € de droits éludés dont 32.181 € pénalisables,
– 1.480 € d’intérêts de retard,
– 14.072 € de majoration pour manquement délibéré du cotisant,
Sur l’exercice 2017 :
– 49.503 € de droits éludés dont 42.003 € pénalisables,
– 1.480 € d’intérêts de retard,
– 756 € d’intérêts de retard,
– 19.801 € de majoration pour manquement délibéré du cotisant,
Soit un total de :
– 109.085 € de droits éludés,
– 4.530 € d’intérêts de retard,
– 43.634 € de majorations et amendes.
Parallèlement, M. [K], avec l’assistance de maître Laisné, avocat fiscaliste, négociait avec l’administration fiscale une remise des pénalités. Le 14 mai 2019, l’administration fiscale entérinait l’échelonnement du paiement des sommes à hauteur de 48.164 € de pénalités et 18.515 € de droits. Le 23 juillet 2019, l’inspecteur général des finances publiques acceptait la transaction limitant les pénalités initialement de 48.164 € à 26.347 € à la condition que M. [K] s’engage à respecter un échéancier.
Par lettre recommandée en date du 5 avril 2019, le conseil de M. [K] mettait en demeure le cabinet LP Conseil d’avoir à payer à son client les dédommagements suivants :
– 126.429 € de dommages et intérêts correspondant au redressement de TVA notifié pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017 ainsi qu’au préjudice subi sur l’année 2018 compte tenu de la perte de chance de répercuter sur les clients finaux le montant de la TVA redressée,
– 4.530 € de dommages et intérêts au titre des intérêts de retard calculés sur le rappel de TVA notifié pour les exercices 2015, 2016 et 2017,
– 43.634 € de dommages et intérêts au titre de la majoration de 40 % pour manquement délibéré,
– 6.000 € de dommages et intérêts au titre des frais engagés pour être assisté dans le cadre de la vérification de comptabilité,
– 7.260 € de dommages et intérêts correspondant au remboursement des honoraires injustement versés au cabinet d’expertise comptable pour ses prestations sur les exercices 2015, 2016 et 2017,
– 3.000 € de frais.
Par courrier du 25 avril 2019, le cabinet LP Conseil demandait un délai pour indemniser M. [K] dans l’attente du traitement de la déclaration de sinistre par sa compagnie d’assurances, les MMA Iard Assurances mutuelles. Il déclarait ledit sinistre entre les mains de son assureur qui l’enregistrait le 29 avril 2019.
Par courrier du 27 septembre 2019, il faisait finalement connaître son refus d’indemniser M. [K] au motif que celui-ci n’avait transmis que les relevés émis par les sites de vente en ligne et les relevés de compte et non les factures permettant d’identifier les clients finaux, que le paiement de l’impôt ne pouvait constituer un préjudice, que M. [K] n’ignorait rien de ses obligations au regard de la TVA pour avoir été antérieurement redressé pour le même motif.
* * *
C’est dans ces circonstances que par assignations respectives des 5 février 2020 et 10 novembre 2020, M. [K] a saisi le tribunal de commerce de Rennes afin d’engager la responsabilité contractuelle du cabinet d’expert-comptable LP Conseil et solliciter la garantie de son assureur les MMA Iard Assurances mutuelles pour être indemnisé de divers préjudices.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :
– ordonné la jonction des deux instances en responsabilité d’une part, et en garantie d’autre part,
– condamné le cabinet LP Conseil à payer à M. [K] exerçant sous l’enseigne [K] Toral la somme de 4.530 € de dommages et intérêts au titre des intérêts de retard calculés sur le rappel de TVA notifié pour les exercices 2015, 2016 et 2017,
– débouté M. [K] exerçant sous l’enseigne [K] Toral de ses demandes en paiement des sommes de :
– 109.085 € de dommages et intérêts correspondant au redressement de TVA notifié pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017 et au préjudice subi sur l’année 2018 compte tenu de la perte de chance de répercuter le montant de la TVA redressée sur ses clients finaux,
– 15.438 € au titre de dommages et intérêts pour la majoration de 40 % pour manquement délibéré,
– 6.000 € de dommages et intérêts au titre des frais engagés pour être assisté dans le cadre de la vérification de comptabilité,
– 7.260 € de dommages et intérêts correspondant au remboursement des honoraires versés au cabinet d’expertise comptable pour ses prestations pour les exercices 2015, 2016 et 2017,
– 5.000 € de dommages et intérêts,
– débouté M. [K] exerçant sous l’enseigne [K] Toral de sa demande de condamnation de la compagnie MMA Iard Assurances mutuelles à garantir la sarl LP Conseil de toute condamnation prononcée à son encontre,
– débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le cabinet LP Conseil aux dépens de l’instance,
– liquidé les frais de greffe à la somme de 94.34 € tels que prévu aux articles 695 et 700 du code de procédure civile.
M. [K] a interjeté appel par déclaration du 14 avril 2021 sauf du chef de condamnation du cabinet LP Conseil à lui payer la somme de 4.530 € au titre des intérêts de retard.
Le cabinet LP Conseil a formé un appel incident de ce chef.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [K] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1er du code de procédure civile.
Il demande à la cour de :
– réformer le jugement de première instance, sauf le chef de jugement relatif aux intérêts de retard,
– statuant à nouveau,
– dire et juger que le cabinet LP Conseil a gravement manqué à ses obligations professionnelles et contractuelles à son égard,
– dire et juger que la responsabilité du cabinet LP Conseil doit être retenue à hauteur de 100 %,
– en conséquence,
– recevoir l’intégralité de ses moyens et prétentions,
– condamner le cabinet LP Conseil à lui payer les sommes suivantes :
– 109.085 € de dommages et intérêts correspondant au redressement de TVA notifié pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017 ainsi qu’au préjudice subi sur l’année 2018 compte tenu de la perte de chance de répercuter le montant de la TVA redressée sur ses clients finaux, et à titre subsidiaire sommes ramenée à 60.000 € au titre de la perte de chance,
– 4.530 € de dommages et intérêts au titre des intérêts de retard calculés sur le rappel de TVA notifié pour les exercices 2015, 2016 et 2017 (bien qu’ayant eu gain de cause en 1ère instance et n’ayant pas formé appel contre ce chef de jugement),
– 10.908 € de dommages et intérêts au titre de la majoration,
– 27.758 € au titre des majorations d’impôt sur le revenu et cotisations sociales
– 7.260 € de dommages et intérêts correspondant au remboursement des honoraires injustement versés au cabinet d’expertise comptable pour ses prestations sur les exercices 2015, 2016 et 2017,
– 7.620 € au titre des factures d’assistante de Me Laisné, avocat fiscaliste, au titre des frais engagés pour être assisté dans le cadre de la vérification de comptabilité,
– 5.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,
– ordonner l’exécution provisoire sur l’entier jugement à intervenir,
– condamner le cabinet LP Conseil au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– en tout état de cause,
– débouter le cabinet LP Conseil de son appel incident,
– débouter le cabinet LP Conseil et MMA Iard Assurances mutuelles en toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
– condamner la compagnie MMA Iard Assurances mutuelles à garantir la société LP Conseil de toute condamnation qui pourrait intervenir à son encontre,
– condamner le même aux entiers dépens de l’instance, en ce compris ceux éventuels d’exécution.
Il soutient que le cabinet LP Conseil n’a formulé aucune observation sur la tenue de sa comptabilité alors qu’il était en possession de toutes les informations requises, n’en ayant réclamé aucune autre, qu’il n’ignorait rien de son activité ni qu’il avait des acheteurs finaux, impliquant d’appliquer la TVA française, qu’antérieurement, il effectuait lui-même les déclarations de TVA et soumettait l’ensemble de ses ventes à la TVA française, qu’en 2015, le cabinet LP Conseil a modifié unilatéralement les déclarations de TVA en appliquant à tort le régime des ventes intra-communautaires dispensées de ladite taxe, que pour les déclarations fiscales, la Cour de cassation admet une obligation de résultat enjoignant à l’expert-comptable d’agir de manière proactive, que même les manquements délibérés d’un contribuable à ses obligations n’exonèrent pas le professionnel de ses responsabilités, que le précédent redressement concernait une hypothèse différente de vente de véhicules en France et ne peut lui être opposé.
Il conclut à un manquement grave du cabinet LP Conseil à son devoir de conseil et d’information engageant son entière responsabilité et constituant une faute en lien direct et exclusif avec son préjudice, induisant son entière indemnisation.
La sarl LP Conseil et la société MMA Iard Assurances mutuelles exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 7 avril 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elles demandent à la cour de :
– à titre liminaire,
– dire et juger que les demandes indemnitaires au titre de l’impôt et des cotisations sociales d’une part, et du préjudice moral d’autre part, sont des demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d’appel,
– en conséquence de quoi,
– dire et juger irrecevables les demandes indemnitaires au titre de l’impôt et des cotisations sociales d’une part, et du préjudice moral d’autre part,
– débouter M. [K] de ses demandes indemnitaires au titre de l’impôt et des cotisations sociales et du préjudice moral,
– à titre principal,
– dire et juger que M. [K] est à l’origine de l’absence de déclaration de la TVA dans le cadre des ventes vie Amazon,
– dire et juger que M. [K] est à l’origine de l’insuffisance de déclaration de TVA au titre des ventes Ebay,
– dire et juger que M. [K] est l’auteur des fautes originelles ayant justifié le contrôle et le redressement fiscal,
– dire et juger que la sarl LP Conseil n’a commis aucune faute dans le traitement de la comptabilité 2019 et qu’aucun retard ne saurait lui être imputable,
– en conséquence de quoi,
– recevoir la sarl LP Conseil et le MMA en leur appel incident,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la sarl LP Conseil au paiement de la somme de 4.530 € de dommages et intérêts au titre des pénalités de retard,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la sarl LP Conseil et les MMA Iard de leur demande au titre des frais irrépétibles et dépens,
– confirmer le jugement dont appel pour le surplus,
– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,
– à titre subsidiaire,
– dire et juger que le paiement de l’impôt éludé ne constitue pas un préjudice indemnisable,
– dire et juger que M. [K] ne justifie pas d’une perte de chiffre d’affaires lié à l’absence de prise en compte de la TVA,
– dire et juger que le préjudice indemnisable au titre de la perte de chiffre d’affaires allégué est une perte de chance laquelle ne saurait excéder 5 % au regard de l’importance des fautes commises par M. [K] et de la faute commise par la sarl LP Conseil,
– dire et juger que le préjudice afférent aux intérêts de retard a d’ores et déjà été indemnisé par le bénéfice tiré par M. [K] de l’absence de règlement de la TVA collectée depuis 2015,
– dire et juger que la majoration de 40 % pour manquement délibéré sanctionne une faute personnelle de M. [K] et ne constitue pas un préjudice indemnisable et qu’en tout état de cause, le préjudice lié à la perte de chance ne saurait excéder 5 %,
– dire et juger que le montant de la majoration de 40 %, compte-tenu des remises intervenues a été ramenée à la somme de 10.908 €,
– dire et juger que les frais de conseil et d’assistance dans le cadre du contrôle fiscal ne présentent pas de lien de causalité direct, certain et exclusif avec la faute de la sarl LP Conseil,
– dire et juger que les honoraires réglés à la sarl LP Conseil au titre des prestations réalisées ne constituent pas un préjudice lié à une faute de cette dernière,
– dire et juger que M. [K] ne peut solliciter, au titre de ses préjudices, le paiement de la TVA réglée qu’il déduit de la TVA collectée et n’assume donc pas la charge,
– dire et juger que M. [K] ne justifie pas du préjudice allégué au titre de l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales,
– dire et juger que M. [K] ne justifie pas du préjudice moral allégué,
– dire et juger, en considération de l’importance des fautes commises par M. [K] et du caractère plus accessoire de la faute commise par la sarl LP Conseil, que le préjudice indemnisable lié à la faute de l’expert-comptable ne saurait excéder 5 % des sommes réclamées,
– dire et juger que la sarl LP Conseil n’a commis aucune faute dans le traitement de la comptabilité 2019 et qu’aucun retard ne saurait lui être imputable et qu’en tout état de cause, ce dernier ne justifie d’aucun préjudice et plus encore à hauteur de 5.000 €,
– en conséquence de quoi,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire à hauteur de 126.429 € au titre de la prétendue perte de chance de répercuter le montant de la TVA sur le prix de vente et subsidiairement,
– fixer le montant du préjudice au titre de la perte de chance à la somme de 5.454,25 €,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a fait droit la demande indemnitaire de M. [K] à hauteur de 4.530 € au titre des intérêts de retard et subsidiairement, fixer le montant du préjudice imputable à la sarl LP Conseil à la somme de 226,50 €,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire à hauteur de 15.438 € au titre de la majoration de 40 % pour mauvaise foi et subsidiairement, fixer le montant du préjudice imputable à la sarl LP Conseil à la somme de 545,40 €,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire à hauteur de 6.000 € au titre des honoraires dans le cadre du contrôle fiscal et subsidiairement, fixer le montant du préjudice imputable à la sarl LP Conseil à la somme de 250 €,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire à hauteur de 7.260 € au titre des honoraires réglés à la sarl LP Conseil,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire à hauteur de 5.000 € au titre du traitement de sa comptabilité 2019,
– débouter M. [K] de ses demandes indemnitaires à hauteur de 27.758 € au titre des majorations d’impôt sur le revenu et charges sociales et de 5.000 € au titre du préjudice moral et subsidiairement, fixer le montant du préjudice imputable à la sarl LP Conseil à hauteur de 5 % des sommes réclamés soit 1.387,90 € d’une part et 250 € d’autre part,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la sarl LP Conseil et les MMA Iard Assurances mutuelles de leur demande au titre des frais irrépétibles et dépens,
– débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 4.000 € à la sarl LP Conseil et de la somme de 2.000 € aux MMA au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
Elles soutiennent que les demandes au titre de l’impôt et des cotisations sociales et du préjudice moral sont nouvelles en cause d’appel et doivent être déclarées irrecevables, que M. [K] est seul à l’origine de l’absence ou de l’insuffisance de déclaration de TVA ayant justifié le contrôle et le redressement fiscal pour n’avoir pas transmis à l’expert-comptable les factures faisant apparaître les clients finaux et pour n’avoir pas déclaré des ventes encaissées sur un compte bancaire personnel, qu’il savait qu’il devait acquitter cette TVA, notamment pour avoir été redressé par le passé dans des circonstances identiques, que le paiement de l’impôt éludé ne constitue pas un préjudice indemnisable, que M. [K] ne justifie pas d’une perte de chiffre d’affaires lié à l’absence de prise en compte de la TVA, ni d’aucun des différents préjudices allégués, que subsidiairement, la perte de chance ne pourrait au mieux être évaluée qu’à hauteur de 5 % compte tenu du caractère prépondérant de sa propre faute.
MOTIFS DE L’ARRÊT :
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur la recevabilité des demandes en cause d’appel :
M. [K] sollicite en cause d’appel la condamnation du cabinet LP Conseil et de son assureur à lui payer les sommes de :
– 27.758 € au titre des majorations d’impôt sur le revenu et cotisations sociales,
– 5.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral.
En droit, en application des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.’
‘Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’
En l’espèce, la demande au titre des majorations d’impôt sur le revenu et cotisations sociales n’a pas été formulée en première instance, ce dont, implicitement, M. [K] ne disconvient pas puisqu’il ne conclut pas sur ce point.
Formulées pour la première fois en cause d’appel, elle n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire des demandes principales.
Elle sera déclarée irrecevable.
La demande au titre du préjudice moral n’a pas non plus été formulée comme telle en première instance. Elle était absente des assignations en justice des 5 février et 10 novembre 2020. Si, ainsi que l’a relevé le tribunal de commerce dans sa décision, M. [K] a bien sollicité l’allocation d’une somme de 5.000 € dans ses conclusions n° 3, il convient de relever qu’elle était motivée par des ‘frais de traitement de sa comptabilité 2019″, demande à laquelle s’opposait le cabinet LP Conseil et à laquelle le tribunal de commerce, sans toutefois la rapporter expressément à son objet, répondait par un rejet en considérant que M. [K] n’apportait ‘aucune justification de ce préjudice de 5.000 €’” et qu’il n’apportait ‘pas la preuve qui est à sa charge concernant le montant de son préjudice.’
Cette demande de dommages et intérêts pour préjudice moral apparaît donc comme étant expressément formulée pour la première fois en cause d’appel ce dont, implicitement, M. [K] ne disconvient pas, là non plus, puisqu’il ne conclut pas sur ce point.
Elle n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire des demandes principales.
Elle sera déclarée irrecevable.
2) Sur les fautes et les responsabilités respectives :
M. [K] prétend que le cabinet LP Conseil a commis une faute déterminante des préjudices qu’il invoque en ne vérifiant pas pour les années 2015, 2016 et 2017 le régime de TVA applicable et en ne déclarant pas la TVA afférente aux ventes intervenues au sein de la communauté européenne alors qu’il n’ignorait rien de la nature de ses activités et qu’il lui avait fourni toutes les informations utiles.
Le cabinet LP Conseil a rappelé qu’il était tenu d’une obligation de moyens, sa responsabilité ne se présumant pas, exigeant la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité direct, certain et exclusif. Dans ses conclusions à hauteur d’appel, il soutient que la faute de M. [K] est prépondérante dans la survenue du redressement fiscal pour n’avoir pas transmis les factures afférentes aux ventes réalisées ni les relevés du compte du Crédit agricole recevant des encaissements, de sorte qu’il n’avait pas été en mesure d’appréhender que les destinataires des maillots vendus par son client étaient des particuliers entraînant un assujettissement à la TVA française, et non les seules plateformes Amazon ou Ebay susceptibles d’appeler un régime de TVA intra-communautaire impliquant le remboursement de ladite taxe.
En droit, la responsabilité des experts’comptables est une responsabilité contractuelle s’appréciant tant au regard de la lettre de mission qui lie les parties que par référence au comportement d’un professionnel normalement compétent et diligent. S’agissant d’une responsabilité relevant d’une obligation de moyen, le demandeur doit caractériser l’existence d’une faute, des préjudices allégués et du lien de causalité entre les deux.
Par ailleurs, la profession d’expert-comptable est soumise à des règles professionnelles relevant à la fois du corpus déontologique imposant de remplir les missions conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables et du régime de responsabilité contractuelle de droit commun susceptible d’être mobilisé en raison de manquements dans l’exercice des fonctions.
L’article 7 du décret n° 97-586 du 30 mai 1997 impose au conseil supérieur national de l’ordre des experts-comptables d’établir un code de déontologie et d’en faire respecter les prescriptions en prenant toutes les mesures nécessaires à cet effet.
En application de ces dispositions, l’article 155 du code de déontologie, dans sa version issue du décret du 30 mars 2012, a prévu que dans la mise en ‘uvre de leur mission, les experts-comptables sont tenus vis-à-vis de leur client à un devoir d’information et de conseil qu’ils remplissent dans le respect des textes en vigueur.
Ainsi, l’expert-comptable, qui ne peut s’exonérer de son obligation, manque à son devoir de conseil lorsqu’il n’a pas su rappeler l’obligation d’assujettissement à régime de taxation auquel était soumis son client alors qu’il aurait dû effectuer les rapprochements utiles à caractériser l’activité de celui-ci.
L’expert-comptable doit donc mettre en ‘uvre les moyens suffisants pour vérifier les règles de TVA auxquelles son client est soumis.
S’il est chargé d’une mission d’établissement des comptes annuels, il doit vérifier, au minimum par sondages, que les mentions relatives à la TVA récupérable figurant au bilan ont donné lieu aux déclarations correspondantes de sorte à assurer la cohérence, la vraisemblance et la sincérité des comptes annuels. L’expert-comptable doit, en conséquence de ces vérifications, alerter son client sur les anomalies qu’il détecte et sur les actes à accomplir afin de se mettre en conformité avec ses obligations déclaratives.
Il lui incombe de procéder, certes sans immixtion dans la gestion, à des investigations plus poussées dans les comptes internes lorsqu’il soupçonne quelque anomalie et il doit savoir renoncer à sa mission plutôt que d’établir sciemment une comptabilité incomplète ou erronée lorsqu’il se heurte à un refus de communication de pièces de son client et si les irrégularités persistent en dépit de ses mises en garde.
Enfin, le devoir de conseil s’impose à l’expert-comptable quelles que soient les compétences personnelles du client, sauf la faute personnelle de ce dernier laquelle est de nature à atténuer, sans la supprimer, celle du professionnel du chiffre. L’obligation d’information et le devoir de conseil ont en effet pour corollaire nécessaire le devoir de coopération du client qui, de son côté, s’oblige à fournir, sans obstruction, les informations, documents et éléments permettant à l’expert-comptable d’accomplir sa mission.
En l’espèce, le tribunal de commerce a retenu dans son jugement du 23 mars 2021 que le cabinet LP Conseil avait reconnu avoir commis une erreur en considérant que les ventes effectuées par M. [K] relevaient du régime des livraisons intracommunautaires non-soumises à TVA française.
Après avoir rappelé que M. [K] n’avait pas fourni l’ensemble des pièces nécessaires à l’exercice correct de la mission comptable et que le devoir d’information et de conseil incombant à l’expert-comptable impliquait pour lui d’aviser son client de ses obligations et des conséquences de leur non-respect pour l’orienter au mieux de ses intérêts, en exigeant dans le cas d’espèce notamment la production des factures, le tribunal a fixé le seuil de responsabilité du cabinet LP Conseil à hauteur de 66 %, lequel est contesté par l’intéressé, ce qui corrélativement conduisait à une responsabilité de M. [K] fixée à hauteur de 34 %, laquelle est également contestée par l’intéressé, l’un et l’autre se renvoyant l’entièreté de la responsabilité de la situation.
Ce faisant, il n’est pas contestable que le cabinet LP Conseil avait la mission, conformément aux lettres de mission dûment signées pour les années 2015, 2016 et 2017, d’établir la déclaration de TVA pour M. [K].
L’examen des pièces produites aux débats devant la cour d’appel permet de relever que, pour les années concernées par le redressement fiscal :
– M. [K] n’a pas transmis à son expert-comptable les factures relatives aux ventes effectuées par lui et qui auraient permis au cabinet comptable d’identifier les clients finaux comme étant des particuliers et non les plateformes de vente dont Amazon et Ebay, et notamment :
‘ le détail des ventes Amazon ou les factures correspondantes, aux clients « Particuliers »,
‘ les relevés du compte CRCA sur lequel des ventes Amazon était encaissé, et ce à partir d’avril 2015,
‘ le détail des ventes Ebay permettant de distinguer les ventes brutes et les commissions prélevées par Ebay,
– le cabinet LP Conseil a émis des demandes de transmission de factures qui sont restées sans suite :
– ainsi par courriel du 24 octobre 2016, il demandait la transmission des factures Go Sport en soulignant “Nous ne pouvons pas saisir les avis de paiement Go Sport France sans saisir préalablement toutes les factures qui y figurent. Nous vous serions reconnaissant de bien vouloir nous les transmettre (25 facture) par mail, à moins que vous nous communiquiez vos identifiants et mot de passe afin que nous les téléchargions directement sur leur site”. (Pièce n° 32 de M. [K]),
– le cabinet LP Conseil relançait M. [K] par courriel du 3 novembre 2016 en demandant les factures, les relevés de comptes de la banque pour juillet, août et septembre 2016, les factures Go Sport France et, à défaut de factures, les identifiants et mot de passe pour les télécharger,
– M. [K] transmettait des codes d’accès le 6 novembre 2016, qui s’avéraient toutefois invalides,
– M. [K] n’a pas transmis à son expert-comptable les relevés de comptes du Crédit agricole clôturé le 1er avril 2015 pour l’activité professionnelle mais qui continuait à recevoir des encaissements professionnels au-delà,
– M. [K] ne produit aucune pièce justifiant qu’il acquittait effectivement la TVA avant 2015 (pas de relevés de comptes bancaires retraçant la réalité des paiements, pas de document attestant d’un crédit de TVA pour ces mêmes années, se contentant de produire quatre déclarations manuscrites de TVA pour l’année 2014, dont l’une non signée (1er trimestre), renseignées par ses seuls soins alors qu’il recourait au service de M. [C], expert-comptable, et dont il n’est donc pas établi qu’elles ont effectivement été transmises à l’administration fiscale,
– de fait, il ne produit aucun document fiscal afférent à la période 2013 à 2014, ni aucun élément de comptabilité émanant du cabinet [C] qui aurait été de nature à confirmer cet acquittement de TVA avant 2015,
– à supposer que ces déclarations aient été réellement effectuées par M. [K] et transmises par ses soins à l’administration fiscale comme il le soutient, cela signifie qu’il connaissait dès lors parfaitement ses obligations à cet égard contrairement à ce qu’il soutient,
– à supposer qu’il ait cru l’avoir payée à tort en 2013 et 2014, compte tenu de l’application du régime intra-communautaire appliqué à compter de 2015, il est surprenant qu’il n’ait pas sollicité le remboursement d’une TVA indûment payée,
– en vérité, ainsi que cela résulte de la lettre de proposition de rectification du 18 septembre 2018, il estimait depuis le départ ne pas devoir payer cette TVA :
“L’intégralité des ventes effectuées par le biais d’Amazon est considérée par Monsieur [K] comme :
– exonérée de TVA pour ce qui concerne les exportations (hors Union européenne) ;
– pour le surplus (ventes à destination de clients établis en France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne : aucune TVA n’est appliquée puisque Monsieur [K] considère (à tort) qu’il s’agit de livraisons intracommunautaires au profit d’un client (AMAZON) établi dans un pays de l’Union européenne, et que la TVA française n’est pas applicable à ces opérations.”
La cour ne peut manquer de relever que M. [K] ne saurait pour une même activité soutenir devant l’administration fiscale qu’il relevait du régime intra-communautaire et soutenir devant la cour d’appel qu’il payait bien la TVA française.
Il est donc parfaitement permis de douter de la réalité des paiements d’une quelconque TVA en 2013 et 2014 de la même manière qu’il est permis de penser qu’à compter de 2015, le cabinet LP Conseil a continué à appliquer un régime de dispense de TVA sous cette réserve qu’il l’a appliqué en transmettant les déclarations de TVA à l’administration fiscale et que le changement reproché par M. [K] à son expert-comptable ne consistait donc pas en un changement de régime mais seulement un changement de ses modalités d’application.
– M. [K] n’a pas été sans s’apercevoir de l’apparition d’un crédit de TVA dans sa comptabilité à compter de 2015, sans que cette information l’ait conduit à s’assurer de son bien-fondé. Il soutient qu’il aurait signalé téléphoniquement ce crédit de TVA au cabinet comptable qui lui aurait répondu qu’il dépendait du régime des ventes intra-communautaires. Or, aucune preuve de cet appel téléphonique ne peut être produite. Ni a fortiori aucune preuve de la réponse.
– enfin, M. [K] a été redressé en 2009 pour exactement les mêmes motifs de non tenue de la comptabilité et de non-paiement de la TVA sur son activité de revente de véhicules. Il n’ignorait donc rien de ses obligations.
Ainsi, le défaut de coopération de M. [K] est caractérisé.
Néanmoins, le cabinet LP Conseil se devait, en présence d’un client rétif, d’exiger par un écrit circonstancié les factures et relevés de compte manquants et d’alerter sur les risques fiscaux encourus au regard des défaillances dans la production de ces informations, ce qu’il ne justifie pas avoir fait.
Cette faute incontestable est du reste l’objet de la déclaration de sinistre enregistrée le 29 avril 2019 par les MMA Iard Assurances Mutuelles.
Sous le bénéfice de ces observations, qui caractérisent un manquement de l’expert-comptable dans son devoir d’information et de conseil mais aussi un défaut avéré de coopération de la part de M. [K] dans la transmission des informations nécessaires au bon accomplissement de la mission par le cabinet LP Conseil, outre les antécédents de M. [K] en matière de fraude à la TVA et son comportement réitératif ayant contribué au dommage, la responsabilité du cabinet LP Conseil sera fixée à 50 %.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
3) Sur les préjudices et leurs indemnisations :
Si le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un préjudice indemnisable, aucun préjudice ne pouvant découler du paiement auquel un contribuable est légalement tenu, un préjudice peut en revanche découler du paiement d’un impôt auquel le contribuable est légalement tenu lorsqu’il est établi que dûment informé ou conseillé, celui-ci se serait acquitté d’un impôt moindre et n’aurait pas eu à acquitter les intérêts de retard et les différentes pénalités et qu’il a ainsi perdu une chance d’éviter le paiement de ces sommes.
Toute perte de chance ouvre droit à réparation, qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
En l’espèce, quand bien même M. [K] estimait ne pas devoir acquitter la TVA française au titre des ventes réalisées par son entreprise, il est certain qu’officiellement et fermement informé et conseillé par le cabinet LP Conseil de son obligation de s’en acquitter sous peine de résiliation du contrat d’assistance comptable, voire de dénonciation à l’administration fiscale du non-paiement de cet impôt, il aurait soit payé ladite taxe, soit résilié lui-même le contrat d’assistance comptable s’il persistait à considérer qu’elle n’était pas due.
Dès lors, considérant que l’autorité de l’expert-comptable dans l’exercice d’une prérogative de contrôle de conformité de la comptabilité d’une entreprise doit prévaloir, il faut évaluer à 80 % la perte de chance de M. [K], client, d’éviter un redressement fiscal portant sur la TVA.
L’étendue du préjudice relève du pouvoir souverain des juges du fond.
3.1) Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du paiement du rappel de TVA :
M. [K] soutient qu’en l’absence d’assujettissement au taux de TVA française des ventes réalisées par lui, il a fixé ses prix de vente sans répercuter le montant de cette TVA et qu’il a dès lors perdu la chance de répercuter le montant de la TVA redressée sur ses clients finaux.
Il chiffre sa perte de chance à titre principal au montant de 109.085 € pour la TVA redressée pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017 et pour le préjudice subi sur l’année 2018 et, à titre subsidiaire, au montant de 60.000 €. Il soutient que si la TVA payée in fine par ses soins – qu’il aurait dû refacturer à ses clients – ne peut plus faire l’objet d’une répercussion aux clients finaux, il peut obtenir la condamnation de l’expert-comptable au paiement des droits à TVA réclamés par l’administration fiscale.
Dans son jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Rennes a rejeté sa demande en retenant qu’il avait déjà été redressé sur les années 2006, 2007 et 2008 par l’administration fiscale sur des ventes qu’il n’avait pas soumises à la TVA, qu’il était donc parfaitement au courant que les prix de vente incluaient une TVA, qu’il ne fournissait aucune justification de sa possibilité d’augmenter le prix de ses maillots par type de vêtement, par pays, en quelles quantités et dans quel rapport avec les prix pratiqués par les concurrents, qu’il était dès lors impossible de calculer la marge applicable, M. [K] échouant en conséquence à rapporter la preuve du montant de son préjudice.
De fait, M. [K] ne fait pas plus en cause d’appel la démonstration d’un écart de prix quel qu’il soit, et encore moins qui correspondrait au montant de la TVA.
Il en convient lorsqu’il écrit qu’il apparaît ‘totalement impossible de chiffrer, par définition, et de manière exacte le nombre de maillots que M. [K] aurait pu vendre à un prix supérieur pour prendre en compte la TVA, pays par pays’.
Il se contente ainsi de soutenir qu’il peut ‘être raisonnablement admis que M. [K] aurait pu vendre ses maillots plus chers mais en moindre nombre’ ramenant alors sa demande à un chiffre forfaitaire de 60.000 €.
Il est du reste symptomatique de noter qu’il ne produit aucun élément de la comptabilité de M. [C], ni aucun justificatif fiscal pour les années antérieures à 2015 lors desquelles il prétend qu’il acquittait ladite TVA ‘ sans toutefois le démontrer ‘ ce qui aurait permis de vérifier, dans la logique qui est la sienne, la réalité de la répercussion alléguée de ladite TVA sur les clients finaux et ainsi de chiffrer l’éventuel préjudice.
C’est à juste titre que le tribunal de commerce a rejeté sa demande de ce chef.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
3.2) Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du paiement des intérêts de retard sur le rappel de TVA :
M. [K] n’a pas interjeté appel de ce chef de jugement, mais a sollicité par erreur au dispositif de ses conclusions la condamnation à nouveau du cabinet LP Conseil de ce chef, soit le paiement d’une somme de 4.530 € de dommages et intérêts au titre des intérêts de retard calculés sur le rappel de TVA, soutenant d’une part, que sans l’erreur attribuée à l’expert-comptable, le fisc ne l’aurait pas redressé de la TVA collectée pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017 et qu’il n’y aurait pas eu d’intérêts de retard et d’autre part, que le fait qu’il aurait pu placer les montants de TVA collectée non déclarés est sans incidence sur la responsabilité du cabinet LP Conseil.
Le cabinet LP Conseil a interjeté appel incident de ce chef de jugement estimant qu’en ne payant pas la TVA, M. [K] a retiré un avantage financier de nature à compenser, même pour partie, le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard.
Le tribunal de commerce a retenu dans son jugement du 23 mars 2021 que sans l’erreur de l’expert-comptable, le fisc n’aurait pas redressé M. [K] de la TVA collectée pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017, qu’il n’y aurait pas eu d’intérêts de retard, que le cabinet LP Conseil était seul responsable à 100 %, de ces intérêts de retard et l’a condamné à les payer à M. [K].
En droit, les intérêts de retard mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale constituent un préjudice réparable dont l’évaluation commande de prendre en compte l’avantage financier procuré par la conservation, dans le patrimoine du contribuable, jusqu’à son recouvrement par l’administration fiscale, du montant des droits dont il était redevable.
Les juges du fond doivent rechercher si, en conservant dans son patrimoine le montant des impôts dus à compter de leur exigibilité, le client a retiré un avantage financier de nature à compenser, fût-ce partiellement, le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard.
En l’espèce, il sera rappelé à cet égard que le montant des droits éludés s’élève à la somme de 109.085 €.
Ainsi, en conservant dans son patrimoine ce montant de l’impôt dû entre sa date d’exigibilité et celle de son paiement à l’administration fiscale, M. [K] a retiré un avantage financier dont il n’établit pas, alors qu’il lui incombe de prouver son préjudice, qu’il soit inférieur aux intérêts de retard réclamés minorés du taux de responsabilité ci-dessus retenu.
À supposer qu’il n’ait pas placé cet argent, en toute hypothèse celui-ci est resté au crédit de sa trésorerie, permettant par là même à son entreprise de régler ses charges et dépenses sans recourir à l’emprunt et sans subir les frais financiers y afférents.
M. [K] échoue en réalité à démontrer avoir subi un préjudice à raison du paiement des intérêts de retard.
Il sera en conséquence débouté de sa demande d’indemnisation au titre des intérêts de retard appliqués à la suite du redressement fiscal.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
3.3) Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du paiement des majorations pour manquement délibéré :
M. [K] estime qu’il n’est en rien responsable de la situation irrégulière dans laquelle le cabinet LP Conseil l’a plongé, qu’il acquittait auparavant consciencieusement un taux de TVA de 20 % sur l’ensemble des ventes réalisées par ses soins et avait transmis à son expert-comptable l’ensemble des éléments et justificatifs dont il disposait pour l’établissement de sa comptabilité, qu’aucune réclamation ne lui a été adressée, que dans le contexte de crise sanitaire, l’administration a accepté de réduire de nouveau la majoration et d’accorder un dégrèvement gracieux de 10.908 €.
Le cabinet LP Conseil, après avoir décerné acte à M. [K] de ce qu’à la suite des remises de pénalités, notamment en raison de la crise sanitaire, ce dernier avait ramené sa demande à la somme de 10.908 €, soutient que la majoration de 40 % vient sanctionner une faute personnelle de M. [K], qui n’a pas formé de recours contre elle et qui demeure sans lien avec son propre manquement.
Dans son jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Rennes a retenu que le caractère intentionnel des manquements aux déclarations de TVA s’évinçait de la non-communication intégrale des comptes de recettes professionnelles à l’expert-comptable, du caractère répétitif de l’insuffisance de déclaration de TVA antérieurement sanctionnée pour la période 2005-2007, du caractère anormal de la situation de crédit de TVA qui n’aurait pas dû échapper à un chef d’entreprise normalement soucieux de la bonne présentation de sa comptabilité.
S’estimant saisi de quatre argumentations différentes et de quatre montants distincts, rendant la demande ‘nébuleuse’, le tribunal a considéré que M. [K] était défaillant dans l’administration de la preuve qui lui incombait et l’a débouté de sa demande de paiement de la somme de 15.438 € in fine sollicitée au titre de dommages et intérêts en réparation du paiement de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
En droit, la pénalité de 40 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts s’applique en cas de manquement délibéré du contribuable et vient sanctionner une faute personnelle du contribuable.
En l’espèce, dans sa lettre du 20 novembre 2018 portant réponse aux observations de M. [K], l’administration fiscale a caractérisé le manquement intentionnel ainsi qu’il suit :
‘- l’intégralité des comptes destinataires de recettes professionnelles n’a pas été, sur la période vérifiée, communiquée au cabinet comptable (relevés de ventes Paypal et relevés de compte Paypal, relevé du compte Crédit Agricole n° 425002800),
– une insuffisance de déclaration de TVA collectée sur la période 2015-2017 a été constatée. Lors d’une précédente vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 étendue en matière de TVA jusqu’au 30 juin 2009, une insuffisance de déclaration de TVA collectée avait déjà été constatée,
Monsieur [K] avait ainsi été destinataire d’une proposition de rectification (lettre 3924) du 25 février 2010 dont il avait accusé réception le 5 mars 2010, qui avait été acceptée (acceptation tacite). [‘]
Le caractère répétitif de l’insuffisance de déclaration de TVA collectée est avéré.
– du fait de l’insuffisance de déclaration de TVA collectée, l’entreprise s’est retrouvée en situation de crédit de TVA. Un montant total de 25.500 € (3.000 € au titre de quatrième trimestre 2016, 15.000 € au titre du troisième trimestre 2017 et 7.500 € au titre du quatrième 2017) a donné lieu des remboursements indus.
Monsieur [K] aurait dû être alerté sur le caractère anormal de cette situation en matière de TVA, se trouvant ainsi en situation de crédit de TVA permanent au titre de l’intégralité des trimestres de la période vérifiée, excepté le premier trimestre de l’année 2015.
L’importance et la répétition de ces anomalies n’aurait pas dû échapper la vigilance d’un chef d’entreprise normalement soucieux de la bonne présentation de sa comptabilité.
Tous ces éléments établissent sans ambiguïté l’élément intentionnel des manquements. Ces derniers révèlent un caractère délibéré dans le but de diminuer le montant de l’impôt dû.’
Il est constant que M. [K] n’a pas fait de recours aux fins de contester cette pénalité.
Et il a été ci-dessus jugé qu’il était responsable de la situation irrégulière dans laquelle il s’est trouvé à hauteur de 50 %.
Il s’évince de ces observations que cette pénalité est en lien à due concurrence tant avec la faute du cabinet LP Conseil qui a manqué à ses obligations en n’effectuant pas les contrôles qui s’imposaient et en omettant d’alerter son client et avec celle de M. [K] et que la chance pour ce dernier de ne pas avoir à l’acquitter s’élève à la somme de 4.363,20 €, soit 10.908 € x 50 % x 80 %.
Il sera fait droit à la demande de M. [K] et le cabinet LP Conseil sera condamné à lui payer ladite somme.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce chef.
3.4) Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du paiement des honoraires d’expert-comptable pour les exercices 2015, 2016 et 2017 :
M. [K] estime qu’en raison de la carence du cabinet LP Conseil, les honoraires perçus par ses soins d’un montant de 7.260 € au titre de la comptabilité effectuée pour les exercices 2015, 2016 et 2017 sont indus.
Le cabinet LP Conseil rappelle que les prestations à sa charge ont été réalisées, comme portant non seulement sur les déclarations de TVA mais également sur la saisie de toutes les écritures comptables, l’édition et la tenue des différents documents, la révision des comptes, l’établissement des comptes annuels et déclaration fiscale.
Dans son jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Rennes a retenu que le demandeur était taisant quant à son argumentation sur son préjudice au titre des honoraires de l’expert-comptable et que le cabinet LP Conseil avait réalisé la saisie de toutes les écritures comptables, la révision des comptes, l’établissement des comptes annuels et les déclarations fiscales, conformément à la lettre de mission.
En droit, le préjudice résultant d’un manquement imputé à l’expert-comptable est indemnisé par l’octroi de dommages et intérêts et non par la restitution des honoraires.
C’est à juste titre que le jugement a rejeté la demande de M. [K] de ce chef.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
3.5) Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du paiement des frais engagés pour être assisté dans le cadre de la vérification de comptabilité :
M. [K] soutient qu’il a été contraint d’engager des frais supplémentaires d’assistance, d’un montant de 6.000 € directement en lien avec les manquements du cabinet LP Conseil.
Le cabinet LP Conseil soutient que quand bien-même les ventes auraient été soumises à la TVA, le contrôle fiscal serait intervenu et M. [K] aurait été contraint d’avoir recours à l’assistance d’un professionnel.
Dans son jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Rennes a retenu que M. [K] ne démontrait pas la causalité entre l’erreur du cabinet LP Conseil et l’intervention de son conseiller fiscal. Il ajoutait qu’il était de pratique courante, en cas de contrôle fiscal, de se faire assister par un conseil extérieur, à défaut d’être prévu dans la lettre de mission de l’expert-comptable et déboutait M. [K] défaillant dans l’administration de la charge de la preuve.
En droit, les frais d’assistance et de représentation dans le cadre du contrôle fiscal ainsi que les tracasseries subies par le chef d’entreprise mobilisé sur ce contrôle fiscal, en lien avec les fautes commises par l’expert-comptable, peuvent donner lieu à indemnisation.
En l’espèce, il est probable que si la TVA avait été régulièrement acquittée, l’administration fiscale n’aurait a priori eu aucun motif d’engager une opération de contrôle fiscal de l’activité de M. [K], qui aurait été perçu comme ayant utilement tiré les enseignements du précédent redressement opéré.
Il existe donc bien un lien de causalité entre le manquement de l’expert-comptable et la nécessité pour M. [K] de recourir à un avocat fiscaliste dans le cadre du contrôle fiscal.
Après application du partage de responsabilité et du taux de perte de chance, il sera fait droit à la demande de M. [K] à concurrence de la somme de 3.048 € (soit 7.620 € x 50 % x 80 %).
Le jugement sera infirmé sur ce point.
4) Sur l’appel en garantie de la MMA Iard Assurances mutuelles :
Dans son jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Rennes a retenu que dans les conclusions n° 3 du demandeur, le tribunal ne trouve aucune justification appuyant cette demande.
Or, l’assignation en garantie et en intervention forcée de la compagnie d’assurances délivrée le 10 novembre 2020 est fondée sur le contrat d’assurances groupe régulièrement produit aux débats.
L’assurance responsabilité civile a pour objet de garantir le professionnel en cas de dommage causé à un tiers à l’occasion de sa mission.
La compagnie d’assurances n’a pas formé la moindre contestation ni observations sur la demande en garantie.
Il sera fait droit à cette demande.
Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Chaque partie échouant partiellement en ses prétentions supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés en première instance et en appel.
Le jugement sera infirmé s’agissant du sort des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare irrecevables comme nouvelles en cause d’appel les demandes de M. [K] tendant à la condamnation de la sarl LP Conseil à lui payer les sommes de :
– 27.758 € au titre des majorations d’impôt sur le revenu et cotisations sociales,
– 5.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 23 mars 2021 en ce qu’il a :
– débouté M. [K] exerçant sous l’enseigne [K] Toral de ses demandes en paiement des sommes de :
– 109.085 € de dommages et intérêts correspondant au redressement de TVA notifié pour les exercices comptables 2015, 2016 et 2017 et au préjudice subi sur l’année 2018 compte tenu de la perte de chance de répercuter le montant de la TVA redressée sur ses clients finaux,
– 7.260 € de dommages et intérêts correspondant au remboursement des honoraires versés au cabinet d’expertise comptable pour ses prestations pour les exercices 2015, 2016 et 2017,
– 5.000 € de dommages et intérêts,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– liquidé les frais de greffe à la somme de 94.34 € tels que prévu aux articles 695 et 700 du code de procédure civile.
L’Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Fixe à 50 % la part de responsabilité incombant à la sarl LP conseil, cabinet d’expert-comptable missionné par M. [T] [K],
Fixe à 80 % le taux de perte de chance subi par M. [T] [K] dans l’indemnisation des préjudices retenus,
Condamne la sarl LP Conseil à payer à M. [T] [K] la somme de 3.048 € à titre de dommages et intérêts en réparation des frais d’assistance par un conseil fiscaliste,
Condamne la sarl LP Conseil à payer à M. [T] [K] la somme de 4.363,20 € à titre de dommages et intérêts en réparation des majorations pour manquements délibérés,
Condamne la compagnie MMA Iard Assurances mutuelles à garantir la sarl LP Conseil des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre,
Rejette le surplus des demandes,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, exposés en première instance et en appel,
Rejette en conséquence les demandes au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT