L’obligation de reclassement de l’employeur

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L’obligation de reclassement de l’employeur
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13 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/00903

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 AVRIL 2023

N° RG 21/00903 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UMNX

AFFAIRE :

[O] [I] épouse [E]

C/

S.A.S.U. HOLDING ILE DE FRANCE venant aux droits de la S.A.S. SOGICERGY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mars 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 20/00196

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS

Me Sandra CARNEREAU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 23 mars 2023, puis prorogé au 13 avril 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [O] [I] épouse [E]

née le 03 Avril 1987 à [Localité 6] (ALGERIE) (28630)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANTE

****************

S.A.S.U. HOLDING ILE DE FRANCE venant aux droits de la S.A.S. SOGICERGY

N° SIRET : 842 779 662

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sandra CARNEREAU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1981

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

Greffier lors du prononcé : Madame Sophie RIVIERE

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [O] [I] épouse [E], dite ci-après Mme [E], a été engagée à compter du 8 mars 2011, en qualité de caissière réassortisseuse, statut employé, niveau 1, par contrat de travail à temps plein, par la société Sogicergy, sise [Adresse 3]), qui exploitait à cette adresse un magasin de vente au détail de produits à prédominance alimentaire. Elle a été promue par avenant à effet au 1er juin 2016 responsable rayons, statut employé, niveau 2 A, moyennant un salaire mensuel brut de base de 1 572,82 euros pour 35 heures de travail par semaine. Elle avait droit en outre à une rémunération des temps de pause d’un montant mensuel brut de 78,60 euros et à une prime annuelle brut de 1 651,42 euros versée en décembre.

Par acte d’huissier du 29 décembre 2016, la société Sogicergy a donné congé pour le 30 juin 2017 des locaux du magasin sis [Adresse 3], qu’elle sous-louait à la société Imocergy.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 juillet 2017, elle a informé la société Imocergy qu’ayant dû faire face à des imprévus, elle sera en mesure de lui restituer les lieux au 30 septembre 2017.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 août 2017, elle a convoqué les délégués du personnel à une réunion extraordinaire fixée au 1er septembre 2017 pour information-consultation sur la cessation d’activité du magasin et les recherches de reclassement entreprises pour l’ensemble des salariés, lesquels étaient au nombre de dix.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 octobre 2017, la société Sogicergy a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 31 octobre 2017, puis par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 8 décembre 2017, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits à indemnité de licenciement, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, par requête du 18 juin 2018, aux fins d’obtenir le paiement de diverses sommes.

L’affaire a été radiée par décision du bureau de jugement du 17 juin 2020, puis réinscrite au rôle sur demande de Mme [E] du 30 juin 2020.

Par jugement du 3 mars 2021, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil des prud’hommes de Cergy-Pontoise a :

– dit que le licenciement de Mme [E] est justifié par une cause réelle et sérieuse, à savoir le motif économique,

– fixé le salaire mensuel de Mme [E] à hauteur de 1 886,38 euros,

– débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Sogicergy de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens éventuels à la charge de Mme [E].

Mme [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 19 mars 2021.

La société Sogicergy a été dissoute sans liquidation à effet au 1er janvier 2022, avec transmission universelle de son patrimoine à la société Holding Ile-de-France sise [Adresse 1], créée le 18 septembre 2018, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 842 779 662, et devenue son associée unique. Elle a par suite été radiée du registre du commerce et des sociétés le 20 avril 2022.

Mme [E] a assigné en intervention forcée la société Holding Ile-de-France, venant aux droits de la société Sogicergy. Aux termes de l’acte d’huissier signifié à la société Holding Ile-de-France le 29 septembre 2022 cet acte et remis au greffe par RPVA le 30 septembre 2022, auquel il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [E] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :

– fixer son salaire moyen brut à la somme de 2.574,43 euros (moyenne 3 derniers mois),

– juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Holding Ile-de-France venant aux droits de la société Sogicergy à lui payer les sommes suivantes :

*indemnité légale de licenciement (reliquat) : 415,09 euros,

*indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 30 893,16 euros,

*dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 2 574,43 euros,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision et dans la limite de 190 jours,

– condamner la société Holding Ile-de-France venant aux droits de la société Sogicergy à régler la somme de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– juger que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui en fixe tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, devenu l’article 1343-2,

– condamner la société Sogicergy aux dépens d’instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Holding Ile-de-France demande à la cour de :

¿ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Mme [E] est justifié par une cause réelle et sérieuse, à savoir le motif économique,

– fixé le salaire mensuel de Mme [E] à hauteur de 1 886,38 euros,

– débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Sogicergy de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-mis les dépens éventuels à la charge de Mme [E] ;

En conséquence,

– dire bien fondé le licenciement pour motif économique prononcé le 8 décembre 2017 par la société Sogicergy,

– débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [E] à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [E] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de complément d’indemnité de licenciement

Il résulte des articles R1234-1, R1234-2 et R1234-4 du code du travail :

– que l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines ; qu’en cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets ;

– que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

– que le salaire à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Mme [E] fait valoir que son indemnité de licenciement doit être calculée sur la base d’un salaire mensuel brut moyen de 2 574,43 euros et qu’elle a droit dès lors à un solde d’indemnité de licenciement de 415,09 euros.

Il résulte cependant des bulletins de paie produits que la salariée calcule le salaire moyen dont elle se prévaut sur les salaires perçus de décembre 2017 à février 2018, lesquels comprennent l’entier montant de la prime annuelle versée en décembre et l’indemnité compensatrice de congés payés versée en février 2018.

Le salaire mensuel brut moyen à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement due à Mme [E], licenciée le 8 décembre 2017, est, selon la formule la plus avantageuse pour elle, celui des 12 derniers mois ou des trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, soit en l’espèce celui des mois de décembre 2016 à novembre 2017, qui s’est élevé selon les bulletins de paie, à 1 886,38 euros, plus favorable que celui des trois derniers mois, qui s’est élevé pour les mois de septembre à novembre 2017, selon les bulletins de paie, à 1 763,88 euros.

Mme [E], qui comptait une ancienneté de 6 années et 11 mois complets à la date de la cessation de la relation contractuelle, le 8 février 2018, ayant droit à une indemnité de licenciement calculée sur la base de la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant la notification du licenciement, soit 1 886,38 euros, a été remplie de ses droits à indemnité de licenciement par le versement de la somme de 3 301,16 euros. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en paiement d’un solde d’indemnité de licenciement.

Sur la cause économique du licenciement

Il résulte de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques (…), à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise.

Seule une cessation complète de l’activité de l’employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier. Une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Il résulte de la lettre de licenciement notifiée à Mme [E], qui fixe les limites du litige, que si la société Sogicergy y fait état des difficultés financières qui l’ont conduite à dénoncer le bail de son magasin pour tenter de le renégocier, la cause économique du licenciement énoncée est la cessation par l’employeur de toute exploitation en raison de la fermeture de son unique magasin, entraînant la suppression du poste de la salariée.

Si la cessation d’activité de la société Sogicergy n’a été enregistrée à l’Insee que le 14 avril 2022 et si la société Sogicergy n’a été radiée du registre du commerces et des sociétés que le 20 avril 2022, après sa dissolution et la transmission universelle de son patrimoine à la société Holding Ile-de-France, il est établi que l’entreprise, qui avait comme unique activité l’exploitation du magasin de vente au détail de produits à prédominance alimentaire sis [Adresse 3], qui constituait son seul établissement, a cessé en fait toute activité le 30 septembre 2017, les locaux étant alors repris par la société exerçant une activité de fitness présente lors du constat de l’état des lieux le 29 septembre 2017. La cessation complète d’activité de l’employeur est en conséquence établie.

La cessation d’activité s’appréciant au niveau de l’entreprise, il est sans incidence pour l’appréciation de la cause économique du licenciement que la société Holding Ile-de-France ne fournisse aucune information sur la situation économique de la société Holding Mag 2, société mère de la société Sogicergy et sur les liens capitalistiques de celle-ci avec d’autres sociétés.

La société Holding Ile-de-France justifie devant la cour du caractère sérieux et durable des difficultés financières qui ont conduit la société Sogicergy à dénoncer le contrat de sous-location des locaux dans lesquelles elle exerçait son activité et à cesser son activité, en produisant les bilans et comptes de résultat de l’entreprise, qui révèlent un résultat d’exploitation déficitaire de 208 754 euros pour un chiffre d’affaires de 2 078 628 euros et une perte de 276 179 euros pour l’exercice 2016 ainsi qu’un résultat d’exploitation déficitaire de 434 139 euros pour un chiffre d’affaires de 1 397 549 euros et une perte de 436 000 euros pour l’exercice 2017.

La cessation de l’activité de l’entreprise invoquée à l’appui du licenciement de Mme [E], dont il n’est pas établi qu’elle soit due à une faute ou à une légèreté blâmable de l’employeur, constitue une cause économique réelle et sérieuse au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail.

Sur le respect de l’obligation de reclassement

Il résulte de l’article L.1233-4 du code du travail que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; que le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente et à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ; que l’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

La recherche de reclassement constitue une obligation de l’employeur préalable à tout licenciement pour motif économique, dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf pour l’employeur à démontrer qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié. Ce n’est que dans l’hypothèse d’une cessation totale d’activité d’une entreprise n’appartenant pas à un groupe que l’employeur est dispensé de cette obligation.

La société Holding Ile-de-France soutient que la société Sogicergy ayant cessé son activité et n’appartenant pas à un groupe n’était tenue à aucune obligation de reclassement.

Mme [E] fait valoir que la société Sogicergy était dirigée par des mandataires communs à d’autres sociétés, qu’elle était dirigée par une société qui détenait également d’autres enseignes de distribution et que l’employeur aurait dû étendre ses recherches de reclassement à toutes les sociétés du groupe. Elle fait valoir également que la société Sogicergy faisait partie du réseau Franleader.

Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou l’étendue du périmètre de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont fournis par les parties.

Mme [E] établit :

– par le procès-verbal des décisions de l’associé unique en date du 30 juin 2016 que 100% des actions composant le capital social de la société Sogicergy étaient détenues directement par la société HoldingMag2, sise [Adresse 1], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 815 074 695, de sorte que celle-ci peut être considérée comme contrôlant cette dernière par application des dispositions combinées des articles L. 233-3, I, 1° et L. 233-4 du code de commerce, le premier de ces articles dans sa rédaction alors applicable ;

– par des données extraites du site internet société.com que M. [X] [R] [K], nommé par l’associé unique président de la société Sogicergy à compter du 3 février 2016, est titulaire de 188 mandats sociaux, dont celui de gérant de la société Socorb mentionnée sur le listing produit par l’employeur en pièce 27 comme relevant du secteur attribué à M. [S] [F], et celui de gérant la société de distribution de [Localité 7] et qu’il évolue dans le secteur d’activité du commerce de détail ;

– par divers courriels que la société Sogicergy recevait du groupement Franleader des instructions relatives non seulement à l’organisation d’un jeu réservé aux porteurs de la carte de fidélité ou à la rotation des stocks, mais également à l’organisation à mettre en place en terme de personnel pour l’ouverture du magasin un dimanche et à la rémunération des volontaires.

La société Sogicergy, qui dans l’acte d’huissier du 29 décembre 2016 par lequel elle a notifié son congé à la société Imocergy, s’est présentée comme une société par action simplifiée à associée unique, ne produit aucun élément remettant en cause le fait que la société HoldingMag2 était toujours l’associée unique de la société Sogicergy à la date du licenciement de Mme [E].

Alors que la salariée a sommé la société Sogicergy, par conclusions du 13 mai 2021, puis, a sommé, par assignation du 29 septembre 2022, la société Holding Ile-de-France, venant aux droits de celle-ci, de lui communiquer l’organigramme du groupe auquel elle appartenait, celles-ci se sont successivement volontairement abstenues de produire un quelconque élément permettant d’identifier la ou les personnes qui contrôlaient la société HoldingMag2, associée unique de la société Sogicergy au moment du licenciement, ce dont il appartient à la cour de tirer toutes conséquences.

Il y a lieu dès lors de retenir que si la société Sogicergy faisait partie d’un large réseau de magasins à l’enseigne Franprix ou Leader Price, elle appartenait aussi à un groupe capitalistique.

Si la société Holding Ile-de-France affirme que la société Sogicergy ayant cessé son activité n’était tenue à aucune obligation de reclassement, elle s’abstient de fournir tout élément permettant à la cour d’apprécier l’existence et l’étendue du périmètre de reclassement.

De cette carence et des éléments fournis par Mme [E], la cour déduit qu’il n’est pas établi que la société Sogicergy ne faisait pas partie d’un groupe d’entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, de sorte qu’elle n’aurait pas eu de recherche de reclassement à effectuer, dès lors qu’elle cessait son activité.

Par courriel du 24 août 2017, Mme [T] [HP] a d’ailleurs effectué une recherche de reclassement pour la salariée en adressant, à partir d’une adresse de messagerie juri.contact, à 32 destinataires, soit Mme [J] [Y], Mme F. [V], Mme [W] [P] de FPLP (Franprix Leader Price), M. [A] [G], M. [Z] [M], Mme [C] [B], Mme [H] [L], Mme [D] [N], M. [U] [RN], ainsi qu’à la plupart des chargés de secteur, regroupant plusieurs entreprises, dont elle fournit une liste en pièce 27.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 septembre 2017, présentée le 21 septembre 2017, la société Sogicergy a proposé à Mme [E] un poste de responsable rayon à temps plein, décrit dans la fiche de poste jointe, aux mêmes conditions quant au taux horaire que son contrat de travail, à pourvoir à compter du 1er octobre 1017, par contrat de travail à durée indéterminée, au sein de la société Super Carnot sise au Vésinet (78), en lui impartissant un délai de 8 jours calendaires maximum pour lui faire part par écrit de sa décision, en lui indiquant que son défaut de réponse dans le délai imparti sera considéré comme un refus et qu’elle se tient à sa disposition pour lui apporter tout complément d’information sur cette proposition.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 septembre 2017, Mme [E] a demandé à la société Sogicergy de lui fournir des informations complémentaires concernant le poste proposé (conditions de travail, horaires, fiche de poste détaillée, montant du salaire brut) avant de lui communiquer sa réponse. Si ce pli adressé par Mme [E] à la société Sogicergy, [Adresse 3] (95), a été retourné à la salariée avec la mention ‘avisé et non réclamé’, l’employeur ne peut se prévaloir de ce qu’il ne l’a pas reçu, alors que cette lettre a été adressée à la seule adresse mentionnée sur le courrier de proposition de poste en date du 19 septembre 2017, soit l’adresse du siège social de l’entreprise au registre du commerce et des sociétés, dont les tiers sont fondés à se prévaloir, et qu’il appartenait à l’employeur de faire suivre son courrier à compter de la restitution de ses locaux.

L’employeur, informée par Mme [E], lors de l’entretien préalable, de la volonté de celle-ci d’accepter le poste proposé, n’allègue, ni ne justifie que ce poste n’était plus disponible à cette date. Le seul fait que l’acceptation de la salariée n’ait pas été donnée dans les formes et délais qu’il lui avait imparties ne peut faire obstacle à son reclassement, dès lors que celui-ci demeure possible.

En tout état de cause, cette seule proposition de reclassement ne libérait pas la société Sogicergy de l’exécution de son obligation de reclassement.

Si l’employeur a adressé une recherche de reclassement suffisamment personnalisée à trente-deux destinataires, susceptibles d’effectuer cette recherche parmi de très nombreuses entreprises, il ne justifie d’aucune des réponses reçues. Il ne démontre pas dès lors avoir loyalement exécuté son obligation de reclassement.

La société Holding Ile-de-France, qui ne justifie pas de l’absence, à l’époque du licenciement, au sein des entreprises du groupe de reclassement dont la société Sogicergy faisait partie, c’est-à-dire parmi les entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assuraient la permutation de tout ou partie du personnel, de poste disponible relevant de la même catégorie que celui occupé par la salariée ou équivalent, ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès de la salariée, d’une catégorie inférieure, en rapport avec les compétences et les aptitudes de l’intéressée, ne rapporte pas la preuve du respect par la société Sogicergy de l’obligation de reclassement qui lui incombait.

L’employeur n’ayant pas satisfait à l’obligation de reclassement, le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le licenciement ayant été opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, Mme [E], qui comptait une ancienneté de 6 années complètes à la date de la notification du licenciement, peut prétendre à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 1,5 mois de salaire brut et le montant maximal de 7 mois de salaire brut.

Mme [E] invoque l’inconventionnalité de ce barème au regard des dispositions de l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation Internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Les dispositions de l’article L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.

Il résulte de l’article L. 1235-3 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice, dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [E] de l’intégralité de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En raison de l’âge de la salariée au moment de son licenciement, 30 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que de l’absence de justificatif produit sur sa situation professionnelle depuis son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi, la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [E] ne justifiant pas d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ci-dessus réparé, il convient de confirmer le jugement entrepris l’ayant déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la remise des documents sociaux

Le présent arrêt n’ouvrant droit à aucune modification de l’attestation pôle emploi, du solde de tout compte et du certificat de travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [E] de sa demande de remise, sous astreinte, de documents de fin de contrat rectifiés.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société Holding Ile-de-France, venue aux droits de société Sogicergy, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [E] la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles que celle-ci a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en date du 3 mars 2021 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit le licenciement de Mme [O] [I] épouse [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Holding Ile-de-France venue aux droits de la société Sogicergy à payer à Mme [O] [I] épouse [E] la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la société Holding Ile-de-France venue aux droits de la société Sogicergy de sa demande d’indemnité pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne la société Holding Ile-de-France venue aux droits de la société Sogicergy à payer à Mme [O] [I] épouse [E] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Holding Ile-de-France venue aux droits de la société Sogicergy aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


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