Un site internet associé à un nom de domaine bénéficie d’une protection juridique autonome sur le terrain du droit commun. La fermeture d’un site source de confusion avec un site concurrent est possible même en dehors de toute contrefaçon de marque.
En l’occurrence, la fermeture du site « Le repaire des motards » sous deux dénominations proches est devenue sans objet mais était néanmoins fondée dès lors qu’il en résultait un risque de confusion important avec un site internet préexistant ayant pour objet l’information et les services relatifs à la pratique de la moto dont la marque était d’ailleurs déposée sous différentes orthographes avant que soit protégé son acronyme LRDM (Le repaire des motards) également source de confusion.
En effet plus que la contrefaçon de la marque ‘ Le repaire-des-motards’ qui ressort de la compétence d’une juridiction spécialisée, il était reproché à l’exploitant du site incriminé des faits de parasitisme en raison du risque de confusion entretenu par ses noms de domaine, un nom de domaine étant susceptible de protection contre le risque de confusion sur le fondement de la concurrence déloyale.
13 avril 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/00095
ARRET
N°
[U]
C/
[X]
S.A.R.L. WAVCOM
OG
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 13 AVRIL 2023
N° RG 21/00095 – N° Portalis DBV4-V-B7E-H6OA
ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 03 DÉCEMBRE 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [N] [U]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Florence SMYTH substituant Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 24
ET :
INTIMES
Monsieur [H] [X]
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.A.R.L. WAVCOM, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Ludivine BIDART-DECLE, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 85
Ayant pour avocat plaidant, Me Renaud BRINGUIER, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 09 Février 2023 devant :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES
PRONONCE :
Le 13 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
Le site internet ‘Le Repaire Des Motards’ est exploité depuis l’année 2010 par M. [H] [X] et la société Wavcom.
Le 17 mai 2018, M. [H] [X] a déposé la marque ‘Le Repaire des Motards’, pouvant également s’écrire ‘Le Repère des Motards’ ou ‘Le Repère/Repaire du Motard’, avec ou sans ‘.com’ à la fin, auprès de l’Institut national de la protection industrielle.
‘Le Repaire des Motards’, connu sous l’acronyme ‘LRDM’, constitue un site internet de référence en matière d’informations et de services relatifs à la pratique de la moto.
Par acte sous seing privé du 17 mai 2018, M. [X] a conclu avec la société Wavcom (SARL), dont il est le gérant, un contrat de licence de marque, lui confiant l’exploitation, l’édition et la publication du site internet précité.
Le 22 juin 2020, M. [N] [U] a déposé le nom de domaine ‘le-repère-du-motard.fr’, afin d’exploiter un site internet de vente en ligne de gants de moto.
Par lettre du 1er septembre 2020, M. [X] a mis en demeure M. [N] [U] de cesser immédiatement l’usage illicite de la marque déposée ‘Le repère du motard’.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 septembre 2020, M. [N] [U] a répondu à la société Wavcom qu’il consentait à ne plus utiliser le nom de domaine ‘le-repere-du-motard.fr’, se défendant de toute intention de parasiter l’exploitation du site ou de créer une confusion.
M. [N] [U] a ouvert un nouveau site internet sous le nom de domaine ‘LRDM-équipements.fr’.
Le 21 octobre 2020, la société Wavcom a déposé la marque ‘LRDM’.
Par acte d’huissier du 3 novembre 2020, M. [H] [X] et la société Wavcom ont fait assigner en référé M. [N] [U] devant le Président du tribunal judiciaire de Beauvais aux fins de voir constater que M. [X] est titulaire de la marque ‘LRDM’ et que M. [U] est responsable de contrefaçon et de parasitisme condamner M. [U] à fermer son site ‘Le Repère du Motard’, nouvellement ‘LRDM équipements’ dans les 48 heures de la signification à intervenir, et condamner M. [U] à leur payer chacun la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
M. [N] [U] n’était pas présent, ni représenté à l’audience du 19 novembre 2020.
Suivant ordonnance réputée contradictoire du 3 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Beauvais a ordonné à M. [N] [U] de fermer le site internet ‘Le repère du motard’, nouvellement dénommé ‘LRDM équipements’, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, condamné M. [N] [U] à payer à M. [H] [X] et à la société Wavcom la somme de 3.500 euros chacun, à titre de provision, et la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [N] [U] aux dépens.
M. [N] [U] a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 24 décembre 2020.
Suivant ordonnance du 1er juillet 2021, Mme la Présidente de la chambre économique de la cour d’appel d’Amiens a déclaré irrecevables les conclusions déposées au greffe de la cour le 16 mars 2021 par les intimés, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
Par arrêt en date du 24 mars 2022 statuant sur déféré la cour d’appel d’Amiens a confirmé l’ordonnance en date du 1er juillet 2021
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant remises le 15 avril 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [U] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise, de débouter M. [X] et la SARL Wavcom de l’ensemble de leurs demandes, de leur appel incident, et de mettre M. [U] hors de cause.
A titre subsidiaire il demande à la cour de constater l’existence d’une contestation sérieuse faisant obstacle à ce qu’il soit fait droit aux demandes de M. [X] et de la SARL Wavcom et de les renvoyer à se pourvoir au fond ainsi qu’ils en aviseront.
Il demande enfin à la cour de condamner M. [X] et la SARL Wavcom à lui payer une somme de 3.000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Montigny-Doyen, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ordonnance de la présidente de la chambre économique en date du 27 septembre 2022 les conclusions des intimées en date du 29 avril 2021 ont également été déclarées irrecevables.
L’affaire a été fixée à bref délai pour plaider à l’audience du 9 février 2023.
SUR CE,
M. [U] fait valoir que le principe du contradictoire n’a pas été respecté en première instance en violation de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le président du tribunal judiciaire de Beauvais n’ayant pas pris en compte une lettre par laquelle il sollicitait un report d’audience afin de pouvoir préparer sa défense et obtenir communication des pièces adverses.
Il soutient que la demande de fermeture du site est sans objet dès lors que dans un souci d’apaisement il a mis fin à son activité mais il maintient que sa condamnation sous astreinte est injustifiée dans la mesure où il n’existait aucun risque de confusion entre le site ‘LRDM équipement.fr’ et la marque ‘Le Repaire des Motards’, étant précisé que les activités des deux sites étaient différentes et que la SARL Wavcom a déposé la marque ‘LRDM’ postérieurement à l’ouverture du site ‘LRDM équipement.fr’, ce qui démontre que cette marque n’était pas couverte par le dépôt du 17 mai 2018.
Il précise qu’il justifie en outre que la seconde lettre de mise en demeure adressée par le conseil des intimés le 22 octobre 2020 n’a pas été reçue, ni traitée par La Poste.
Il fait valoir que les allégations des intimés concernant des réclamations de leurs clients ou la vente par l’appelant de produits contrefaits sont injustifiées et sans rapport avec le litige.
Il soutient que les intimés ne justifient pas du préjudice dont ils demandent réparation, étant précisé qu’il a donné suite à la première lettre de mise en demeure en leur donnant son accord pour ne plus utiliser le nom de domaine ‘le-repère-du-motard.fr’.
Il soutient néanmoins à titre subsidiaire, que les moyens qu’il formule rapportent l’existence d’une contestation sérieuse faisant obstacle aux prétentions des intimés, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé.
Il convient de relever en premier lieu que M. [U] ne tire aucune conséquence de la violation invoquée du principe de la contradiction en première instance. Il sera néanmoins retenu qu’il a été régulièrement assigné en référé le 3 novembre 2020 pour le 19 novembre 2020 et disposait du temps nécessaire pour se présenter ou de faire représenter et ne pouvait se contenter de solliciter un renvoi par courriel, demande à laquelle le président du tribunal judiciaire n’était pas tenu de faire droit.
S’agissant des demandes formées à son encontre il sera observé que M.[U] justifie de la résiliation de son contrat Pack domaine au nom de ‘ lrdm-équipement.fr’ dès le 6 novembre 2020 après réception de l’assignation en référé.
Il justifie par ailleurs que s’il a reçu la première lettre de mise en demeure l’ayant conduit à modifier son premier site établi sous la dénomination ‘le-repère-du-motard’ la seconde lettre faisant état de la protection également du nom de domaine ‘ LDRM-équipement’ n’a pas été traitée par la Poste.
La fermeture du site sous les deux dénominations est devenue sans objet mais était néanmoins fondée dès lors qu’il en résultait un risque de confusion important avec un site internet préexistant ayant pour objet l’information et les services relatifs à la pratique de la moto dont la marque était d’ailleurs déposée sous différentes orthographes avant que soit protégé son acronyme LRDM également source de confusion.
En effet plus que la contrefaçon de la marque ‘ Le repaire-des-motards’ qui ressort de la compétence d’une juridiction spécialisée, il était reproché à M. [U] des faits de parasitisme en raison du risque de confusion entretenu par ses noms de domaine, un nom de domaine étant susceptible de protection contre le risque de confusion sur le fondement de la concurrence déloyale.
Il convient en conséquence d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a ordonné la fermeture du site, sous astreinte dès lors que le domaine sous le nom ‘ lrdm-équipement’ était résilié dès avant la comparution en référé.
Il convient de constater que dès que M. [R] et la société Wavcom se sont manifestés auprès de M. [U] pour l’informer de la protection de la marque ‘Le Repaire des Motards’ et de la confusion entraînée par la création de son site ‘ le-repère -du- motard et lui demander de fermer son site sous peine de poursuites M. [U] a répondu positivement à leur requête et s’est engagé à libérer le nom du domaine indiquant avoir pensé que la déclinaison au singulier n’était pas une marque protégée.
Ainsi dès le 8 octobre 2020 M. [U] a créé le site ‘LRDM-équipements’
Ce nom de domaine ne faisait pas alors l’objet d’un dépôt de marque mais l’acronyme LRDM était déjà connu comme celui du site Le repaire des Motards et était déjà le nom d’un domaine et ce depuis 2008.
Aussi M. [X] et la SARL Wavcom ont déposé le 21 octobre 2020 la marque LRDM puis ont demandé dès le 22 octobre 2020 à M. [U] de cesser d’utiliser le nom de domaine LRDM-équipement.fr et de fermer le site correspondant.
Toutefois il n’est pas justifié de la réception de ce courrier par M. [U] qui ne sera avisé de la difficulté que par l’assignation du 3 novembre 2020.
Or il justifie avoir, dès le 4 novembre 2020, avisé M. [X] et la SARL Wavcom de la fermeture du site et de la cessation de l’utilisation du nom du domaine.
En conséquence, M. [U] ayant obtempéré à toutes les demandes des intimés avant même que soient engagées les poursuites et la création du site risquant d’entraîner une confusion n’ayant perduré sous les deux noms successifs que durant moins de cinq mois et enfin faute pour les intimés de justifier de leur préjudice effectif, il convient d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a accordé une provision d’un montant de 3500 euros pour chacun d’entre eux.
Il convient en outre de dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur d’appel et de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme la décision entreprise ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit sans objet la demande de fermeture sous astreinte du site internet dénommé ‘Le repère du motard’ devenu ‘LRDM-équipements.fr’ ;
Déboute M. [X] et la SARL Wavcom de leur demande en paiement d’une provision de 3500 euros chacun à titre de dommages et intérêts ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code civil en première instance et en appel;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, La Présidente,
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