Création de site : le CDD pour accroissement d’activité légal ?
Création de site : le CDD pour accroissement d’activité légal ?
Ce point juridique est utile ?
Recourir au CDD pour accroissement temporaire d’activité afin de lancer son site internet est une pratique risquée (risque de requalification en CDI). Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
 
Synthèse : la Cour de cassation censure les juges du fond de n’avoir pas recherché si le surcroît d’activité allégué lié à la création d’un site internet pour développer les ventes à l’étranger ne s’inscrivait pas dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’entreprise. 
 
La salariée fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en requalification de son contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire de l’activité en un contrat à durée indéterminée et de la débouter par voie de conséquence de sa demande d’indemnité de requalification, alors « qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; que la cour d’appel qui a jugé que le lancement d’un site internet de vente à distance pour une société spécialisée dans le commerce de détail justifiait le recours au contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité, alors qu’elle constatait que ledit site n’avait nullement vocation à être temporaire, a violé les articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail. »
 
Aux termes des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par ce texte, parmi lesquels l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.

 
—————————–
 
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 avril 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 458 F-D

Pourvoi n° X 21-25.979

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023

Mme [K] [U], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-25.979 contre l’arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d’appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société MMJ, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [P] [J] en qualité de mandataire ad hoc de la société Rozier Gourdon,

2°/ à l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [U], après débats en l’audience publique du 15 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 4 mars 2021), Mme [U] a été engagée en qualité de vendeuse, le 2 mai 2008, par la société Rozier Gourdon (la société), selon contrat à durée déterminée à temps partiel, pour accroissement temporaire d’activité. La relation contractuelle s’est poursuivie par contrat à durée indéterminée.

2. Le 10 mai 2013, elle a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à la requalification de son contrat de travail initial en contrat à durée indéterminée et en paiement de l’indemnité subséquente, ainsi que de diverses demandes liées à l’exécution et à la rupture de ce contrat de travail.

3. Par lettre du 15 juin 2013, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

4. Par jugement du 30 mai 2016, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de la société, M. [J] étant désigné en qualité de liquidateur. Par ordonnance du 9 octobre 2018, les opérations de liquidation judiciaire ayant été clôturées, le 10 novembre 2017, la société MMJ a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en requalification de son contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire de l’activité en un contrat à durée indéterminée et de la débouter par voie de conséquence de sa demande d’indemnité de requalification, alors « qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; que la cour d’appel qui a jugé que le lancement d’un site internet de vente à distance pour une société spécialisée dans le commerce de détail justifiait le recours au contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité, alors qu’elle constatait que ledit site n’avait nullement vocation à être temporaire, a violé les articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 122-1 et L. 122-1-1 devenus L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail, le second dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 :

7. Aux termes du premier texte, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

8. Selon le second, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par ce texte, parmi lesquels l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.

9. Pour dire que le motif du recours au contrat à durée déterminée était justifié et débouter la salariée de sa demande en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et de sa demande d’indemnité subséquente, l’arrêt retient, après avoir constaté que les termes du contrat signé par l’intéressée se référait à un engagement pour une période d’une année en raison d’un accroissement temporaire d’activité, que la société a invoqué la création d’un site internet au cours de l’année 2008 qui devait lui permettre d’accéder à des marchés à l’étranger et de réaliser pour la première fois des exportations.

10. Il relève encore que pour justifier de cette situation, l’employeur produit des extraits de ses bilans au cours des années 2007 à 2009. Il ajoute que l’examen de ces documents révèle un chiffre d’affaires à l’exportation nul en 2007, puis en croissance en 2008 et en 2009 et qu’après avoir constaté que cette nouvelle activité devait s’inscrire dans la pérennité, l’employeur a régularisé un contrat à durée indéterminée avec la salariée.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le surcroît d’activité allégué lié à la création d’un site internet pour développer les ventes à l’étranger ne s’inscrivait pas dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du temps partiel, alors « que les juges du fond doivent répondre à tous les moyens déterminants formulés dans leurs conclusions d’appel par les parties ; qu’elle faisait valoir que son contrat à durée déterminée ne faisait pas mention de la répartition de ses horaires journaliers ou hebdomadaires, de sorte qu’elle s’était trouvée dans l’incertitude affectant ceux-ci pendant plusieurs mois, ce qui lui avait causé un préjudice dont réparation lui était due ; que la cour d’appel qui n’a pas répondu à ce moyen déterminant a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du temps partiel, l’arrêt retient que s’il ressort effectivement de l’examen des pièces du dossier que pour trois mois, des bulletins de paie ont été délivrés à la salariée mentionnant, pour les premiers, une durée de travail de 130 h 20 et, pour les seconds, une durée de 75 h 84, augmentée d’heures complémentaires accomplies par l’intéressée conduisant à la durée totale de 130 h 20, il apparaît que la salariée ne fait état d’aucune créance de salaire et que les bulletins délivrés en premier lieu correspondaient à une erreur du service comptable sans que ladite erreur ait causé à la salariée un quelconque préjudice financier.

15. Il en déduit que la salariée ne peut pas soutenir que cette situation traduisait, de la part de l’employeur, une volonté de ne pas respecter l’horaire contractuel de travail.

16. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée, qui faisait valoir que l’absence de mention dans son contrat de travail à temps partiel de la répartition des horaires journaliers ou hebdomadaires lui avait causé un préjudice, dont réparation lui était due, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

17. La salariée fait grief à l’arrêt de dire que sa prise d’acte s’analyse en une démission et de la débouter de sa demande tendant à faire juger que sa prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme de ses demandes indemnitaires consécutives, alors « que la cassation à intervenir du chef des premier, deuxième ou troisième moyens de cassation entraînera par voie de conséquence et en application de l’article 624 du code de procédure civile le chef de l’arrêt qui l’a déboutée de sa demande tendant à faire juger que sa prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 624 du code de procédure civile :

18. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif disant que la prise d’acte s’inscrit dans le cadre d’une démission et condamnant la salariée à rembourser à l’employeur les indemnités de rupture qu’elle a reçues, outre les congés payés afférents, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [U] de sa demande en requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de sa demande indemnitaire subséquente, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du temps partiel, en ce qu’il dit que la prise d’acte notifiée le 15 juin 2013 par Mme [U] s’inscrit dans le cadre d’une démission, condamne Mme [U] à rembourser à la société MMJ en la personne de M. [J] en qualité de mandataire ad hoc de la société Rozier Gourdon les sommes suivantes versées en exécution du jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil en date du 13 mars 2014 : 1 200,44 euros au titre des dommages-intérêts pour la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, 1 220,44 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, 2 400,88 euros au titre du préavis, 240,09 euros au titre des congés payés afférents, 2 291,75 euros au titre des congés payés et condamne Mme [U] aux dépens, l’arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société MMJ en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Rozier Gourdon ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société MMJ, ès qualités, à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.


Chat Icon