Sommaire
Affaire Alix Malka c/ Peter Klasen
Un artiste dont le travail consiste à découper les photographies de tiers pour les intégrer de façon prépondérante à ses œuvres, peut-il être condamné pour contrefaçon ? Quelle est la limite de la liberté artistique ? Se prononçant sur cette épineuse question, la Cour de cassation avait, par un arrêt du 15 mai 2015 et au visa de l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, admis le principe de la liberté d’expression artistique et avait censuré les juges du fond de n’avoir pas recherché un juste équilibre entre les droits en présence.
Contrôle de proportionnalité obligatoire
Rejugeant l’affaire, la Cour de Versailles avant de condamner l’artiste allemand Peter Klasen pour contrefaçon de droits d’auteur (50 000 euros de dommages et intérêts), a pris soin d’opérer un minutieux contrôle de proportionnalité sur les droits en présence.
Originalité des photographies publicitaires
En premier lieu, l’originalité des photographies publicitaires de maquillage reprises par l’artiste à partir de magazines, ont été considérées comme originales. La commande du magazine dans lequel les visuels revendiqués ont été publiés n’est pas en soi de nature à exclure l’originalité dès lors qu’elle est susceptible d’être effectivement mise en oeuvre d’une manière démontrant l’empreinte de la personnalité du photographe (la commande n’exclut pas l’interprétation personnelle et créative de l’auteur).
Ensuite le traitement photographique de produits de maquillage n’exclut pas non plus en soi l’originalité ; en effet, aucune loi du genre n’impose un traitement photographique donné ; que, par suite, le traitement particulier que lui donne l’auteur peut parfaitement être empreint de sa personnalité.
Enfin, les techniques photographiques usuelles peuvent tout aussi bien être mises en oeuvre d’une manière toute personnelle à l’auteur ; il en est de même du genre » glamour » ; l’appartenance des visuels revendiqués à ce genre n’est pas davantage en soi de nature à exclure l’originalité.
L’impression visuelle procurée par chacune des photographies a permis de porter le focus sur un point particulier du visage, yeux, lèvres ou ongles suivant l’angle de prise de vue choisi et le choix de l’éclairage ; pour les visuels revendiqués, l’éclairage porté sur le visage, très pâle, a permis à celui-ci de constituer la toile de fond mettant en valeur le maquillage des yeux, des lèvres et des ongles. En définitive, les choix personnels opérés traduisaient, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie, un réel parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur.
Exception de parodie ?
De façon astucieuse, l’artiste a fait valoir qu’il était légitime à invoquer l’exception de parodie prévue à l’article L 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle ; il avait souligné sa démarche artistique visant à dénoncer les excès de la société de consommation et de la « sous-culture publicitaire » au travers de l’image de la femme dans les médias, première cible de la publicité. Or, l’exception de parodie concerne l’oeuvre en elle-même, elle ne saurait être caractérisée par la seule reprise de celle-ci dans une oeuvre même à visée de critique sociale ; si tel est le message de l’oeuvre, force est de constater qu’en elle-même, les photographies de d’Alix Malka n’étaient pas parodiées.
Liberté artistique v/ Droits d’auteur
L’article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dispose que toute personne a droit à la liberté d’expression. Toutefois, le paragraphe 2 de cet article 10 dispose que l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale, ou à la sûreté politique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. L’article 1er du protocole additionnel à cette convention dispose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens y compris ses biens incorporels. A ce titre, l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle vise bien un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
la liberté d’expression et le droit d’auteur sont l’un et l’autre des droits fondamentaux protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Dans son arrêt Donald contre France du 10 janvier 2013, la cour européenne des droits de l’homme a ainsi reconnu aux États membres une marge d’appréciation importante pour mettre en balance des intérêts garantis tous deux au titre de la convention européenne. Dans ces conditions, l’interdiction de représenter ou reproduire une oeuvre sans le consentement de l’auteur est proportionnée au but poursuivi.
Le nouveau critère de substituabilité
Le code de la propriété intellectuelle ne protège pas que les droits patrimoniaux de l’auteur mais aussi le droit moral de l’auteur. Il n’appartient pas au juge de s’ériger en arbitre d’un droit qui mériterait plus protection qu’un autre. Au contraire, il appartient à l’artiste qui invoque sa liberté d’expression, d’établir en quoi un juste équilibre entre la protection de celle-ci et celle due au droit du photographe imposait qu’il utilisât les oeuvres de ce dernier au surcroît sans son autorisation. Or, en l’espèce, les photographies reprises étaient parfaitement substituables, l’artiste aurait pu tout aussi bien utiliser d’autres photographies publicitaires du même genre. Il en découle que l’utilisation des oeuvres d’Alix Malka n’était pas nécessaire à l’exercice de la liberté que l’artiste revendiquait.
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