Affaire TF1 : CDD d’usage de réalisateur requalifié en CDI
Affaire TF1 : CDD d’usage de réalisateur requalifié en CDI
Ce point juridique est utile ?

L’emploi de réalisateur fait partie de ceux pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée. Toutefois, en présence d’une émission pérenne, l’employeur doit justifier de raisons objectives justifiant le recours aux CDD d’usage (preuve non rapportée en l’espèce).     

 

Abus de CDD d’usage 

Il ressort des bulletins de salaire et contrats versés au débat que du 3 juin 2009 au 27 mars 2019, la société TF1 production a souscrit avec un réalisateur d’émission jeunesse  307 CDD d’usage pendant une période de presque 10 ans. 

Les contrats qui sont versés au débat par l’employeur, souscrits du 1er février 2017 au 2 janvier 2018, avaient tous pour motif la production de l’émission “prestations up jeunesse” (pièce 45 de la société TF1 production). Les contrats souscrits à compter du 1er février 2018 visent la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle d’animation destinée à la promotion de série(s) d’animation, notamment sur les chaînes du groupe TF1.

Il a été jugé que ce travail s’est inscrit dans la continuité de celui qui a été effectué par l’appelant entre juillet 1997 et mai 2009 au sein de la société FX, à savoir la réalisation d’inter-programmes.

 

Des programmes pérennes 

 

Ces inter-programmes ont été réalisés par le salarié de manière régulière et continue dans le cadre des mêmes émissions jeunesse “Tfou” qui sont diffusées depuis 1997 sur la chaîne de télévision TF1 et sont toujours à l’antenne à l’heure actuelle (pièces 10 et 43 de l’appelant).

L’appelant n’a donc pas collaboré à des productions ou émissions occasionnelles ou éphémères mais à un programme déjà inscrit dans le temps lorsque la société TF1 production a fait appel à ses services, quand bien même la durée de ce programme est susceptible de varier en fonction des accords pris avec le CSA ou des commandes de la chaîne, laquelle appartient au même groupe que la société de production.

 

Absence de raisons objectives permettant de recourir aux CDD d’usage 

 

Il n’est pas justifié par l’employeur de raisons objectives permettant de recourir à des CDD d’usage successifs pour assurer une tâche qui n’avait pas un caractère temporaire mais qui relevait de l’activité normale et permanente de l’entreprise TF1 production.

La variation du nombre de jours travaillés par mois par le salarié ne permet pas de justifier du caractère temporaire de son emploi, dès lors d’une part que le recours à ses services n’est imputable qu’au choix de l’employeur et qu’il n’est pas établi que M. [Y] a déjà refusé une mission et d’autre part au regard de la continuité de la diffusion et de la pérénnité du programme qu’il a réalisé.

M. [Y] indique qu’à compter de mai 2017, la société TF1 production a unilatéralement fait diminuer son nombre de réalisations et par voie de conséquence sa rémunération, jusqu’à sa dernière mission survenue le 27 mars 2019.  

M. [Y] soutient que la société TF1 production a été son employeur depuis l’origine le 7 juillet 1997 et que sous couvert de l’usage, elle lui a illégalement imposé une succession ininterrompue de CDD durant 22 ans, pour les mêmes fonctions invariantes de réalisateur du programme jeunesse “Tfou” diffusé tous les matins ; qu’il travaillait de manière exclusive pour TF1 et n’a jamais eu d’autre employeur ; qu’en conséquence son emploi ne présentait aucun caractère temporaire et était nécessaire à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il soutient que l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1 lui est applicable. Il expose que la société TF1 production a décidé unilatéralement et sans motif, à compter de mai 2017, de diminuer drastiquement le nombre de ses jours de travail, ce qui a réduit sa rémunération, cessant de le faire travailler à compter du 27 mars 2019, dès lors qu’elle avait décidé d’éliminer les salariés précaires anciens et qu’elle cherchait à réduire le quantum des condamnations judiciaires qu’elle savait inéluctables.

‘action en requalification des contrats de travail à durée déterminée en un unique contrat de travail à durée indéterminée peut se fonder d’une part sur une irrégularité formelle du fait du non-respect des dispositions de l’article L. 1242-12 du code du travail et d’autre part sur une irrégularité de fond tenant au non-respect des dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail, lequel dispose que “un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise”.

 

Le recours aux CDD d’usage 

 

Pour rappel, l’article L. 1245-1 du code du travail dispose qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4 du code du travail.

 

L’action en requalification des contrats à durée déterminée successifs de M. [Y] est principalement fondée sur une irrégularité de fond, à savoir l’absence de caractère temporaire de l’emploi réellement occupé et le motif du recours aux contrats à durée déterminée d’usage.

 

L’article 1242-2 du code du travail autorise le recours à des contrats de travail à durée déterminée, pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, pour des emplois pour lesquel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Il convient donc de rechercher :

– si l’emploi fait partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée,

– si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

 

Les dispositions de l’article D. 1242-1 du code du travail prévoient que des contrats à durée déterminée peuvent être conclus notamment dans le secteur d’activité de l’audiovisuel. L’accord interbranche sur le recours au contrat à durée déterminée d’usage dans le spectacle signé le 12 octobre 1998, ayant pour objet de mieux délimiter les conditions de légitimité du recours au CDD d’usage, s’applique aux fonctions de réalisateur.

L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n°1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet en ses clauses 1 et 5 de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

Lorsqu’un CDD est requalifié en CDI en raison d’une irrégularité qui n’est pas formelle, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le premier contrat irrégulier.

 

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80C 6e chambre

ARRET N° CONTRADICTOIRE DU 02 FEVRIER 2023 N° RG 20/00675 –

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZMC

AFFAIRE :

 

[D] [Y] C/ S.A.S. TF1 PRODUCTION Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT N° Section : E N° RG : Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à : Me Joyce KTORZA Me Philippe ROZEC le :

LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS, La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : Monsieur [D] [Y] [Adresse 3] [Localité 4] Représentant : Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0053

APPELANT

S.A.S. TF1 PRODUCTION N° SIRET : 352 614 663 [Adresse 1] [Localité 5] Représentant : Me Philippe ROZEC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045 INTIMEE ****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président, Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, Madame Isabelle CHABAL, Conseiller, Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN La société TF1 production, filiale à 100 % de la société TF1 SA et dont le siège social se situe [Adresse 1], est spécialisée dans la production de films et de programmes télévisés. Elle emploie plus de dix salariés.   La convention collective applicable est celle de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006. M. [D] [Y], né le 11 septembre 1965, a été engagé par la société FX par contrats de travail à durée déterminée successifs en qualité de réalisateur à compter du 7 juillet 1997.  

La société FX appartenait au groupe Carrere, produisait des progammes télévisés à destination de la jeunesse et avait notamment pour client la société TF1 SA. Par jugement du 20 mai 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société FX.  

A partir de juin 2009, la société TF1 SA a confié la réalisation de programmes à destination de la jeunesse à la société TF1 production, laquelle a eu recours à M. [Y] selon contrats de travail à durée déterminée successifs.  

M. [Y] indique qu’à compter de mai 2017, la société TF1 production a unilatéralement fait diminuer son nombre de réalisations et par voie de conséquence sa rémunération, jusqu’à sa dernière mission survenue le 27 mars 2019.  

Par requête reçue au greffe le 1er février 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins qu’il soit dit et jugé que la société TF1 production est son employeur depuis le 7 juillet 1997, que ses CDD successifs soient requalifiés en CDI depuis le 7 juillet 1997 et que la société TF1 production soit condamnée à lui verser diverses sommes indemnitaires et salariales.  

La société TF1 production avait quant à elle conclu au débouté de M. [Y] et avait sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par jugement rendu le 16 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, section encadrement, a : – débouté M. [Y] de l’intégralité de ses demandes, – débouté la société TF1 production de sa demande ‘reconventionnelle’, – condamné M. [Y] aux entiers dépens.   M. [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 mars 2020.   Le 25 juin 2020, le conseiller de la mise en état a fait injonction aux parties de se rendre à un rendez-vous d’information sur la médiation. Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 22 novembre 2022, M. [Y] demande à la cour de :    – infirmer le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Boulogne- Billancourt en toutes ses dispositions,                                                              Statuant à nouveau :                                                                   A titre principal :                                                                   – juger que la société TF1 production était l’employeur de M. [Y] du fait du lien de subordination, de l’embauche le 7 juillet 1997 jusqu’à la rupture le 27 mars 2019,     En conséquence, – requalifier les CDD en un CDI depuis le 7 juillet 1997, – condamner la Société TF1 production à verser à M. [Y], au titre de l’indemnité de requalification : 50 000 euros, – fixer le salaire mensuel brut de référence servant de base au calcul des condamnations à : . à titre principal, avant la baisse unilatérale de collaboration en mai 2017 : 9 082 euros, . à titre subsidiaire, selon la moyenne des 3 derniers mois effectivement travaillés : 5 324 euros,  – condamner la Société TF1 production à verser à M. [Y] les sommes suivantes :  . à titre principal, sur la base du salaire de référence de 9 082 euros :                               – pour la période postérieure à mai 2017 en suite de la modification de la durée du travail : . à’ titre principal, au titre des rappels de salaire : 122 284 euros, . à titre principal, au titre des congés payés afférents : 12 228 euros, . à titre subsidiaire, au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 134 513 euros, . au titre du rappel du 13ème mois : 25 149 euros, . au titre du préavis : 27 246 euros,   . au titre des congés payés afférents : 2 724 euros, . au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 69 023 euros, . au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 149 853 euros, . à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence de 5 324 euros                                . au titre du rappel du 13ème mois : 14 742 euros,   . au titre du préavis : 15 972 euros, . au titre des congés payés afférents : 1 597 euros,   . au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 40 426 euros,   . au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 87 846 euros, A titre subsidiaire : – juger qu’en application de l’article L. 1224-1 du code du travail le CDI de M. [Y] a été transféré de la société FX à la société TF1 production, En conséquence, – requalifier les CDD en un CDI depuis le 7 juillet 1997, – condamner la société’ TF1 production à verser à M. [Y], au titre de l’indemnité de requalification : 50 000 euros, – fixer le salaire mensuel brut de référence servant de base au calcul des condamnations à : . à titre principal, avant la baisse unilatérale de collaboration en mai 2017 : 9 082 euros                . à titre subsidiaire, selon la moyenne des 3 derniers mois effectivement travaillés : 5 324 euros. – condamner la société TF1 production à verser à M. [Y] les sommes suivantes : . à titre principal, sur la base du salaire de référence de 9 082 euros                                          – pour la période postérieure à mai 2017 en suite de la modification de la durée du travail : . à titre principal, au titre des rappels de salaire : 122 284 euros . à titre principal, au titre des congés payés afférents : 12 228 euros . à titre subsidiaire, au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 134 513 euros, . au titre du rappel du 13ème mois : 25 149 euros,                       . au titre du préavis : 27 246 euros, . au titre des congés payés afférents : 2 724 euros, . au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 69 023 euros, . au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 149 853 euros, . à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence de 5 324 euros                                . au titre du rappel du 13ème mois : 14 742 euros, . au titre du préavis : 15 972 euros, . au titre des congés payés afférents : 1 597 euros . au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 40 426 euros . au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 87 846 euros,   A titre très subsidiaire, si la cour ne retenait que les CDD établis par TF1 production, – requalifier les CDD en un CDI depuis le 3 juin 2009, – condamner la société TF1 production à verser à M. [Y], au titre de l’indemnité de requalification : 50 000 euros, – fixer le salaire mensuel brut de référence servant de base au calcul des condamnations à : . à titre principal, avant la baisse unilatérale de collaboration en mai 2017 : 9 082 euros . à titre subsidiaire, selon la moyenne des 3 derniers mois effectivement travaillés : 5 324 euros, – condamner la Société TF1 production à verser à M. [Y] les sommes suivantes :               . à titre principal, sur la base du salaire de référence de 9 082 euros :                                 – pour la période poste’rieure à mai 2017 en suite de la modification de la durée du travail : . à titre principal, au titre des rappels de salaire : 122 284 euros . à titre principal, au titre des congés payés afférents : 12 228 euros . à titre subsidiaire, au titre des dommages et intérêts pour exécution déoyale du contrat de travail : 134 513 euros, . au titre du rappel du 13ème mois : 25 149 euros,                       . au titre du préavis : 27 246 euros, . au titre des congés payés afférents : 2 724 euros, . au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 36 328 euros, . au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 90 820 euros, . à titre subsidiaire, sur la base du salaire de réfé’rence de 5 324 euros                                . au titre du rappel de 13ème mois : 14 742 euros, . au titre du préavis : 15 972 euros, . au titre des congés payé’s afférents : 1 597 euros, . au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 21 296 euros, . au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 53 240 euros,   En tout état de cause : – condamner la société’ TF1 production à payer à M. [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 15 000 euros,                                                                          – le tout assorti de l’intérêt légal à compter de la réception par la société’ TF1 production de la convocation devant le bureau de jugement, adressée par le greffe du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, – débouter la société TF1 production de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, – condamner la société TF1 production aux dépens.

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 22 novembre 2022, la société TF1 production demande à la cour de :       

– juger que le recours aux contrats à durée déterminée d’usage est justifié,

En conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 16 janvier 2020 en ce qu’il a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 16 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société TF1 production de sa demande “reconventionnelle” au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– recevoir la société TF1 production en sa demande “reconventionnelle” et condamner M. [Y] à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 23 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 2 décembre 2022.

 

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

 

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de requalification des CDD en CDI

M. [Y] soutient que la société TF1 production a été son employeur depuis l’origine le 7 juillet 1997 et que sous couvert de l’usage, elle lui a illégalement imposé une succession ininterrompue de CDD durant 22 ans, pour les mêmes fonctions invariantes de réalisateur du programme jeunesse “Tfou” diffusé tous les matins ; qu’il travaillait de manière exclusive pour TF1 et n’a jamais eu d’autre employeur ; qu’en conséquence son emploi ne présentait aucun caractère temporaire et était nécessaire à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il soutient que l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1 lui est applicable. Il expose que la société TF1 production a décidé unilatéralement et sans motif, à compter de mai 2017, de diminuer drastiquement le nombre de ses jours de travail, ce qui a réduit sa rémunération, cessant de le faire travailler à compter du 27 mars 2019, dès lors qu’elle avait décidé d’éliminer les salariés précaires anciens et qu’elle cherchait à réduire le quantum des condamnations judiciaires qu’elle savait inéluctables.

La société TF1 production expose qu’elle réalise des programmes pour l’ensemble des chaînes du groupe TF1 et qu’elle évolue dans un environnement très concurrentiel ; que TF1 SA fait appel à elle pour la réalisation de courts contenus, dits inter-programmes, diffusés dans la tranche matinale des programmes jeunesse “Tfou” ; qu’elle a fait travailler le salarié en cause en qualité d’intermittent du spectacle, comme il est d’usage, de manière ponctuelle et en concours avec plusieurs autres réalisateurs non permanents, durant plusieurs années mais jamais dans le cadre d’une collaboration pérenne ; que le salarié n’a jamais sollicité de contrat à durée indéterminée car il travaillait pour le compte d’autres sociétés. Elle fait valoir qu’à compter de 2014, TF1 a fait le choix de réduire la diffusion des programmes jeunesse, ce qui a réduit les programmes commandés à TF1 production et les missions confiées au salarié appelant.

* sur la qualité d’employeur de la société TF1 production depuis l’origine

L’appelant soutient à titre principal que la société TF1 production est son employeur depuis l’origine, soit le 7 juillet 1997, puisque la société FX, société écran, n’avait d’autre rôle que d’établir les CDD et bulletins de paye à la demande de la société TF1 production ; qu’il a toujours travaillé en lien de subordination avec la société TF1 production, laquelle déterminait les conditions matérielles de la relation de travail (lieu du travail, horaires de travail, fourniture du matériel, travail au sein d’un service organisé), par l’intermédiaire de Mme [V] [G], directrice de production de l’unité jeunesse de TF1 et salariée de TF1 production puis de Mme [I] [K], salariée de FX devenue salariée de TF1 production en 2006. Il fait valoir qu’il envoyait le travail exécuté directement à TF1 production.

La société TF1 production expose que jusqu’au mois de mai 2009 les inter-programmes étaient réalisés et produits par la société FX, société du groupe Carrere totalement étrangère au groupe TF1, qui intervenait en qualité de prestataire de services de TF1 SA, laquelle a l’obligation de recourir à la production indépendante et donc externe ; que ce n’est qu’à compter de juin 2009 que la production des inter-programmes a été confiée à la société TF1 production ; qu’en conséquence, entre juillet 1997 et mai 2009, l’appelant était salarié de la société FX et non de la société TF1 production ou de TF1 SA, qui n’est pas dans la cause, soulignant que le salarié opère une confusion entre ces deux dernières sociétés, qui sont des entités juridiques distinctes.

Elle fait valoir que la société FX avait une activité réelle génératrice de valeur, qu’elle fournissait et facturait un produit fini et disposait de ses propres moyens d’exploitation, mis à disposition de l’appelant et qu’il n’est pas démontré par ce dernier qu’il était placé sous la subordination de TF1 SA ou de TF1 production.

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, il ressort des bulletins de salaire versés au débat que M. [Y] a été salarié de la société FX du 7 juillet 1997 au 20 mai 2009 puis salarié de la société TF1 production du 3 juin 2009 au 27 mars 2019.

Il appartient à l’appelant de démontrer qu’il travaillait en réalité de juillet 1997 à mai 2009 dans un lien de subordination avec la société TF1 production, laquelle, en tant que filiale, est une entité juridique distincte de la société TF1 SA (pièces 17 et 33 de l’appelant).

Or il apparaît que la société FX facturait ses prestations de post-production pour les programmes jeunesse à la société TF1 SA et non à la société TF1 production (pièces 16, 40 et 41 de l’appelant).

Mme [H] [R], directrice des programmes jeunesse de TF1 de 1997 à 2010, atteste que “le contrat qui liait TF1 à la société FX couvrait essentiellement les contrats et frais exclusivement liés à l’habillage des blocs jeunesse de TF1. [D] [Y], [S] [P] et [U] [X] étaient les réalisateurs exclusifs de cet habillage.” (pièce 12 de l’appelant).

Mme [B] [Z], directrice de la société FX de juin 1996 à juin 2009, atteste que “l’activité principale de FX était la post-production audiovisuelle. Parmi ses clients, FX avait TF1 jeunesse pour lequel FX assurait la production exécutive des programmes jeunesse et ce dans les locaux de FX situés au [Adresse 2]. Un contrat conclu entre les deux parties régissait les prestations que devaient fournir FX à TF1 jeunesse. Parmi ces prestations, FX employait du personnel dédié exclusivement à la création-réalisation- fabrication des programmes jeunesse. FX refacturait mensuellement le coût salarial correspondant à ce personnel à TF1 jeunesse. C’est ainsi que de juin 1997 à mai 2009 FX a employé messieurs [S] [P] – [U] [X] – [D] [Y] en leur qualité de réalisateurs pour son client TF1 jeunesse.” (pièce 13 de l’appelant).

Pour l’exécution et le planning de ses tâches, l’appelant était en lien avec Mmes [V] [G] et [I] [K], salariées de la société TF1 – unité jeunesse (adresses mail tf1.fr) et non de la société TF1 production (pièces 15, 44, 45 et 46 de l’appelant).

En conséquence, l’appelant ne démontre pas qu’il s’est trouvé dans un lien de subordination à l’égard de la société TF1 production du 7 juillet 1997 au mois de mai 2009.

* sur le transfert du contrat de travail de la société FX à la société TF1 production

A titre subsidiaire, l’appelant demande à la cour de considérer que la relation de travail a été transférée de FX vers TF1 production le 3 juin 2009, date du premier bulletin de salaire émis par TF1 production, sur le fondement de l’article L. 1224-1 du code du travail, faisant valoir d’une part qu’il n’y a eu aucune rupture dans l’émission des bulletins de paye et d’autre part qu’il doit disposer d’une égalité de traitement avec deux salariés en CDI de la société FX qui ont vu leur contrat de travail transféré à la société TF1 production, Mme [K] et M. [J].

Il estime dès lors que la relation de travail est une relation continue au sein de TF1 production de l’engagement le 7 juillet 1997 à la rupture le 27 mars 2019.

La société TF1 production réplique qu’il n’y a eu aucun transfert d’actif entre les sociétés FX et TF1 production et que les contrats de travail des salariés de FX n’ont pas été transférés à la société TF1 production, qui n’était pas cessionnaire de l’activité mais seulement le nouveau prestataire choisi par TF1 SA pour produire les programmes auparavant réalisés par FX. Elle ajoute que les contrats de travail de Mme [K] et de M. [J] n’ont pas été transférés à la société TF1 production puisqu’il s’agit de deux salariés de la société TF1 SA depuis plusieurs années avant la liquidation judiciaire de la société FX.

L’article L. 1224-1 du code du travail dispose que “lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.”

La société FX a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Nanterre en date du 20 mai 2009 (pièce 35 de l’appelant).

L’appelant ne démontre par aucune pièce que la société TF1 production a racheté la société FX et qu’il y a eu transfert de son contrat de travail de la société FX à la société TF1 production.

En outre, il n’existe aucune rupture d’égalité de traitement avec les deux autres salariés cités par l’appelant dès lors qu’il ressort des attestations de travail datées du 21 novembre 2022 produites par l’intimée (pièce 56) que sont salariés de la société TF1 SA, M. [T] [J] depuis le 1er octobre 2003 et Mme [I] [K] depuis le 1er novembre 2003. Leur contrat de travail n’a donc pas été transféré à la société TF1 production au moment de la liquidation judiciaire de la société FX en 2009.

L’appelant doit en conséquence être débouté de ses demandes tendant à voir dire, à titre principal que la société TF1 production est son employeur du fait d’un lien de subordination du 7 juillet 1997 au 27 mars 2019 et à titre subsidiaire que la société TF1 production est son employeur depuis le 7 juillet 1997 du fait du transfert de son contrat de travail, et des demandes indemnitaires subséquentes, par confirmation de la décision de première instance.

* sur la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrats à durée indéterminée

L’appelant demande à titre très subsidiaire la requalification des CDD en CDI depuis le 3 juin 2009.

Il invoque en premier lieu l’irrégularité de fond tenant à la succession de CDD dits d’usage dès lors qu’il s’agit d’occuper un emploi permanent, au regard du droit européen d’une part et du droit interne d’autre part, qui ne permet de recourir à des CDD dans certains secteurs d’activité fixés par décret, dont l’audiovisuel, qu’à la condition qu’il s’agisse d’un emploi par nature temporaire et non d’un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il soutient qu’il n’y a aucun usage constant au sein de la société TF1 production de recourir aux fonctions de réalisateur par l’intermédiaire de CDD puisque l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1, comme celui de France télévisions, prévoit lui-même que ces fonctions doivent être couvertes par un CDI.

Il relève que la société TF1 production est dans l’impossibilité de démontrer que les fonctions qu’il occupait étaient temporaires dans la mesure où l’emploi de réalisateur est pourvu quotidiennement par l’entreprise pour remplir son objet social, aucun caractère temporaire de son activité ne pouvant être établi ni aucune raison objective pour justifier une succession ininterrompue de CDD durant 22 ans, chaque engagement venant pourvoir un poste préexistant et subsistant après le contrat.

Il soutient que ne sont pas des raisons objectives de recourir aux CDD d’usage, le risque commercial pris par l’entreprise pour les émissions qu’elle produit, les dispositions des accords collectifs et le nombre de jours de travail unilatéralement confié au salarié.

Il invoque en second lieu une irrégularité de forme du fait de l’absence de production par l’employeur de l’intégralité des contrats écrits. Il soutient que la charge de la preuve de l’existence et du contenu du contrat ne pèse pas sur le salarié demandeur mais sur l’employeur, qui, ayant choisi de recourir à ce type de contrat, est tenu de le conserver afin de pouvoir justifier de l’existence d’un écrit ; qu’en l’espèce, l’employeur n’a produit les CDD que partiellement et sur les deux années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, de sorte qu’il ne peut justifier que toutes les mentions obligatoires ont été respectées ni opposer la prescription de l’action.

La société TF1 production conclut en premier lieu à la prescription de l’action en requalification des CDD antérieurs au 1er février 2017, l’appelant ayant saisi le conseil de prud’hommes le 1er février 2019, fondée sur une irrégularité de forme, laquelle est une action portant sur l’exécution du contrat de travail soumise au délai de prescription biennal prévu par l’article L.1471-1 du code du travail. Elle soutient que le délai de prescription court à compter de la conclusion de chaque contrat contesté, dont la production repose sur le salarié. Elle demande donc la confirmation du jugement de première instance qui a déclaré prescrites les demandes de l’appelant portant sur la requalification des CDD conclus antérieurement au 1er février 2017. Elle ajoute que l’intégralité des CDD qu’elle a conclus avec l’appelant est régulière.

S’agissant de l’irrégularité de fond, la société TF1 production fait valoir que le CDD d’usage est validé par la loi, les partenaires sociaux (accord interbranche du 12 octobre 1998, convention collective de la production audiovisuelle) et la jurisprudence.

Elle fait valoir que l’emploi de l’appelant a un caractère ponctuel et discontinu et qu’il n’a pas atteint le seuil de 180 jours par an sur trois années consécutives requis par la convention collective pour caractériser un emploi pérenne ; qu’il a mené des activités diverses et variées par ailleurs pendant sa période d’emploi au sein de TF1 production, son travail pour la société TF1 production représentant une proportion mineure de ses autres activités professionnelles ; qu’il ne s’est pas tenu à la disposition constante de TF1 production et n’a pas collaboré avec elle de manière exclusive, mais a au contraire profité de son statut d’intermittent du spectacle pour collaborer avec de nombreuses sociétés de production audiovisuelle et développer des activités parallèles d’écriture de scénarios et d’un roman et réaliser des documentaires ; qu’il n’a jamais sollicité la conclusion d’un CDI.

Elle fait enfin valoir que le recours aux CDD d’usage est justifié s’agissant de l’appelant d’une part par le fait que le volume horaire des programmes jeunesse est variable et non pérenne car soumis aux accords d’autorisation de diffusion conclus avec le CSA et d’autre part que l’activité d’une société de production est nécessairement dépendante des commandes de programmes qui lui sont adressées par ses clients.

L’action en requalification des contrats de travail à durée déterminée en un unique contrat de travail à durée indéterminée peut se fonder d’une part sur une irrégularité formelle du fait du non-respect des dispositions de l’article L. 1242-12 du code du travail et d’autre part sur une irrégularité de fond tenant au non-respect des dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail, lequel dispose que “un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise”.

L’article L. 1245-1 du code du travail dispose qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4 du code du travail.

L’action en requalification des contrats à durée déterminée successifs de M. [Y] est principalement fondée sur une irrégularité de fond, à savoir l’absence de caractère temporaire de l’emploi réellement occupé et le motif du recours aux contrats à durée déterminée d’usage.

L’article 1242-2 du code du travail autorise le recours à des contrats de travail à durée déterminée, pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, pour des emplois pour lesquel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Il convient donc de rechercher :

– si l’emploi fait partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée,

– si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Les dispositions de l’article D. 1242-1 du code du travail prévoient que des contrats à durée déterminée peuvent être conclus notamment dans le secteur d’activité de l’audiovisuel.

L’accord interbranche sur le recours au contrat à durée déterminée d’usage dans le spectacle signé le 12 octobre 1998, ayant pour objet de mieux délimiter les conditions de légitimité du recours au CDD d’usage, s’applique aux fonctions de réalisateur.

L’emploi de réalisateur occupé par M. [Y] fait donc partie de ceux pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée.

L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n°1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet en ses clauses 1 et 5 de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

Lorsqu’un CDD est requalifié en CDI en raison d’une irrégularité qui n’est pas formelle, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le premier contrat irrégulier.

En l’espèce, l’accord d’entreprise évoqué par l’appelant (ses pièces 7 et 8 et la pièce 27 de l’intimé) est applicable au sein de la société TF1 SA et non de la société TF1 production. En outre, il prévoit en son article 11 que les réalisateurs “peuvent être engagés sous diverses formes de contrat de travail”, citant en premier lieu le CDD (article 11-2) puis les CDI série d’émissions ou émission (article 11-3) et les CDI toutes émissions (articles 11-4).

Il ressort des bulletins de salaire et contrats versés au débat que du 3 juin 2009 au 27 mars 2019, la société TF1 production a souscrit avec M. [Y] 307 CDD d’usage pendant une période de presque 10 ans :

– de juin à décembre 2009 : 13 contrats pour un total de 52 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 26 000 euros, soit 7,42 jours de travail et 3 714,29 euros par mois en moyenne,

– en 2010 : 31 contrats pour un total de 104 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 52 083,30 euros, soit 8,66 jours de travail et 4 340,27 euros par mois en moyenne,

– en 2011 : 35 contrats pour un total de 94 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 47 000 euros, soit 7,83 jours de travail et 3 916,66 euros par mois en moyenne,

– en 2012 : 44 contrats pour un total de 105,5 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 51 650 euros, soit 8,79 jours de travail et 4 304,16 euros par mois en moyenne,

– en 2013 : 32 contrats pour un total de 101 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 50 500 euros, soit 8,41 jours de travail et 4 208,33 euros par mois en moyenne,

– en 2014 : 32 contrats pour un total de 118 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 59 000 euros, soit 9,83 jours de travail et 4 916,66 euros par mois en moyenne,

– en 2015 : 33 contrats pour un total de 105 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 52 500 euros, soit 8,75 jours de travail et 4 375 euros par mois en moyenne,

– en 2016 : 30 contrats pour un total de 114 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 57 800 euros, soit 9,5 jours de travail et 4 816,66 euros par mois en moyenne,

– en 2017 : 29 contrats pour un total de 84 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 42 347,50 euros, soit 7 jours de travail et 3 528,96 euros par mois en moyenne,

– en 2018 : 24 contrats pour un total de 74,5 jours de travail sur 11 mois, aucun contrat n’ayant été souscrit au titre du mois de juillet 2018, et une rémunération brute, hors participation, de 31 600 euros, soit 6,77 jours de travail et 2 872,72 euros par mois en moyenne,

– en 2019 : 4 contrats en mars pour un total de 9 jours de travail et une rémunération brute, hors participation, de 3 800 euros.

Les contrats qui sont versés au débat par l’employeur, souscrits du 1er février 2017 au 2 janvier 2018, avaient tous pour motif la production de l’émission “prestations up jeunesse” (pièce 45 de la société TF1 production). Les contrats souscrits à compter du 1er février 2018 visent la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle d’animation destinée à la promotion de série(s) d’animation, notamment sur les chaînes du groupe TF1.

Ce travail s’est inscrit dans la continuité de celui qui a été effectué par l’appelant entre juillet 1997 et mai 2009 au sein de la société FX, à savoir la réalisation d’inter-programmes.

Ces inter-programmes ont été réalisés par le salarié de manière régulière et continue dans le cadre des mêmes émissions jeunesse “Tfou” qui sont diffusées depuis 1997 sur la chaîne de télévision TF1 et sont toujours à l’antenne à l’heure actuelle (pièces 10 et 43 de l’appelant).

L’appelant n’a donc pas collaboré à des productions ou émissions occasionnelles ou éphémères mais à un programme déjà inscrit dans le temps lorsque la société TF1 production a fait appel à ses services, quand bien même la durée de ce programme est susceptible de varier en fonction des accords pris avec le CSA ou des commandes de la chaîne, laquelle appartient au même groupe que la société de production.

Il n’est pas justifié par l’employeur de raisons objectives permettant de recourir à des CDD d’usage successifs pour assurer une tâche qui n’avait pas un caractère temporaire mais qui relevait de l’activité normale et permanente de l’entreprise TF1 production.

La variation du nombre de jours travaillés par mois par le salarié ne permet pas de justifier du caractère temporaire de son emploi, dès lors d’une part que le recours à ses services n’est imputable qu’au choix de l’employeur et qu’il n’est pas établi que M. [Y] a déjà refusé une mission et d’autre part au regard de la continuité de la diffusion et de la pérénnité du programme qu’il a réalisé.

La possibilité qu’avait M. [Y] de proposer ses services de réalisateur à d’autres sociétés, ce qui a été effectif au regard des pièces produites par l’intimée, n’est pas de nature à remettre en cause l’absence de caractère temporaire du poste qu’il a occupé au sein de la société TF1 production.

L’utilisation de contrats à durée déterminée successifs n’étant pas justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, il convient de requalifier en CDI les CDD d’usage de M. [Y], à compter du 3 juin 2009, sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’absence de régularité formelle des CDD soulevée par l’appelant en second lieu et sur la prescription invoquée par l’intimée à cet égard.

Il sera en outre souligné que le conseil de prud’hommes a évoqué la prescription dans les seuls motifs de la décision et sans déclarer l’action prescrite dans le dispositif, de sorte que la cour n’est pas saisie d’une demande relative à la prescription, la société TF1 production ne demandant que la confirmation de la décision de première instance.

La décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a débouté M. [Y] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée d’usage conclus avec la société TF1 production à compter du 3 juin 2009.

La requalification des contrats à durée déterminée d’usage successifs en contrat à durée indéterminée sera ordonnée, avec une ancienneté remontant au premier jour du contrat irrégulier, soit le 3 juin 2009.

Sur les demandes indemnitaires liées à la requalification

* sur le salaire mensuel moyen

– sur la prise en compte des droits d’auteur

L’appelant soutient que la société TF1 production a fraudé la loi en dissimulant une partie de son salaire par le versement de droits d’auteur, afin de payer moins de cotisations sociales ; que pour déguiser cet artifice, deux contrats étaient édités le même jour : un CDD de salarié réalisateur et un contrat de cession de droits d’auteur qui prévoyait un pourcentage au titre des droits d’exploitation des émissions qu’il a réalisées, qu’il n’a jamais perçu, ne recevant que le minimum garanti par le contrat. Il souligne que c’est l’employeur qui éditait la note de cession de droits d’auteur et la rectifiait en cas d’erreur. Il demande en conséquence que les droits d’auteur soient pris en compte dans le calcul de la rémunération servant à fixer le montant des condamnations.

La société TF1 production réplique que les droits d’auteur correspondent aux droits de propriété intellectuelle cédés par le réalisateur à la société de production et que leur cession emporte le versement d’une rémunération qui est sans lien avec la rémunération du travail fourni ; que la rémunération forfaitaire des droits d’auteur a été établie en concertation avec M. [Y] et sans fraude.

Le droit d’auteur est une rémunération due par l’utilisateur d’une oeuvre, qui compense le préjudice créé par le fait que l’auteur ne peut plus exercer son droit exclusif sur son oeuvre.

Cette rémunération est distincte du salaire qui rémunère le travail fourni pour créer l’oeuvre et elle ne constitue pas une partie variable du salaire.

En l’espèce, pour chaque tâche confiée par la société TF1 production à M. [Y], étaient à la fois signés un contrat de travail à durée déterminée prévoyant un salaire global et forfaitaire brut par jour travaillé (pièce 45 de l’intimée) et un contrat d’auteur réalisateur ayant pour objet la cession des droits afférents à la réalisation, en ce compris l’écriture des textes, qui prévoyait un pourcentage de rémunération avec un minimum garanti (pièce H de l’appelant).

Compte tenu du montant du minimum prévu (par exemple 106 euros pour une prestation occasionnant un salaire brut de 2 000 euros selon les contrats signés le 2 janvier 2018), il n’est pas établi que la souscription du contrat d’auteur réalisateur constitue une fraude destinée à dissimuler une partie du salaire de l’appelant.

En conséquence, le montant des droits d’auteur n’a pas à être intégré au salaire pour le calcul des indemnités sollicitées.

– sur le montant du salaire

L’appelant fait valoir que c’est en fraude de ses droits, afin de diminuer le salaire servant au calcul des condamnations, que TF1 production a réduit son temps de travail dans les derniers mois de leur collaboration. Il demande en conséquence que soit retenue la période des 12 mois normalement travaillés avant la baisse imposée, de mai 2016 à avril 2017, soit 7 621 euros outre les congés payés (762 euros) et le prorata de 13ème mois prévu à l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1 (699 euros), pour un total de 9 082 euros.

A titre subsidiaire, il retient le montant le plus avantageux soit la moyenne des trois derniers mois travaillés (novembre et décembre 2018 et mars 2019 : 4 468 euros), outre les congés payés et le prorata de 13ème mois, pour un total de 5 324 euros.

La société TF1 production objecte qu’aucun texte ne justifie la neutralisation d’une période de baisse sensible de la collaboration et que la Cour de cassation s’est expressément prononcée contre cette méthode ; qu’il convient de retenir les derniers mois de travail successifs précédant la rupture du contrat et non pas les derniers mois travaillés ; que la prime de 13ème mois ne peut être retenue dès lors qu’elle est prévue par un accord d’entreprise conclu au sein de la société TF1 SA.

La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles. La détermination des jours de travail, qui résulte de l’accord des parties intervenu lors de la conclusion de chacun des contrats, n’est pas affectée par la requalification en contrat à durée indéterminée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de retenir la moyenne des douze derniers mois effectivement travaillés avant la baisse du nombre de jours de travail imposée par l’entreprise pour fixer la rémunération mensuelle de référence (Cass. Soc., 2 juin 2021, n°19-18.080).

Il n’y a donc pas lieu de se référer au revenu perçu par M. [Y] au cours d’une année entière d’activité représentative de la relation de travail, avant la réduction de son temps de travail en 2017.

Il ne peut pas non plus être tenu compte du 13ème mois applicable au titre d’un accord qui concerne la société TF1 SA et non la société TF1 production.

S’agissant de l’indemnité conventionnelle de licenciement et par application de l’article R. 1234-4 du code du travail, il convient de retenir la formule la plus avantageuse pour le salarié, s’entendant des derniers mois consécutifs précédant la fin du contrat de travail et non des derniers mois effectivement travaillés, soit :

– la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement : les mois d’avril 2018 à mars 2019, pour un total de salaires bruts de 26 800 euros soit 2 233,33 euros par mois,

– le tiers des trois derniers mois précédant le licenciement : les mois de janvier, février et mars 2019 pour un total de salaires bruts de 3 800 euros soit 1 266,66 euros par mois.

La moyenne des douze derniers mois sera retenue avec l’apport d’un treizième mois tel que prévu chez l’employeur, représentant la somme de 2 419,44 euros bruts telle que calculée par la société TF1 production.

* sur l’indemnité de requalification

L’article L. 1245-2 du code du travail prévoit que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il accorde au salarié une indemnité à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Lorsque le juge requalifie une succession de contrats conclus avec le même salarié en CDI, il ne doit accorder qu’une seule indemnité de requalification dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire.

L’appelant sollicite une indemnité de 50 000 euros en faisant valoir que les CDD qui lui ont été imposés abusivement l’ont placé à la merci de l’employeur, qui lui a fourni du travail comme bon lui semblait, ce qui a engendré des variations de salaire et une absence de certitude sur la rémunération qu’il recevrait en fin de mois, alors que la société TF1 production était son seul employeur et qu’il devait se tenir à son entière disposition. Il soutient avoir rencontré des difficultés dans sa vie quotidienne en raison de l’absence de stabilité de sa situation, n’avoir bénéficié ni d’un maintien de salaire lorsqu’il était malade ni des avantages réservés au personnel disposant d’un CDI. Il invoque un préjudice de retraite en raison de l’amoindrissement de l’assiette des cotisations à cet égard.

La société TF1 production réplique que la demande est excessive et le préjudice injustifié dès lors que M. [Y] ne se tenait pas à la disposition de l’employeur durant les périodes d’intercontrats puisqu’il a multiplié les activités professionnelles, qu’il a perçu une participation, qu’il ne peut invoquer l’accord applicable chez TF1 SA concernant la maladie et qu’il a cotisé à une pension de retraite spécifique au titre de ses droits d’auteur.

La condamnation de l’employeur à verser une indemnité de requalification intervient dès lors que le juge procède à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le fait que le salarié soit ou non resté à la disposition de l’employeur et invoque un préjudice financier n’ayant pas d’incidence à cet égard.

L’indemnité de requalification sera fixée à 4 800 euros correspondant à environ 2 mois de salaire.

* sur le rappel de salaire et les congés payés afférents

L’appelant soutient que s’il avait été engagé en CDI, TF1 production n’aurait pas pu diminuer unilatéralement son taux de collaboration et sa rémunération à partir du mois de mai 2017. Il réclame en conséquence la différence de salaire entre ce qu’il a effectivement perçu de mai 2017 à mars 2019 et ce qu’il aurait dû percevoir si l’entreprise n’avait pas modifié unilatéralement son contrat de travail, soit 122 284,50 euros outre 12 228,45 euros au titre des congés payés afférents.

Il demande à titre subsidiaire les mêmes sommes à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

La société TF1 production réplique que l’appelant n’a subi aucune modification de son contrat de travail dès lors que le nombre des jours travaillés dépendait des besoins par nature variable de l’employeur et que le salarié ne s’est jamais ému auparavant de la variation du nombre des jours travaillés et de sa rémunération.

L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi.’

L’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur constitue une faute de sa part ouvrant un droit à réparation pour le salarié qui en subit un préjudice.

Il ressort des bulletins de salaire et contrats versés au débat que le nombre des jours travaillés par M. [Y] et la rémunération de ce dernier ont toujours varié depuis le début de sa collaboration avec la société TF1 production, qui ne s’est jamais engagée à lui assurer un nombre de jours travaillés minimal.

En outre, il n’est pas démontré que M. [Y] s’est tenu à la disposition exclusive de la société TF1 production, qui n’était pas son seul employeur.

L’appelant sera en conséquence débouté de ses demandes formées au titre d’un rappel de salaire et des congés payés afférents et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, par confirmation de la décision entreprise.

* sur le rappel de 13ème mois

L’appelant invoque le bénéfice de l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1 s’agissant du bénéfice d’un 13ème mois.

Ainsi que l’indique la société TF1 production, cet accord n’est applicable qu’au sein de la société TF1 SA, de sorte que l’appelant doit être débouté de sa demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur le licenciement et les indemnités sollicitées à ce titre

* sur le licenciement

L’appelant fait valoir que c’est après qu’il a saisi le conseil de prud’hommes le 1er février 2019 que la société TF1 production a cessé définitivement de lui fournir du travail le 27 mars 2019. Il soutient que cette rupture du contrat requalifié en CDI est imputable à la société TF1 production et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il souligne que la société TF1 production n’a connu aucune difficulté économique du fait de la réduction des programmes jeunesse par le CSA.

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement.

En l’espèce, la société TF1 production, après près de 10 années de collaboration, a cessé de fournir du travail à M. [Y] à la suite de la saisine par ce dernier du conseil de prud’hommes.

La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée conduit à retenir que, la procédure de licenciement n’ayant pas été respectée, la rupture des relations contractuelles constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* sur le préavis et les congés payés afférents

L’appelant demande paiement d’un préavis de 3 mois en application de l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1.

Or cet accord, qui concerne la société TF1 SA, ne lui est pas applicable.

En conséquence, par application de l’article V.1.2.1 c) de la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006, M. [Y] justifiant d’une ancienneté de plus de deux ans chez le même employeur, l’indemnité compensatrice de préavis est de deux mois, soit 4 838,88 euros, auxquels s’ajoutent 483,89 euros au titre des congés payés afférents.

Il y a lieu d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté M. [Y] des demandes formées à ce titre et de lui allouer les sommes susvisées.

* sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

L’appelant se réfère aux dispositions de l’accord d’entreprise des réalisateurs de TF1 SA, qui ne peuvent s’appliquer à lui.

L’indemnité légale de licenciement prévue par l’article R. 1234-2 du code du travail, l’appelant ayant une ancienneté de 9 ans et 9 mois au sein de la société TF1 production, s’élève à 5 897,40 euros bruts.

L’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de la production audiovisuelle (article V.1.2.2 a) pour le licenciement personnel d’un salarié ayant moins de 10 ans d’ancienneté s’élève à 4 717,92 euros bruts.

Il convient en conséquence d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté M. [Y] de sa demande à ce titre et d’allouer à l’appelant une somme de 5 897,40 euros.

* sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’appelant fait valoir qu’il subit un préjudice moral, financier et de carrière du fait de son éviction à l’âge de 53 ans, après 22 années d’ investissement, qui l’a placé dans une situation de précarité professionnelle générant une forte anxiété ; qu’il a perdu une chance de poursuivre sa carrière en CDI dans un groupe de la dimension de TF1, au profit duquel il a travaillé de manière exclusive durant plus de 20 ans, son réseau professionnel étant inexistant en dehors du groupe TF1 ; que depuis le mois de mars 2019 il a perdu l’intégralité de son salaire et qu’il subit depuis mars 2020 une perte sèche de salaire de 70 %, outre la perte de ses droits d’auteur.

La société TF1 production estime la demande exorbitante, rappelant que M. [Y] ne peut revendiquer une ancienneté supérieure à 9 ans, qu’il ne s’est jamais plaint durant la relation contractuelle des modalités de sa mise en oeuvre, qui lui permettait d’avoir d’autres activités et de bénéficier du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle, qu’il a eu une activité professionnelle en dehors du groupe TF1 et ne justifie pas d’une baisse de salaire actuelle. Elle expose que la demande ne doit pas excéder 9 mois de salaire.

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1987 du 22 septembre 2017, prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, selon un barème fixé par le texte.

Il ressort des bulletins de salaire versés au débat, dont sont issues les données évoquées plus avant que M. [Y] a travaillé pour la société TF1 production, pour s’en tenir aux années complètes 2010 à 2018, en moyenne, 8,39 jours par mois pour un revenu de 4 142 euros soit 49 704 euros par an.

Les pièces versées au débat par la société TF1 production (curriculum vitae, profil LinkedIn, page Wikipédia et site internet de l’appelant) montrent que cette dernière n’a pas été le seul employeur de M. [Y], lequel ne s’est pas tenu à son entière disposition puisque de 2009 à 2019 il a été scénariste ou réalisateur pour d’autres sociétés de production, de séries passant sur d’autres chaînes télévisées et encore réalisateur intermittent pour le Secours Catholique entre 1999 et 2019, réalisant cinq documentaires qui l’ont mené à l’étranger dont trois en 2011, 2014 et 2017 (pièces 28 et 29).

Associé à MM. [P] et [X], il a créé des séries animées qui lui ont demandé plusieurs années de travail : 2 ans de 2016 à 2018 pour “Les aventures de Zoé & Milo” produite par Made in PM / France TV, 3 ans de 2016 à 2018 pour “Gigantosorus”produite par Cyber Group Studio, diffusée sur Disney Channel’s en janvier 2019 et encore “Spirou et Fantasio” produite par la société Moksha productions (pièces 4, 7 et 8).

Le 6 février 2019 il indiquait être en cours d’écriture de plusieurs programmes dont “Nefertine” pour Cyber Group Studio / Graphilm – RAI et “Roboats” pour Bee Prod / France TV.

Il a en outre écrit un roman publié en 2018.

Par ailleurs, les avis d’imposition (pièces A et A-1 de l’appelant) montrent que les salaires perçus de TF1 production étaient à peu près constants et ne représentaient pas la part majoritaire de ses revenus, étant de :

– 43 241 euros en 2013 pour un revenu imposable total, indemnités de chômage comprises, de

111 069 euros, soit 39 %,

– 42 104 euros en 2014 pour un revenu imposable total, indemnités de chômage comprises, de

112 816 euros, soit 37,32 %,

– 44 980 euros en 2015 pour un revenu imposable total, indemnités de chômage comprises, de

110 826 euros, soit 40,59 %,

– 49 211 euros en 2016 pour un revenu imposable total, indemnités de chômage comprises, de 104 676 euros, soit 45,28 %,

– 35 203 euros en 2017 pour un revenu imposable total, indemnités de chômage comprises, de

81 508 euros, soit 43,19 %,

– 28 472 euros en 2018 pour un revenu imposable total, indemnités de chômage comprises, de

151 716 euros, soit 18,76 %.

L’appelant ne peut se prévaloir de l’absence de bénéfice de l’accord d’entreprise relatif à la rémunération concernant les arrêts de maladie qu’il produit en pièce 52 car ce dernier n’est applicable qu’au sein de la société TF1 SA.

Contrairement à ce qu’il soutient, l’appelant percevait chaque année une participation et un intéressement, ainsi qu’il ressort de ses bulletins de paye.

Enfin, les droits d’auteurs ont été soumis à cotisation au profit de l’AGESSA, caisse de sécurité sociale des auteurs et régime complémentaire obligatoire de retraite.

Il est ainsi démontré que M. [Y] n’a nullement travaillé de manière exclusive au profit de la société TF1 production durant leur période de collaboration et que son réseau professionnel était bien existant en dehors du groupe TF1. Le salaire qu’il perçoit actuellement n’est pas inférieur à celui qu’il percevait lorsqu’il travaillait pour la société TF1 production.

Eu égard à l’ancienneté de 9 ans de M. [Y], il peut percevoir une indemnité allant de 3 mois minimum à 9 mois maximum de salaire.

Il convient de fixer l’indemnité de M. [Y] à 14 500 euros représentant 6 mois de salaire environ.

Il convient en conséquence d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté M. [Y] de sa demande à ce titre et d’allouer à l’appelant une somme de 14 500 euros.

Sur les demandes accessoires

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [Y] aux dépens de l’instance.

La société TF1 production sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [Y] une somme de 3 500 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 16 janvier 2020 sauf en ce qu’il a débouté M. [D] [Y] de : – ses demandes tendant d’une part à voir juger que la société TF1 production était son employeur du fait d’un lien de subordination depuis le 7 juillet 1997 et d’autre part à voir juger que son contrat de travail a été transféré de la société FX à la société TFI production et des demandes indemnitaires subséquentes, – sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents et à titre subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, – sa demande de rappel de primes de 13ème mois, Requalifie les contrats à durée déterminée successifs conclus entre M. [D] [Y] et la société TF1 productions en contrat à durée indéterminée depuis le 3 juin 2009, Fixe le salaire mensuel brut de M. [D] [Y] à la somme de 2 419,44 euros, Condamne la société TF1 production à payer à M. [D] [Y] les sommes de : – 4 800 euros au titre de l’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée, – 4 838,88 euros à titre d’indemnité de préavis, – 483,89 euros au titre des congés payés afférents, – 5 897,40 euros à titre d’indemnité de licenciement, – 14 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Déboute M. [D] [Y] du surplus de ses demandes à ce titre, Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision, Condamne la société TF1 production aux dépens de première instance et d’appel, Condamne la société TF1 production à payer à M. [D] [Y] une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Déboute la société TF1 production de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier en pré-affectation, Le Président,


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